Quelles sont les grandes tendances de la communication européenne ?

Avec la nouvelle année, les exercices de prospection et/ou de prédiction se multiplient en ligne. C’est l’occasion pour tenter de dresser un panorama des grandes tendances qui « impriment » la communication européenne…

La présidence tournante du Conseil de l’UE : une opération de relations publiques du « pays qui préside l’Europe »

Au fil des dernières années, la présidence semestrielle du Conseil des ministres est devenu une opération de relations publiques pour l’Etat-membre qui exerce la présidence au point de se soucier autant de son programme de travail législatif que de son image auprès de ses partenaires.

Chaque Etat-membre se saisit de cet exercice institutionnel technique pour se raconter au travers d’un savant cocktail de communication, dont la Grèce, actuel titulaire illustre parfaitement les différents ingrédients :

  • les priorités représentent une opportunité pour mettre à l’agenda des enjeux locaux forts, telle que la politique maritime, 4e priorité pour la présidence grecque ;
  • le programme culturel s’est peu à peu imposé comme une figure de style quasi imposée permettant d’illustrer les valeurs de l’Etat-membre ;
  • le logo (et éventuellement la baseline) font l’objet d’un dévoilement et d’une présentation soignés ;
  • le budget et l’organisation de la présidence sont également des indicateurs de l’état d’esprit et de la culture nationale, la Grèce se positionne comme une présidence modérée avec un budget de 50 millions d’€ que la presse aura vite fait de qualifier de « spartiate ».

Le « problème » de la communication de l’UE : de moins en mois jugé en aval (techniques/outils) mais de plus en plus critiqué en amont (actions et messages)

Entre la dégradation de l’image de l’UE et la perte de confiance des citoyens en plein période de crise, la communication de l’UE est perçue comme problématique, car elle ne parvient pas – le pourrait-elle à elle seule ? – à rétablir ces indicateurs.

Au-delà de ce constat trop convenu, une prise de conscience s’établit que ce problème de la communication de l’UE n’est pas tellement à juger en fonction des techniques et outils qui ont largement progressé ces dernières années. La critique de la communication de l’UE porte davantage sur les actions (ou les non actions) des institutions et donc sur les messages liés à ces actions.

Autrement dit, le « problème » de la communication de l’UE ne tient pas tellement à ce que le disque soit rayé, mais au fait qu’il devient impérieux de changer de disque.

Dans les médias nationaux : de plus en plus d’enjeux européens

De manière imperceptible et/ou intermittente, les sujets à la une des débats publics et des médias au sein de chaque Etat-membre de l’UE tendent à contenir davantage d’enjeux européens.

Cette réalité tient d’abord à la période de crise où l’euro n’a plus été seulement une monnaie dans toutes les bourses mais également une préoccupation dans toutes les têtes, avec de nombreux sommets européens « de la dernière chance ».

Comme l’analyse Ron Patz dans « the genesis of a European public sphere: economic crisis, Lapedusa, European elections and cross-border migration » d’autres thèmes comme les questions de migrations et d’emplois – des sujets éminemment européens – ont été largement abordés en même temps dans différents médias nationaux.

Ainsi pour Ron Patz, « il ne fait aucun doute que la synchronisation des sphères politiques nationales autour de thèmes politiques très saillants montrent qu’il y a une genèse d’une sphère publique européenne ».

Les « grandes » élections nationales : quasiment des élections aussi européennes que les élections européennes

En forçant un peu le trait, il n’est pas totalement inexact de constater que les élections législatives récemment en Italie, en France et surtout en Allemagne ont été des scrutins dont les enjeux et les résultats ont porté bien au-delà de leur pays.

Cette évolution d’« hyper-élection » – comme on peut parler d’hyper-texte – devrait se traduire par une plus grande européanisation des prochaines élections européennes : le choix des têtes de liste, des programmes mais également le poids des populismes concourront à renforcer les lectures croisées de la campagne.

Les médias sociaux : de mieux en mieux « apprivoisés » par les personnalités politiques européennes

Avec le grand mercato des postes au sein des institutions européennes – dont la compétition est d’ailleurs plus largement couverte par la presse – les personnalités politiques européennes se saisissent de mieux en mieux des médias sociaux pour mobiliser leur base et partager leur opinion.

Ainsi par exemple, la Vice-Présidente de la Commission, responsable de la communication, Viviane Reding s’est récemment illustrée en participant au premier « Online Citizens’ Dialogue » : un Google Hangout organisé avec 5 bloggeurs européens.

Au total, l’année électorale 2014 s’annonce intense pour la communication européenne.

Budget d’austérité pour la communication de l’Union européenne en 2014

Avec la nouvelle année vient également les nouveaux budgets ; et celui de la DG Communication subit – comme annoncé dès septembre dernier – une très forte baisse inédite de plus de 24% à seulement 85 630 000 € contre 106 419 000 € dans le budget modifié de 2013. Quelles sont les actions d’information / de communication sauvegardées et sacrifiées dans le programme de travail de la DG COMM pour 2014 ?

comparaison_budget_DG_COMM

Les actions multimédia et les actions locales des Représentations, notamment les partenariats sont les grands perdants

Quoique quasiment toutes les lignes budgétaires soient en recul, deux programmes sont totalement abandonnés :

  • Parmi les actions multimédia, le budget est amputé de 10 millions d’€, correspondant à la disparition de Presseurop et Euranet (réseau de radios) tandis que le soutien à Euronews est préservé.
  • Au sein des actions locales de communication des Représentations dans les Etats-membres, le budget est divisé par deux, avec le budget de 10 millions d’€ des partenariats de gestion là-encore sacrifié.

Ces deux principaux abandons – pourtant unanimement appréciés et positivement évalués – correspondent à la principale mesure d’austérité du budget de la communication de l’UE pour 2014.

Les outils d’information et de communication en ligne sont les seuls gagnants

Unique ligne budgétaire à progresser modestement de 1,3 millions d’€, les outils d’information et de communication en ligne, en particulier le portail Europa sont les seuls « gagnants » du budget 2014.

Plusieurs chantiers justifient la priorité accordée au digital :

  • le renforcement du centre de contact en ligne Europe Direct ;
  • la rationalisation web visant à restructurer le portail Europa, optimiser le contenu en ligne pour les dispositifs mobiles et professionnaliser l’utilisation des médias sociaux.

Toutes les autres actions d’information et de communication sont rognées

Avec plus ou moins d’importance, toutes les autres actions d’information et de communication de la Commission européenne sont rognées :

  • Les formations aux journalistes sont quasiment divisées par deux ;
  • L’analyse de l’opinion publique diminue pour la première fois ;
  • Les publications écrites, les visites à la Commission, les espaces publics européens ainsi que les studios et équipements audiovisuels régressent également.

Au total, la tendance constatée en 2013 de conserver (voire conforter pour le web) les actions d’information et de communication internalisées et concentrées à Bruxelles au détriment des actions décentralisées avec les Représentations et externalisées via les médias se confirment. Ce budget d’austérité en pleine année électorale permettra-t-il de répondre aux attentes et besoins des publics européens ?

Best of de la communication européenne en 2013

Avant de tourner la page de la 7e année d’existence du blog – la meilleure en termes de fréquentation et de partage grâce à votre confiance : 64 041 Pages vues, 39 648 Visites et 28 397 Visiteurs uniques – quels ont été les articles les plus lus de l’année 2013 ?

1er article le plus lu : le recensement des journalistes européens des médias français actifs sur Twitter

Avec plus de 1,700 vues, le succès du panorama des journalistes français spécialisés dans les affaires européennes sur Twitter révèle plusieurs réalités : d’abord, que les listes sont toujours très appréciées, ensuite que Twitter s’est imposé comme le média social digne d’intérêt pour l’Europe et enfin que les journalistes sont des sources d’information toujours recherchées.

2e article : la stratégie de communication du Parlement européen sur les élections européennes de 2014

Plus d’un an avant le scrutin européen, l’intérêt pour la stratégie de communication du Parlement européen pour sa dorénavant traditionnelle campagne d’incitation au vote confirme que l’enjeu essentiel de la communication de l’UE en 2014 portera sur les élections et sera sanctionnée par les résultats, en particulier la participation électorale.

3e article : l’utilité des médias sociaux dans la communication européenne

La question posée en mars 2013 : « A quoi servent les médias sociaux dans la communication européenne ? » se hisse sur le podium des articles les plus lus en 2013, une preuve que la communication de l’UE dans les médias sociaux intéresse autant qu’elle interroge. La lisibilité de la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux, à commencer par sa verbalisation, est un besoin impérieux.

4e article : le budget pour la communication de l’Union européenne en 2013

Comme chaque année, le décryptage du budget de la DG COMM couvrant un large éventail de lignes budgétaires destinés à financer les principaux outils et actions de communication de l’UE est un article lu et partagé.

5e article : les inquiétudes sur la future campagne des élections européennes de 2014

Dernier article à dépasser les 500 visites, les mauvaises nouvelles concernant la campagne des élections européennes en France inquiètent : l’éventuelle annulation de l’envoi postal des professions de foi des candidats, l’absence éventuelle d’une campagne officielle d’incitation au vote après la disparition des partenariats de communication et le dépôt des candidatures très tardif laissant la place à un calendrier électoral exsangue.

6e article : le benchmark des vidéos en ligne d’incitation au vote

Au moment où le Parlement européen dévoile son premier clip vidéo en ligne appelé « humanifesto », le benchmark des vidéos en ligne d’incitation au vote analyse les 2 voies créatives d’une dizaine de spots vidéo entre l’humour dédramatisant et la culpabilisation dramatisée.

7e article : la disparition de Presseurop

Article le plus récent parmi les plus lus de l’année, « Pourquoi il faut sauver le soldat Presseurop ? » expose les nombreuses raisons qui plaident pour la survie du média européen par excellence, qui renaîtra d’une manière ou d’une autre – à n’en pas douter – avec le changement de Commission au cours de l’année.

8e article : le bilan de l’initiative citoyenne européenne après 1 an

Pour l’« anniversaire » après 1 an de la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne, un bilan en demi-teinte est dressé, notamment sur le plan statistique avec 14 initiatives citoyennes européennes en cours et une seule en voie de succès. Cette dernière initiative portant sur l’eau comme bien public a d’ailleurs été officiellement soumise à la Commission européenne en fin d’année 2013.

9e article : le classement des médias en ligne européens selon leur fréquentation

Article le plus commenté, le classement des médias en ligne européens selon leur fréquentation plaçant Presseurop en tête avec son multilinguisme unique (10 langues) indique que le paysage des médias en ligne européens est de plus en plus concurrentiel.

10e article : la transparence sur les budgets des agences de communication auprès de la Commission européenne en 2011

Dernier article parmi les plus lus en 2013, le marché des prestataires de la communication de l’UE que l’on peut estimer à environ 100 millions d’euros par an en moyenne est un objet d’étude intéressant.

Au total, les principaux thèmes abordés à travers ce classement des articles les plus lus dans l’année 2013 recoupent les enjeux de communication européenne autour des élections européennes, des budgets ou des médias sociaux et les enjeux d’information européenne, notamment les journalistes européens et les médias européens en ligne.

La Commission européenne doit-elle encore communiquer sur Facebook ?

Les évolutions incessantes de Facebook conduisent à limiter la visibilité des contenus publiés par les pages fan au point que le reach organique moyen (= le nombre de « fans » touchés par post) chute fortement, tombant jusqu’à moins de 5% de fans touchés ; sans parler de l’engagement en chute libre des fans. Dans ce contexte où la publicité devient incontournable pour s’adresser à ses propres fans, la Commission européenne doit-elle encore poursuivre ses efforts pour communiquer sur Facebook ?

Enquête sur les pages fans de la Commission européenne : une moyenne de 18 likes et 1,2 commentaires par publication

Sur les 19 pages Facebook principales de la Commission européenne, l’engagement est en très net recul sur la période récente avec une moyenne de 18 likes et 1,2 commentaires par publication. En moyenne, une page Facebook de la Commission européenne publie 13 contenus en 7 jours et comptabilise 149 interactions (likes et commentaires).

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Seule se détache la page « corporate » de la Commission européenne qui rassemble une communauté de près de 225,000 fans et parvient à obtenir 25 likes et 9.9 commentaires en moyenne par publication, soit un total de 664 interactions pour 19 publications sur une période de 7 jours de publication mesurée courant décembre.

Y a-t-il des règles en matière de community management des pages Facebook de la Commission européenne ?

Aucune corrélation ne peut clairement permettre de tirer des conclusions générales sur l’animation optimale :

  1. L’importance de la communauté (le nombre de fans) ne conditionne pas le niveau d’engagement, même s’il y contribue en partie.
  2. L’importance de l’activité (le nombre de publication) ne conditionne pas le niveau d’engagement, même il peut contribuer à le détériorer.

Les deux pages les plus actives – après la page corporate – sont la page récente « Erasmus Plus » (seulement 27,000 fans mais 464 interactions en 7 jours) et la page traditionnellement parmi les plus actives « Aide humanitaire » (seulement 33,000 fans et 461 interactions en 7 jours).

Les deux pages les plus dotées en fans – grâce à des campagnes de publicité antérieures – sont parmi les moins actives : 95,000 fans et seulement 83 interactions en 7 jours pour la page « Generation Awake » et 70,000 fans et seulement 96 interactions en 7 jours pour la page « Action climatique ».

Au total, la course aux fans n’étant clairement plus la priorité puisque l’écrasante majorité ne voit pas les publications et compte tenu du niveau d’engagement particulièrement réduit – faute de « promouvoir » les publications avec de la publicité – l’interrogation se justifie de la pertinence de la poursuite d’une communication active sur Facebook pour les services centraux de la Commission européenne.

Quelle communication pour 2014 – Année européenne des citoyens ?

Pour la 1e fois en 30 ans depuis que les Années européennes existent, le thème de l’année 2013 – Année européenne des citoyens sera poursuivi en 2014, année électorale européenne. Comment pourrait communiquer l’Union européenne autour de ce thème qui vise à rapprocher l’Union de ses citoyens, contribuer à une meilleure compréhension de l’Union et favoriser la citoyenneté européenne ?

Faire de l’Année européenne des citoyens, un programme de communication pour toute la Commission européenne autour des réalisations des institutions européennes au bénéfice des citoyens

Le dispositif de communication au sein de la Commission européenne pour 2013 – Année européenne des citoyens a été concentré sur l’action de la DG Communication sous la responsabilité étroite de Viviane Reding. Pendant toute l’année, des « dialogues citoyens » ont été organisés dans les Etats-membres pour que les citoyens puissent débattre avec la Commission ; le plus souvent représentée par Viviane Reding.

Puisque le thème de l’Année européenne des citoyens se poursuit en 2014, la priorité serait d’élargir la mobilisation de la Commission européenne autour de ce thème. Chaque Directions Générales de la Commission européenne devraient se saisir de cette occasion pour présenter un bilan destiné aux citoyens sur les réalisations concrètes de ces 5 dernières années de mandat afin de valoriser l’action de la Commission européenne auprès du grand public.

Faire de l’Année européenne des citoyens, une plateforme de communication institutionnelle « corporate » sur l’UE dans sa globalité, ses valeurs et ses priorités politiques

Afin d’améliorer les retombées de l’ensemble des activités de communication institutionnelle réalisées par la Commission européenne dans le cadre de l’Année européenne des citoyens, une « action horizontale de valorisation de l’UE » devrait être réalisée par la DG COMM, telle que présentée dans la communication de la Commission intitulée « Communication interne au titre du cadre financier pluriannuel 2014-2020» SEC(2013) 486 du 23.9.2013 ».

Face au défi de l’abstention électorale au scrutin européen, de la dégradation de l’image des institutions européenne et des interrogations sur le projet européen, il est plus que temps que la Commission européenne tente une communication institutionnelle « corporate » afin de sensibiliser le public à l’UE dans sa globalité, à ses valeurs et à ses priorités politiques, rapprochant ainsi l’Union de ses citoyens, contribuant à une meilleure compréhension de l’Union et favorisant la citoyenneté européenne.

En somme, après une 1e Année européenne des citoyens décevante car trop limitée, la 2e Année européenne des citoyens représente une opportunité pour une double démarche de communication au sein de tous les services de la Commission et transversale à l’échelle corporate.