Face à la priorité du public jeune : quelle place pour la DG Communication au sein de la Commission européenne ?

A l’heure des négociations entre les capitales européennes sur les noms et les portefeuilles des futurs Commissaires européens – signalons au passage que les dernières tendances rassemblées par le blog de Touteleurope montrent qu’aucun des 27 États membres se positionne sur le poste de Commissaire à la communication – les réflexions au sein de la Commission européenne sur les réorganisations des directions générales vont bon train. Qu’en est-il des hypothèses de travail pour la DG Communication ?

Vers une DG COMM élargie : rassemblant communication, relations institutionnelles et citoyenneté ?

Formulée par Margot Wallström, la vice-présidente sortante chargée des relations interinstitutionnelles et de la stratégie de communication, dans une interview testamentaire à Euractiv, l’idée serait de « donner à son portefeuille un travail législatif autonome et des moyens financiers propres » et « la seule manière d’avancer est de donner au nouveau commissaire le contrôle de la législation sur la citoyenneté, avec les programmes et le budget qui vont avec ».

Vers une DG COMM rétrécie : fusionnant éducation, formation, culture, jeunesse, sport, société civile et communication ?

Lancé par EUconfidential sur Twitter avec l’annonce que « la Commission européenne prévoirait de fusionner la DG Communication avec la DG Education & Culture », l’idée serait semble-t-il de concentrer les efforts de la Commission européenne autour de la cible des jeunes.

Certes, l’objectif de fixer le public des jeunes comme priorité stratégique des actions de l’UE semble tout à fait justifié. Mais, l’objectif de placer la communication comme modalité stratégique pour cibler les publics de l’UE, notamment les jeunes justifie de conserver l’affichage politique lié à un portefeuille de Commissaire et la professionnalisation liée à l’existence d’une DG COMM autonome.

Campagne de sensibilisation de l’UE sur la pénurie d’interprètes : « le français, langue rare ? »

Dans les 10 ans à venir, près de la moitié des interprètes francophones prendront leur retraite. A défaut d’une bonne anticipation des recrutements de jeunes diplômés qualifiés, les services d’interprétation des institutions communautaires seront confrontés à une pénurie sérieuse d’interprètes de langue française.

Aussi, la DG Interprétation de la Commission européenne, en collaboration avec ses homologues du Parlement européen et de la Cour de Justice européenne lance une campagne de sensibilisation avec un clip vidéo  » Interpréter pour l’Europe – en français :

D’autres langues parmi les 22 langues officielles de l’UE ont été et feront également l’objet d’une pour communication pour aider les jeunes à en apprendre un peu plus sur la profession d’interprète.

Refonte du portail Europa : quels sont les objectifs, les nouveautés et les enjeux ?

Lancé en février 1995, consulté quotidiennement par plus de 500 000 internautes et avec plus de 6 millions de pages, le portail Europa est l’un des sites web les plus volumineux au monde. Sa refonte annoncée par la Commission européenne en décembre 2007 « Communiquer sur l’Europe par l’internet : faire participer les citoyens » est lancée depuis le 18 septembre…

Objectif de la refonte : renforcer l’interactivité et la participation des citoyens

Pour la DG Communication de la Commission, « le principal enjeu consiste à restructurer et améliorer EUROPA de manière à attirer plus de visiteurs et à en faire un carrefour ».

Dans un environnement particulièrement concurrentiel pour capter l’attention sur Internet, la finalité de la refonte est que « les internautes puissent explorer facilement de gros volumes de contenus, créer du contenu, et participer à des discussions et des débats afin que le portail Europa ne soit plus méconnu de la majorité des citoyens de l’Union.

Modalité de la refonte du portail Europa : faciliter la navigation avec une organisation des contenus plus claire et mieux organisée

Selon le communiqué annonçant la refonte, « la nouvelle mouture simplifie la présentation de la page d’accueil et répartie l’information en six grands thèmes répondant aux besoins des utilisateurs :

  • À propos de l’UE : informations générales, institutions et organes, les 27 États membres, histoire, travailler pour l’UE ;
  • Politiques et activités : domaines d’action, financements et aides, appels d’offres et marchés publics ;
  • Vivre dans l’UE : travailler et entreprendre, étudier, santé, droits des consommateurs, services d’information sur vos droits
  • Participez : participer à un débat en ligne, participez à l’élaboration des politiques, blogs, vidéos: l’UE sur YouTube
  • Centre de documentation : publication, statistiques et sondages, documents officiels, législation, archives
  • Espace presse et multimédia : services de presse, vidéos et photos, agenda, flux RSS et podcasts

Cette rationalisation des contenus vise à mieux guider les visiteurs (citoyens, journalistes, lobbyistes…) dans leurs recherches.

les + :

  • l’appel à participer ;
  • les tutoriaux pour se repérer (quoique disponible qu’en anglais) ;
  • l’esprit de synthèse (quoique la refonte n’ait pas encore traité les pages « profondes »).

les :

  • traduction : énorme travail encore inachevé pour parcourir le site dans les 23 langues officielles de l’UE ;
  • moteur de recherche : amélioré mais perfectible (à vous de juger) ;
  • design : harmonisation autour d’une charte graphique minimale encore relatif entre les différents sites.

Enjeu de la refonte du portail Europa : trouver l’équilibre entre attentes des publics, obligations statutaires et réorganisation des contributeurs

La refonte du portail Europa s’inscrit dans une dynamique visant à concilier le souhaitable, l’indispensable et le possible.

Du côté du souhaitable, les attentes des publics sont de consulter à des contenus aisément compréhensibles :

  • accès rapide à des informations plutôt de « proximité » que statutaire et si possible rédiger dans un style web attractif, intégrant le rich média ;
  • mise en ligne de fonctionnalités interactives et ludiques.

Du côté de l’indispensable, le portail Europa doit impérativement disposer des obligations statutaires :

  • informations relatives à la présidence de la Commission et au collège des Commissaires ;
  • exhaustivité notamment s’agissant de la masse des documents légaux.

Du côté du possible, la réorganisation des contributeurs vise à produire des contenus harmonisés. Face à la multiplication des communicants au sein des différentes entités de la Commission, la DG Communication engage (voir billet du 7 janvier 2008) la réforme du comité éditorial du site EUROPA afin de renforcer la cohérence rédactionnelle.

Au regard des améliorations annoncées (voir billet du 8 janvier 2008), les premières réalisations sont encourageantes.

Médias européens sous influence américaine : menace sur la construction européenne ?

Dans Les Cahiers du journalisme n° 20 – Automne 2009, José-Manuel Nobre-Correia de l’Université Libre de Bruxelles analyse la situation des médias européens « largement dominés en matière de fixation de l’ « agenda » mondial de l’information », en clair « sous influence » par rapport aux médias américains. Il s’interroge – à partir de l’idée du sociologue et critique des médias Herbert Schiller « une nation dont les médias sont dominés par l’étranger n’est pas une nation » – sur l’avenir de la construction européenne : « l’UE pourra-t-elle se constituer en nation sans se doter d’un système médiatique fort, où elle puisse affirmer son identité mais aussi sa conception plurielle propre de la démocratie ? »

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le retard de l’Europe n’a cessé de s’accentuer par rapport à l’influence américaine dans le contrôle des médias

Au-delà de l’influence du cinéma hollywoodien – qui pourrait sembler anecdotique – « le secteur de l’information économique et financière est plus que jamais largement dominé par des entreprises nord-américaines » :

  • Associated Press,
  • Thomson-Reuters,
  • Bloomberg (33 % du marché mondial de l’information économique et financière)
  • groupe Dow Jones avec le Wall Street Journal.

De même, les deux grandes agences mondiales d’images d’information télévisée, Reuters Television et APTN, sont nord-américaines.

En outre, la photo d’information et d’illustration est dominée par les étatsuniennes Corbis (plus de 100 millions de clichés et une distribution dans plus de 50 pays) et Getty Images (plus de 70 millions de clichés).

En presse quotidienne, ce sont des titres comme l’International Herald Tribune et le Wall Street Journal, tous deux étatsuniens qui dominent la scène mondiale.

Pour les magazines, ce sont également les étatsuniens Time, Newsweek et autres Business Week qui dominent la scène mondiale.

Le pouvoir des États-Unis en matière de télévision est trop évident, il suffit de citer CNN ou MTV. A contrario, il a fallu attendre 11 ans pour que la BBC lance la BBC World Service Television en 1992, la France a lancé France 24 seulement le 6 décembre 2006, 26 ans après CNN.

L’audience potentielle, se traduit de manière plutôt contrastée : CNN est captable par 260 millions de foyers, la BBC World par 281 millions et la jeune France 24 par 80 (tandis que TV 5 Monde l’est par 176 millions).

Euronews, la seule initiative vraiment paneuropéenne :

  • une initiative européenne (et plus exactement, plurinationale),
  • pratiquant une approche de l’actualité clairement européenne (c’est-à-dire, non nationale),
  • atteignant une audience européenne (concrètement, transnationale).
  • audience atteignant 189 millions de foyers.

Enfin, sur Internet, la domination étatsunienne est écrasante, ne fût-ce qu’en termes d’information avec les moteurs de recherche et portails d’information suivants :

  • Google (lancé le 15 septembre 1997 ; 605,5 millions de visiteurs uniques en février 2008),
  • MSN (en août 1995 ; 542,7 millions),
  • Yahoo (en janvier 1994 ; 487,5 millions),
  • AOL (en octobre 1991 ; 240,8 millions).

Ainsi, pour citer Furio Colombo, professeur à la new-yorkaise Columbia University : « la majeure partie des nouvelles du monde vient, c’est notoire, de sources américaines. Ceci est vrai dans deux sens : parce que la puissante machine américaine de l’information diffuse dans le monde plus de nouvelles sur son propre pays que ce que n’importe quelle autre source est en mesure de faire, mais aussi parce que les nouvelles de n’importe quel autre pays ne deviennent mondiales que quand elles deviennent des nouvelles américaines ».

Aujourd’hui, la mise sous influence médiatique de l’Europe limite l’affirmation de l’UE comme acteur majeur sur la scène mondial

Si l’UE veut imposer son ordre du jour, sa hiérarchie de l’information et les thèmes qui « feront » l’actualité pour une majorité de ses citoyens ;

Si l’UE veut prescrire des styles de vie, des modèles culturels, des loisirs et des valeurs ;

l’UE pourra-t-elle se dispenser de se doter d’un appareil de collecte, de traitement et de diffusion de l’information ?

l’UE pourra-t-elle se passer d’une approche propre de l’actualité du monde, d’un « agenda » établi en fonction de sa propre position dans le monde ?

Le principal défi de l’Union européenne « consiste à chercher à approfondir sa propre union, sa propre fédéralisation, à un moment où les médias favorisent avant tout la fragmentation socioculturelle des audiences ».

Enquête « les 100 mots de l’Europe » : qu’est-ce que les Français attendent de l’Europe ?

Comment les Français perçoivent-ils l’Europe à travers les mots qui sont employés dans les médias pour en parler ? Réponses avec l’enquête de l’institut Médiascopie réalisée pour Notre Europe et Libération…

Méthodologie de l’enquête : notation et mapping des mots en fonction du jugement menace/protection et de l’importance pour l’avenir

Chaque mot est noté de 0 à 10 selon 2 critères puis présenté suivant 2 échelles :

  • pour les ordonnées : « ce mot menace (en bas) / ce mot protège (en haut) »,
  • pour les abscisses : « ce mot est moins déterminant pour l’avenir de l’UE (à gauche) / ce mot est plus déterminant pour l’avenir de l’UE (à droite) ».

Voir le mapping.

Le croisement entre les aspects négatifs de l’UE et les enjeux secondaires de l’Europe permettent de dégager les menaces :

  • les « démons » : la guerre et les conflits de l’Histoire (fascisme, intégrismes) mais aussi leur version moderne (terrorisme) ;
  • les « dangers » : alimentaire (OGM), ouverture des frontières et circulation des personnes (immigration clandestine), économie et finance (crise, délocalisations, paradis fiscaux), ou encore montée des inégalités (inégalités, discriminations) ;
  • les « inquiétudes » : doutes ou interrogations qui renvoient à la question de l’identité (nationalisme, communautarisme, immigration, euroscepticisme).

Le croisement entre les aspects positifs de l’UE et les enjeux principaux de l’Europe permettent de dégager les attentes formant une « épine dorsale de la construction de l’Europe » :

  1. protection écologique et sociale : prise en compte des impératifs écologiques (protection de l’environnement, développement durable, croissance verte) et sociaux (Europe sociale dialogue social européen, ou encore projet de salaire minimum européen) ;
  2. une Europe de la paix et de la démocratie : attachement aux principes et valeurs (paix, laïcité, citoyenneté européenne, opinion publique européenne) et aux modalités (fonctionnement démocratique de l’UE, référendum européen et élection au suffrage direct d’un Président de l’Union) ;
  3. l’identité et la culture : préservation d’un ancrage identitaire et culturel dans le local (produits AOC est le 3ème mot le plus protecteur de tous, terroirs), tout en permettant à l’individu de développer d’autres identités et échelles d’appartenance : Europe de la culture (diversité culturelle), mais aussi celui de l’éducation (Erasmus), tout comme la chaîne culturelle, Arte, véritable référent identitaire européen.
  4. l’ordre et la sécurité : en matière de Justice et de Police (Mandat d’arrêt européen, coopération judiciaire, Office européen de police : EUROPOL) de Défense (armée européenne), de Politique étrangère (diplomatie européenne et Politique Etrangère et de Sécurité Commune : PESC), comme au plan de la vie quotidienne et de la santé publique, en protégeant les consommateurs (Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire).
  5. une relance de l’économie : encadrer, réguler et stimuler son économie et sa monnaie (plan de relance européen, Pacte de stabilité et de croissance, Union Économique et Monétaire, Euro) et politique européenne de recherche et d’innovation, item de la famille économique le mieux noté. En revanche, la préférence communautaire et le protectionnisme sont estimés faiblement protecteurs et moyennement déterminants.
  6. lien, échange et mobilité : faciliter les échanges afin de rapprocher les peuples et de renforcer le lien social, grâce à des modes de transports (réseau ferroviaire européen) respectueux de l’environnement.

Le croisement entre les menaces qui pèsent sur l’UE et les attentes qui se dessinent permettent de juger des « moyens » :

  • institutions et Europe politique : traditionnellement méconnues, voire malaimées, les institutions européennes sont valorisées (Cour Européenne des Droits de l’Homme : CEDH et Cour de Justice des Communautés européennes : CJCE sont jugées les plus protectrices) Parlement européen et Commission européenne sont au coude à coude et au regard de la crise que nous traversons : l’Europe politique est peut-être plus attendue qu’on ne le croit, au nom de la protection qu’on en escompte (protège à 6/10) et de son importance pour l’avenir (6,8/10).
  • les acteurs : si Barack Obama est jugé plus protecteur et plus déterminant pour l’avenir de l’Union que l’ensemble des dirigeants européens, et si, à l’inverse, Vladimir Poutine est jugé le plus menaçant, la palme des acteurs de l’Europe revient à deux entités collectives, jugées les mieux à même de protéger nos concitoyens, en même temps que les plus déterminantes pour l’avenir : les députés européens et la Confédération Européenne des Syndicats.

Conclusion : les Français formule une double attente : attente d’une Europe démocratique, d’une part, attente d’une Europe sociale, capable de protéger, d’autre part.