Archives annuelles : 2010

La communication européenne face à l’impératif de légitimer l’Europe

« Au-delà des débats sur la réalité du déficit de légitimité de l’Europe politique – dont l’argument sert sans doute autant les Etats dans leur disqualification des velléités supranationales de la Commission que celle-ci dans sa justification à investir davantage les espaces publics et médiatiques des pays membres – » ; un colloque est annoncé les 30-31 mai 2011 à Strasbourg pour interroger la « persistance d’un impératif à légitimer l’Europe ». Voici un résumé des enjeux :

Légitimer l’Europe par la professionnalisation des producteurs de la communication de l’UE

Premier enjeu de la légitimation de l’Europe, la production de l’information européenne :

  • Comment les acteurs à l’intérieur des milieux institutionnels européens conçoivent, mettent en forme et publicisent l’information sur l’UE ?
  • Comment mettre en perspective les démarches et les pratiques professionnelles, mais aussi les jeux relationnels des producteurs de l’information européenne ?

Légitimer l’Europe par la co-production avec des experts de la communication européenne

Deuxième enjeu de la légitimation de l’Europe, la diversification et l’externalisation de l’expertise en matière d’information-communication européenne :

  • Comment les institutions de l’UE s’appuient de plus en plus fréquemment sur une expertise spécialisée (la compétence rédactionnelle des journalistes pour la conception de brochure ; la maîtrise méthodologique et théorique de chercheurs pour la mise en œuvre d’un sondage délibératif…) ?
  • Comment et avec quelles conséquences s’effectue l’introduction d’autres spécialistes des affaires européennes (agences-conseil en RP, think tanks, lobbies…) dans la coproduction de l’information européenne ?

Légitimer l’Europe par la participation d’euro-citoyens à la communication sur l’Europe

Troisième enjeu de la légitimation de l’Europe, la « démocratie participative » visant à incarner une sphère publique européenne :

  • Comment les institutions européennes recours à des dispositifs et des interfaces en phase avec les pratiques du public utilisateur de l’Internet (expériences délibératives, forums, renseignements en ligne, web-TV…) ?
  • Comment les institutions européennes dialoguent avec la « blogosphère » qui parle d’Europe et avec laquelle sont explorés des moyens inédits de fonder ou refonder un lien avec les euro-citoyens ?

Ainsi, alors que les débats autour de l’information européenne deviennent l’une des priorités de l’agenda politique européen, l’enjeu de la légitimation de l’Europe – au cœur de la communication européenne – sera au centre de ce colloque.

Comment assurer l’avenir de l’audiovisuel public en Europe dans le nouveau paysage numérique des médias ?

Avec le développement des technologies numériques et l’apparition des médias pure player, l’établissement d’un modèle de coexistence équilibré sur Internet entre les acteurs médiatiques commerciaux et l’offre publique et gratuite des services publics de l’information constitue une priorité majeure pour l’UE.

Dans une proposition de résolution « sur la radiodiffusion de service public à l’ère du numérique: l’avenir du système double », l’eurodéputé belge Ivo Belet formule des propositions pour assurer l’avenir de l’audiovisuel public dans ce nouveau paysage numérique des médias.

Les apports des services publics de l’information sont nombreux, selon l’eurodéputé :

  • « contribution vitale à la production audiovisuelle européenne »,
  • « préservation et développement du pluralisme médiatique et de la diversité culturelle et linguistique »,
  • « promotion des libertés fondamentales », en particulier la liberté d’expression,
  • « concurrence éditoriale (sur le plan de la qualité et de la diversité des contenus) »,
  • « maintien d’une sphère publique à l’ère du numérique, qui se caractérise par une fragmentation de l’audience ».

Assurer l’indépendance politique et financière de l’audiovisuel public

Constatant que « certains États membres ne respectent pas les normes européennes en matière de liberté d’expression, de pluralisme des médias et en ce qui concerne l’indépendance, la mission et le financement des médias de service public » au point de mettre en cause leur existence, à la fois sur le plan financier et politique, la proposition de résolution du Parlement européen :

  • « invite instamment les États membres à définir les missions des radiodiffuseurs de service public, afin que ceux-ci puissent conserver leur spécificité en s’engageant à fournir une production audiovisuelle originale ainsi qu’une programmation et un travail de journalisme de grande qualité, hors de toute considération commerciale » ;
  • « invite instamment les États membres à doter les médias de service public d’un financement approprié et stable, afin de leur permettre de s’acquitter de leur mission, de garantir leur indépendance politique et économique, de contribuer à une société de l’information et de la connaissance sans exclusion ».

Autrement dit, l’avenir de l’audiovisuel public et l’accomplissement de sa mission d’information – notamment sur l’UE – passe par l’adoption de cahiers des charges et de budgets pluriannuels démocratiquement délibérés.

Assurer la neutralité technologique de l’audiovisuel public

Constatant que « les fournisseurs de services de télécommunications et en ligne, ainsi que les moteurs de recherche, jouent un rôle sans cesse croissant dans le nouvel environnement médiatique, la proposition de résolution du Parlement européen :

  • « invite les médias publics et privés à coopérer avec des éditeurs pour le partage de contenus et à établir des partenariats… conformément au principe de la neutralité technologique de toutes les plateformes » ;
  • « invite la Commission à prendre une initiative concernant un éventuel cadre juridique pour les agrégateurs de contenu, dans lequel les moteurs de recherche contribueraient à la création de contenus… et de traiter les questions de droits d’auteur dans ce contexte ».

Autrement dit, l’avenir de l’audiovisuel public et la diversification de ces offres – pour toucher en particulier les jeunes – passe par de nouveaux services et de nouveaux contenus sur de nouvelles plateformes numériques.

Ainsi, dans la nouvelle « e-écologie médiatique », l’avenir de l’audiovisuel public justifie une action régulatrice de l’UE.

La perception de la politique régionale européenne par les citoyens plaide pour une campagne de communication grand public

La meilleure compréhension des perceptions des citoyens sur la politique régionale européenne – permise par l’enquête Eurobaromètre « sensibilisation des citoyens et perceptions de la politique régionale européenne » qui vient de paraître – plaide pour le lancement d’une campagne de communication sur cette politique européenne…

Le paradoxe élitiste de la perception de l’opinion publique européenne sur la politique régionale européenne : diminution de la notoriété et augmentation des jugements positifs

Les résultats de l’Eurobaromètre sont pour le moins étonnants :

  • il y a de moins en moins de citoyens européens à déclaré avoir entendu parlé que l’UE co-finance des projets dans leurs régions (34% en 2010 contre 49% en 2008) ;
  • il y a de plus en plus de citoyens européens – parmi la minorité sensibilisée – à estimer que le soutien de l’UE à un impact positif sur le développement de leurs régions (76% en 2010 contre 70% en 2008).

La situation des 15-24 ans est quasi-caricaturale : 78% ne connaissent pas la politique régionale et 82% de ceux qui connaissent ses projets estiment que le soutien régional de l’UE est positif.

Ainsi, le soutien à la politique régionale européenne se conforte à mesure que sa base diminue. Autrement dit, afin d’éviter la tendance à l’élitisation de la politique régionale, il est grand temps de redonner un souffle populaire à cette politique appréciée lorsqu’elle est connue.

Le classicisme de l’opinion publique européenne sur les sources d’information sur la politique régionale européenne

Premier média, la télévision conserve sa suprématie pour s’informer sur la politique régionale européenne : pour ceux qui ont entendu parler de projets cofinancés par l’UE, plus de la moitié (53%) mentionne la télévision comme leur source d’information. Dans tous les segments socio-démographiques, la télévision est la principale source d’information.

Premier média chez les jeunes, Internet perce lorsque cette cible s’informe sur la politique régionale européenne : plus d’un quart des 15-24 ans ont trouvé des informations sur Internet alors qu’il ne s’agit que d’un peu plus de 1 sur 10 répondants au total.

Deux autres enseignements :

  • la presse quotidienne régionale et locale est également citée par 32% des répondants,
  • les brochures sont seulement mentionnées par 4% des répondants.

Ainsi, la communication sur la politique régionale européenne doit impérativement passer par le canal de la télévision pour toucher tous les publics, avec un relais sur Internet particulièrement adapté aux jeunes.

Égocratie et communication européenne : les liaisons numériques dangereuses

Alors que l’avènement du web social – environ un tiers des citoyens de l’UE utilisent des sites de réseaux sociaux selon un Eurobaromètre publié en octobre 2010 – entraîne de profondes recompositions dans les usages et pratiques politiques des citoyens sur le web – au point de parler d’« égocratie » ; plusieurs initiatives récentes en communication européenne révèlent des « liaisons numériques dangeureuses »…

L’égocratie, ce pouvoir d’individus anonymes non élus et non-candidats qui peuvent transformer leur opinion personnelle en opinion publique par la médiation du web social

Étudié par Alban Martin dans un ouvrage qui vient de paraître « Égocratie et démocratie, la nécessité de nouvelles technologies politiques », « l’égocratie consiste en l’influence par une minorité sur les termes à propos desquels tous les citoyens seront amenés à se prononcer » :

  • D’un simple avis « citoyen » sur un sujet d’actualité ou en cours de débat, l’égocrate peut aboutir, via la viralité de son message sur les médias sociaux, à transformer son opinion personnelle en opinion publique en attirant l’attention des médias sur le sujet et en contribuant à le légitimer et à le transformer en opinion « réellement » publique.
  • La porosité entre l’espace public traditionnel et l’espace public numérique place alors directement les égocrates en position de représentant de l’opinion publique, capable d’influencer les représentants politiques.

Le nouveau pouvoir égocrate peut exercer son influence par :

  • « un blog avec des écrits résonnant sur la toile pour arriver aux oreilles des journalistes spécialisés, puis des médias généralistes et enfin des hommes politiques » ;
  • « un lobby organisé par plusieurs individus directement auprès d’élus via les outils numériques » ;
  • « une enquête à charge à partir d’informations publiques méthodiquement analysées et distillées de manière subtile dans l’espace public numérique ».

Détournement démagogique de l’égocratie par la communication européenne : le citoyen européen peut interpeller directement – sans la médiation du web social – les représentants de l’Europe

Alors que la figure de l’égocrate repose sur la capacité à produire des idées vraiment pertinentes pour faire l’objet d’une diffusion virale sur les médias sociaux en vue d’exercer une influence sur les institutions ou les politiques, deux initiatives récentes en communication européenne expurgent la validation des idées par le web social pour ne conserver que l’« interpellation » des représentants :

  • Tweet Your MEP : tweetyourmep.eu, sans aucune transformation de l’opinion personnelle en opinion publique par des processus de validation des communautés (notes, votes…), le site propose à chaque citoyen d’interpeller directement les eurodéputés sommés de répondre sans connaître les qualités de la question et de leur auteur (popularité, pertinence …).
  • Yoosk – EU in the UK : yoosk.com/euintheuk sans aucun élément d’information, le site réalisé pour la Représentation de la Commission européenne à Londres propose à chaque citoyen de poser ses questions et de noter les réponses qui y sont apportées.

Ainsi, alors que le web social pourrait permettre à des égocrates de créer véritablement de nouvelles idées sur l’Europe qui pourraient influencer les décideurs, les initiatives récentes en communication européenne se détournent de la capacité du web social à pleinement créer des opinions publiques à partir d’expressions personnelles validées par les communautés.

Que fait l’UE pour adapter sa communication à l’Internet mobile ?

Alors que plusieurs études récentes confirment la percée de l’Internet mobile– l’UE tarde à s’adapter aux usages des « mobinautes »…

Quid des équipements en Internet mobile ?

En matière de prospective, les tendances sont particulièrement marquées vers une massification de l’Internet mobile :

  • les smartphones devraient dépasser les PC dès 2012 dans le monde selon Morgan Stanley ;
  • les abonnements à la troisième génération de téléphonie mobile devraient atteindre 3,4 milliards en 2015 dans le monde selon Ericsson.

Dès à présent, l’Eurobaromètre spécial 335 publié en octobre 2010 : « Étude sur les communications électroniques auprès des ménages » révèle que 33% des utilisateurs de la téléphonie mobile dans l’UE peuvent aujourd’hui accéder à Internet pour regarder, écouter/télécharger des contenus et envoyer/recevoir des e-mails – « le nombre d’abonnements mobiles à Internet étant le même dans les pays UE15 et les pays NEM12 ».

Quid des usages « mobinautes » ?

Selon l’étude « Ipsos Profiling 2010 » publié en septembre 2010, 25% des internautes français sont des mobinautes (46% par navigateur et 26% par des applications) :

  • profil : plus assidus sur le média (multi-quotidiens), ils sont jeunes (moins de 35 ans) et urbains;
  • usages : 10% déclarent télécharger des applications gratuites chaque mois sur leur téléphone portable pour le divertissement et le service, avec 44% pour de l’actualité générale.

En 2014, ce seront 18 millions de Français, qui possèderont un forfait Internet mobile, soit plus d’un Français sur quatre selon l’étude de PricewaterhouseCoopers « Global Entertainment & Media Outlook 2010-2014 ».

Quid de l’UE sur l’Internet mobile ?

Un rapide tour d’horizon permet de constater pour le moment :

  • pas de version mobile visible depuis le portail Europa, test confirmé avec un smartphone. Le site « Europe Direct » permettant de poser directement des questions par téléphone ou e-mail pourrait servir de précurseur.
  • ni application iPhone ou iPap (sauf des projets privés et payant : un petit guide de l’UE, un recueil des traités), ni application Android (sauf un projet privé « EUNA » pour les hymnes nationaux) ;
  • une version mobile de l’EU calendar (aujourd’hui offline) ainsi que du site des Relations extérieures de l’UE.
  • UPDATE : une application Itunes de l’espace presse de l’UE est disponible

Ainsi, alors que l’Internet mobile se développe à grand pas, l’UE doit accélérer son adaptation à ces nouveaux formats et usages.