Elections européennes : plaidoyer pour une campagne électorale officielle sur Internet

Afin de mieux faire vivre la démocratie, « la mise en place de règles particulières s’est peu à peu imposée comme une nécessité, lors des périodes électorales, afin que tous les candidats puissent être entendus, de façon relativement équitable, de l’ensemble des électeurs », selon Vie Publique

Conformément aux principes de l’accès équitable aux médias et de l’égalité de traitement entre les candidats :

Organisation d’une campagne d’affichage officielle strictement égalitaire : les candidats ou listes bénéficient d’un traitement strictement égalitaire s’agissant de l’affichage officiel dans la rue.

Organisation d’une campagne audiovisuelle officielle relativement équitable : les candidats ou listes pour les élections bénéficient d’un temps de parole dans la cadre de la campagne audiovisuelle officielle, qui est fonction de leur représentativité au Parlement et de leur résultats lors des élections précédentes.

Interdiction de toute communication politique publicitaire en période électorale :

  • Trois mois avant le scrutin, toute forme de communication électorale publicitaire est totalement interdite :dans la presse, à la télévision, à la radio et même sur Internet, puisque l’achat de liens sponsorisés est interdit : voir billet sur l’enjeu du référencement des sites de campagne).
  • Six mois avant le scrutin, les campagnes publicitaires des collectivités locales sont interdites, afin d’éviter l’auto-promotion des réalisations et de la gestion de la collectivité.

Ainsi, ces règles encadrant la communication politique en période électorale font l’objet d’une règlementation précise scrupuleusement contrôlée, notamment par le Conseil d’Etat ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Conformément à la décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet :

« en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions » (considérant n°12 relatif à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur la libre communication des pensées et des opinions)

On peut considérer qu’il devient nécessaire d’étendre les règles de la campagne électorale officielle à Internet :

Création d’un portail public officiel sur les élections et les candidats strictement égalitaire : les candidats ou listes bénéficieraient d’un traitement strictement égalitaire s’agissant de la présentation de leur matériel de campagne (bulletins de vote et professions de foi en format électronique) et les citoyens auraient accès à toutes les informations officielles sur le scrutin.

Organisation du vote électronique sur Internet afin de lutter efficacement contre l’abstention, notamment des jeunes.

Ainsi, un meilleur usage d’Internet en période électorale permettrait notamment de mieux faire connaitre les programmes des candidats et d’améliorer le débat démocratique.

Puisque l’élection européenne est réputée « ne pas intéresser les citoyens, car ses enjeux sont complexes et les pouvoirs des élus difficiles à cerner. Raison de plus, selon le blog d’Olivier Ezratty, que de se poser les questions de la pédagogie politique et d’un meilleur usage de l’Internet ».

En quoi la nouvelle composition politique du Parlement européen permettrait un meilleur traitement médiatique des débats au sein de cette assemblée ?

Au-delà des réflexions nécessaires sur l’inquiétant recul continu de la participation électorale depuis les premières élections en 1979, Il semble important de s’intéresser aux conséquences institutionnelles et médiatiques des résultats du scrutin européen de juin 2009…

Les résultats du scrutin de juin 2009 : victoire des partis modérés sur les partis d’extrême

Le scrutin se caractérise par un relatif renforcement de la droite et du centre droit par rapport à la gauche :

  • en 2004, victoire de la droite et du centre droit dans 14 États membres et la gauche dans 11
  • en 2009, la droite et le centre droit sont victorieux dans 20 États membres et la gauche dans 7 (Slovaquie, Malte, Danemark, Grèce, Roumanie, Suède, Estonie).

Le scrutin se caractérise également par une relative stagnation des extrêmes (les partis d’extrême droite atteignent un résultat à 2 chiffres dans 8 États membres : Belgique, Pays-Bas, Hongrie, Finlande, Autriche, Danemark, Bulgarie et Italie).

Ainsi, suivant un premier niveau de lecture du scrutin, « face à la crise économique, les Européens ont majoritairement exprimé leur confiance aux forces modérées qui proposaient des réponses européennes aux problèmes », selon la lettre n°399 du 15 juin de la Fondation Robert-Schuman.

Vers une radicalisation des clivages entre les groupes exigeants et les groupes réticents

Quelle que soit la recomposition du paysage politique en Europe, pour prendre un second niveau de lecture du scrutin proposé par Gaëtane Ricard-Nihoul, secrétaire générale de Notre Europe dans « Elections européennes : cinq réflexions pour susciter le débat », « un clivage assez profond semble donc s’installer entre :

  • les Européens exigeants quant à leur représentation à Bruxelles : « ils n’acceptent plus que l’action européenne soit prise en otage par les querelles nationales et qu’il y ait un décalage entre discours et réalité des actes ».
  • les Européens réticents quant à l’intégration européenne : « leur position se renforce par la montée des partis d’extrême droite qui instrumentalisent l’euroscepticisme et par l’exploitation par les eurosceptiques du discours sur le caractère non démocratique de l’UE ».

Conclusion de Gaëtane Ricard-Nihoul, « il faut donc s’attendre à une prochaine législature où les positions se radicalisent quant à la perspective de l’intégration politique de l’UE ». Il s’agit d’un point de vue assez proche de Jean-Dominique Gillani, président de la Fondation Robert-Schuman dans une tribune « Ce que permettra la nouvelle physionomie du Parlement de Strasbourg » dans Le Figaro du 9 juin : « De nouvelles alliances sont possibles pour trouver des majorités sur les textes en discussion. Le rôle pivot du centre droit n’est pas contesté. Il lui permet l’expression d’une nouvelle vision de l’Union, plus politique, plus offensive… ».

Vers une médiatisation des débats parlementaires européens

Selon Gaëtane Ricard-Nihoul, « ‘cette cristallisation du débat sur la nature et la perspective politique de l’Union serait sans doute bienvenue :

  • pour attirer les médias qui aiment la polémique vers le Parlement européen ;
  • pour rendre les options politiques défendues par celui-ci plus lisibles pour le citoyen ;
  • pour mettre au grand jour des divergences fondamentales entre forces politiques et Etats membres, trop souvent mises sous le boisseau.

Avec cette nouvelle configuration politique au Parlement européen, les nouveaux eurodéputés pourraient être davantage présents dans le débat public à condition qu’ils se conforment davantage aux critères de sélection médiatique, notamment :

  • meilleure personnalisation des courants idéologiques à travers des leaders identifiés par les médias ;
  • meilleure spectacularisation des arguments politiques à travers des prises de parole calibrées pour les médias.

Ainsi, les résultats du scrutin impliquent une nouvelle composition politique du Parlement européen qui pourrait également induire un meilleur traitement médiatique des débats au sein de cette assemblée.

Communication politique lors des élections européennes : quelles leçons tirées de la campagne des listes Europe-Ecologie ?

Plus d’une semaine après les résultats du scrutin européen – marqués en France par le succès de la liste Europe-Ecologie – il s’agit de tenter de tirer des leçons de la campagne des listes Europe-Ecologie en matière de communication politique ?

Premier enseignement : il faut renouveler les pratiques des hommes politiques afin de renforcer la lisibilité de la communication politique

Pour Benoit Thieulin – le concepteur de la cyber-campagne Europe Ecologie – interrogé par David Abiker de France Info dans Parlons net, samedi 13 juin, la stratégie à consister à renouveler les pratiques afin de renforcer la lisibilité de la communication politique.

En dépit d’un contexte défavorable au départ pour les listes Europe Ecologie (septembre-octobre 2008) :

  • La presse considère que l’unité de ces listes hétéroclites ne marchera pas ;
  • Les sondages indiquent qu’avec la crise, il faut parler du social ;
  • Les responsables politiques de gauche pensent que c’est l’anti sarkozisme qui rassemble ;

Le positionnement pour lancer les listes Europe-Ecologie repose sur le renouvellement des pratiques :

  • créer une dynamique de rassemblement avec des listes élargies à des non professionnels de la politique ;
  • démarrer la campagne des européennes très tôt ;
  • parler exclusivement d’Europe et d’écologie.

S’appuyant sur ces nouvelles pratiques, la communication politique sort renforcée notamment via une présence médiatique à l’unisson des têtes de listes permettant de concentrer les citations dans les JT (de seulement 9 secondes en moyenne) sur l’Europe et l’écologie.

Deuxième enseignement : il faut renouveler les usages du web afin de démultiplier l’efficacité de la communication politique

Toujours selon Benoit Thieulin dans Parlons net, la stratégie à également consister à renouveler les usages du web afin de démultiplier l’efficacité de la communication politique.

L’utilisation d’Internet s’est orientée vers une double fonction :

  • l’arrimage des contacts « virtuels » avec les citoyens, notamment à travers la présence sur les réseaux sociaux ou le buzz autour d’un lipdub collectif (vidéo de chanteurs en play-back réalisée avec des militants de toute la France : 50 000 vues en 2 semaines).
  • la fédération des énergies militantes dans la vie « réelle », ainsi selon La Croix du 3 juin : « Européennes : les politiques tentent de mobiliser avec les réseaux sociaux » : « l’internaute, après avoir signé « l’appel » du rassemblement, rejoint la communauté virtuelle, peut y créer son propre groupe local, y discuter et créer des événements dans la « vraie vie »…

Ainsi, le nouvel usage politique du web – largement inspiré de la campagne du candidat Obama – permet de créer un nouvel « e-militantisme » : on ne s’adresse plus seulement à un citoyen-électeur mais à un média-prescripteur à part entière qui crée de la valeur ajoutée pour la campagne.

Troisième enseignement en contre-point : il faut profiter des circonstances offertes par la société médiatique

La volonté de renouveler les pratiques et les usages ne serait rien sans la capacité à saisir les opportunités que l’air du temps ou l’inconscient collectif offre pour démultiplier la communication politique.

Profiter de l’air du temps saturé par l’écologie (paquet climat-énergie à l’échelle de l’UE, Grenelle de l’environnement en France, diffusion de Home – le documentaire de Yann Arthus-Bertrand, l’avant-veille du scrutin, etc.) afin d’étiqueter la liste autour de cet enjeu (les électeurs se contentant le plus souvent du nom de la liste sans lire le programme).

Profiter de l’image de figures politiques qui résonnent dans l’inconscient collectif (Cohn-Bendit : dissidence, révolution, changement, énergie, impertinence & Eva Joly : intégrité, justice, légitimité, honnêteté, anticorruption) afin de se conformer aux critères de sélection et d’intérêt des médias.

Ainsi, le succès de la campagne des listes Europe-Ecologie repose à la fois sur une communication lisible et efficace et sur une instrumentalisation heureuse des circonstances.

Quelle stratégie de communication pour les eurodéputés élus ?

A la lecture d’une étude sur le « comportement digital » des parlementaires européens – réalisée par l’agence de conseil en communication Fleishman-Hillard, quelques jours avant les élections européennes – il semble possible de dégager les grandes lignes d’une stratégie de communication pour les nouveaux eurodéputés élus…

Certes, la TV reste le meilleur moyen de communiquer auprès des citoyens, mais les médias restent contrôlés par le traitement journalistique de l’information

Pour toucher massivement les citoyens européens, les eurodéputés placent leur confiance dans l’information TV comme moyen le plus efficace pour communiquer :

  • principalement grâce à une invitation en plateau ;
  • éventuellement via un passage dans les reportages des JT.

A contrario, les eurodéputés se montrent aussi méfiants que les citoyens sur la capacité de la publicité à convaincre.

Ainsi, la télévision reste efficace – quoique simplificatrice en termes de contenu – mais ce sont les journalistes qui contrôlent l’accès à la télévision.

Certes, Internet devient le moyen le plus complet de communiquer auprès des citoyens, mais les médias sociaux restent conditionnés par l’implication participative des communautés

Certes, les eurodéputés reconnaissent la présence en ligne des citoyens et le besoin d’être présents sur le web : 75% utilisent un site Internet pour diffuser des informations. Mais, les eurodéputés ne pratiquent pas suffisamment la « communication 2.0 » visant à s’engager dans l’échange :

  • 40% tiennent un blog régulièrement mais seulement 19% commentent activement ;
  • 53% sont présent sur les réseaux sociaux (Facebook) mais seulement 21% sont passés au micro-blogging (Twitter) ;
  • 17% partagent photos et liens sur Flickr ou Digg.

Ainsi, il semble que la pleine utilisation des outils du web 2.0 par les eurodéputés – quoique leur efficacité reste conditionnée par la bonne volonté des communautés de s’impliquer et de participer – permettrait de relancer l’intérêt des citoyens pour l’Europe.

Communication « politique » du président de la Commission européenne sur les futures élections européennes

Dans une dépêche datée du 9 juin 2009, l’AFP a obtenu une copie d’un projet de discours du président de la Commission européenne faisant état de propositions fortes pour les prochaines élections européennes de 2014. Lors de la conférence de presse organisée le 10 juin 2009, le discours officiel de José Manuel Barroso n’a finalement pas repris les propositions ayant « fuitées » à l’AFP…

Une méthode de communication politique relativement rare au sein de la Commission européenne

Candidat officiel à un second mandat depuis les résultats des élections européennes et la victoire du PPE, José Manuel Barroso ou son entourage semble avoir laissé « fuiter » des propositions visant à « réviser le système pour la prochaine consultation en 2014 ». Une méthode de communication politique relativement rare au sein de la Commission européenne.

Des propositions de réforme relativement politiques de la part de la Commission européenne

Le président de la Commission suggère dans son projet de discours de « voter le même jour, par exemple le 9 mai, dans tous les pays de l’UE » afin d’éviter que sur plusieurs jours de scrutin, les premiers pays ayant voté rendent public leurs résultats nationaux avant la fin du scrutin dans les autres pays.

En effet, les Européennes de 2009 se sont déroulées sur quatre jours, du 4 au 7 juin, et les Néerlandais, qui ont voté les premiers avec les Britanniques, ont rendu public leurs résultats nationaux avant la fin du scrutin dans les autres pays. Ces deux pays ont été marqués par une poussée de l’extrême droite.

Le président de la Commission déplore par ailleurs l’absence de « véritables » campagnes électorales européennes et le fait que très peu de citoyens résidant dans un autre État se soient inscrits dans ce pays pour participer au scrutin.

Bilan : Alors que les eurodéputés seront amenés à valider la nomination de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne pour un second mandat, on peut penser que le président de la Commission européenne n’a pas souhaité prendre le risque de contrarier les eurodéputés en portant un jugement officiel sur leur campagne alors qu’il allait formuler une proposition forte visant à faire voter tous les Européens le même jour, à l’occasion de la Journée de l’Europe, le 9 mai…