Décryptée pour la 1ère fois dans le rapport Herbillon en 2005, la fracture européenne peut être analysée de plusieurs manières…
La fracture européenne, comme déficit d’information et de communication
Partant d’un constat d’échec des politiques de communication sur l’Europe (peu impactantes, trop dispersées…) et d’une défaillance des médiateurs naturels, le rapport de Michel Herbillon analyse la fracture européenne comme un double déficit d’information des citoyens et de communication des gouvernements conduisant à un déficit d’intégration de la France dans l’Union européenne.
Afin de réduire ce déficit d’information et de communication, des investissements massifs doivent être réalisés afin de faire entrer l’Europe dans les écoles, via des programmes pédagogiques ; dans l’administration, via des formations ; dans les médias, via des émissions TV/radio et des publications web…
La fracture européenne, comme « double contrainte »
En termes de communication, la fracture européenne peut être analysée comme une situation de « double contrainte », c’est-à-dire une expression de deux contraintes qui s’opposent.
En effet, les responsables politiques critiquent « l’Europe de Bruxelles », dès que les propositions de la Commission, représentant de l’intérêt communautaire, s’opposent aux intérêts nationaux. Ce premier mouvement invite explicitement les citoyens à rejeter l’Union européenne. Pourtant, les responsables politiques critiquent également le rejet de la construction européenne par les citoyens, lorsqu’ils sont consultés par la voie référendaire. Ainsi, face à ces injonction paradoxales d’ordre et de contre ordre les citoyens ne savent donc plus comment agir…
La fracture européenne, comme déficit de politisation et de citoyenneté active
Sur le plan de la communication politique, la fracture européenne peut être analysée classiquement comme un enjeu électoral et symbolique.
Lors des consultations à caractère européen (référendum de ratification ou élections européennes), la classe politique se divise en cinq familles, selon les travaux d’Olivier Rozenberg, cités dans Le Monde :
- les pro-européens d’une part,
- quatre idéologies critiques d’autre part : l’europhobie d’extrême droite, fondée sur la défense d’un « nationalisme fermé », le souverainisme républicain, fondé sur la défense de la nation comme lieu exclusif de la démocratie, le « localisme ruraliste » et l' »antilibéralisme altermondialiste ».
Sur le plan symbolique, la construction européenne est un enjeu de représentation de la puissance (du point de vue des politiques) et de la protection (du point de vue des citoyens) et de l’identité (pour tous) : s’agit-il sur d’une construction communautaire entre États souverains, d’une intégration politique au sein d’une fédération ou d’une union entre des peuples… une nécessité économique, voire même une fatalité ? un bouclier culturel, voire même un contre-modèle ? une perte d’identité, voire même une menace technocratique ? une valeur d’usage pour le voyageur-consommateur ?
La fracture européenne, comme fin de l’idée d’Europe
Sur le plan intellectuel, la fracture européenne peut être analysée en France comme une rupture entre l’idée d’Europe – héritée des pères fondateurs Robert Schuman et Jean Monnet – et l’Europe réelle et concrète. Illustré par Jean-Michel Apathie sur son blog « L’idée d’Europe est morte », cet argument consiste à considérer que la construction européenne d’aujourd’hui, plutôt libérale et faiblement intégrée aurait échappé à l’esprit français souhaitant réaliser « une union sans cesse plus étroite »…