Ukraine : de l’extension du domaine européen

Entre le choc des événements autour de l’invasion de l’Ukraine par Poutine, le poids des émotions de la sidération, l’angoisse et la colère ainsi que le film des différentes décisions, sans oublier les scénarios d’avenir, nous voyons la marche de l’histoire. Grâce à la technique de l’agenda-framing qui vise en communication à comprendre les effets de cadrage, quels sont les principaux cadres anciens et nouveaux pour tenter une première lecture à chaud ?

Attractivité extra-UE où quand nous sommes dépassées par le mouvement ancien pro-européen

Appréciée de seuls ceux qui s’y intéressent, la capacité de l’Union européenne a attiré nous a semblé toujours, à nous « Européens de l’intérieur » très surprenant tant de la part des autres continentaux qui jettent un regard globalement bienveillant sur les promesses de l’Europe que surtout de la part des « Européens de l’extérieur », qui aspirent au-delà de la raison pure avec enthousiasme et passion à rejoindre la famille européenne.

Cette attractivité extra-UE de l’Europe, bien entendu de la part des Ukrainiens en particulier, est au cœur d’un premier cadre de compréhension pour dénouer le fils de la suite des événements. Sans une mobilisation populaire forte et continue depuis quelques années, les tensions ne se seraient pas manifestées avec la même intensité.

Réactivité de l’UE où quand nous avons accéléré grâce à la nouvelle fabrique de l’Europe

Décryptée de plus en plus largement par les experts européens, la capacité de l’Union européenne à prendre des décisions d’ampleur face à des défis inédits est au cœur de la dernière décennie d’apprentissage dans la douleur des crises : euro, migrants, Brexit, covid…

Ce logiciel intra-UE de la nouvelle fabrique de l’Europe, illustré avec éclat avec le plan de résilience #NextGenerationEU d’investissement post-pandémie, a permis à la machine européenne de se mettre en branle avec rapidité et efficacité pour réagir, prendre des mesures d’urgence, diverses sanctions. Sans l’enchaînement impopulaire des résolutions de crise – que Luuk van Middelaar analyse du « Passage à l’Europe » jusqu’à « Quand l’Europe improvise » et qui constitue notre 2e cadre d’interprétation – les décisions inédites et importantes n’auraient pas été prises avec la même réactivité.

Solidarité des opinions publiques européennes où quand nous partageons un sentiment d’appartenance commun

Manifesté dans la plupart des capitales européennes, le soutien aux Ukrainiens cristallise plusieurs réactions, en priorité à destination directe des Ukrainiens pour les défendre et partager leur combat mais aussi mezzo voce à destination des décideurs nationaux pour les pousser à la mobilisation et aux solutions pour résorber le conflit. Le rôle éminent du président Volodymyr Zelinski, dont la communication est exemplaire, contribue à galvaniser son peuple et à rendre sa fierté à l’Europe toute entière.

Ce moment européen, certains parlent même d’un printemps européen, comme il y avait eu un printemps arable, correspond à un phénomène de cristallisation des opinions publiques européennes qui exprime un sentiment d’appartenance peut-être pour la première fois dans sa dimension et son intensité à une même communauté et qui partage en même temps et de manière très consensuelle un nouveau cadre d’interprétation, le 3e, de la réalité.

Souveraineté européenne où quand nous détenons notre destin entre nos mains

Discutée à l’occasion du Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement à Versailles, sous présidence semestrielle française du Conseil de l’UE, la capacité de l’Union européenne à prendre en main son destin ne pourra se faire sans parvenir à maintenir la cohésion et l’aspiration à approfondir les modalités nécessaires d’une construction européenne confrontée à des défis vitaux.

Cette scène européenne pourrait symboliser – il s’agit là du dernier cadre d’interprétation –  les fonds baptismaux d’initiatives historiques tant dans l’élargissement de l’Europe vers l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Un premier débat indispensable, mené dans l’urgence, sur le destin des frontières de l’ensemble européen, de sa place géographique donc historique dans le monde ; même si les perspectives d’adhésion ne peuvent pas être immédiates. Un second débat s’articule évidemment autour des capacités autour d’une Europe plus souveraine, grâce à sa politique d’auto-défense, sa politique d’indépendance énergétique, sa politique climatique et technologique pour protéger les biens publics européens à transmettre aux prochaines générations.

Au total, l’agression contre les Ukrainiens est un électrochoc pour les Européens qui vont devoir s’exercer à la fabrique de l’Europe forgée par la volonté politique et le sang-froid.

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