Archives annuelles : 2012

Communication décentralisée de la Commission européenne : que font les Représentations dans les médias sociaux ?

Avec une présence unanime sur au moins un réseau social (Facebook ou Twitter) voire sur les deux médias sociaux pour 20 sur 27, les Représentations de la Commission européenne sont bien actives dans les médias sociaux. Que faut-il retenir de la communication décentralisée des Représentations, notamment par rapport à l’activité « bruxelloise » ?

Inversion des « rapports de force » dans les médias sociaux entre la communication décentralisée et « Bruxelles »

A première vue, on assiste à une inversion des « rapports de force » entre le siège de la Commission et les Représentations :

Sur Twitter, le siège est plus de 2 fois plus important sur Twitter avec @EU_Commission possédant 80 000 followers à comparer aux 27K followers des 20 comptes décentralisés ; Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Luxembourg, Portugal et Malte ne « tweetant » pas. Cette prépondérance du compte central est renforcée par les autres ratios, puisque les Représentations ont publié globalement 27K Tweets contre seulement 6K et ont 6,5K abonnements contre seulement 0,7K.

Sur Facebook en revanche, le siège comptabilise 68K de likes contre plus de 72K au total pour les 26 autres fan pages, seuls 2 Représentations (Pays-Bas et Lettonie) n’étant pas sur Facebook. Néanmoins, cette prépondérance quantitative des Représentations doit être relativisée par l’engagement plus réduit sur toutes ces pages (2,4 K de personnes actives) par rapport à la fan page officielle de la Commission (4,7 K de personnes actives).

Autrement dit, les Représentations – considérées comme plus proche des citoyens – sont logiquement plus appréciées –quoique le dialogue y soit réduit – sur Facebook, le réseau social grand public tandis que le compte officiel de la Commission sur Twitter – le réseau de l’information en temps réel – est davantage suivi.

Diversité des maturités entre les Représentations dans les médias sociaux

La maturité de chaque Représentation doit être prise en compte dans l’analyse de la communication dans les média sociaux.

S’agissant de Facebook et Twitter, l’Espagne est l’Etat-membre qui héberge la communication décentralisée de la Commission européenne la plus active, et de loin, avec 2 fan pages sur Facebook, dont la plus génératrice d’engagement avec 617 personnes actives et le compte Twitter disposant du plus grand nombre de followers. Si les Représentations souhaitent progresser, elles peuvent regarder du côté de Madrid ou Barcelone. L’Estonie est le pays pour le moment où la Représentation de la Commission est la moins engagée dans les médias sociaux avec seulement une fan page où 17 personnes en parlent.

Pour les autres médias sociaux, un peu moins de la moitié des Représentations assurent une présence sur Youtube (ou Viméo). A ce sujet, la Lituanie tire son chapeau avec plus de 850 000 vues, notamment grâce à une web-série sympathique « Kukis ir Medutis » et une vidéo d’un jeune groupe de rock faisant plus de 200 000 vues.

Au total, la communication décentralisée de la Commission européenne réserve quelques surprises, notamment sa capacité très ponctuelle (cf. Lituanie) à engager massivement le public sur Youtube, son habilité mesurée sur Twitter (cf. 5 comptes à plus de 1000 abonnés) et limitée sur Facebook (cf. seules 6 pages dépassent les 100 personnes engagées).

Comment la communication européenne s’adapte au « nouveau monde » de l’abondance de l’information ?

L’évolution récente du paysage médiatique et numérique conduit les institutions, notamment l’Union européenne, à apprendre à communiquer – au sens de dialoguer – avec des publics mieux informés qu’elles ne savent pas ou ne veulent pas adresser. La communication de l’UE est-elle adaptée au « nouveau monde » de l’abondance de l’information ?

De l’ancien monde de la rareté de l’information et de la communication institutionnelle

L’ancien monde de la rareté de l’information se caractérise par quelques médias dominants et des modes de consommation de l’information très semblable entre les citoyens. La communication institutionnelle y est très top-down et limitée à quelques publics.

Sous cet empire de la rareté de l’information, la communication de l’UE maîtrise globalement l’actualité européenne et ne dialogue vraiment qu’avec quelques émetteurs captifs que l’UE se doit bien d’adresser, à savoir schématiquement journalistes spécialisés et diplomates nationaux.

Au nouveau monde de l’abondance de l’information et de la communication concurrentielle

Le « nouveau monde » de l’abondance de l’information se définit davantage par l’éclatement des médias et des canaux d’information ainsi que par une consommation individualisée de l’information. La communication, de fait, devient relationnelle avec de multiples publics mieux informés.

Dans une époque d’abondance de l’information (ce qui n’est pas synonyme de qualité et d’égalité d’accès), la communication de l’UE ne maîtrise plus autant l’agenda européen et se voit de plus en plus concurrencée par d’autres émetteurs plus ou moins légitimes : lobbyistes, experts, élus et citoyens.

Comment la communication européenne pourrait s’adapter ?

L’enjeu de la communication de l’UE aujourd’hui n’est plus dans la maîtrise de la rareté mais dans la gestion de l’abondance. Autrement dit, il ne s’agit plus d’alimenter quelques publics multiplicateurs d’opinion mais de dialoguer avec de multiples publics plus ou moins représentatifs des opinions.

Pour parvenir à délivrer ses messages, la communication européenne doit être en mesure de parvenir à la fois à :

  • renforcer sa capacité à définir quelques priorités pour les imposer aux autres émetteurs, cela ne peut se faire sans davantage coordonner sinon mutualiser les efforts de communication des institutions européennes ;
  • développer ses moyens pour définir quelques cibles afin de leur distribuer ces messages prioritaires, cela ne peut se faire sans une meilleure compréhension et à fortiori utilisation des phénomènes de mobilisation et d’opinion, notamment en ligne.

Ainsi, la communication européenne ne peut vraiment s’adapter au « nouveau monde » de l’abondance de l’information sans des efforts de mutualisation des messages et de compréhension de l’opinion publique en ligne.

Création d’un Prix européen de la communication publique

Tandis que nous proposions en 2010 de créer un « Prix de la communication publique européenne », les organisateurs d’EuropCom – la conférence annuelle sur la communication publique en Europe – remettront pour la première fois en 2013 un Prix européen de la communication publique

Prix de la meilleure campagne de communication sur l’Union européenne de l’année

Afin de partager les meilleures pratiques et de stimuler la communication de l’UE à tous les niveaux de gouvernance, les premiers prix européens de la communication publique récompenseront, dès 2013, les administrations publiques au niveau national, régional ou local des Etats-membres et des États candidats à l’adhésion qui ont développé une campagne de communication exceptionnelle sur l’UE.

Critères d’évaluation des campagnes :

  • Impact et efficacité de la campagne, avec un bonus pour des campagnes de long terme ;
  • Créativité et innovation (message, utilisation des médias, style, etc.) ;
  • Cohérence avec les priorités de communication de l’UE (Europe 2020, la relance européenne; citoyenneté de l’Union; participation aux élections européennes de 2014) ;
  • Intégration dans la stratégie de l’institution et des partenariats à plusieurs niveaux.

Prix du meilleur Communicateur de l’Union européenne de l’année

Un prix personnel récompensera les (anciens) membres du personnel spécialisé dans le domaine de la communication de l’UE au sein des administrations publiques aux niveaux national, régional ou local des Etats membres et des États candidats à l’adhésion.

Critères d’évaluation des noms proposés :

  • Mérites professionnels du candidat ;
  • Capacité à inspirer ses collègues (à l’intérieur et à l’extérieur de leurs services) ;
  • Sens de l’innovation, de la coopération multi-niveau et vision à long terme.

Chaque participant à la conférence EuropCom pourra voter pour son candidat préféré par un sondage en ligne.

Pour les 2 catégories de prix, les candidats peuvent être proposés par eux-mêmes, par leur administration, ou par d’autres acteurs (agences de communication, ONG, réseaux, partis politiques, etc.) Le Conseil consultatif EuropCom peut également proposer des candidats. Les prix seront remis lors de la 4e Conférence EuropCom, en Octobre 2013.

Une nouvelle initiative qui illustre la professionnalisation et la reconnaissance progressive de la communication européenne.

Lobbying, éthique et transparence : comment l’Union européenne pourrait tirer les leçons du Dalligate ?

La démission de John Dalli – Commissaire européen chargé de la santé et de la politique des consommateurs accusé de corruption – doit être l’occasion pour la Commission de « renforcer les règles d’éthique et de transparence en matière de lobbying », selon ALTER-EU, l’Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation dans l’UE…

Un renforcement de la transparence et de l’éthique dans le lobbying

Dans un courrier destiné à José Manuel Barroso, ALTER-EU constate que l’on ne sait pas exactement pourquoi M. Dalli a dû quitter la Commission. Son président devrait mettre fin au secret entourant l’affaire et publier la totalité des faits à propos de ce scandale, y compris le rapport du Bureau européen de lutte antifraude (OLAF).

Quelque soit la vraie raison de la démission de M. Dalli, cette situation soulève de sérieuses questions quant à l’accès privilégié des lobbyistes et à leur influence sur la prise de décision de la Commission européenne.

La Commission a un besoin urgent d’utiliser des mesures plus rigoureuses pour éviter toute influence indue, introduire de la transparence et des règles d’éthique plus strictes et rigoureusement appliquées.

1) Conflit d’intérêt : durcissement du Code de conduite applicable aux Commissaires et aux hauts fonctionnaires

Le cas Dalli montre clairement que les formulations actuelles particulièrement vagues des règles d’éthique sont insuffisantes. La Commission devrait adopter une approche pro-active pour empêcher l’influence indue.

Il faudrait une révision du Code de conduite des Commissaires et des règles éthiques dans le règlement du personnel afin par exemple d’énoncer clairement que les Commissaires et les hauts fonctionnaires ne doivent pas accepter de réunions organisées par des connaissances qui agissent à titre de lobbyistes.

Il faudrait également des règles de déontologie plus strictes et obligatoires pour les lobbyistes, à la place de celles énoncées dans le code de conduite lié au registre de la transparence volontaire afin par exemple de ne pas embaucher les anciens Commissaires ou hauts fonctionnaires au cours d’une période de trois ans après avoir quitté la Commission.

2) Transparence : un registre obligatoire et une transparence sur les réunions de la Commission avec les lobbyistes

Le registre de la Commission en matière de transparence – faible et volontaire – doit être remplacé par un système de transparence du lobbying obligatoire qui permet aux citoyens de l’UE de voir qui influence le processus décisionnel européen, sur quelles questions, au nom de qui et avec quel budget.

L’examen du registre de transparence, prévue pour la mi-2013 offre l’occasion idéale de commencer la transition vers un système obligatoire aux obligations d’information beaucoup plus strictes.

Dans le même temps, la Commission doit agir dès à présent pour rendre le registre obligatoire de facto en refusant de rencontrer les lobbyistes non enregistrés. Pour rappel, la connaissance de M. Dalli – incriminée par l’OLAF – n’était pas inscrite dans le registre de transparence de la Commission.

En plus de la refonte du registre de transparence, la Commission européenne devrait fournir des informations complètes en ligne sur toutes les réunions entre fonctionnaires de la Commission et lobbyistes. Pour rappel, un certain nombre de Commissaires, y compris le Président, refusent de divulguer sur demande quelles réunions ils ont eues avec des lobbyistes.

En résumé, pour ALTER-EU, le cas Dalli doit permettre de tirer la leçon de toute l’affaire. Le système actuel ne fonctionnant pas, un renforcement des règles et des procédures est nécessaire pour limiter l’influence indue du lobbying sur l’UE.

« Our space » : la nouvelle plateforme délibérative européenne destinée aux jeunes

À un an des élections européennes, une nouvelle plateforme délibérative est lancée par l’UE. « Our space – the virtual youth space » est le MySpace des jeunes européens pour parler, contribuer, partager, participer et voter « sur ce qui est décidé pour vous, sans vous ». L’objectif est de proposer un espace commun aux jeunes européens et aux décideurs politiques…

Quel est le bilan des initiatives délibératives et participatives européennes antérieures ?

Comme le rappelle Thomas Delahais dans « Les effets de programmes européens de participation citoyenne sur l’action publique européenne : les cas de Plan D et Debate Europe » : les résultats des nombreuses initiatives européennes, notamment en ligne, ont souvent été très limités.

De 2006 à 2009, « la Commission européenne a investi 10 millions d’euros dans une centaine de débats organisés à travers toute l’Europe, dont un certain nombre de projets participatifs, voire délibératifs, à l’échelle européenne. Or, malgré la bonne volonté de leurs organisateurs et la bonne tenue, en général, de ces débats, leur caractère innovant aussi, leurs effets sur la sphère publique et sur ses acteurs se sont généralement révélés à peine perceptibles, voire totalement absents.

Les initiatives délibératives et participatives de la Commission européenne se confrontent toujours, selon Thomas Delahais à la « difficulté des fonctionnaires à accepter la parole de citoyens “qui ne représentent qu’eux mêmes” ».

Que faut-il attendre du MySpace des jeunes européens ?

Qu’en sera-t-il des effets attendus ou induits par « Our space » à la lecture des principales limites constatées dans les projets précédents ?

our_space

Our space aura-t-il des effets utilisables pour l’action publique, dans le cadre du processus électoral ?

Sûrement, est-ce l’effet attendu le plus recherché si le projet réussi, encore que les jeunes participants seront recrutés parmi des jeunes déjà engagés et que tout dépendra de l’implication des candidats aux élections européennes.

Our space produira-t-il des résultats utiles pour l’action publique, en vue de proposer une solution à des problèmes européens ?

Sans doute, est-ce l’effet attendu le moins susceptible d’être obtenu, compte tenu de l’étendue relativement limitée des législations européennes, de la méconnaissance répandue des politiques publiques européennes et que tout dépendra de la qualité du community management.

Our space sera-t-il communiqué aux bonnes personnes, notamment les participants, sans même parler des destinataires des conclusions ?

Comme dans la plupart des actions de l’UE, la publicisation est réduite et ce n’est pas la page Facebook (360 like) ou le compte Twitter (264 followers) qui suffiront à ce que la participation ne se limitent pas, comme trop souvent, aux publics proche de l’UE.

Au total, « Our space » représente une réelle innovation : la 1e plateforme pan-européenne de dialogue entre les jeunes et les politiques sur l’Europe. Reste à savoir si c’est également une opportunité pour mobiliser les jeunes à voter aux élections européennes.