Archives annuelles : 2016

Europcom 2016 : le programme de la 7e conférence européenne sur la communication publique

Comme chaque année, la conférence Europcom se tiendra les 20 et 21 octobre à Bruxelles. Que prévoit le programme (encore provisoire) « Reflecting [on] Europe » ?

Une session d’ouverture autour de la vision de l’avenir de l’Europe

Le premier panel d’intervenants réunis traditionnellement les plus importantes personnalités afin de partager leurs réflexions personnelles sur l’Europe comme source d’inspiration et leurs visions de l’avenir de l’Europe.

Sans représentant de la Commission européenne, c’est la proximité qui est à l’honneur avec deux membres du comité des Régions, Luc Van Den Brande, actuellement Conseiller spécial du Président de la Commission européenne sur la sensibilisation des citoyens et Christophe Rouillon, l’auteur de l’avis « Reconnecter l’UE avec ses citoyens » ainsi que le Parlement européen avec sa vice-présidente Sylvie Guillaume, responsable Politique d’information, presse et relations avec les citoyens, y compris les bureaux d’information du Parlement européen.

La keynote sera assurée par Ulrike Guérot, professeur, directrice du Lab Démocratie européenne à Berlin et auteur de « Warum Europa eine Republik werden muss! Eine politische Utopie « .

Des tables rondes sur les sujets difficiles de la communication européenne aujourd’hui

Autour des grands enjeux actuels et des principaux défis de la communication de l’UE : l’euroscepticisme, la crise migratoire, le TTIP et l’investissement ; les tables rondes suivantes risquent d’être animées :

Les dynamiques de la narration eurosceptique

Après des années de crise, les partis eurosceptiques font des gains à travers l’Europe. Le récit eurosceptique tend à élargir les divisions apparues en Europe, entre Nord et Sud, créanciers et débiteurs, euro-ins et euro-outs et tourne la politique en une bataille entre «plus» et «moins» d’Europe. Quelles leçons tirées sur la façon dont les politiciens et les communicateurs peuvent faire face au sentiment de méfiance ?

La crise migratoire : communiquer l’intégration des réfugiés locallement

Les pays d’Europe sont confrontés au défi d’aider des millions de réfugiés : accès aux soins de santé, éducation, emploi, logement et participation civique. Peu d’administrations ont beaucoup d’expérience avec cette nouvelle et relativement inconnue audience des réfugiés. Comment embrasser ce défi ?

Du global au local : les leçons de la communication sur le TTIP

Du soutien ferme à l’hystérie négative, le négociations sur le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) ont réussi à susciter un large éventail de réponses dans la société européenne. Et la controverse a certainement réussi à mobiliser les masses. Choisir la bonne stratégie pour communiquer TTIP est donc crucial, à la fois pour l’UE et pour les communicateurs locaux qui porte le débat. Comment faire mieux ou corriger les lacunes ?

Le rôle de la communication dans la stimulation de l’investissement

Le plan d’investissement pour l’Europe est un projet ambitieux et clé de la Commission Juncker. Partager et comprendre les meilleures pratiques des campagnes d’investissement en cours en Europe est indispensable pour adapter la communication aux besoins des parties prenantes et au niveau local. 

La transparence et la participation, deux enjeux clés de la communication européenne 

Les titres de la plupart des workshops s’articulent autour des enjeux de la transparence (des données, des canaux de communication) et de la participation, en particulier des citoyens :

  • Open data, transparence et participation des citoyens : les projets européens et locaux
  • « Empowering » les citoyens au niveau local
  • Transparence et engagement des citoyens en ligne
  • Communiquer les politiques et les projets de l’UE à travers des médias sociaux innovants
  • Participation numérique : de la recherche sur l’utilisateur à l’action pratique
  • La participation des citoyens et le budget de la ville : la dernière frontière ?

Au total, le programme d’Europcom 2016 s’annonce très intéressant. Bonne conférence !

Quelles sont les « Façons de parler d’Europe » ?

Philippe Aldrin et Marine de Lassalle s’intéressent aux « Façons de parler d’Europe » des citoyens européens. Une manière de repérer plusieurs rapports à l’Europe s’inscrivant dans des expériences sociales, historiques et culturelles très différentes.

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La parole décentrée ou l’Europe au-delà de soi

La parole décentrée se caractérise principalement par une propension à situer son propos sur l’Europe le plus souvent sur un plan général et à se référer à d’autres points de vue, en Europe et sur l’Europe.

Traits principaux de la parole décentrée :

  • niveau élevé de politisation : un intérêt soutenu pour la chose politique qui embrasse les questions européennes;
  • propension à la décentration : une tendance à construire en dehors de soi, à universaliser le point de vue sur l’Europe ;
  • singularisation du point de vue : un travail d’affirmation et de revendication de la capacité à produire une opinion autonome, en démarcation des discours politiques et médiatiques.

La posture de proximité avec l’Europe correspond aux personnes qui sont capables de mobiliser des savoirs impersonnels (académiques, scolaires, médiatiques) sur l’Europe et ont une propension plus affirmée à s’approprier le territoire de l’Europe et à mettre en cohérence le débat public autour des sujets européens.

Pour ce public, correspondant aux couches les plus diplômées capable d’occuper une position décentrée par rapport à l’Europe, la communication de l’UE devrait consister à produire davantage de clarté et d’argumentation afin de maintenir leur intérêt pour l’Europe et in fine leur implication.

La parole sociocentrée ou l’Europe à partir de soi

Le point de vue sur l’Europe est articulé pour l’essentiel à partir d’un soi socialement situé et situable par rapport à l’Europe et donc autour de situations vécues : savoirs techniques spécialisés, expériences de voyages ou d’échanges culturels, vie professionnelle ou familiale.

Traits principaux de la parole sociocentrée :

  • politisation sur enjeu ou sectorisée : un intérêt circonscrit pour les questions politiques qui jouxte çà et là l’Europe ;
  • propension à la sociocentration : une tendance à privilégier l’univers personnel d’expérience pour développer le point de vue sur l’Europe ;
  • particularisation du point de vue : un travail de justification de l’opinion référé à une « réalité » qui est souvent éprouvée collectivement contre l’irréalisme ou l’absurdité des discours politiques et médiatiques.

La posture sociocentrée vis-à-vis de l’Europe correspond aux personnes qui personnalisent et socialisent leur point de vue sur l’Europe dans un rapport plus intermittent et sectorisé. Les savoirs mobilisés pour se forger une opinion sont personnels : l’expérience, le terrain, la réalité quotidienne sont à la base d’un jugement forcément subjectif.

Pour ce public, la communication de l’UE devrait viser à répondre à leur attente de matérialité de l’Europe, à leur demande de justifications concrètes de la construction européenne afin de leur permettre de s’ancrer davantage à l’Europe.

La parole excentrée ou l’Europe en dehors de soi

La parole reste excentrée, au sens où les fragments d’opinion énoncés se tiennent à l’extérieur de l’Europe, faute d’informations scolaires et médiatiques sur le sujet ou d’expériences et de connaissances personnelles qui ne peuvent être rattachées à l’Europe.

Traits principaux :

  • distanciation politique : un sentiment d’éloignement matériel et symbolique avec la politique et plus encore avec les questions européennes ;
  • propension à l’excentration : une tendance à définir l’Europe en dehors de soi, comme une fiction ;
  • déprivation du point de vue : l’absence d’affirmation d’une opinion personnelle et générale sur le sujet.

La posture excentrée est la plus éloignée de l’Europe, marquée par un détachement et une distance à l’égard de l’Europe. Cette attitude doit se comprendre par l’absence de savoirs et d’expériences reliables à l’Europe. Les jugements sont donc sans point de vue généralistes ou fragmentés.

Pour ce public, plus influençable en raison de sa faible capacité à construire sa propre opinion, la doxa délivrée par les grands médias, audiovisuels et locaux constitue le moyen de peu à peu se familiariser avec l’Europe et en saisir le sens minimal.

Savoir parler d’Europe, ça s’apprend

Discuter et évaluer les problèmes européens suppose de les avoir rencontrés par l’accès aux savoirs légitimes (formation scolaire et universitaire, consultation des médias d’information, militantisme) ou à travers des expériences pratiques (activités professionnelles, voyages, etc.).

Or, ces possibilités de rencontre sont d’une part réservées à certains profils sociaux et d’autre part limitées par l’invisibilité relative des interventions et le manque d’incarnation des institutions européennes.

Du coup, le coût d’accès à l’Europe paraît généralement très élevé, y compris pour les individus bien dotés en ressources économiques ou culturelles qui, d’habitude, leur confèrent une plus grande aisance à parler politique.

Au total, les façons de parler d’Europe indiquent une « assignation statutaire » en fonction d’acquis « réservés » qui déjouent des critères socio-économiques ou culturels traditionnels.

Tant qu’une grande partie de la société ne peut pas s’exprimer sur l’Europe « avec toutes les cartes en main », toute idée de confiance ou de soutien majoritaire à l’Union européenne est illusoire.

La communication corporate européenne : qui, comment et pour quoi ?

Evoléna de Wilde d’Estmaël dans son mémoire croise les « regards des communicants dans et autour des institutions de l’Union européenne » et s’interroge sur la démarche de centralisation et de politisation de la communication de la Commission européenne qui se traduit par une « communication corporate » risquant de « faire passer l’unicité du message avant la sincérité du projet ? »…

Génèses de la « communication corporate » : nouvelle fonction présidentielle « about the wood, not only the individual trees »

Sous la deuxième Commission Barroso (2010-2014), la communication est regroupée avec la citoyenneté au sein du portefeuille de Vivane Reding. Avec Martin Selmayr, son chef de cabinet qui avait été son porte-parole, « ils mettent en place une recentralisation des pouvoirs et des moyens de la DG COMM. C’est le début du corporate. » Devenu chef de cabinet de Jean-Claude Juncker, Selmayr obtient la « présidentialisation de la communication » à la fois plus politique et corporate. « Selmayr a vraiment été un élément déterminant de la communication des dernières années. »

Parmi les axes de communication prioritaires de la DG COMM définis dans les Méthodes de Travail de la Commission Juncker adoptées le 11 novembre 2014, la communication corporate vise à « améliorer l’image corporate (branding) de la Commission ».

L’adoption d’une approche corporate au niveau européen consistait en 2014 à « mieux faire passer les messages politiques clés en regardant au-delà des portefeuilles individuels pour communiquer collectivement sur les points importants à la Commission».

La mission principale d’un point de vue communicationnel est de « sensibiliser le public à l’UE en général, à ses valeurs et priorités politiques et aux efforts qu’elle consent pour s’attaquer aux questions d’actualité ».

Ce document affirme « qu’il est urgent » que la Commission et les autres institutions européennes diffusent avec davantage de clarté et de force les  priorités politiques de l’UE, car une communication efficace des messages est essentielle pour la gestion de l’image et de la réputation de l’UE. Cette stratégie part du principe que « la communication ne peut être efficace que si la Commission parle d’une seule voix ».

Interprétations de la communication corporate : verrouillage et centralisation

À la Commission, Gilles Gantelet estime : « si par communication corporate on s’entend pour dire que c’est une communication d’une seule entité, organisée, avec les mêmes outils, les mêmes référents, et qui est beaucoup plus contrôlée, alors oui tout est en place aujourd’hui pour le faire ».

S’opère « un véritable verrouillage de la communication de la Commission : il est désormais impossible d’avoir un rendez-vous avec un expert sans autorisation préalable du service du porte-parole. » Gantelet confirme que de nombreux changements ont eu lieu ces dernières années dans la gestion des publications qui, de plus en plus, passent par la validation au plus haut niveau politique de la DG COMM ou du SPP.

Gareth Harding, ancien journaliste accrédité auprès de l’UE aujourd’hui directeur d’une agence de communication à Bruxelles considère que la communication avec le public et les journalistes a empiré depuis l’arrivée de Juncker. « Où est la preuve que la politique de communication de la Commission est une réussite, si de plus en plus de gens se tournent contre le projet européen, et ce dans presque les pays de l’UE ? ».

Une communication unifiée signifie un contrôle plus strict, et peut donc également mener à moins de démocratie. Or, selon Harding, « toute cette idée de communication Politburo centralisée est mauvaise. La communication, c’est la création d’un débat, d’une conversation, plutôt que juste la diffusion de messages. »

Les 10 chantiers de la communication européenne aujourd’hui

1. L’UE n’a pas de visage

2. L’UE s’exprime de plusieurs voix discordantes

3. L’UE est le bouc émissaire des gouvernements nationaux

4. La sphère européenne est un système clos

5. La communication de l’UE est verrouillée

6. La relation UE-medias-citoyens est complexe

7. Le budget et le personnel qualifié posent question

8. La communication est considérée comme la source de tous les maux de l’UE

9. La nouvelle communication corporate de l’UE semble ne pas porter ses fruits

10. L’UE n’a pas une vision claire de ce qu’elle veut communiquer… ni de comment elle se définit

Communiquer l’Europe restera un exercice compliqué durant les prochaines années, et la communication corporate ne portera vraisemblablement pas plus de fruits que la communication actuelle si un exercice fort de définition du projet européen et de ses limites n’a pas lieu. 

Déclaration de Bratislava : les chefs d’Etat et de gouvernement veulent mieux communiquer

Présenté comme un sommet important permettant aux chefs d’Etat et de gouvernement de faire une « analyse commune de l’état actuel de l’Union européenne » et un « examen de notre avenir commun », la déclaration de Bratislava – de manière assez inédite – aborde l’enjeu de la communication…

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Clarté, honnêteté, courage : la vision de la communication européenne des chefs d’Etat et de gouvernement

Le texte de la déclaration de Bratislava donne des indications intéressantes de la perception que se font les chefs d’Etat et de gouvernement de ce que devrait être la communication européenne :

Nous devons mieux communiquer les uns avec les autres – entre États membres, avec les institutions de l’UE, mais aussi, et c’est le plus important, avec nos citoyens. Nous devrions apporter plus de clarté à nos décisions. Utiliser un langage clair et honnête. Nous concentrer sur les attentes des citoyens, en ayant réellement le courage de nous élever contre les solutions simplistes des forces politiques extrémistes ou populistes.

À Bratislava, nous nous sommes engagés à offrir à nos citoyens, au cours des prochains mois, une vision d’une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien.

Comment traduire ces intentions en actions de communication pour l’UE ?

La feuille de route de Bratislava devrait inciter les institutions européennes à s’interroger sur les manières de traduire concrètement ces intentions – tant par des mesures symboliques qui frappent les esprits que quotidiennement, à chaque occasion de parler, écrire, montrer…

Sur le plan symbolique, les institutions européennes et leurs responsables pourraient par exemple s’engager à ne plus pratiquer le « no comment » lors des conférences de presse afin d’illustrer la volonté de clarté, d’honnêteté et de courage.

Sur le plan pratique, la disparition immédiate et intégrale de toutes abréviations et jargons dans les pages publiées en ligne, les communiqués envoyés et tout autre support pourrait constituer un premier pas dans la bonne direction.

Pour une fois, la communication européenne est un enjeu perçu par les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est le moment pour les institutions européennes de ne pas les décevoir ; après tant d’année de déception pour les citoyens.

Que faut-il retenir du discours sur l’état de l’Union de Juncker ?

Au-delà des annonces, sommes toutes assez importantes du discours sur l’état de l’Union européenne du président de la Commission européenne devant le Parlement européen mercredi 14 septembre dernier, que peut-on retenir sur l’information et la communication autour de cet événement européen ?

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Un exercice, déjà difficile, rendu encore plus compliqué par les actualités (Brexit, Bratislava et Barroso)

Le rendez-vous installé par le traité de Lisbonne depuis 2010 n’est pas un parcours de santé pour le président de la Commission européenne. Il doit parvenir à formuler un discours qui donne des perspectives et synthétise les prochaines initiatives sans sombrer dans un catalogue de bonnes intentions et de mesures. L’expérience de Ryan Heath de Politico avec Barroso est particulière instructive en la matière.

En outre, la cuvée 2016 est particulièrement plombée par l’agenda qui prend en sandwich le discours entre le Brexit, dont on attend encore l’ouverture officielle des négociations, le sparadrap Barroso, recruté par Goldman Sachs, dont Juncker s’est décidé à réagir quelques jours avant et le sommet de Bratislava, dont on attend une feuille de route des chefs d’Etat et de gouvernement quelques jours après. Bref, le « timing » ne pourrait être plus compliqué.

Résultat, les retombées les plus partagées dans les médias montrent que ce ne sont pas les principales déclarations qui retiennent l’attention du public mais les sujets d’actualité les plus controversés.

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Une communication, plutôt rodée, soldée par une controverse avec une Youtubeuse

La mobilisation des moyens de communication en ligne des institutions européennes à l’occasion du discours sur l’état de l’Union européenne ne cesse d’année en année de se renforcer.

Doté d’un portail et d’un hashtag dédiés sotue.eu et #sotue (près de 100 000 tweets publiés), le déploiement du teasing, à la couverture live – de plus en plus en format vidéo – et aux restitutions des temps forts dans les différents médias sociaux est plutôt convaincant.

Comme chaque année, une innovation en termes de communication est également introduite à l’occasion du discours. Cette année, il s’agit d’une interview-live du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker interrogé par des Youtubeurs et diffusé en ligne et sur Euronews.

Laetitia Birbes, l’une des vloggers affirme dans une vidéo : « Comment Youtube m’a menacée pour plaire au président Juncker » qu’elle aurait été « menacée » par le personnel de YouTube, qui aurait fait pression sur elle pour influencer ses questions.

Au total, que faut-il retenir ? Deux choses. D’une part, l’agenda est plus fort que la déclaration. Dans la mesure du possible, les actualités encombrantes devraient être traitées en amont du discours pour libérer l’agenda et permettre de se concentrer sur le fond. D’autre part, la transparence intégrale est la nouvelle règle. Le dialogue avec des Youtubeurs peut se révéler un choix risqué.