L’Union européenne, dans sa quête d’une communication efficace, reconnait de plus en plus le rôle des plateformes de médias sociaux pour interagir avec les citoyens et projeter ses valeurs fondamentales, mais concrètement quelles sont les perspectives ?
Enjeux de la communication de l’UE sur les médias sociaux
Idéalement, l’UE voudrait aligner ses objectifs politiques aux innovations technologiques afin de communiquer librement dans un environnement numérique caractérisé par la sécurité, l’ouverture, la créativité et la confiance. Mais, la réalité est beaucoup moins rose, il s’agit de naviguer dans les complexités de la diffusion de fausses nouvelles et de vivre dans un monde dominé par quelques grands fournisseurs de services dans le paysage des médias sociaux. L’Union doit s’efforcer de trouver le bon équilibre entre ces contradictions.
En outre, l’environnement européen des médias sociaux est distinct en raison de lois sur la protection des données, telles que le Règlement sur les Services Numériques (Digital Services Act – DSA) et le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui influencent la manière dont le contenu est géré, la publicité est menée et les interactions des utilisateurs sont traitées.
De plus, le paysage culturel et linguistique diversifié du continent nécessite une approche nuancée de la création de contenu, adaptée non seulement aux différentes langues mais aussi aux contextes culturels variés et aux préférences régionales en matière de plateformes. Cette hétérogénéité souligne la complexité de l’élaboration d’une stratégie de communication unifiée de l’UE qui résonne efficacement dans tous les États-membres.
Un défi fondamental dans l’utilisation des médias sociaux pour la communication de l’UE réside dans la double promesse d’un ciblage « efficace » de la diversité des citoyens et que le contenu lié aux politiques soit « compris » et suscite l’engagement. Compte tenu de la faible identification des citoyens avec l’UE, les efforts qui transmettent la cohésion politique sont primordiaux. Comprendre la construction sociale et le sens politique de ces plateformes est crucial pour favoriser une sphère publique européenne plus forte et promouvoir une plus grande intégration.
Paysage des plateformes et des usages des institutions européennes
Bien que les plateformes établies comme Twitter-X, Facebook ou LinkedIn restent centrales dans la communication de l’UE, il existe une impulsion pour explorer des plateformes comparativement « nouvelles » pour les institutions européennes et s’adapter à la popularité évolutive des plateformes comme Instagram, WhatsApp, TikTok et YouTube, qui comptent d’importantes bases d’utilisateurs à travers l’Europe, un intérêt « incontournable » pour l’UE d’explorer ces plateformes même si elles sont loin de s’aligner sur les valeurs européennes, notamment de protection des données.
En théorie, la capacité des médias sociaux à renforcer la participation citoyenne et à améliorer les processus démocratiques ne dépendrait que de « recettes » liées à des stratégies qui privilégient l’interaction, l’inventivité et la transparence. Cependant, les études pointent un paradoxe potentiel où une utilisation plus élevée des médias sociaux est associée à une confiance moindre dans l’UE. Cela suggère que la simple présence des institutions de l’UE sur les médias sociaux est insuffisante pour cultiver la confiance et peut, dans certains contextes, contribuer à son érosion.
Le contenu et le contexte de la communication jouent un rôle crucial dans la formation de la perception des publics. De plus, la capacité de l’UE à surveiller et évaluer efficacement l’impact de sa communication sur les médias sociaux, notamment pour contrer la désinformation, est entravée par les limites de la qualité des données et de la comparabilité des rapports de transparence fournis par les plateformes de médias sociaux. Ces lacunes empêchent une compréhension globale des politiques et pratiques des plateformes, posant ainsi un défi à l’élaboration de stratégies fondées sur des preuves et à une surveillance efficace.
Tendances émergentes dans l’utilisation des médias sociaux par l’UE
Les prévisions peuvent suggérer plusieurs tendances émergentes qui façonneront la manière dont les institutions de l’UE utiliseront ces plateformes pour leur communication :
1. Un changement notable est la nature évolutive des réseaux de médias sociaux eux-mêmes, avec des plateformes comme Instagram et TikTok ressemblant de plus en plus à des réseaux médiatiques axés sur la consommation passive de contenu plutôt que sur un engagement significatif. Cette évolution nécessite que les institutions de l’UE adaptent leurs stratégies, en adressant les conséquences de plateformes privilégiant un contenu piloté par des algorithmes.
2. Le contenu généré par les utilisateurs continuera probablement sa domination, en stimulant l’engagement, représentant une opportunité pour les institutions de l’UE de s’associer avec des créateurs de contenus pour produire un storytelling authentique qui résonne auprès des publics cibles et renforce la confiance.
3. La croissance des communautés privées comme les groupes Facebook et les fonctionnalités plus communautaires sur Instagram indique une préférence des utilisateurs pour des espaces en ligne plus intimes et ciblés. Les institutions de l’UE pourraient envisager de créer ou de s’engager dans de telles communautés pour favoriser des liens plus profonds avec des segments d’audience spécifiques. L’importance croissante de la messagerie privée comme WhatsApp pour établir des liens plus forts et plus personnels avec les audiences doit également être notée.
4. L’intelligence artificielle est appelée à transformer la création de contenu à grande échelle, avec des outils d’édition de contenu, de traduction et d’interactions personnalisées devenant plus accessibles. Cela nécessitera une réflexion approfondie sur les implications éthiques et le maintien de l’authenticité.
5. Des réglementations plus strictes dans le prolongement du DSA devraient continuer à façonner le paysage des médias sociaux avec une plus grande responsabilité des plateformes en matière de sécurité des utilisateurs et de protection des données, y compris des exigences plus strictes pour la modération de contenu et la transparence.
6. L’émergence de nouvelles plateformes, telles que Threads et Bluesky, offre aux institutions de l’UE des voies supplémentaires pour se connecter avec de nouveaux publics. Les institutions européennes pourraient explorer également des réseaux sociaux « nostalgiques » émergents qui mettent l’accent sur l’authenticité et l’interaction véritable.
7. L’hyper-personnalisation, alimentée par l’IA avancée et l’apprentissage automatique, sera exploitée par les plateformes de médias sociaux pour adapter le contenu aux préférences et comportements individuels, exigeant des institutions de l’UE qu’elles se concentrent sur la création de messages très pertinents et personnalisés pour engager efficacement leurs audiences.
8. La réalité augmentée devrait devenir plus intégrée aux médias sociaux, offrant des expériences immersives grâce à des filtres et des essais virtuels. Les institutions de l’UE pourraient explorer le potentiel de la RA pour améliorer l’engagement des utilisateurs avec leur contenu.
9. La croissance des communautés de médias sociaux de niche répondant à des intérêts spécifiques pourrait fournir des espaces pour les institutions afin de se connecter avec des audiences très engagées. Les citoyens attendront de plus en plus des institutions qu’elles démontrent un engagement sincère en faveur de la durabilité et de la responsabilité sociale, influençant leur engagement.
10. Bien que certaines de ces tendances pointent vers une augmentation de la consommation passive de contenu sur certaines plateformes, la valeur fondamentale des médias sociaux pour la participation et l’engagement actifs des citoyens reste essentielle pour favoriser l’unité et la confiance dans le projet européen. Les institutions de l’UE sont confrontées au défi stratégique de concevoir du contenu et des campagnes qui non seulement captent l’attention dans un environnement de consommation passive croissante, mais sollicitent aussi activement la participation, le dialogue et les retours des divers publics européens.
Les médias sociaux représentent un potentiel significatif pour aider à combler les fossés numériques et à favoriser l’unité européenne. Le concept d’un réseau social européen dédié pourrait jouer un rôle crucial dans le renforcement de l’identité européenne et la promotion d’un sentiment d’appartenance en servant de canal principal pour les communications institutionnelles tout en promouvant le multilinguisme et les valeurs européennes.