Communication de la Commission européenne : le programme de travail en 2022

Avec pour mission de renforcer les liens entre les citoyens et les institutions qui les servent, de réduire l’écart entre les attentes et la réalité et de communiquer sur ce que fait l’Europe, la DG Communication se voit confier un vaste programme de travail pour l’année

Services de communication exécutive et corporate : 47 506 000 €

Deux lignes directrices animent la première mission de la DG COMM :

  • Une meilleure conceptualisation des politiques de l’UE : la communication fournit intelligences politique et économique et analyses spécifiques à chaque pays ;
  • Une meilleure image pour la Commission et l’UE : la communication assure la cohérence des messages autour des priorités politiques associée à une image de marque visuelle distinctive.

1. Le portail web Europa : le contenu politique des sites web de la Commission (par exemple, le Collège, les priorités, les actualités) et du site web interinstitutionnel de l’UE.

2. Les Eurobaromètres : les enquêtes génériques ou ad hoc portant sur des thèmes spécifiques et/ou des groupes cibles spécifiques, ainsi que des études qualitatives. Des synergies sont systématiquement recherchées par le biais d’une programmation annuelle avec d’autres directions générales et une coordination avec le Parlement européen.

3. Les studios de télévision et Europe by Satellite : des services audiovisuels, y compris la production d’actualités et de programmes audiovisuels et de clips vidéo pour les médias sociaux (YouTube, Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram).

4. La médiathèque et la production audiovisuelles : actualités vidéo (reportage en direct et en différé, actualité montée), principalement destinée à l’usage des médias ; production multimédia grand public ; événements d’information et soutien technique aux journalistes ; couverture vidéo et photo de l’actualité de l’UE.

5. Veille médiatique et analyse des médias : feedback continu sur la couverture médiatique de la Commission et de l’UE dans tous les États membres ; analyse quantitative et qualitative des médias sur l’impact médiatique des politiques prioritaires de la Commission dans les États membres, couvrant tous les types de médias (presse écrite, médias en ligne, médias audiovisuels et médias sociaux).

6. Abonnements à des sources d’information telles que agences de presse et fournisseurs d’informations.

7. Soutien à la communication, y compris conception graphique, concepts visuels, infographies, visualisations de données, contenus animés et interactifs.

8. Médias sociaux pour la gestion des comptes centraux et locaux : planification éditoriale ; animation communautaire ; surveillance et analyse des données ; alertes en direct lors de moments politiques clés ; soutien au réseau de community managers ; campagnes de communication, y compris l’achat médias.

Représentations de la Commission : 26 026 000 €

Produits et services de communication conçus pour informer et dialoguer avec les citoyens, par le biais de messages simples, clairs et compréhensibles, soit via une combinaison de canaux et de médias, soit directement avec les citoyens et en stimulant les échanges et l’engagement en face à face :

1. Communication :

  • Liens avec les autorités nationales, régionales et locales, les médias et les parties prenantes, et les citoyens en général ;
  • Appui à la préparation, à la conduite et au suivi des visites formelles ou informelles dans les États membres ;
  • Analyses et rapports approfondis, sur les principaux problèmes politiques, économiques et liés à la communication selon les sensibilités de communication nationales et locales.

2. Rayonnement local et coopération entre les représentations et les bureaux de liaison du Parlement européen, sous la marque « Maisons de l’Europe ».

3. Les activités de soutien local couvrant la formation et le soutien des centres Europe Direct, des centres européens de documentation (CED) et du réseau Team EUROPE DIRECT.

4. Information des journalistes : organisation d’événements d’information, visites des institutions et organes de l’UE, studios de la Commission et soutien technique des journalistes, information, points presse et bulletins d’informations.

Services de communication aux citoyens : 17 504 000

Informer et dialoguer avec les citoyens par le biais de messages simples, clairs et compréhensibles pour aider les citoyens à accéder à des informations actualisées et conviviales sur les politiques et les valeurs de l’UE, en les incitant à s’engager directement :

1. Réseaux – gestion et soutien : centres EUROPE DIRECT, centres européens de documentation et réseau EUROPE DIRECT.

2. Services d’information : exploitation et développement du centre de contact Europe Direct, qui fournit des services gratuits d’information générale multilingue sur les questions européennes.

3. Dialogues citoyens, axés sur les panels de citoyens de l’UE, la plate-forme et les événements autour de la conférence sur l’avenir de l’Europe.

4. Centre des visiteurs : activités liées au centre d’information Experience Europe au Rond-Point Schuman à Bruxelles et Europa Experiences dans 5 États membres où ces espaces d’exposition interactifs existent actuellement, ainsi qu’à Paris et Rome, où Europa Experiences devrait ouvrir en 2022.

5. Rapport général et publications : production, diffusion et promotion de publications et de supports de communication en ligne et hors ligne pour les citoyens qui expliquent ce qu’est l’Union européenne, ce qu’elle fait, quelles sont ses priorités actuelles et comment elles affectent positivement la vie des citoyens.

Politique d’information et communication stratégique pour l’action extérieure : 2 795 000 €

Contributions de la politique étrangère et de sécurité commune, des relations extérieures, de la coopération et des partenariats internationaux, de la politique européenne de voisinage, de l’élargissement, de la prévention des conflits et des politiques/programmes humanitaires ; l’objectif général est de montrer la valeur ajoutée du soutien de l’UE dans différents domaines de la vie des personnes.

En 2022, la campagne NextGenEU continuera d’informer sur les efforts de l’UE dans la reprise de la crise mondiale du coronavirus, tant du point de vue de la santé publique que du point de vue économique. La campagne expliquera également le rôle moteur de l’Europe dans la lutte contre l’urgence climatique planétaire autour de l’objectif zéro carbone 2050, le Green Deal et les politiques environnementales connexes qui sont d’intérêt européen et mondial, par exemple dans le domaine de la biodiversité. La campagne NextGenEU s’adressera en particulier aux jeunes, d’autant plus que 2022 sera l’Année européenne de la jeunesse.

Ukraine : de l’extension du domaine européen

Entre le choc des événements autour de l’invasion de l’Ukraine par Poutine, le poids des émotions de la sidération, l’angoisse et la colère ainsi que le film des différentes décisions, sans oublier les scénarios d’avenir, nous voyons la marche de l’histoire. Grâce à la technique de l’agenda-framing qui vise en communication à comprendre les effets de cadrage, quels sont les principaux cadres anciens et nouveaux pour tenter une première lecture à chaud ?

Attractivité extra-UE où quand nous sommes dépassées par le mouvement ancien pro-européen

Appréciée de seuls ceux qui s’y intéressent, la capacité de l’Union européenne a attiré nous a semblé toujours, à nous « Européens de l’intérieur » très surprenant tant de la part des autres continentaux qui jettent un regard globalement bienveillant sur les promesses de l’Europe que surtout de la part des « Européens de l’extérieur », qui aspirent au-delà de la raison pure avec enthousiasme et passion à rejoindre la famille européenne.

Cette attractivité extra-UE de l’Europe, bien entendu de la part des Ukrainiens en particulier, est au cœur d’un premier cadre de compréhension pour dénouer le fils de la suite des événements. Sans une mobilisation populaire forte et continue depuis quelques années, les tensions ne se seraient pas manifestées avec la même intensité.

Réactivité de l’UE où quand nous avons accéléré grâce à la nouvelle fabrique de l’Europe

Décryptée de plus en plus largement par les experts européens, la capacité de l’Union européenne à prendre des décisions d’ampleur face à des défis inédits est au cœur de la dernière décennie d’apprentissage dans la douleur des crises : euro, migrants, Brexit, covid…

Ce logiciel intra-UE de la nouvelle fabrique de l’Europe, illustré avec éclat avec le plan de résilience #NextGenerationEU d’investissement post-pandémie, a permis à la machine européenne de se mettre en branle avec rapidité et efficacité pour réagir, prendre des mesures d’urgence, diverses sanctions. Sans l’enchaînement impopulaire des résolutions de crise – que Luuk van Middelaar analyse du « Passage à l’Europe » jusqu’à « Quand l’Europe improvise » et qui constitue notre 2e cadre d’interprétation – les décisions inédites et importantes n’auraient pas été prises avec la même réactivité.

Solidarité des opinions publiques européennes où quand nous partageons un sentiment d’appartenance commun

Manifesté dans la plupart des capitales européennes, le soutien aux Ukrainiens cristallise plusieurs réactions, en priorité à destination directe des Ukrainiens pour les défendre et partager leur combat mais aussi mezzo voce à destination des décideurs nationaux pour les pousser à la mobilisation et aux solutions pour résorber le conflit. Le rôle éminent du président Volodymyr Zelinski, dont la communication est exemplaire, contribue à galvaniser son peuple et à rendre sa fierté à l’Europe toute entière.

Ce moment européen, certains parlent même d’un printemps européen, comme il y avait eu un printemps arable, correspond à un phénomène de cristallisation des opinions publiques européennes qui exprime un sentiment d’appartenance peut-être pour la première fois dans sa dimension et son intensité à une même communauté et qui partage en même temps et de manière très consensuelle un nouveau cadre d’interprétation, le 3e, de la réalité.

Souveraineté européenne où quand nous détenons notre destin entre nos mains

Discutée à l’occasion du Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement à Versailles, sous présidence semestrielle française du Conseil de l’UE, la capacité de l’Union européenne à prendre en main son destin ne pourra se faire sans parvenir à maintenir la cohésion et l’aspiration à approfondir les modalités nécessaires d’une construction européenne confrontée à des défis vitaux.

Cette scène européenne pourrait symboliser – il s’agit là du dernier cadre d’interprétation –  les fonds baptismaux d’initiatives historiques tant dans l’élargissement de l’Europe vers l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Un premier débat indispensable, mené dans l’urgence, sur le destin des frontières de l’ensemble européen, de sa place géographique donc historique dans le monde ; même si les perspectives d’adhésion ne peuvent pas être immédiates. Un second débat s’articule évidemment autour des capacités autour d’une Europe plus souveraine, grâce à sa politique d’auto-défense, sa politique d’indépendance énergétique, sa politique climatique et technologique pour protéger les biens publics européens à transmettre aux prochaines générations.

Au total, l’agression contre les Ukrainiens est un électrochoc pour les Européens qui vont devoir s’exercer à la fabrique de l’Europe forgée par la volonté politique et le sang-froid.

Illusions institutionnelles et monolinguisme de la communication européenne sur les médias sociaux

Dans un système de 23 langues officielles, certaines sont en pratique plus égales que d’autres, et en particulier les institutions européennes se sont illusionnées en sacrifiant à la promotion d’une sphère publique européenne, des pratiques de communication linguistiques hégémoniques où l’anglais domine, selon Kaisa Koskinen dans « Social media and the institutional illusions of EU communication »…

Des « illusions institutionnelles » du multilinguisme plus théorique que pratique

Dans la théorie littéraire, le concept de « la suspension volontaire de l’incrédulité » ou « foi poétique » développé par William Coleridge en 1817, fait référence à l’acceptation par les lecteurs de la fictionnalité de la fiction. Nous acceptions les règles de la fiction pour profiter d’une histoire divertissante.

Les politiques linguistiques institutionnelles reposent sur une attitude quelque peu similaire en ce sens qu’elle implique une ignorance volontaire de certains aspects pragmatiques de la vie quotidienne au profit d’un principe d’« illusions institutionnelles ». Le multilinguisme peut être à jamais inaccessible dans la vie quotidienne, mais il peut être nécessaire de continuer « comme si » il était la réalité car l’abandonner ferait s’effondrer la construction d’ensemble.

De la « cyberécologie linguistique » virtuelle : le monolinguisme pragmatique des institutions européennes

Les illusions institutionnelles d’égalité et d’équivalence entre les langues n’ont pas survécu au passage aux médias sociaux. Le choix de l’anglais en tant que lingua franca européenne s’est réalisé sans discussion des questions d’égalité et d’accès à l’information, afin de favoriser un dialogue européen en atteignant directement les citoyens intéressés par les affaires européennes au détriment du multilinguisme institutionnel. L’anglais devient la langue commune par laquelle les Européens se comprennent ; rien à voir avec l’impérialisme linguistique britannique ou américain et tout à voir avec l’aspect pratique.

Le développement simultané de se connecter directement aux citoyens en adaptant la communication aux besoins locaux s’est traduit, si l’on peut dire par le détachement d’une partie des traducteurs dans des bureaux locaux et la création d’une unité de traduction web distincte à Bruxelles. Les traducteurs de ces deux unités ont pour tâche explicite de briser l’illusion d’équivalence dans leurs stratégies de traduction et de commencer à localiser les communiqués et pages web en adaptant à la fois leur style et leur contenu aux mieux se conformer aux intérêts locaux dans la culture cible.

Sur les réseaux sociaux, la plupart des profils dans des langues autres que l’anglais sont ceux mis en place par les représentations locales et la coexistence avec d’autres langues que l’UE est devenue rare.

L’anglais est en effet majoritaire sur la chaîne Youtube de la Commission européenne EUtube qui permet les commentaires, et il y en a souvent, majoritairement en anglais. EuroparlTV, en revanche, la webTV du Parlement euuropéen est une chaîne à sens unique, diffusant des informations dans plusieurs langues mais n’invitant à aucune réponse.

Dans ces lignes directrices pour une action responsable dans les médias sociaux, la Commission européenne ne s’exprime pas sur les langues à utiliser. La pratique où l’anglais domine a été autorisée à se développer de manière organique, car L’utilisation d’une langue commune dans les discussions accroît les possibilités d’une sphère publique européenne commune.

Du « linguicisme » : le monolinguisme dans la participation des « citoyens »

Les principes du multilinguisme institutionnel sont bouleversés dans les médias sociaux : le multilinguisme institutionnel a traditionnellement permis aux citoyens de rester individuellement monolingue, mais comme l’institution est désormais plutôt monolingue en n’utilisant que l’anglais dans les médias sociaux, c’est aux commentaires des citoyens d’introduire davantage de langues. Cependant, peu d’entre eux sont disposés à le faire. La majorité des commentateurs optent pour le renforcement du choix linguistique préétabli par l’institution.

Si l’objectif est de permettre une participation démocratique de tous les groupes linguistiques, l’absence de toute régulation institutionnelle des pratiques langagières dans les médias sociaux est donc frappante. Cette absence de politique linguistique explicite laisse place à une évolution que l’on pourrait qualifier de linguicisme, c’est-à-dire de pratiques qui légitiment ou reproduisent une répartition inégale du pouvoir et des ressources sur la base de la langue.

Si la Commission européenne avait une politique de traduction réfléchie pour les médias sociaux, elle aurait pu résoudre différemment la question du multilinguisme. L’unité de traduction web distincte aurait pu élargir sa portée pour inclure les médias sociaux, sachant qu’il existe désormais des services de traduction commerciaux qui fournissent des traductions automatiques pour les besoins des médias sociaux instantanément.

De deux choses l’une sur les réseaux sociaux, soit les pratiques soutenant l’hégémonie de l’anglais sont le résultat accidentel d’un développement organique des stratégies de communication de la Commission européenne, soit il existe des motivations considérées comme plus précieuses qu’un régime linguistique égalitaire pour créer une identité européenne commune et un sentiment d’appartenance et in fine une sphère publique européenne partagée.

Il est évident que l’utilisation croissante des médias sociaux par les institutions de l’Union européenne a un effet profond sur leur paysage linguistique virtuel. En l’absence d’une politique linguistique explicite, les pratiques entraînent une perte importante des formes démocratiques de multilinguisme et une augmentation de la prédominance d’une langue, l’anglais.

Si l’égalité entre les langues officielles demeure l’idéologie dominante, il y a très peu de preuves de tentatives de sauvegarde de l’illusion d’égalité. Il s’ensuit que la question de l’équivalence ne se pose même pas dans la plupart des cas. L’illusion d’équivalence n’a donc pratiquement aucune place dans ces forums.

Si l’on devait identifier quels types d’illusions sont venues remplacer les anciennes : la première illusion est que si la politique linguistique n’est pas explicitée, elle n’existe pas ; la seconde est que tout le monde connaît l’anglais ; la troisième pourrait être que la langue n’est qu’une question pragmatique de communication, sans rapport avec les questions d’identification, d’idéologie, de politique, de pouvoir ou d’éthique.

Sur les médias sociaux, la politique linguistique hégémonique émergente basée sur l’anglais peut bien soutenir l’objectif politique de créer la sphère publique européenne, mais il faut accepter que cette sphère publique ne sera pas « sociale », mais sera alors une construction d’élite non accessible à ceux qui ne sont pas adeptes du numérique et ne maîtrisent pas bien l’anglais.

L’avenir de l’Europe, selon les Européens

Dixième enquête dans la série « L’avenir de l’Europe », l’Eurobaromètre spécial 517 fait le point sur les perspectives des Européens sur la construction européenne et la Conférence sur l’avenir de l’Europe…

Atouts et défis de l’Europe : attitudes constructives à l’égard de l’UE

Globalement oui à l’Europe :

  • Sept Européens sur dix affirment être favorables à l’UE, même si près de la moitié précise être favorable mais pas à la manière dont elle fonctionne aujourd’hui ;
  • Six Européens sur dix pensent que l’appartenance de leur pays à l’UE est une bonne chose, dans 20 États-membres sur 26, le soutien est majoritaire pour la construction européenne ;
  • Plus de la moitié des Européens ont une image positive de l’UE et les citoyens ont plus tendance à être positifs que négatifs dans tous les États membres.

Mais pas toujours la même ;

Tant de ses atouts différents entre respect pour la démocratie, droits de l’homme et état de droit et puissance économique, industrielle et commerciale que de ses défis comme les inégalités sociales, le chômage, les problèmes environnementaux et le changement climatique, ainsi que les migrations.

Principales priorités pour faire face aux défis mondiaux : l’environnement et le changement climatique (39%) ainsi que l’égalité et la justice sociale (37%), la santé et la sécurité (32%) avec une forte préférence pour que tous les États membres travaillent et trouvent des solutions ensemble.

Ce qui pourrait être le plus utile pour le futur de l’Europe, les niveaux de vie comparables (31%), suivis d’une politique sanitaire commune (22%), une solidarité plus forte entre les États membres de l’UE (21%) et l’indépendance énergétique (20%) ou les standards d’éducation comparables (18%), tandis que 17% pensent qu’une politique de défense et de sécurité commune serait le plus utile avant la crise ukrainienne.

Conférence sur l’avenir de l’Europe, à l’image de la démocratie européenne

Afin de participer aux activités de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plus de la moitié est disposée à répondre à une enquête, près de la moitié serait disposée à participer à des réunions dans leur région, une personne sur dix serait disposée à prendre part à des consultations en ligne et un peu plus d’un tiers serait disposé à le faire sur les réseaux sociaux.

Afin d’inciter à participer, les citoyens veulent en majorité être convaincus que leur participation aura un véritable impact, n quart participerait via une forme flexible de participation, un cinquième serait encouragé par une contribution anonyme, un dixième serait influencé par la participation de célébrités (par ex. acteurs, artistes, sportifs de haut niveau).

Afin de mobiliser les jeunes, la Conférence devrait mettre l’accent mis sur les sujets présentant un grand intérêt pour eux, très loin devant la prise en compte des enjeux de la société actuelle ou l’envie de mettre leur énergie et leur motivation au service des réformes et des changements.

Les Européens, dont un tiers à récemment lu ou entendu quelque chose dans les médias, ont une vision contrastée de la Conférence sur l’avenir puisqu’une majorité identique y voit un véritable progrès pour la démocratie dans l’Union européenne ; qui n’aura pas d’impact réel.

En conclusion, en se projetant vers l’avenir, plus de huit Européens sur dix préfèrent que la société de 2030 donne plus d’importance à la solidarité qu’à l’individualisme, la construction européenne a encore beaucoup à faire pour renforcer et protéger la démocratie dans l’Union européenne.

Déficit démocratique ou déficit symbolique de l’UE ?

Alors que l’Union européenne est encore régulièrement accusée d’un déficit démocratique instrumentalisé dans les années 1970s par le Parlement européen avant que les élections européennes soient instituées, la question n’est plus vraiment à l’ordre du jour pour les observateurs de bonne foi. En revanche, la carence symbolique européenne fait davantage de dégât, à suivre Pascal Lardellier avec « Sans rites fédérateurs, l’Europe peine à faire rêver »

Cruel déficit symbolique affectant l’Europe

Conscient du rôle des symboles en politique puisqu’« ils sont plus forts que ce qu’ils représentent », selon Claude Lévi-Strauss, il faut regarder l’Europe en invoquant rites, mythes et symboles politiques, autant d’éléments « substantiels à l’action collective et à la vie sociale, sans lesquels la politique se réduit à la délibération rationnelle, à l’application de procédures abstraites, à l’adhésion de principe à chartes et déclarations ». Bref, sans eux, le pouvoir est nu et sa légitimité fragile.

Pour Pascal Lardellier, la réponse est sans équivoque : « l’Europe n’a ni mythes ni rites fédérateurs capables de la constituer en corps politique homogène » (…) personne « sort du lot pour l’incarner avec charisme et s’élever au niveau de l’Histoire ? Quelle célébration sanctuarise l’Europe à l’échelle du Continent ? Quel acte fondateur constitue la « maison commune » que pourrait être l’Europe ? » Autant de questions non seulement sans réponse pour le moment mais qui ne semblent pas du tout être posées au sein des institutions européennes.

Autrement dit, la part de mystique dans le pouvoir, ayant pour fonction de mettre « le pouvoir sur scènes » selon Georges Balandier n’existe quasiment pas à l’échelle européenne, et c’est très problématique. Les rares « moments » vraiment européens correspondent aux réunions des Conseils européens, aux soirées électorales européennes, et encore ; et institutionnellement au discours annuel sur l’état de l’Union de la présidence de la Commission européenne au Parlement européen.

Des symboles politiques européens pour fédérer et enthousiasmer

Pour ce qui enthousiasme les Européens, il faut davantage regarder du côté des destinations touristiques, des championnats sportifs comme le football, voire du seul programme d’échanges universitaires Erasmus. Et ne parlons pas des symboles de l’UE en eux-mêmes, introduits officiellement dans le projet de Constitution pour l’Europe qui ont été en partie retirés du traité de Lisbonne pour ne pas froisser les susceptibilités.

Pour ce qui pourrait fédérer autour de l’Union européenne, Pascal Lardellier suggère « une vraie cérémonie supranationale qui donnerait à voir que l’Europe est supérieure à la somme de ses parties, des « grands-messes » tour à tour solennelles et festives qui pourraient rassembler celles et ceux composant le vieux Continent et transporter ses âmes ». Remarquons qu’il faut aujourd’hui beaucoup d’imagination et de bonne volonté pour se projeter, même si les succès nationaux en ce domaine s’européanisent naturellement comme la fête de la musique, la nuit des musées et tant d’autres nouveaux rendez-vous culturels et sociétaux.

Selon Pascal Lardellier, « en déshérence symbolique, l’Europe laisse les rites et les « effervescences collectives » au sport, à la consommation et à la religion (…) Elle est en quête d’un sens qui se met en scène et se dramatise, pour rassembler par-delà les différences ». Pourtant, une certaine européanité se vit dans les cafés, dans l’urbanité des villes, dans les plaisirs des campagnes…

Dernière remarque de Pascal Lardellier, « le pouvoir doit être incarné et solennel. Sans cette gravité, en souscrivant aux impératifs médiatiques du « jeunisme », de la « petite phrase », on joue le jeu des animateurs, des polémistes et des « influenceurs ». Ils ont leur public, mais leur temporalité est rarement celle de l’Histoire ». C’est bien là toute la difficulté de l’Europe, qui n’a pas vraiment envie de revenir dans l’histoire, de rentrer de nouveau dans le tragique des événements, même si sans exprimer de volonté de puissance il faut quand même une certaine autonomie pour au moins défendre ses positions et maîtriser son destin.

Comment réveiller avec les rites et les symboles la conscience d’un destin partagé et ranimer le « feu sacré » de tous ceux qui ont envie de « faire Europe » avec espoir ?