Dans une interview donnée à New Europe, le 3 janvier 2010, Viviane Reding, Commissaire désignée pour la justice, les droits fondamentaux, la citoyenneté (et la communication) livre quelques indications sur sa vision – inquiétante – de la communication de l’UE…
Réponse de Viviane Reding sur comment elle compte s’appuyer sur le travail de (son prédécesseur) la Commissaire Margot Wallström
« Je crois que la communication n’est pas une politique. La communication est un outil. Et nous devons utiliser cet outil afin de raconter l’Europe. Vous ne pouvez pas faire une bonne communication, si vous n’avez pas une bonne histoire à raconter. Donc, nous, les responsables politiques, devons créer de bonnes histoires, avoir une vision claire de où nous voulons mener cette Union européenne, et ensuite le dire aux citoyens. Ainsi, la communication sera un outil pour raconter de bonnes histoires que nous, les politiques, aurons mis en pratique. »
1e inquiétude : pour Viviane Reding la communication de l’UE n’est pas une politique mais un outil
Confirmant ce que nous décrivions comme « une orientation stratégique relativement instrumentale » à la lecture de son questionnaire remis au Parlement européen en vue de son audition publique :
« Je compte rendre la communication sur les questions européennes plus efficace et mieux ciblée vers les médias locaux et régionaux afin que l’Europe soit mieux comprise par les citoyens. … j’utiliserai les instruments dont dispose la Commission pour mettre en place une communication plus efficace des politiques de l’UE et de leur incidence concrète pour le citoyen, y compris au moyen d’Internet. »
Viviane Reding semble davantage porter une vision de la communication portée par une orientation « outil » avec des instruments de communication « plus efficaces/mieux ciblés » au détriment d’une orientation « politique » visant à « combler le déficit de communication entre l’UE et ses citoyens par l’intermédiaire d’une coopération (entre les institutions communautaires) et de partenariats efficaces (avec les Etats membres) », portée par la stratégie adoptée en 2007 « Communiquer sur l’Europe en partenariat ».
Devons-nous en déduire que la déclaration politique signée le 22 octobre 2008, entre les institutions communautaires et les États membres pour une politique de communication européenne en partenariat devient obsolète ?
2e inquiétude : pour Viviane Reding la communication sera un outil pour raconter de bonnes histoires (story-telling)
Explicitant sa vision de l’Europe et de la communication de l’UE, Viviane Reding affirme :
« Nous devons créer de bonnes histoires, avoir une vision claire de où nous voulons mener cette Union européenne, et ensuite le dire aux citoyens. … Nous devons créer ce continent où le citoyen se sent chez lui, où le citoyen comprend que ses droits, ses aspirations, ses préoccupations sont prises au sérieux, qu’il obtient une réponse. »
Viviane Reding semble davantage porter une vision top-down de la communication, c’est-à-dire une relation verticale des autorités vers les citoyens alors que la modernité – que le web social permet – consiste davantage dans le bottom up, c’est-à-dire la collaboration et la discussion entre les citoyens et les responsables.
Faut-il rappeler le jugement largement partagé par la communauté du web lors du Personal Democracy Forum Europe (à Barcelone les 20 et 21 novembre 2009) et confirmé par E-toile, le blog du Centre d’information sur l’Europe en France : « la dernière campagne pour les élections européennes en juin dernier a en tout cas été labellisée « top down ». Pas sûr que les citoyens s’y retrouvent. »
Devons-nous surtout en déduire que la « lettre ouverte de la communauté des éditeurs et des webmasters de la Commission européenne au président Barroso et aux Commissaires entrants » qui en appelle à « exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication » : « créer une culture de communication interne qui encourage et habilite le personnel à utiliser Internet et les nouveaux médias pour interagir avec les citoyens » soit déjà lettre morte ?
La nouvelle position rétrogradée de la communication au sein du Collège des Commissaires – Margot Wallström était « Première Vice-présidente de la Commission européenne, Commissaire aux Relations institutionnelles et à la Stratégie de communication » tandis que Viviane Reding n’est pas explicitement titulaire de ce dossier – ainsi que ces premières prises de parole à New Europe font peser des doutes sur les orientations de la communication de l’UE. Il n’est pas trop tard pour les dissiper.
De tels discours et positions discréditent clairement le travail de légitimation entrepris (et porté) par les communicateurs professionnalisés et, plus largement, par les promoteurs d’une communication compréhensive, transversale et de qualité, au service – d’abord – des citoyens européens.
Sans faire preuve d’une naïveté excessive, ne pouvions-nous pas espérer mieux pour l’UE ?