Pourquoi la légitimité de l’Union européenne est en crise ?

La remise en cause des politiques européennes – de l’euro, à Schengen avec les migrants voire la PAC – ne cesse de progresser dans les sociétés européennes au point que la légitimité de l’Union européenne semble en crise. Pourquoi ?

Un déficit civique traditionnel à la fois chez les citoyens et les responsables politiques

Première raison de la crise de la légitimité de l’Union européenne, le non respect des procédures de la démocratie européenne, qu’il s’agisse de la désormais traditionnelle abstention électorale aux élections européennes ou de la critique habituelle des décisions par les responsables des partis politiques gouvernementaux.

Mais ce déficit civique qui pouvait encore se justifier à l’époque où la construction européenne correspondait à une sorte de « despotisme éclairé » devient mortifère aujourd’hui :

  • Chez les citoyens, l’euroscepticisme, qui était marginal est désormais mainstream, approuvé et renforcé d’ailleurs par les médias ;
  • Chez les responsables politiques, le soutien à la construction européenne est quasiment devenu un contre-argument électoral, face à la poussée des populismes.

Un déficit plus récent de résultats de l’Union européenne

Pendant longtemps, les institutions européennes ne sont pas pleinement et totalement légitimées par les voies démocratiques traditionnelles mais les résultats produits par la construction européenne étant positifs, il y avait une sorte de « légitimation par les résultats ».

Au fil du temps, l’UE s’est vue confier davantage de responsabilités et du point de vue des résultats, les débats, voire les remises en question se sont forcément multipliées, la rançon paradoxale du succès en quelque sorte.

Le problème, c’est que ce qui pouvait se circonscrire à une discussion légitime autour des résultats de l’UE s’est transformé en procès pour ou contre des pans entiers de la construction européenne.

Un déficit de résolution des conflits

Dernière raison de la crise de la légitimité de l’UE, la difficulté résultant du fait de ne pas savoir gérer la conflictualité politique :

  • soit les oppositions extérieures sont tellement catégoriques et idéologiques que l’UE ne parvient pas à les intégrer à ses prises de décisions ;
  • soit c’est plutôt le « consensus mou » à l’intérieur parce que les enjeux des débats européens sont assez peu clivants, hormis quelques sujets inflammables comme TAFTA ou Schengen.

L’incapacité de l’UE à résorber les conflits de manière satisfaisante constitue aujourd’hui le cœur du problème de légitimité de l’UE et il se pourrait même que la principale menace de la construction européenne réside dans ce déficit.

Au total, la légitimité de l’UE n’a jamais autant été fragilisée, pas tant par les critiques, quoiqu’elles soient de plus en plus nombreuses et convaincantes mais plutôt par l’incapacité à intégrer ces critiques.

Pourquoi l’UE devrait s’appuyer sur un plan de communication ?

S’il y a un secteur dans lequel l’UE aurait tout intérêt à s’inspirer du Royaume-Uni, c’est bien la communication gouvernementale, et en particulier l’excellent plan de communication annuel. Une innovation qui aurait bien des avantages pour l’Union européenne…

Intérêt n°1 : une démarche transversale à tous les services de communication

Avec un plan de communication, le Royaume-Uni publie un document qui illustre la transversalité de la communication entre les différents ministères, symbolisée d’ailleurs par l’introduction signée par tous les directeurs de la communication.

À l’échelle de l’UE, l’exercice pourrait se traduire dans un premier temps par un engagement de tous les responsables communication au sein de la Commission européenne à partager « One EU narrative ».

Intérêt n°2 : des priorités de communication articulée avec l’agenda politique

Autre dimension du plan de communication, la définition de priorités de communication unifiée, qui permettent en un clin d’œil de comprendre l’articulation entre les engagements politiques du Premier ministre et les objectifs de la communication gouvernementale.

À l’échelle de l’UE, la traduction des 10 priorités politiques de Jean-Claude Juncker pour ce qui concerne la communication européenne aurait le bénéfice de renforcer la visibilité globale des objectifs d’information et de promotion.

Intérêt n°3 : une pédagogie de la méthode et des outils de communication

Face aux interminables questions concernant tout aussi bien les cibles prioritaires, les canaux utilisés, l’organisation interne ou l’évaluation, le plan de communication offre une synthèse compréhensible de l’utilisation des moyens publics d’assurer la communication.

De plus, le plan de communication offre une description des partenariats, même avec des acteurs privés, afin de démontrer la pleine optimisation des ressources, un enjeu évidemment de plus en plus sensible à l’heure de l’austérité des budgets publics.

Intérêt n°4 : des campagnes de communication évaluées

Autour de 3 critères : objectif, approche et résultats, les principales campagnes de communication sont présentées en insistant sur ce qui a été obtenu, en n’hésitant pas à évaluer en termes financiers les retombées.

En outre, la liste des récompenses est intégralement livrée pour montrer la créativité et le professionnalisme. Encore un empreint que l’UE aurait avantage à retenir.

Au total, l’exercice de publier un plan de communication serait très avantageux pour l’UE à plus d’un titre et surtout, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément…

Le plan Juncker peut-il sauver la communication européenne ?

Avec le plan Juncker, l’UE témoigne d’un souci ravivé de renforcer la reconnaissance et la confiance qu’elle obtient des citoyens. Cette nouvelle relance s’inscrit dans la lignée d’une multitude d’entreprises comparables, qui ont connu des échecs répétés. Certains éléments inédits suggèrent néanmoins un infléchissement significatif : un projet publié par Politico Europe de la plus importante campagne de communication de l’UE à ce jour

Un grand récit européen – enfin – audible et approuvé par le plus grand nombre

Aujourd’hui, l’essoufflement des grands récits européens fondateurs est patent :

  • la « coopération économique comme garantie de la paix » touche ses limites ; l’Europe n’est plus systématiquement associée à un surcroît de prospérité et le spectre de la guerre n’est plus perçu comme une menace crédible par les jeunes générations ;
  • « l’identité européenne » peut avoir une certaine résonance mais n’est guère de nature à être convertie en ressource politique opératoire ;
  • le « modèle européen de société » acquiert une certaine tangibilité vue de l’extérieur mais n’est pas ressenti de façon homogène à l’intérieur.

En revanche, l’agenda de la Commission européenne avec le plan d’investissements pour le futur de l’Europe se prête davantage à une stratégie d’exposition médiatique autour d’un grand projet mobilisateur.

Les priorités politiques affichées sont maintenant davantage susceptibles de faire sens pour le grand public et peuvent même renforcer l’image d’une Europe qui protège ses emplois et son avenir.

Une nouvelle stratégie – enfin – plus en réseau et en débats, à l’écoute du plus grand nombre

La communication européenne se conçoit dorénavant en réseau avec un ensemble de sphères publiques nationales, régionales ou locales. L’Europe doit être l’objet de débats à tous les niveaux avec des forums pour que les citoyens puissent se faire entendre.

L’objectif premier de toutes les institutions de l’UE est d’apparaître comme des instances à l’écoute du plus grand nombre, et plus (seulement) comme une avant-garde éclairée.

La nouvelle stratégie, notamment à travers le plan Juncker, met l’accent sur des initiatives concrètes ancrées dans le quotidien des gens pour faire vivre aux Européens leur communauté de mode de vie. La communication européenne se veut donc désormais beaucoup plus horizontale et transnationale, ancrée dans le quotidien.

L’implication du citoyen passe par le recours aux nouvelles technologies, antienne de la rhétorique européenne, mais qui ne sauraient remplacer les contacts directs entre citoyens.

Une politisation – enfin – assumée pour élargir l’audience

Pour toucher un plus large public, le discours des institutions européennes change de registre et adopte un ton plus « politique ». L’hypothèse est que l’acceptation du conflit d’interprétations et la défense d’une position argumentée sont seules à même de retenir l’attention des citoyens.

Dès que l’on touche aux questions d’identité et de mémoire comme ressource politique de mobilisation pour le plus grand nombre, les clivages se radicalisent et l’inaction est de rigueur faute de consensus.

En revanche, la politisation de la communication européenne si le conflit est assumé comme tel par les responsables européens permet d’accroître son audience à condition que la renationalisation du message européen ne se coule pas dans l’ornière des débats existants sur l’Europe au niveau national.

Au final, le leitmotiv d’une communication directe entre citoyens et UE, avec le plan Juncker permettrait enfin d’assurer la personnalisation du pouvoir et l’incarnation des enjeux afin de leur donner lisibilité et sens.

Nouveau site Eurobaromètre : quelles sont les grandes évolutions de la mesure de l’opinion publique européenne ?

Avec 851 enquêtes d’opinion disponibles en ligne, le nouveau site de consultation des Eurobaromètres est une mine d’information pour constater les grandes évolutions passant de 4 publications en 1974 à dix fois plus quarante ans après…

Trois périodes distinctes pour constater la progression du recours aux Eurobaromètres

Une timeline des Eurobaromètres entre 1973 avec la première enquête sur « l’Europe telle que la voit les Européens » et aujourd’hui est dorénavant accessible en ligne et permet de distinguer 3 phases :

Eurobarometres

De 1973 à 1990 : moins de 10 enquêtes sont réalisées chaque année, sur des thèmes « classique » (environnement, énergie) en considérant les 2 Eurobaromètres standards.

De 1991 à 2000 : doublement en moyenne des enquêtes, une vingtaine donc, qui se diversifient davantage autour d’enjeux sociétaux (les jeunes, le racisme, les vacances).

Depuis 2001 : à nouveau doublement en moyenne des enquêtes, une quarantaine par an, avec des enquêtes portant sur de nombreux sujets couvrant les politiques européennes et au-delà (tourisme, climat, sport, culture…).

Trois critères de recherche pour consulter la base de données des Eurobaromètres

Un moteur de recherche est également disponible – enfin – afin de rechercher des résultats, suivant 3 critères :

  • Sélection dans la liste de 61 thèmes reprenant les questions récurrentes des Eurobaromètres ;
  • Choix d’une région (un, plusieurs ou tous les Etats-membres) ;
  • Affichez les résultats du baromètre pour un ou pour plusieurs pays.
  • Définition d’une période.

Les données sont affichées dans des cartes ou graphiques, qui peuvent être aisément exportés.

Au total, le choix d’un opendata « intelligent » et d’une datavisualisation contextualisée devrait faciliter l’utilisation des résultats par les chercheurs et spécialistes de l’opinion publique européenne.

Communication politique européenne : le Discours sur l’Etat de l’Union européenne est-il le rendez-vous de la rentrée ?

Mercredi prochain, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker prononcera son Discours sur l’Etat de l’Union européenne, une innovation introduite par le traité de Lisbonne qui pourrait rencontrer un plus franc succès. Le #SOTUE sera-t-il le rendez-vous politique européen de la rentrée ?

Une préparation « crowd-sourcée » et millimétrée sur les grands enjeux européens

Ces dernières semaines, Jean-Claude Juncker aurait largement consulté tant les membres de la Commission européenne que les chefs de partis politiques au sein du Parlement. Le président de la Commission aurait même mis à l’essai des messages sur les questions les plus controversées, comme la migration afin de trouver le ton juste.

Selon Politico Europe, le discours devrait se concentrer sur quatre principaux thèmes : les priorités législatives de la Commission pour 2016 (digital et énergie), la réponse de l’UE à la crise des réfugiés, la programmation budgétaire de l’UE et les efforts pour sauver l’euro en renforçant l’union économique et monétaire.

Une communication « digitalisée » et programmée avec tous les outils en ligne

Parlement européen et Commission européenne lancent un portail soteu.eu pour amplifier le débat autour du discours sur l’Etat de l’Union européenne avec le livestream vidéo et un tableau de bord Twitter pour suivre en direct les réactions et engager les communautés en ligne.

SOTUE_2015

Une attention médiatique aléatoire, la principale inconnue de l’équation

L’intérêt des médias, en particulier des grands groupes audiovisuels européens, au-delà du corps des correspondants de presse à Bruxelles, pour le discours sur l’Etat de l’Union demeure la principale inconnue.

La crise des migrants, sujets au cœur de l’actualité partout en Europe pourrait servir de trait d’union pour donner un angle à l’attention médiatique, à moins que ce ne soit les réactions véhémentes d’ores et déjà annoncées par les députés européens eurosceptiques.

Au total, les retombées immédiates du Discours sur l’Etat de l’Union en ligne et dans les médias européens et surtout leur impact dans les médias et les classes politiques nationaux seront le juge de paix.  À suivre.