Archives annuelles : 2011

Pourquoi l’opération « Europe concrète dans nos territoires » de Laurent Wauquiez ne marche pas ?

Lors de la première conférence de presse du Secrétaire d’État aux Affaires européennes devant l’Association des journalistes européens, à Paris le 15 février 2011 – alors qu’il est nommé depuis le 14 novembre 2010 – Laurent Wauquiez annonce des déplacements « Europe concrète de nos territoires » afin « d’illustrer combien l’Europe est présente au cœur de la vie des Français et de mettre en exergue les réalisations concrètes soutenues par l’Europe »…

L’européanisation des visites de terrain « Europe concrète dans nos territoires » ne suscite aucun intérêt auprès des médias

Les premiers déplacements sont clairement organisés afin de valoriser l’action de l’Europe en France :

  • Jeudi 27 janvier 2011 : déplacement en Charente autour de l’action européenne en faveur du Cognac – secteur ayant bénéficié d’un financement à 50% des dépenses de promotion en Europe et représentant aujourd’hui un chiffre d’affaires équivalant à la vente de 32 Airbus ;
  • Jeudi 17 février 2011 : déplacement en Dordogne autour de l’action européenne en matière de prévention des risques naturels (chantier de protection d’une falaise) et de développement des énergies renouvelables (traitement biologique de déchets organiques).

Sans résonance avec une quelconque actualité – qu’il s’agisse de l’action de l’UE en lien avec un éventuel fait divers ou d’un événement européen important – ces déplacements consacrés à l’Europe sont largement passés sous le radar des médias.

La politisation des visites de terrain « Europe concrète dans nos territoires » ne favorise aucun intérêt pour l’Europe

Le dernier déplacement – tirant les leçons des précédents – est manifestement organisé sur de nouvelles bases beaucoup plus politiques :

  • Jeudi 3 mars : déplacement en Haute-Loire avec le président de la République sur le thème de l’héritage patrimonial de la France.

Avec la présence du chef de l’État et une déclaration politicienne : « Wauquiez tacle DSK « pas en osmose » avec les territoires », ce déplacement politique bénéfice d’une reprise médiatique plus importante, quoique l’Europe en soit le grande absent.

Ainsi, qu’ils s’agissent de visites exclusivement européennes sans lien avec une quelconque actualité ou de déplacements particulièrement politiques sans lien avec une quelconque action européenne, l’opération « Europe concrète dans nos territoires » ne parvient pas à convaincre.

De quoi parlent les blogs des Commissaires européennes ?

Une semaine avant la « Journée internationale des droits de la Femme » le 8 mars prochain, il est intéressant de constater que 4 des 5 blogs de Commissaires européens sont tenus par des femmes. Une véritable préférence féminine pour le blog cher les Commissaires femmes d’autant plus marquante alors que la baisse du « blogging » semble patente chez les eurodéputé(e)s.

Laissons de côté le blog du seul Commissaire homme Andris Piebalgs (Développement) et regardons de quoi parlent les blogs des Commissaires féminines à partir d’une analyse sémantique des 50 mots les plus récurrents au fil de leurs billets…

Blog de Neelie Kroes, Vice-Présidente (Agenda numérique)

Lancé le 3 mars 2010, l’analyse lexicale indique explicitement le champ de compétences de la Commissaire : « internet », « online », « market » et « ecommerce » ainsi que « rule » et « recommendation ».
Un leitmotiv semble revenir autour de la jeunesse et des jeux : « children », « kid », child » et « game » ou « games ».
Les verbes les plus utilisés expriment un registre assez personnel et intime convenant à l’exercice du blog, quoique davantage dans l’incantation que dans l’action : d’un côté « like », « feel », « read », « know » et d’un autre « hope », « help » et « want ».

Blog de Maria Damanaki (Affaires marîtimes et Pêche)

De nouveau, l’analyse lexicale laisse peu de place au doute sur le portefeuille exercé : « fish », « shark », « sharks », « fishing », « fisheries », « fishemen », « tuna » et « marine » ou « sea ».
Peu surprenant, le souçi de l’écologie transparait : « environmental », « sustainability », « long term » et « future ».
L’action politique, notamment la sanction semble davantage présent : « issues », « problem », « need », « must », « order », « monitoring » et « finning ».

Blog de Kristalina Georgieva (Coopération internationale, aide humanitaire et réponse aux crises)

L’analyse lexicale traduit précisément la feuille de route portée par la Commissaire : « humanitarian », « development », « world », « country/countries » mais également les verbes « « aid », « support », « access », « help » et « deserve » et les substantifs « food », « peace », « water », growth » et « kindness » sans oublier « million » et « billion ».

Les missions de la Commissaire auprès de certaines population et pays sont également retracées : « Yemen », « Somali », « people » et « refugees ».

Blog de Cecila Malmström (Affaires intérieures)

Quoique le plus récent, puisqu’il est en ligne depuis le 10 février 2011, l’analyse lexicale révèle néanmoins certains traits.
La tâche confiée se devine à travers la présence des termes suivants : « migration », « migrants », « asylum », « Africa » et « Justice » ainsi que « discussion », « meeting », « coopération » ou « violence ».
Les verbes sont tournés vers l’action et ne laisse pas encore transparaître d’émotions ou sentiments plus personnels : « assist », « support », « allow » et « intensify ».

Ainsi, l’exercice de regarder les termes les plus souvent utilisés sur les blogs des Commissaires européennes se révèlent instructifs pour mieux connaître leurs quotidiens professionnels.

Comment les médias tentent d’informer sur l’Europe ?

Dans « L’Union européenne et les médias – Regards croisés sur l’information européenne » paru en 2003 aux éditions L’Harmattan, Guillaume Garcia et Virginie Le Torrec rassemblent des analyses sur l’information européenne, dont Arnaud Mercier réalise une synthèse dans « Questions de communication » en 2005…

L’Europe, une actualité invendable

Olivier Baisnée souligne à quel point l’information sur l’Union européenne reste une actualité « invendable » :

  • l’actualité communautaire « réputée austère, technique et réservée aux spécialistes » « présente le gros handicap de ne pas se prêter à des images spectaculaires » ;
  • le traitement réservé à l’Europe se révèle essentiellement un traitement institutionnel, lors de grands événements, comme les Sommets européens.

L’Europe, une information polarisée sur quelques domaines

Guillaume Garcia et Virginie Le Torrec pointent « la forte polarisation de l’information européenne sur quelques domaines de politique publique » :

  • attention sélective selon une logique indexée sur des déterminants nationaux (ex : les pays agricoles accordent une place non négligeable aux questions paysannes européennes) ;
  • nationalisation des débats européens en fonction du possible écho que les journalistes perçoivent avec les préoccupations propres à chaque pays.

L’Europe, un sujet rarement de premier plan dans la presse écrite

Nicolas Hubé analyse la place réservée à l’UE dans la presse française et allemande :

  • la presse française couvre essentiellement – voire exclusivement – les enjeux de politiques publiques, c’est-à-dire les décisions, surtout si elles ont un impact en France ;
  • la presse allemande couvre également, sur le modèle de ce qui se fait pour la politique fédérale, les jeux politiciens, les débats internes et les querelles, donnant ainsi plus de chair à la vie politique communautaire.

Toutefois, « l’Union européenne n’est un sujet politique de premier plan ni dans la presse allemande, ni dans la presse française » ; sa présence en titre principal ou en deuxième titre n’excédant que rarement les 5 % des « unes ».

L’européanisation paradoxale de la consommation de médias

Éric Darras souligne combien la diffusion de biens d’information en Europe ne relève pas d’une véritable européanisation des consommations, ou alors d’une européanisation paradoxale, puisque les produits les plus fédérateurs sont les produits américains, ce qui justifie le titre : « Une internationalisation paradoxale des publics – En quête d’Europe ».

Le piège de l’information européenne officielle

Dominique Marchetti et Olivier Baisnée décryptent la chaîne d’information en continu « Euronews » :

  • difficulté à échapper au piège « naturellement » tendu d’être une chaîne porte-parole des institutions communautaires, relayant en priorité l’information européenne officielle ;
  • difficulté à « bricoler » un « point de vue européen forcément flou ».

L’européanité introuvable de l’actualité européenne

Érik Neveu étudie l’échec de la courte existence d’un hebdomadaire d’information spécialisé et militant « L’Européen » (seulement 21 numéros publiés en 1998) :

  • difficulté à trouver un public, sur la base d’un point de vue qui défend en fin de compte « une introuvable européanité » ;
  • difficulté à combler l’écart entre les enjeux réels pour la vie politique et quotidienne de ce qui se décide à l’échelon européen et les représentations mentales du public.

Ainsi, la place que les médias tentent de trouver à l’Europe – tant via un espace réservé aux questions européennes dans les médias nationaux qu’à une européanisation de l’information destinée à un public européen – se révèle problématique.

Eurobaromètre sur l’information européenne : le fossé générationnel des médias sociaux

Avec l’Eurobaromètre 74 sur « l’information sur les questions politiques européennes » réalisé en novembre 2010 et publié en février 2011, paraît la première enquête européenne qui permet de dresser un état des lieux de l’opinion européenne à l’égard des médias sociaux en ligne…

La pratique des médias sociaux : certes minoritaire dans la population globale mais commune et solidement ancrée au sein de la jeunesse européenne

Tandis que la pratique quotidienne d’Internet concerne 45% des Européens et son usage au moins hebdomadaire 63%, l’utilisation des médias sociaux en ligne ne concerne qu’une minorité d’Européens :

  • 18% des Européens utilisent tous les jours les médias sociaux ;
  • 33% des Européens utilisent au moins une fois par semaine les médias sociaux ;
  • 56% des Européens restent totalement à l’écart de la pratique des médias sociaux.

Pratique minoritaire au sein de la population européenne, la fréquentation des médias sociaux semble en revanche s’être installée comme une pratique commune et solidement ancrée au sein de la jeunesse européenne :

  • 66% des 15-24 ans disent utiliser ces médias au moins une fois par semaine ;
  • 50% des 15-24 ans utilisent les médias sociaux quotidiennement.

Plus largement, l’usage d’Internet reste très inégal en fonction de l’âge des individus : 91% des jeunes âgés de 15 à 24 ans utilisent Internet au moins une fois par semaine, pour 83% des 25-39, 69% des 40-54 et 33% des 55 ans et plus.

Ainsi, Internet s’impose comme un média de masse pour les jeunes générations et les médias sociaux comme une pratique commune.

L’information politique sur les médias sociaux : un moyen intéressant d’information et d’expression politiques au moins pour ceux qui les connaissent et les pratiquent

Auprès de l’ensemble de la population, le jugement sur les médias sociaux est marqué par un fort niveau de « sans opinion », sans doute exprimé par ceux qui ne connaissent ni ne pratiquent :

  • 42% considèrent que « les médias sociaux sont un moyen moderne de rester au courant des affaires politiques » (34% sans opinion) ;
  • 41% estiment que « les médias sociaux en ligne sont un bon moyen de maintenir l’intérêt des gens pour les affaires politiques (35% sans opinion) ;
  • 41% s’accordent sur le fait que « les médias sociaux en ligne sont un bon moyen de dire ce qu’on pense des questions politiques » (36% sans opinion).

En revanche, ceux qui utilisent ces médias sociaux sont logiquement bien plus convaincus de leur intérêt :

  • 66% de ceux qui vont sur les médias sociaux au moins une fois par semaine considèrent qu’ils sont un bon moyen de se tenir au courant de l’actualité politique ;
  • 67% également estiment qu’ils constituent un outil pertinent pour s’exprimer et donner son avis sur l’actualité.

Plus que la profession, la situation économique personnelle ou le niveau d’éducation, le clivage structurant des représentations sur les médias sociaux est le clivage d’âge.

Ainsi, à la réserve que les médias sociaux ne touchent vraiment que les jeunes, ces médias représentent un bon moyen d’informer et de dialoguer.

Eurobaromètre sur l’information européenne : le paradoxe d’Européens mal informés mais satisfaits des médias

Paradoxe selon l’Eurobaromètre 74 « l’information sur les questions politiques européennes » réalisé en novembre 2010 et publié en février 2011 : les Européens ont le sentiment d’être très largement mal informés sur les questions européennes tout en estimant également que la quantité d’informations sur l’UE dans les médias est satisfaisante…

Sentiment collectif et individuel d’être largement mal informé sur l’Europe

Le constat d’une mauvaise information de la population sur l’UE concerne une majorité absolue de répondants et reste valable dans tous les pays de l’Union (hormis le Luxembourg) :

  • Près de trois quarts des Européens (73%) considèrent que les citoyens de leur pays sont mal informés sur les questions européennes.
  • Au niveau individuel, deux tiers des Européens (66%) avouent être mal informés sur les questions européennes.

Ce sentiment d’une mauvaise information sur les enjeux européens est fortement déterminé par les variables sociales et éducatives : « S’il est majoritaire dans toutes les catégories de la population, il est toutefois bien plus marqué au sein des couches les plus modestes et les moins diplômées ».

La télévision, le vecteur d’information et de recherche d’informations prépondérant sur les affaires européennes

Première source d’information sur l’UE, 61% des Européens citent la télévision, très loin devant la presse (14%), Internet (10%) et la radio (7%).

La domination de la télévision comme source d’information principale sur les affaires européennes est écrasante dans tous les pays de l’Union.

56% des Européens citent encore la télévision comme le média privilégié pour chercher de l’information sur l’UE, alors même qu’elle se situe davantage dans une logique de réception passive que dans celle d’une quête active de recherche d’informations.

Même dans une démarche active de recherche d’information, et alors qu’il est à l’évidence le média le plus approprié pour cela, Internet est relégué derrière la télévision.

Si la télévision reste donc le média de masse, il existe toutefois des disparités générationnelles :

  • auprès des 15-24 ans, télévision et Internet (respectivement 47% et 48%) font jeu égal comme source de recherche d’informations sur l’Union ;
  • auprès des 55 ans et plus, la télévision écrase internet (62% contre 13%).

Quantité d’informations sur l’UE dans les médias globalement satisfaisante pour les Européens

Si les Européens ont très majoritairement le sentiment d’être mal informés sur l’Union, ils jugent cependant l’information dispensée par les différents médias « suffisante » : 50% des répondants estiment que la télévision dans leur pays parle suffisamment de l’UE.

Quel que soit le support médiatique considéré, des minorités importantes (les plus diplômées) considèrent qu’il y a trop peu d’informations concernant l’UE.

Pour tous les types de médias considérés, la proportion d’Européens jugeant l’information sur les sujets européens suffisante est en forte progression : le gain est ainsi de 11 points pour la télévision, et de 8 points pour la radio, la presse et Internet par rapport à novembre 2007.

Dorénavant, une majorité des Européens estiment que la télévision et la radio parlent assez des affaires européennes.

L’information délivrée par les médias nationaux sur l’Union paraît objective pour une majorité d’Européens : 55% des répondants font ainsi ce constat pour la télévision, alors que 16% jugent qu’elle parle de l’Union de façon trop positive et 12% de façon trop négative.

En somme, hormis le sentiment d’être mal informé sur l’UE, les Européens sont satisfaits de la couverture médiatique des affaires européennes. Autrement dit, quoique conscients de leur faible connaissance des enjeux européens, ils ne ressentent pas le besoin de combler leur déficit.