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Déficit démocratique de l’UE : est-ce la faute de la communication européenne ?

A suivre Eric Dacheux, auteur de « Sans les citoyens, l’Europe n’est rien » dans le Huffington Post « Non seulement la communication ne peut pas combler le déficit démocratique de l’Union, mais pour l’instant, elle le creuse ! Pourquoi ? »…

La thèse d’Eric Dacheux : Sans les citoyens, l’Europe n’est rien

Pour Eric Dacheux, « la politique de communication mise en œuvre est un marketing politique, une politique de persuasion. Or, si la persuasion est un objectif électoral légitime pour un candidat, ce n’est pas un objectif légitime pour une Union de pays démocratiques. L’objectif légitime pour une Union de pays démocratiques est l’approfondissent de la démocratie. Or, la démocratie est une culture commune qui se perpétue et se transforme en générant du dissensus. La politique de communication de l’UE doit donc renoncer à l’auto justification. Elle doit, au contraire, chercher à intensifier les débats contradictoires autour de l’intérêt général.

D’autant plus, que le marketing politique est, par essence, inadapté à l’objectif fixé : il ne peut pas rassembler des citoyens différents autour d’un projet commun, car son ADN est de séparer une masse commune pour créer des cibles distinctes. Dès lors, il convient, si les institutions européennes veulent réellement sortir de l’impasse démocratique, de s’attaquer aux racines politiques, économiques et symboliques du mal dont souffre l’Union.

Pour ce faire, elle doit changer de méthodes : non plus la méthode Monnet des petits pas technocratiques censés entraîner une Union de fait, mais une méthode démocratique : associer les citoyens à la construction des solutions envisagées. Dans cette perspective participative, la communication publique joue un rôle, modeste mais indispensable : favoriser un conflit intégrateur aux dimensions de l’Union. »

Le déficit de communication de l’UE revisité

Dans une thèse récente « The EU’s “Communication Deficit” Revisited« , la question est donc « revisitée ».

Oui, la communication de l’UE contribue au déficit démocratique de l’UE parce que les initiatives de communication de l’UE tels que le « Livre blanc sur la politique de communication » ou la stratégie « Communiquer l’Europe en partenariat » n’ont apparemment pas réussi à atteindre l’objectif de rapprocher l’UE avec ses citoyens.

La stratégie de communication – par le biais de nouveaux moyens technologiques tels que les consultations en ligne, mais aussi via l’organisation de « débats citoyens » promus et lancés avec des attentes irréalistes – s’est en réalité limitée à quelques personnes intéressées déjà à des niveaux extraordinairement élevés de motivation et de connaissances sur les questions européennes.

Mais, l’auteur continue sur la communication de l’UE et le déficit démocratique de l’UE parce que cette critique repose sur une tendance implicite à faire valoir un point de vue de l’État-nation. La performance de l’UE – sous l’angle national – conclut inévitablement que la communication politique de l’UE est déficiente et inefficace parce qu’elle ne parvient pas à faire une impression durable sur la perception des citoyens. La charge contre la communication politique de l’UE déficiente omet également de prendre en compte que l’UE supranationale rend beaucoup plus difficile de communiquer les affaires européennes auprès du grand public.

La logique de la communication supranationale, le succès de la communication de l’UE

L’UE a besoin d’une communication très efficace qui permet aux parties prenantes dans et en dehors de Bruxelles d’être efficacement informés pour apporter leur contribution au processus législatif. Cette clientèle d’experts transnationaux forme naturellement le centre d’attention pour les acteurs de l’UE.

En d’autres termes, les informations fournies par les institutions européennes doivent avant tout répondre à la demande d’information des parties prenantes à Bruxelles et dans les Etats membres qui sont directement ou indirectement impliqués dans les routines de prise de décision de l’UE.

La communication a donc tendance à être intrinsèquement orientée vers l’information en profondeur des experts qui remplissent un rôle plus immédiat dans la politique au jour le jour de l’UE. Dans ce contexte, fournir des informations précieuses pour un public d’experts présente non seulement une tâche primordiale et légitime de toute activité de communication, mais pourrait même l’emporter sur des objectifs d’information générale dans la réalité au jour le jour.

La logique de la communication nationale, l’insuccès de la communication de l’UE

Le projet européen dépend du soutien (au moins diffus) du public européen. Il est l’essence même du « consensus permissif » qui a été construit sur la bonne volonté générale des citoyens envers l’UE. Le consensus permissif présente un décalage dans le temps : il faut une confiance de base dans les décisions prises au niveau européen dans l’attente des résultats politiques souhaitables. La confiance est « créditée » aux acteurs de la politique européenne aussi longtemps que leurs actions produisent des avantages dans le futur qui viennent «rembourser» la confiance investie en eux.

Dans ce contexte, la communication des résultats de la politique de l’UE devient clé. L’approbation du public doit être gagnée, a priori, par le biais d’un débat avec des arguments convaincants, plus facilement atteint grâce à l’amélioration de l’impact des relations avec les médias à l’égard de la promotion des sujets européens dans la couverture systématique des médias de masse de grande consommation, notamment les médias de télévision plutôt que par le biais de campagnes de publicité.

Néanmoins, il demeure difficile de traduire la communication d’experts de la sphère de la « bulle de Bruxelles » à une forme de communication « comestible » et significative pour un public local ; surtout sans visage familier représentant l’UE dans les Etats membres.

La complexité de l’UE, comme frein à l’intérêt des Européens

La complexité de l’UE est un élément clé en ce qui concerne, d’une part, la façon dont les médias sélectionnent et cadrent les sujets européens et, d’autre part, la façon dont les audiences perçoivent ces questions dans les médias.

Des niveaux de complexité élevés conduisent à une situation où les sujets de l’UE se prêtent plus à un support de presses spécialisées et moins aux médias audiovisuels avec une cible d’audience plus large.

Même dans les cas où les sujets européens apparaissent dans les médias grand public, ils sont moins susceptibles d’être perçus par un public général, en raison de la motivation insuffisante pour lire un article sur un sujet complexe de l’UE ou suivre consciemment un sujet européen à la télévision.

Le manque d’intérêt du public dans l’UE existe donc non seulement en raison des possibilités limitées de participation, mais aussi d’un manque de repères familiers au niveau supranational qui permettrait aux citoyens de faire des « raccourcis » pour assurer leur traitement de l’information.

Comment s’informer sur l’Europe en France ?

Le paysage des médias n’a jamais été favorables à l’information européenne, faute d’intérêt des citoyens côté pile ou faute d’investissement des journalistes côté face. Malgré tout, quelques émissions, rubriques ou sites spécialisés permettent de s’informer sur l’Europe en France…

Moins d’une dizaine d’émissions pour la télévision ou pour la radio

Le portail Touteleurope vient d’actualiser une sélection d’émissions de télévision et de radio sur l’Europe.

L’émission TV la plus connue Avenue de l’Europe sur France 3 a récemment fait l’objet d’une double rétrogradation en passant sur un format mensuel et diffusé le mercredi très tard, à 23h20. Le mercredi, c’est la journée de l’Europe puisque toute les semaines, la chaîne parlementaire diffuse Europe Hebdo en début de soirée.

D’ailleurs, c’est plutôt service minimum pour le service public de l’audiovisuel français, puisque les autres émissions sont sur France 24 : Ici l’Europe (côté entretien) et L’Europe dans tous ses états (côté reportages) le samedi midi ou sur TV5 Monde avec Bar de l’Europe le dimanche midi.

Après, il reste les incontournables : la chaîne Euronews pour ceux qui la captent et Arte qui assure le job avec des émissions le week-end : Vox Pop et Yourope.

Au total, aucune émission consacrée à l’Europe sur les chaînes « commerciales » comme TF1, le groupe Canal + ou les autres chaînes de la TNT. On vous dit que l’Europe, ça ne fait pas vendre. En tout cas, personne n’essaye vraiment.

Pour la radio, même punition. Seules les chaînes du groupe Radio France parlent d’Europe sur les ondes :

Il ne faudrait pas oublier dans ce tableau l’émission qui est à la fois diffusée à la télévision et à la radio et en plus sur une chaîne privée, puisqu’il s’agit de 500 millions d’Européens sur BFM Business. Un miracle qui ne tient que par les financements du programme européen Euranet plus.

Davantage de rubriques ou de sites spécialisés

Du côté de la presse, Touteleurope comptabilise une douzaine de rubriques « Europe » dans la presse quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle – un palmarès pluraliste mais décevant :Challenges ; Courrier international ; La Croix ; Les Echos ; L’Express ; Le Figaro ; L’Humanité ; Le Monde ; Le Monde diplomatique ; Le Point ; L’Obs ; Slate ; La Tribune ; 20 minutes.

Du côté des médias spécialisés, les choses évoluent peu entre Coulisses de Bruxelles : le blog de Jean Quatremer et le blog Bruxelles 2 sur les questions de défense en Europe, les pure players européens comme Euractiv.fr, Contexte, Myeurop et VoxEurop (ex Presseurop) et les médias participatifs comme Café Babel, Le Taurillon et les Euros du Village.

Au total, dans les médias audiovisuels, l’actualité européenne apparaît clairement comme un sujet de niche, qui incombe quasi exclusivement au service public TV ou radio tandis que dans la presse, les rubriques Europe demeurent encore, face à quelques médias spécialisés.

Quelle stratégie industrielle de l’UE pour les médias européens ?

Pour qu’une politique publique finisse par arriver, il faut bien à un moment donné qu’elle soit formulée et discutée. N’étant jamais mieux servi que par soi même, c’est exactement ce que les journalistes européens souhaitant ainsi réviser la politique médiatique de l’UE depuis des subventions attribuées au cinéma, à la télévision et à la radio vers un investissement dans des médias indépendants confrontés aujourd’hui à une double crise, économique et numérique…

Missions de l’UE : évaluer le pluralisme des médias et protéger les journalistes

L’UE a besoin de médias en meilleure santé, c’est l’une des conclusions, sans doute oubliée, d’un Conseil européen des 25 et 26 novembre 2013 sur l’indépendance et le pluralisme des médias dans le numérique :

Le secteur des médias, malgré toutes ses faiblesses économiques et ses lacunes, est indispensable pour l’Europe. Aucune construction démocratique n’a jamais survécu sans une presse en bonne santé. L’UE n’est pas différente, mais son « quatrième pouvoir » est fragile. L’Europe a besoin de journalistes de rédacteurs et d’éditeurs durables et indépendants, capable d’expliquer les défis et de s’engager.

Dans le cadre de ses compétences, la Commission européenne soutien des projets qui visent à mesurer les risques pesant sur le pluralisme des médias dans l’UE et à améliorer la protection des journalistes dans l’exercice de leur métier.

Recommandations de l’Association des journalistes européens pour une stratégie industrielle de l’UE dans le secteur des médias

Disponible sur le blog de Christophe Leclerc, le « final draft report » sur la stratégie de l’UE pour des médias indépendants et viables formule notamment une série de recommandations :

1. Fournir une politique industrielle stratégique pour la durabilité du secteur des médias

Le droit d’être informé est un droit fondamental ; la participation des citoyens implique un débat critique, le plus souvent mené par des médias pluriels reflétant la diversité de l’Europe. L’AJE encourage l’UE a adopté une stratégie industrielle pour le secteur des médias afin d’aider les médias sains à innover et de distribuer des aides palliatives pour les médias en crise.

2. Fournir des aides adaptées pour accompagner la transformation digitale des médias

Certains médias traditionnels vont évoluer ou mourir en grande partie due aux forces du marché ; mais des « coups de pouce » stratégiques et des investissements sélectifs de R&D de l’UE pourraient faciliter la transition vers l’ère numérique.

3. Soutenir la créativité et éviter d’essayer de « choisir les gagnants »

Le journalisme est innovant et a fait preuve de souplesse dans le temps. La priorité, que peine à financer les médias, c’est la collaboration transfrontalière et le partage de contenus entre journalistes et réseaux de journalistes, sans fondé les financements sur l’histoire ou la nationalité des médias.

4. Soutenir l’indépendance éditoriale et la liberté de la presse durable

L’UE ne devrait pas essayer de créer elle-même des médias (appartenant à l’UE) ; mais devrait envisager des projets plus indépendants avec les médias existants et les start-ups, en soutenant leur durabilité, surtout lorsque leur modèle économiques est soutenable.

5. Promouvoir des projets de journalisme de qualité aux niveaux national et local

L’UE devrait investir davantage dans l’éducation et la formation des éditeurs, des rédacteurs et des journalistes et soutenir également les journalistes qui font des « histoires locales européenne ou des histoires européennes locales » tout en laissant aux éditeurs et journalistes de choisir leurs propres priorités éditoriales.

Proposition du Journalismfund.eu pour un journalisme d’investigation européen, pierre angulaire d’un débat public européen

Ides Debruyne, le directeur du Journalismfund.eu s’interroge : « How The Emancipated Journalist Can Save European Democracy (But Isn’t Doing It Yet) » autour d’un raisonnement simple : si l’UE veut survivre comme une union des citoyens, elle doit laisser la place à un débat public avec tous ses avantages et ses inconvénients. Et pour nourrir ce débat, nous avons besoin de chiens de garde indépendants. Nous avons besoin de journalistes émancipés d’investigation, prêts à relever le défi.

Quelques initiatives intéressantes de nouveaux modèles de journalisme d’investigation seraient à développer à l’échelle européenne ; songeons par exemple à CORRECT!V en Allemagne, Mediapart en France, De Correspondant aux Pays-Bas, Apache En Belgique, IRPI en Italie ou Le Bureau du journalisme d’investigation au Royaume-Uni

Le journalisme d’investigation pourrait également se traduire sur les sujets européens par la réalisation de documentaires inspirants, un format qui disposent des sources diverses de financement trans-médias et transeuropéennes depuis longtemps.

Les institutions européennes devraient stimuler et faciliter ce climat d’entrepreneuriat journalistique en Europe.

Au total, les idées pour développer des actions de l’UE au bénéfice de projets journalistiques et de médias indépendants et viables ne manquent pas. Mais qu’en est-il de la volonté et des moyens de l’UE ?

L’Europe des Médias : présentation de l’espace médiatique européen

Aujourd’hui, l’information européenne est en profonde mutation au point que le pluralisme de la presse européenne et l’urgence de conserver une représentation médiatique pour l’idée européenne ne semblent plus pour le moment menacés. Pourtant, l’espace public européen demeure embryonnaire et les médias vraiment européens sont peu nombreux. (Article paru initialement dans la Revue Tank)

Qu’est-ce que l’espace public européen ?

Le concept d’espace public européen possède en effet souvent le défaut d’échapper à ses auteurs. Existerait-il seulement à l’occasion de l’Eurovision et de la finale de la Ligue des champions, à défaut d’une meilleure maîtrise des langues européennes et d’une mobilité renforcée des Européens ? Mettons de côté l’intérêt académique du concept, limpide dans la réflexion d’Olivier Baisnée autour d’un espace public européen « orléaniste », au sens où il n’implique qu’une élite socialisée à, et intéressée par, les questions européennes, constituée au premier chef par les journalistes européens.

La réalité, c’est plutôt qu’entre un espace public vraiment transeuropéen encore en gestation et des espaces publics nationaux cloisonnés, les limites d’un espace public européen sont fortes. Du coup, les médias transeuropéens sont relativement faibles et l’Europe dispose d’une portion congrue dans les médias nationaux.

Qui s’intéresse à l’Europe ?

Dans les médias nationaux, que l’on juge qu’il s’agisse d’un problème d’offre (les médias nationaux et les politiques ne savent pas vendre l’UE) ou de demande (les citoyens ne s’intéressent pas à l’UE), le résultat est le même. Les médias octroient à l’UE l’importance que les citoyens et les politiques lui donnent, hormis éventuellement quelques médias anglo-saxons transnationaux monolingues (The Economist, The Financial Times Europe et The Wall Street Journal Europe), qui poursuivent une couverture élitiste de l’UE à travers un prisme national assumé correspondant à l’expansion culturelle ou idéologique d’un média à forte notoriété, lus dans plusieurs pays européens et qui forgent l’opinion auprès des milieux dirigeants. Pour les médias transeuropéens, la règle est somme toute assez cruelle : l’importance des publics est inversement proportionnelle au traitement de l’UE. Autrement dit, les médias transeuropéens de masse ne traitent quasiment pas de l’UE tandis que les médias couvrant les affaires européennes tentent une approche plus pluraliste du sujet mais s’adressent de facto à un public restreint, qu’il soit monolingues ou multilingues.

Au bout du compte, on distingue une dichotomie de plus en plus flagrante entre d’un côté, une presse ultra-spécialisée sur l’Europe, très difficile d’accès, au sens strict, par son coût et la difficulté que représente sa lecture pour le non-spécialiste, et de l’autre, une presse populaire nationalo-centrée, qui se désintéresse de plus en plus de ces questions et laisse le grand public largement dans l’ignorance de la chose européenne.

Un média paneuropéen est-il possible ?

Certes, il existe quelques médias audiovisuels transeuropéens. Mais force est de constater qu’ils ne parviennent pas à toucher le grand public, soit qu’ils s’agissent de médias à vocation européenne dont le cœur de métier n’est pas nécessairement de couvrir l’actualité institutionnelle européenne (chaînes de télévision Euronews, Arte ou Eurosports) soit qu’il s’agisse des agences de presse spécialisées (Agence Europe – Bulletin Quotidien Europe, Europolitique aujourd’hui disparue). En dépit de plusieurs tentatives, il n’existe donc pas vraiment, à ce jour, de média paneuropéen grand public. Pourquoi ?

  • difficultés du côté de la demande : absence de langue et de références culturelles communes au sein de l’UE alors que le traitement de l’information se réalise en fonction des préoccupations et des sujets d’intérêt du public.
  • conséquences du côté de la demande : financement exsangue, parce qu’il n’existe pas véritablement de marché publicitaire paneuropéen et parce qu’il est très difficile de mesurer les audiences européennes.
  • difficultés du côté de l’offre médiatique : faible européanisation des pratiques journalistiques, en raison de la pression du système journalistique national, y compris chez les correspondants de presse à Bruxelles.
  • conséquence du côté de l’offre : complexité de faire travailler au sein d’une même rédaction des journalistes en provenance de différents pays européens pour des raisons interculturelles.

Etat de l’offre

Pourtant, une presse écrite et en ligne spécialisée sur les questions européennes méconnue du grand public existe. Malgré un débat sur leur modèle économique ou leur équilibre dans la place accordée aux professionnels et aux amateurs de l’information, une vingtaine de médias européens dédiés aux affaires européennes coexistent.

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Face aux médias européens « historiques » (New Europe, European Voice aujourd’hui racheté par Politico Europe) assurant leurs revenus avec de la publicité et des abonnements à des éditions papier et offrant de la visibilité à des experts via des tribunes libres, de nouveaux acteurs « pure player web » plus ouverts au sponsoring et aux partenariats (Euractiv, EU Business, Contexte) sont apparus, eux-mêmes concurrencés par des médias reposant davantage sur la vidéo (Vieuws, EU Reporter) et proposant des services de média training et de production en complément de leur activité éditoriale.

Des projets financés par les acteurs publics (Eurotopics, Touteleurope), par des cabinets de conseil (The Parliament Magazine, Paris-Berlin) ou alors par des volontaires (VoxEurope), des amateurs (E!Sharp) ou des freelances (MyEurope) tentent de se faire également une place.

Nouveaux sujets, nouvelles opportunités ?

Par ailleurs, de nouvelles thématiques s’européanisent et trouvent des échos dans des médias inattendus, comme les euromythes dans la presse grand public britannique ou les blogs contestataires qui s’intéressent de près aux projets « bruxellois ». Là, l’Europe devient peu à peu un espace naturel et un centre d’intérêt même si un certain populisme se développe aussi.

Et de nouvelles pratiques se développent comme la professionnalisation de la prise en compte des attentes et besoins de leurs publics avec davantage de pédagogie et de comparaison pour les médias grand public ou d’analyse et de contexte pour les médias destinés aux professionnels des affaires publiques européennes. Une certaine éditocratisation politique du journalisme européen favorisant un traitement plus politique des affaires européennes vise davantage à « mener » le débat politique européen.

En somme, le paysage médiatique européen est beaucoup plus divers avec une plus grande segmentation des manières de pratiquer le métier entre correspondants à Bruxelles précarisés, spécialistes européens marginalisés et éditocrates européens installés. Le journalisme européen est en profonde transformation, tant avec l’arrivée de pure players dont Politico Europe, du data journalisme, d’une nouvelle euro-génération Erasmus multilingue et digital native, de médias décalés et satiriques, d’une alliance inédite baptisée : « Leading European Newspaper Alliance » (LENA) d’échange d’articles entre des journaux européens de référence, etc.

Communication politique européenne : le Discours sur l’Etat de l’Union européenne est-il le rendez-vous de la rentrée ?

Mercredi prochain, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker prononcera son Discours sur l’Etat de l’Union européenne, une innovation introduite par le traité de Lisbonne qui pourrait rencontrer un plus franc succès. Le #SOTUE sera-t-il le rendez-vous politique européen de la rentrée ?

Une préparation « crowd-sourcée » et millimétrée sur les grands enjeux européens

Ces dernières semaines, Jean-Claude Juncker aurait largement consulté tant les membres de la Commission européenne que les chefs de partis politiques au sein du Parlement. Le président de la Commission aurait même mis à l’essai des messages sur les questions les plus controversées, comme la migration afin de trouver le ton juste.

Selon Politico Europe, le discours devrait se concentrer sur quatre principaux thèmes : les priorités législatives de la Commission pour 2016 (digital et énergie), la réponse de l’UE à la crise des réfugiés, la programmation budgétaire de l’UE et les efforts pour sauver l’euro en renforçant l’union économique et monétaire.

Une communication « digitalisée » et programmée avec tous les outils en ligne

Parlement européen et Commission européenne lancent un portail soteu.eu pour amplifier le débat autour du discours sur l’Etat de l’Union européenne avec le livestream vidéo et un tableau de bord Twitter pour suivre en direct les réactions et engager les communautés en ligne.

SOTUE_2015

Une attention médiatique aléatoire, la principale inconnue de l’équation

L’intérêt des médias, en particulier des grands groupes audiovisuels européens, au-delà du corps des correspondants de presse à Bruxelles, pour le discours sur l’Etat de l’Union demeure la principale inconnue.

La crise des migrants, sujets au cœur de l’actualité partout en Europe pourrait servir de trait d’union pour donner un angle à l’attention médiatique, à moins que ce ne soit les réactions véhémentes d’ores et déjà annoncées par les députés européens eurosceptiques.

Au total, les retombées immédiates du Discours sur l’Etat de l’Union en ligne et dans les médias européens et surtout leur impact dans les médias et les classes politiques nationaux seront le juge de paix.  À suivre.