Comment les citoyens s’expriment et perçoivent l’intégration européenne ?

À travers des entretiens collectifs réalisés en Belgique, France et Grande-Bretagne, Virginie Van Ingelgom étudie dans « Les perceptions citoyennes de l’intégration européenne à travers l’expression de focus groups » la légitimité de l’intégration européenne « par le bas », c’est-à-dire la légitimité perçue à partir du point de vue des citoyens…

Quels sont les principaux cadres de perception et d’évaluation de l’intégration européenne par les citoyens ?

Le marché commun : entre bénéfices et critiques

Les bénéfices liés au marché commun – traditionnellement en pôle position – n’est plus que le troisième avantage avancé pour justifier du processus d’intégration européenne.

Malgré la foi partagée dans ses avantages économiques, cette vision optimiste de l’intégration européenne est fortement contrebalancée par une anxiété palpable par rapport aux effets néfastes de la compétition intra-européenne issus des différences de salaires et de bénéfices sociaux.

Par ailleurs, les avantages de l’Euro sont reconnus, pour la mobilité facilitée par l’absence de change, mais l’Euro est aussi souvent synonyme d’inflation et de perte du pouvoir d’achat des citoyens.

Les États sont trop petits

Thème le plus mobilisateur, dans un monde globalisé, les États européens sont devenus trop petits : s’unir serait donc devenu indispensable.

À cette perception relative à l’interdépendance économique sur la scène internationale correspond également une représentation de la globalisation des problèmes qui affectent nos sociétés : environnement, réchauffement climatique, mais aussi catastrophes ou maladies.

Cependant, l’unité de la puissance européenne, fusse-t-elle économique, politique ou militaire, apparaît comme fragile en raison du désaccord entre pays européens, d’autant plus probables à mesure que le nombre d’États augmente et que les différences s’agrandissent.

La suppression des frontières

Le troisième attribut positif largement présent est d’une nature non-économique. La suppression des frontières constitue un élément essentiel dans la manière dont les gens conçoivent l’intégration européenne.

Possibilité de voyager sans obstacles, mobilité facilitée par les passeports, utilisation de la monnaie unique et absence de contrôles aux frontières et à terme, pour une partie, suppression des frontières permettent de renforcer la compréhension entre les peuples européens.

Les arguments positifs liés à l’ouverture des frontières intra-européennes devancent largement les critiques, même si le cadre commun se heurte ici à l’expérience vécue, ou plus précisément à l’absence d’expérience vécue.

Gouvernance et déficit démocratique

La principale critique porte sur une évaluation négative de la plupart des aspects liés à la gouvernance et à la démocratie au niveau européen.

L’UE est dépeinte comme opaque, distante, inefficace, inadaptée, paralysée par les égoïsmes nationaux et obsédée par la régulation du moindre petit aspect.

Par ailleurs, l’opacité du système politique européen est également dénoncée, les lobbies étant perçus comme les véritables détenteurs du pouvoir au niveau européen, soumettant la construction européenne à la suprématie de l’économie de marché.

Des façons différentes de voir l’Europe : persistance des cadres nationaux de perception et d’évaluation de l’intégration européenne

L’État-nation joue un rôle primordial dans la formation des cadres de perception et d’évaluation de l’Europe.

Derrière l’importance globale du cadre de perception et des évaluations liées au marché commun se cachent des différences nationales significatives :

  • Les anglais partagent davantage les bénéfices attendus du marché commun et critiquent l’ouverture des frontières européennes, un problème de sécurité et d’immigration illégale ;
  • Les français et les belges dénoncent davantage les méfaits de la compétition intra-communautaire sur le marché du travail, des délocalisations et de l’inflation.

Au-delà des différences liées aux cadres communs de perception et d’évaluation de l’intégration européenne, existe une série d’arguments spécifiques :

  • Les belges mettent en scène le futur et en particulier les bénéfices de l’intégration pour les générations futures ;
  • Les anglais se montrent plus préoccupés par la question de la souveraineté nationale et la perte de l’identité nationale ;
  • Les français avancent la mobilité et l’échange comme principal fondement à une valorisation de l’Europe sur le plan non-économique.

Au total, les discours des citoyens ordinaires sur l’intégration européenne permettent de mieux saisir la construction cognitive de l’UE ou dit autrement la légitimité « empirique » de l’UE où les arguments économiques jouent un rôle dominant dans les images de l’unification européenne.

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