Archives mensuelles : avril 2015

Quelle est l’évaluation officielle de l’initiative citoyenne européenne ?

Deux chiffres clés sont mis en exergue du rapport de la Commission européenne sur l’application de l’initiative citoyenne européenne : 0,01% des Européens ont signés des déclarations de soutien et 10 % des initiatives enregistrées ont réussi à atteindre le seuil d’un million de signataires…

Bilan officiel chiffré de l’initiative citoyenne européenne

Depuis avril 2012, la Commission a reçu 51 demandes d’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne, 31 ont été enregistrées (16 enregistrements en 2012, 9 en 2013, 5 en 2014 et 1 en 2015) tandis que 20 propositions d’initiatives ne remplissaient pas les critères d’enregistrement, 18 ont atteint la fin de leur période de collecte (10 autres ont été retirées), 3 ont atteint le nombre requis de déclarations de soutien et ont été soumises à la Commission, 2 ont déjà reçu une réponse formelle et 1 est en cours d’examen (réponse pour le 3 juin 2015).

En matière de litige, 6 comités de citoyens ont décidé d’intenter un recours devant le Tribunal contre les décisions de la Commission refusant l’enregistrement de leur proposition d’initiative et 1 réponse à été contesté. Toutes ces affaires sont en cours.

Par ailleurs, le Médiateur européen a été saisi de 2 plaintes émanant d’organisateurs d’initiatives. Il en a déjà clôturé une, concluant qu’il n’y avait pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission. La seconde affaire est encore en cours d’examen.

Enfin, dans l’ensemble, près de 90 % de toutes les déclarations de soutien recueillies par les 3 initiatives ayant atteint 1 million de signatures ont été déclarées valables par les autorités compétentes.

Évaluation officielle de la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne

Considérant sans doute qu’une seule aurait suffit, la Commission estime très sérieusement « que le dispositif relatif à l’initiative citoyenne européenne a été pleinement mis en œuvre ».

Heureusement, la litote du rapport confirme que « la Commission est toutefois consciente que des améliorations restent possibles » :

  • l’absence de personnalité juridique des comités des citoyens est problématique, notamment pour lever des fonds ou gérer la protection des données ;
  • l’enregistrement des propositions est problématique, puisqu’une majorité s’est située manifestement en dehors du domaine de compétence de la Commission ;
  • les exigences divergentes applicables aux signataires sont problématique, faut d’uniformiser et de simplifier les exigences ;
  • le calendrier du parcours, notamment les seuls 12 mois pour la collecte et l’absence de délai pour présenter une initiative couronnée de succès à la Commission est source de confusion et d’incertitude.

Par ailleurs, le rapport précise que « certains organisateurs (ainsi que d’autres parties prenantes) déplorent l’insuffisance de dialogue et d’interaction avec la Commission au cours des étapes successives et souhaiteraient que le processus d’examen et de suivi soit plus structuré et les associe davantage ».

En conclusion, la Commission estime naturellement qu’« il est encore trop tôt pour évaluer les incidences à long terme de l’initiative citoyenne européenne sur le processus institutionnel et législatif de l’UE ». C’est dommage, même si l’institution se dit « déterminée à continuer de suivre de près et de débattre un certain nombre de questions (…) le but étant d’améliorer cet instrument ».

Comment les citoyens s’expriment et perçoivent l’intégration européenne ?

À travers des entretiens collectifs réalisés en Belgique, France et Grande-Bretagne, Virginie Van Ingelgom étudie dans « Les perceptions citoyennes de l’intégration européenne à travers l’expression de focus groups » la légitimité de l’intégration européenne « par le bas », c’est-à-dire la légitimité perçue à partir du point de vue des citoyens…

Quels sont les principaux cadres de perception et d’évaluation de l’intégration européenne par les citoyens ?

Le marché commun : entre bénéfices et critiques

Les bénéfices liés au marché commun – traditionnellement en pôle position – n’est plus que le troisième avantage avancé pour justifier du processus d’intégration européenne.

Malgré la foi partagée dans ses avantages économiques, cette vision optimiste de l’intégration européenne est fortement contrebalancée par une anxiété palpable par rapport aux effets néfastes de la compétition intra-européenne issus des différences de salaires et de bénéfices sociaux.

Par ailleurs, les avantages de l’Euro sont reconnus, pour la mobilité facilitée par l’absence de change, mais l’Euro est aussi souvent synonyme d’inflation et de perte du pouvoir d’achat des citoyens.

Les États sont trop petits

Thème le plus mobilisateur, dans un monde globalisé, les États européens sont devenus trop petits : s’unir serait donc devenu indispensable.

À cette perception relative à l’interdépendance économique sur la scène internationale correspond également une représentation de la globalisation des problèmes qui affectent nos sociétés : environnement, réchauffement climatique, mais aussi catastrophes ou maladies.

Cependant, l’unité de la puissance européenne, fusse-t-elle économique, politique ou militaire, apparaît comme fragile en raison du désaccord entre pays européens, d’autant plus probables à mesure que le nombre d’États augmente et que les différences s’agrandissent.

La suppression des frontières

Le troisième attribut positif largement présent est d’une nature non-économique. La suppression des frontières constitue un élément essentiel dans la manière dont les gens conçoivent l’intégration européenne.

Possibilité de voyager sans obstacles, mobilité facilitée par les passeports, utilisation de la monnaie unique et absence de contrôles aux frontières et à terme, pour une partie, suppression des frontières permettent de renforcer la compréhension entre les peuples européens.

Les arguments positifs liés à l’ouverture des frontières intra-européennes devancent largement les critiques, même si le cadre commun se heurte ici à l’expérience vécue, ou plus précisément à l’absence d’expérience vécue.

Gouvernance et déficit démocratique

La principale critique porte sur une évaluation négative de la plupart des aspects liés à la gouvernance et à la démocratie au niveau européen.

L’UE est dépeinte comme opaque, distante, inefficace, inadaptée, paralysée par les égoïsmes nationaux et obsédée par la régulation du moindre petit aspect.

Par ailleurs, l’opacité du système politique européen est également dénoncée, les lobbies étant perçus comme les véritables détenteurs du pouvoir au niveau européen, soumettant la construction européenne à la suprématie de l’économie de marché.

Des façons différentes de voir l’Europe : persistance des cadres nationaux de perception et d’évaluation de l’intégration européenne

L’État-nation joue un rôle primordial dans la formation des cadres de perception et d’évaluation de l’Europe.

Derrière l’importance globale du cadre de perception et des évaluations liées au marché commun se cachent des différences nationales significatives :

  • Les anglais partagent davantage les bénéfices attendus du marché commun et critiquent l’ouverture des frontières européennes, un problème de sécurité et d’immigration illégale ;
  • Les français et les belges dénoncent davantage les méfaits de la compétition intra-communautaire sur le marché du travail, des délocalisations et de l’inflation.

Au-delà des différences liées aux cadres communs de perception et d’évaluation de l’intégration européenne, existe une série d’arguments spécifiques :

  • Les belges mettent en scène le futur et en particulier les bénéfices de l’intégration pour les générations futures ;
  • Les anglais se montrent plus préoccupés par la question de la souveraineté nationale et la perte de l’identité nationale ;
  • Les français avancent la mobilité et l’échange comme principal fondement à une valorisation de l’Europe sur le plan non-économique.

Au total, les discours des citoyens ordinaires sur l’intégration européenne permettent de mieux saisir la construction cognitive de l’UE ou dit autrement la légitimité « empirique » de l’UE où les arguments économiques jouent un rôle dominant dans les images de l’unification européenne.

Comment l’Union européenne communique sur la citoyenneté ?

L’Union européenne, à travers le programme « L’Europe pour les citoyens » 2014-2020, vise à « conforter la mémoire européenne et renforcer la participation civique ». Ce programme n’est pas pleinement satisfaisant selon une évaluation critique du programme par le Parlement européen. Pourquoi ?

Une conception trop civique et peu culturelle de la citoyenneté européenne : il faudrait promouvoir une culture riche et diverse de citoyenneté active plutôt que mettre en avant les institutions de l’UE

Selon le Parlement européen, la conception civique et républicaine de la citoyenneté dans le programme « L’Europe pour les citoyens » représente une « conception unidimensionnelle et par trop instrumentale de ce que représentent la citoyenneté active et la participation citoyenne ».

En effet, le programme « L’Europe pour les citoyens » est orienté vers les politiques de l’Union, et en particulier vers le processus d’élaboration des politiques et prête donc le flanc à la critique : certains pourraient affirmer que le programme « L’Europe pour les citoyens » n’a pas pour but de promouvoir une culture riche et diverse de citoyenneté active, mais plutôt de mettre en avant les institutions de l’Union européenne.

À l’heure actuelle, l’interprétation dominante du sens de la citoyenneté et de son objet est essentiellement utilitaire et axée avant tout sur les politiques et le processus d’élaboration des politiques de l’Union, au risque que ce programme ne soit considéré comme un outil de propagande de l’Union.

L’Union européenne ne devrait pas négliger les nombreuses formes bénéfiques que peuvent prendre la participation et l’esprit civiques.

Une conception asymétrique du programme : le volet « mémoire » étant clairement subordonné au volet « participation civique »

Le volet « participation civique » se voit attribuer plus de deux tiers du total des crédits opérationnels, contre 20 % à peine pour le volet « mémoire ».

Ce déséquilibre est d’autant plus marqué que le volet « mémoire », se focalise presque entièrement sur les causes des régimes totalitaires dans l’histoire récente de l’Europe et sur leurs victimes.

Réduire la mémoire européenne au national-socialisme et au bolchévisme encourage une interprétation unidimensionnelle de l’histoire et nuit à la création d’un public européen critique.

Afin de remédier aux déséquilibres existants dans la conception du programme et d’éviter de donner l’impression que l’un des deux volets thématiques n’est qu’un simple ajout à l’autre, une répartition plus équilibrée serait nécessaire.

L’Union européenne ne devrait pas négliger de construire une mémoire européenne contemporaine, qui s’appuie sur les réalisations de l’intégration européenne depuis la fin des années 40.

Au total, la communication de l’Union européenne sur la citoyenneté européenne s’enrichirait d’une approche moins civique/institutionnelle au profit d’une vision plus culturelle et contemporaine.

Quelle actualité pour la communication institutionnelle sur l’Europe en France ?

Alors que les partenariats entre l’UE et les Etats-membres semblaient au point mort, la Représentation en France de la Commission européenne lance un appel à propositions « dans le cadre du partenariat stratégique sur la communication sur l’UE entre les institutions européennes et les autorités françaises ». De quoi s’agit-il ?

Des actions et des événements sur l’UE en France pendant 2015

L’appel à propositions « Actions et événements sur l’UE pendant l’année 2015 » vise à identifier et soutenir, au cours de l’année 2015, des projets qui accompagnent et amplifient la communication institutionnelle sur l’Europe en France.

Premier d’une série de trois, cet appel à propositions s’appuiera sur 3 piliers :

  • Les thématiques de l’Union européenne (perspectives économiques et sociales, Fête de l’Europe, citoyenneté, histoire européenne, valeurs de la construction européenne ;
  • Les priorités de communication interinstitutionnelle des institutions européennes (compétitivité et emploi en Europe, Europe au service de ses citoyens, Europe sur la scène internationale en lien avec le thème de l’année européenne pour le développement) ;
  • Les dix grandes priorités de la nouvelle Commission Juncker.

Maximiser la visibilité de son projet et atteindre de nouveaux publics

Véritable leitmotiv de la communication européenne, les objectifs d’impact et les cibles larges des actions viseront à :

  • renforcer la visibilité de l’action de, ou des valeurs défendues par, l’UE ;
  • stimuler le débat local sur l’Europe et encourager la participation du public au sens large au débat sur l’Europe, afin de faire remonter leurs préoccupations vers les décideurs européens ;
  • accompagner la communication institutionnelle sur l’UE en France sur les priorités politiques des institutions et la traduction concrète, en France, des politiques européenne ;
  • apporter un angle nouveau à la communication institutionnelle sur l’Europe.

Dans la mesure du possible, les projets s’inscriront dans une dynamique de partenariats locaux, de relations avec la presse et de participation citoyenne afin de maximiser visibilité et retombées, sans Internet, réseaux sociaux ou autres réseaux de mobilisation citoyenne.

Au total, avec un budget total alloué au co-financement de projets de 240 000 euros sur l’année 2015, la communication européenne en France risque de passer encore une fois assez inaperçue.

Comment la Commission européenne communique sur ses priorités ?

La nouvelle Commission Juncker s’est particulièrement illustrée dans son approche inédite de son programme de travail annuel, « en faveur d’une approche davantage ciblée sur les priorités ». Justement, comment parvient-elle à communiquer sur ses priorités ?

Une présence en ligne relativement équilibrée entre visibilité et profondeur

Il n’y a pas de doute, la Commission européenne « met le paquet » en ligne pour sensibiliser ses publics à sa démarche de se concentrer sur quelques priorités :

Dans les réseaux sociaux, la Commission européenne s’est notamment illustrée avec quelques initiatives autour de la première priorité, le plan d’investissement, avec une timeline « #InvestEU Twitter Network » dédiée sur Twitter et un groupe de discussions sur LinkedIn ; ou du marché unique numérique avec un Thunderclap, un outil qui se présente comme «  la première plateforme de communication par la foule qui aide les gens à se faire entendre en disant quelque chose ensemble » (sic).

Une hiérarchie relativement illisible entre des « grandes » et des « petites » priorités

Suivant les supports consultés, la liste des « grandes » priorités évolue. La lisibilité politique des messages de la Commission européenne – à géométrie variable – ne contribue pas à rassurer sur l’agenda exact de l’institution.

priorites

Entre les 3 priorités (plan d’investissement, marché unique du numérique, Union de l’énergie) qui se dégagent de la page officielle de la Commission européenne, les 6 priorités listées dans le communiqué de presse (fiscalité, migration, union économique et douanière) et les 10 chapitres du programme de travail annuel, la confusion s’installe sur ce qui est vraiment le plus prioritaires.

Seule une infographie quasi illisible parvient à synthétiser la complexité issue de la combinaison entre les 10 priorités politiques et les 23 initiatives législatives de la Commission européenne.

priorites_initiatives

Au total, la communication de la Commission européenne autour de ses priorités de travail est pléthorique et dispersée au risque de ne pas parvenir à traduire et porter les principaux messages politiques de l’institution.