Voilà 10 ans que le rapport Herbillon fait le diagnostic connu de tous sur les causes de la fracture européenne : « les responsabilités sont partagées, mais rien ne changera tant que l’on ne dépassera pas les déclarations de principe. Il est urgent de changer d’approche pour changer d’échelle ». Où en est la France par rapport aux 40 propositions pour européaniser la vie publique en France et mieux informer les Français sur l’Europe ?
Aucune adaptation des structures gouvernementales
Parmi les propositions portant sur les administrations publiques, les changements sont très limités.
1 – Donner au ministre des Affaires européennes un véritable rôle d’impulsion et de coordination en matière de communication sur l’Europe :
- Ni direction interministérielle placée auprès du ministère aux Affaires européennes
- Ni correspondant pour la communication sur l’Europe désigné dans chaque ministère
2 – Instaurer des conseils interministériels réguliers sur les affaires européennes
- Ni conseil interministériel sur les affaires européennes, présidé par le Premier ministre
- Ni conseil restreint sur les questions européennes, présidé par le chef de l’État
3 – Lancer une Conférence nationale du débat public sur les affaires européennes
- Jamais rassemblé des représentants des pouvoirs publics, du milieu associatif, du milieu syndical, des médias, du milieu enseignant et des élus
4 – Confier au ministre délégué aux Affaires européennes la tenue d’une conférence de presse hebdomadaire sur l’Europe
- Jamais de point aussi régulier sur l’agenda législatif européen et les principaux dossiers d’actualité
5 – Européaniser la composition des cabinets ministériels
- Jamais au moins un ressortissant d’un État membre de l’UE dans chaque cabinet ministériel
6 – Intégrer la dimension européenne dans l’exposé des motifs des projets de loi
- Ni articulation des mesures envisagées avec le droit communautaire
- Ni l’état des règles en vigueur dans plusieurs autres pays européens
Refondation partielle de Sources d’Europe avec Touteleurope
Les propositions portant sur le centre d’information sur l’Europe en France ont été partiellement mises en œuvre.
7 – Transformer Sources d’Europe en un service propre du Ministre délégué aux Affaires européennes
- Les pôles « information et communication sur l’Europe » et « animation du réseau national » existent à peu près
- Les pôles « formation » et « recherche et publications » sont restés lettre morte
Implication réduite des parlementaires nationaux
Parmi les propositions visant les parlementaires nationaux, les avancées sont extrêmement limitées.
8 – Organiser un débat en séance publique, avant et après chaque réunion du Conseil européen
- Encore que très rarement de débat parlementaire en séance publique, dans l’hémicycle
9 – Prévoir des sessions de formation obligatoires à Bruxelles pour tous les parlementaires nationaux
- Encore peu d’occasions d’être en contact direct avec les institutions de l’UE
10 – Adresser aux parlementaires nationaux une lettre d’information européenne du Gouvernement
- Un « euro-kit » fut ponctuellement réalisé à l’occasion de la Présidence française du Conseil de l’UE au second semestre 2008
11 – Transformer les délégations pour l’UE de l’Assemblée nationale et du Sénat en commissions permanentes non législatives
12 – Renforcer les liens entre les parlementaires nationaux et les députés européens
- Pas de création de missions d’information communes entre les parlements nationaux et le Parlement européen
13 – Instaurer des Journées parlementaires sur l’Europe
Mobilisation réduite de l’administration au service de l’Europe
En matière d’évolutions de la formation des fonctionnaires français, les progrès sont très en retrait.
14 – Renforcer la place de la France dans le domaine de la formation au management public européen
- Cycle des hautes études européennes pas sur le modèle de l’IHEDN, mais existe à l’ENA
15 – Instaurer un plan pluriannuel de formation continue aux questions européennes
- Pas de formation pour les fonctionnaires de l’État lors de la nomination sur des emplois de direction
16 – Valoriser l’expérience européenne dans la carrière publique
- Ni requis pour l’accès à certains postes
- Ni ne figure ce critère dans les fiches de postes
17 – Recenser les fonctionnaires disposant d’une expérience européenne
- Pas de base de données unique
L’école, pas encore le lieu d’apprentissage de la citoyenneté européenne
Malgré l’impérieuse nécessité de traiter le sujet « Europe » à l’école, les propositions sont restées lettre morte.
18 – Inclure les notions de base sur les institutions et la culture européennes dans le « socle commun des connaissances »
- Pas de « fondamentaux sur l’Europe » au primaire et au collège
19 – Évaluer l’acquisition des connaissances de base sur l’Europe à l’occasion du brevet des collèges
- Pas dans l’épreuve d’histoire-géographie du brevet des collèges
20 – Ajouter la dimension européenne à l’enseignement d’éducation civique, juridique et social
- Pas de changement significatif
21 – Former les professeurs aux questions européennes
- Pas d’exigences requises en matière de connaissance des « fondamentaux sur l’UE », et notamment du fonctionnement des institutions et des fondements de la culture européenne
22 – Distribuer le « passeport jeunes – l’Europe en poche » à tous les lycéens
- Pas de distribution généralisée à tous les Terminales
23 – Généraliser les jumelages électroniques entre les écoles
- Pas de généralisation d’un système de correspondants européens
Promotion inexistante de l’esprit européen par les valeurs du sport et l’élan de la jeunesse
Toutes les propositions visant à promouvoir l’Europe via les valeurs du sport et la jeunesse n’ont pas été suivies d’effet.
24 – Informer les jeunes sur l’Europe au cours de la Journée d’appel à la préparation de la Défense
- Pas de module européen spécifique lors de la Journée d’appel à la préparation de la Défense
25 – Créer un « Office européen de la jeunesse »
- Pas de « guichet unique » pour l’accès aux différents programmes proposés par l’UE : échanges de jeunes, Service volontaire européen, Erasmus, etc.
26 – Généraliser le volontariat européen en abondant son financement
- Pas de changement significatif
27 – Instaurer des Jeux européens du sport scolaire
- Pas de jeux européens du sport scolaire, réservés aux collégiens de chacun des pays membres de l’UE
28 – Donner une visibilité au drapeau de l’Union à l’occasion des manifestations sportives
- Pas de drapeau européen figurant sur les maillots des sportifs
29 – Créer des « trophées européens du sport »
- Pas de « trophées européens du sport » pour des personnalités sportives européennes, via des votes en ligne et une cérémonie retransmise à la télévision
Popularisation de l’Europe absente par un traitement médiatique plus attractif et plus régulier
Les propositions concernant l’information et les médias n’ont pas été très reprises.
30 – Inscrire le traitement des Affaires européennes parmi les obligations du service public audiovisuel
- Ni meilleur compte rendu régulier de l’activité du Parlement européen
- Ni formation des cadres journalistes aux questions européennes
31 – Assurer le développement d’Euronews en lui permettant d’accéder à la télévision numérique terrestre
- Diffusion en France encore confidentielle
32 – Promouvoir l’Europe par le divertissement et la fiction
- Pas d’Europe déclinée à travers les jeux télévisés, les émissions de divertissement, les magazines et les fictions
33 – Encourager la production de « programmes courts » sur l’Europe
- Pas de diffusion régulière d’un programme court sur L’Europe au quotidien, mais campagne ponctuelle en 2008 et 2010 sur les fonds européens
34 – Lancer un prix « Europorter » entre les écoles de journalisme
- Davantage de catégories pour le prix Louise Weiss du journalisme européen, notamment auprès des étudiants des écoles de journalisme
Recours faible aux symboles pour développer une conscience européenne
Seule la proposition portant sur le double pavoisement des édifices publics est aujourd’hui largement pratiquée.
35 – Instaurer le double pavoisement des édifices publics
- Aujourd’hui largement pratiqué
36 – Donner une visibilité à la Journée de l’Europe : rendre le 9 mai plus populaire, par la création d’« Eurofolies »
- Faire descendre l’Europe dans la rue demeure un défi chaque année
37 – Matérialiser la solidarité européenne
- Pas de changement significatif
38 – Créer un timbre européen
- Pas de changement significatif
39 – Créer un ordre européen de décorations
- Pas de changement significatif
40 – Encourager les vœux télévisés des chefs d’État ou de Gouvernement de l’Union aux ressortissants d’autres États membres
- Pas de changement significatif
Au total, 10 ans après, les 40 propositions du rapport Herbillon sont restées dans leur immense majorité lettre morte, ce qui laisse imaginer l’état de la « fracture européenne » en France.