En moins d’une semaine, avant même la fin de l’été, l’un des piliers de la Commission européenne, l’Irlandais Phil Hogan, à la tête du Commerce, l’une des rares compétences exclusives de l’UE, a remis sa démission. Que s’est-il passé pour que la gestion et la communication de crise soit si désastreuse ?
La stratégie de réponse à la crise : incomplète et insincère ; donc pas crédible
Face aux accusations apparues dans la presse irlandaise sur la présence du Commissaire à une réception mondaine dans un club de golf qui n’aurait pas respecté les consignes sanitaires en vigueur, la première séquence – la plus importante – est trop faible. Pourquoi ? Parce que les explications du Commissaire sont incomplète et insincère, ce que l’on apprendra ultérieurement.
Alors que la première règle de la communication de crise consiste à parler rapidement et clairement pour dire la vérité, seule chance d’éventuellement pouvoir s’en sortir, le Commissaire européen ne mesure pas initialement l’étendue du problème ; ses propos sont vagues, imprécis et ses excuses pas suffisamment empathiques et naturelles. La première séquence, qui devait permettre d’inverser le mouvement ne va générer que doutes et suspicion.
La stratégie de résistance : neutralisée et isolée ; donc trop fragile
Si le Commissaire européen était parvenu à rassembler des soutiens à la fois au sein de son institution, au Parlement européen ou dans son pays en tant que cautions qui garantissent ses propos, la pression aurait pu se réduire en partie.
Mais, toute la classe politique irlandaise, y compris des membres du gouvernement, est vent debout contre un Phil Hogan, déjà fragilisé par sa candidature avortée à la tête de l’OMC et qui ne semble pas avoir convaincu ses collègues et surtout sa boss, la présidente de la Commission européenne qui a semblé ne pas vouloir prendre position en sa faveur en demandant des éclaircissements, une manière de ne pas trancher, ce qui ne peut ne fait que déstabiliser encore davantage le Commissaire.
La ligne de défense est donc clairsemé, Phil Hogan est neutralisé par l’absence de renfort et son isolement ne cesse de se renforcer à mesure que les révélations sur ses comportements en Irlande tombent dans la presse : il n’a pas respecté la quatorzaine en vigueur à son arrivée, il s’est déplacé dans des zones reconfinées donc interdites aux déplacements, il a été contrôlé par la police alors qu’il téléphonait au volant. S’il avait fait amende honorable, aurait-il au moins pu ne pas prêter le flanc à « l’affaire dans l’affaire ».
La stratégie de reconstruction : tardive et inédite, donc problématique
Dès la démission du Commissaire Hogan remise, tous les regards se sont naturellement tournés vers la présidente de la Commission européenne qui s’est plutôt montrée inactive, qui n’a pas semblé avoir la main ferme pour trancher dans un sens ou dans l’autre et qui a dû communiquer à deux reprises, après une première prise de parole trop sèche et brutale pour accuser réception de la démission. Le sentiment de flottement et d’indécision risque de laisser des traces.
Mais surtout, Ursula von der Leyen ne semble pas avoir montré qu’elle savait quelle boussole suivre ; la voie tardive de fixer des règles éthiques valables pour tout le Collège des Commissaires ne sera pas sans poser des problèmes de déplacements avec l’épidémie en cours.
En enfin, le remaniement attendu des portefeuilles au sein de la Commission, ce qui semblerait le plus vraisemblable pour remplacer un pilier à un poste stratégique, serait politiquement moins coûteux à long terme que de considérer le portefeuille du Commerce acquis pour le mandat à l’Irlande, laissant un précédent problématique, selon Jean Quatremer.
Au total, la séquence du #GolfGate est révélatrice non seulement qu’il n’y a plus de « silly season » en été à Bruxelles, ce que l’on savait déjà depuis longtemps, mais surtout que les règles de la communication de crise s’y applique ici comme ailleurs, une sorte de normalisation déjà largement entamée avec le précédent unique de la démission individuelle du Commissaire Dalli. Souhaitons que ce progrès dans la responsabilité ne s’accompagne pas d’une fragilisation des Commissaires face aux Etats-membres.