Défauts de conception pour le concours autour du nom du programme de recherche et d’innovation de l’UE

Alors qu’un groupe de discussion « EuroPCons » (Pros & Cons en anglais) vient d’être lancé pour dresser les pires pratiques en communication de l’UE et apprendre de ses erreurs – une idée inspirée de la conférence « EuropCom » sur la communication publique européenne – le dernier concours lancé par la Commission européenne mérite de rejoindre cette catégorie…

Ces dernières années, l’UE a multiplié le recours aux concours (cf. « Pourquoi cette mode de la communication européenne pour les concours ? ») ; un dispositif considéré comme l’ultime moyen pour les communicants européens de tenter de recruter et de fidéliser – en vain – des Européens à moindre frais.

1er défaut : un concours qui ne repose pas sur une compétition en lien avec les compétences de la cible

Annoncé aujourd’hui, par un communiqué, le concours s’adresse aux « chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs ou innovateurs » et les invite à « proposer un nom pertinent, attrayant et facile à retenir pour le nouveau programme de recherche et d’innovation de l’UE » et « utilisable dans de nombreuses langues ou facile à traduire ».

Pourquoi solliciter cette population d’innovateurs pour les engager dans une telle compétition de branding ?

Il aurait été beaucoup plus profitable pour la Commission européenne de s’inspirer des « Apps Contest » ces concours en matière d’innovation technologique lancés aux États-Unis notamment autour d’applications –web et/ou mobiles- à caractère civique et politique.

Ainsi, au lieu de susciter la circonspection au sein de la communauté des passionnés de nouvelles technologies avec ce concours qui ne sollicite pas d’émulation dans leur domaine de compétences, une compétition autour de l’« Open data » – de la mise en valeur des données publiques européennes – aurait contribué à canaliser l’énergie de ces férus d’informatique.

2e défaut : un concours qui ne repose pas sur une incitation liée aux centres d’intérêts de la cible

Autre particularité du concours, la récompense promise au lauréat n’apparaît pas susceptible d’intéresser suffisamment la cible : « le ou la lauréat(e) gagnera un voyage, tous frais payés, pour assister à la conférence européenne sur l’innovation qui aura lieu à la fin de cette année à Bruxelles ».

Non que les participants à un concours ne soient forcément que motivé par la gratification pécuniaire, mais là encore l’exemple des « Apps Contest » américains révèlent qu’il aurait été plus judicieux de multiplier les prix (différentes catégories) plutôt que les montants des prix, « afin d’encourager ainsi un nombre plus important de développeurs à concourir comptant sur une rétribution plus symbolique que pécuniaire ».

3e défaut : un concours qui ne repose pas suffisamment sur la participation du grand public

Dernier défaut du concours, la participation du grand public est cantonnée à un vote sur Internet sur les seules trois propositions de noms retenues au préalable par un jury international – un potentiel participatif extrêmement réduit.

A contrario, les « Apps Contest » US – selon Laurence Allard et Olivier Blondeau sur NetPolitique – prévoient « une phase visant le grand public où il lui était demandé de proposer des idées qui seraient ensuite soumise à l’imagination et à l’inventivité des développeurs ».

De plus, « l’intérêt de favoriser le temps réel, c’est-à-dire le retour d’expérience sur des développements in progress et le lien avec les médias et réseaux sociaux leur assurant une diffusion virale particulièrement efficace » n’est pas présent dans le concours de la Commission.

Au final, ce concours pour trouver le nom du programme de recherche et d’innovation de l’UE ne parviendra pas à « entrer en relation avec les parties intéressées et le grand public et rendre notre travail plus visible au niveau politique et médiatique » comme semble l’imaginer Máire Geoghegan-Quinn, Commissaire européenne responsable de la recherche et de l’innovation.

Benchmark des couvertures journalistiques « en direct » du Conseil européen

Alors que se développe la pratique du « live coverage », de la couverture en temps réel de grands événements avec l’usage de médias sociaux, la couverture journalistique des Conseils européens – ces sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement – évolue également. Petit benchmark des dispositifs réalisés pour le Conseil européen des 24 et 25 mars à Bruxelles…

Live coverage du Conseil européen avec Storify pour Euractiv.fr : accent sur la mise en perspective

Grâce à Storify, un outil qui permet de « raconter des histoires en utilisant les médias sociaux », et à la présence de leur journaliste, Loup Besmond de Senneville, à Bruxelles : Euractiv.fr réalise une page spéciale : « Suivez le Conseil européen en direct ».

Principal avantage de Storify :

  • Création d’une timeline riche agglomérant des tweets, des photos, des vidéos et du texte pour donner un contexte aux lecteurs une vision relativement panoramique de l’événement.

Principal inconvénient de Storify :

  • Intervention manuelle nécessaire pour alimenter le flux avec au minimum un « glisser-déposer » de Tweets ou de liens.

Ce dispositif éditorial permet de mettre l’accent sur des éléments de contexte avec l’utilisation de rich media (photos et vidéos)au détriment de mises à jour en temps réel.

Live coverage du Conseil européen avec CoveritLive pour MyEurop.info : accent sur la conversation en temps réel

Grâce à CoveritLive, un outil qui permet d’« interagir avec le public en temps réel via les flux de médias sociaux », et à la présence de leur journaliste, Jean-Sébastien Lefebvre, à Bruxelles : MyEurop.info réalise une page spéciale : « Live blogging du Conseil européen ».

Principal avantage de CovertLive :

  • Création d’un streaming automatique en temps réel agglomérant des tweets ou des liens (avec possibilité pour l’internaute de poser directement une question sans être inscrit sur aucun média social).

Principal inconvénient de CovertLive :

  • Une mise en perspective moins aisée, quoiqu’il soit possible avec cet outil de publier également d’autres contenus que des Tweets ou des liens.

Ce dispositif conversationnel permet de favoriser le temps réel et l’échange avec l’utilisation de Twitter et deTwitpic (grâce au #EUCO) au détriment de mises en perspective.

Ainsi avec les outils disponibles grâce aux médias sociaux, la couverture journalistique « en direct » des Conseils européens évoluent.

Quelles leçons peut-on tirer des expériences délibératives européennes ?

« Sondages délibératifs », « Conférences de consensus », « Consultations européennes de citoyens »… Ces dernières années, plusieurs dispositifs reposant sur une participation directe de citoyens européens ont été menés en Europe.

Certes, « le premier constat qui s’impose est celui d’une relative réussite : organiser la participation de citoyens d’origines nationales diverses à l’échelle transnationale s’est révélé réalisable » selon le « Bilan des premières expériences participatives à l’échelle communautaire » réalisé par Laurie Boussaguet pour Notre Europe.

Mais, l’impact exact sur les institutions européennes demeure difficile à mesurer : « les expériences organisées se sont clôturées [seulement] par une présentation de leurs résultats devant des représentants des institutions européennes ».

Alors, quelles leçons peut-on tirer de ces expériences délibératives européennes ?

Quatre catégories de dispositifs participatifs en fonction de leurs finalités

Une participation tournée vers le processus décisionnel et conçue comme une aide à la décision : les conférences de consensus

Principes de fonctionnement :

  • permettre à un panel de profanes de dialoguer et de débattre de manière constructive avec des experts ;
  • laisser ces citoyens profanes délibérer afin d’établir des recommandations communes, de façon consensuelle.

Une participation tournée vers le peuple européen et conçue comme un outil d’aide à la formation des opinions : les sondages délibératifs

Méthodologie :

  • « former » les citoyens sur les enjeux questionnés avant de recueillir leur opinion ;
  • laisser s’exprimer les citoyens, mais « en connaissance de cause ».

Une participation combinée vers l’émergence du peuple européen tout en définissant des axes généraux d’action publique pour l’UE : les consultations de citoyens

Particularités :

  • absence de formation préalable des citoyens ;
  • moindre présence des experts dans le débat.

Une participation ciblée auprès de secteurs d’activités particuliers : la mise en réseau d’espaces locaux et d’activités sectorielles

Modalités :

  • coopération inter-zones pour assurer l’échange d’informations et de bonnes pratiques ;
  • implication multi-acteurs pour développer une meilleure gouvernance sectorielle et territoriale.

Trois propositions pour une meilleure écoute de la part des institutions européennes

D’abord, faire concorder les thèmes des délibérations citoyennes avec les domaines de compétences de l’UE, sinon c’est inefficace puisque cela ne débouche pas sur quelque chose de précis.

Ensuite, mettre en place une certaine procéduralisation – une sorte de devoir de réponse adressé aux organisateurs et aux citoyens-participants du dispositif – consistant à dire/préciser ce que les institutions européennes, Commission en tête, sont censées « faire avec tout ça ».

Enfin, donner une assise institutionnelle à cette participation citoyenne – une forme d’institutionnalisation de cette voix citoyenne à l’échelle européenne – soit au sein des institutions européennes, soit en tant qu’agence indépendante.

Finalement, la principale leçon pour les expériences délibératives, selon Laurie Boussaguet, c’est que leur survie est bien davantage conditionnée à leur institutionnalisation par l’UE qu’à leur effective utilité pour la construction européenne.

EuroPCom 2011 : quels sont les thèmes lies à la communication européenne ?

Après le succès du 1er colloque européen sur la communication publique en Europe et sur l’Europe en octobre 2010, « EuropCom » revient en 2011 avec, de nouveau, 2 jours de conférences et ateliers les 19 et 20 octobre prochains à Bruxelles. Quelles en sont les problématiques en matière de communication européenne ?

Rappel des enjeux traités en 2010 :

  • « Europe going local » : une communication européenne décentralisée
  • « Stories from Europe » : une communication européenne racontée
  • Relier les communicants publics d’Europe : une communication européenne intégrée

Europe et marketing : l’Europe est-elle et devrait-elle être une marque ?

Quels efforts ont été accomplis par les institutions et quels sont les défis à relever pour les années à venir ?

Quelle stratégie de marque pour l’Europe en vue de renforcer l’attrait international de l’UE ?

Europe et médias sociaux : le journaliste citoyen est-il une menace ou une opportunité pour la communication des institutions européennes ?

Comment les communicants publics européens peuvent-ils collaborer avec ces « journalistes de la rue » voire les encourager à assumer un rôle actif de dialogue public ?

Comment la communication publique européenne peut-elle s’adapter aux médias sociaux : quelle perte de contrôle de la parole publique ? quel rôle pour les fonctionnaires dans la gestion de la e-réputation de l’institution ?

Europe et territoires : quels réseaux en dehors de la bulle de Bruxelles pour communiquer sur l’Europe ?

Comment les associations de pouvoirs locaux et régionaux ainsi que d’autres organisations intermédiaires – qui jouent un rôle croissant dans le réseautage et le partage des connaissances – peuvent être impliqués dans la communication sur l’UE ?

Quelles sont les meilleures (et les pires) pratiques au niveau local ou régional pour adapter les messages sur l’Europe en fonction de la réalité sur le terrain et montrer l’influence de l’UE sur la vie quotidienne des citoyens européens ?

Les journalistes sont-ils encore le seul public de l’UE ?

Non, il ne s’agit pas ici d’annoncer que les citoyens européens seraient devenus le public tant fantasmé de l’UE ; mais plutôt de rebondir, à l’heure de l’euro-blogo-sphère, sur un article publié par Olivier Baisnée en 2000 « les journalistes, seul public de l’Union européenne ? »…

Les journalistes accrédités, le seul public de l’Union européenne ?

« Premier public de l’Union européenne, le corps de presse accrédité en serait aussi le seul. »

D’abord, les journalistes accrédités à Bruxelles seraient le seul public de l’UE dans la mesure où, selon Olivier Baisnée, « socialisé(s) au système politique et institutionnel de l’Union, (ils) l’envisage(nt) comme tel : vivant à son contact immédiat et permanent, ils finissent par en connaître intimement les processus, le personnel politique, les lieux et les enjeux ».

« Une fois assimilée la grammaire du fonctionnement de ces institutions, (les journalistes accrédités) sont à même de comprendre les enjeux, de repérer les acteurs et les problèmes qui entourent une décision, et de l’interpréter ».

Au bout de quelques d’années, ces journalistes sont de fait membres d’un microcosme qui englobe tous ceux dont la profession est liée aux activités de l’Europe (fonctionnaires, hommes politiques et représentants des groupes d’intérêt).

Ainsi, les journalistes accrédités sont probablement un peu des eurocrates, comme le craignait récemment un jeune pigiste à Bruxelles, Jean-Sébastien Lefebvre : « Journalistes européens : sommes-nous des eurocrates ? ».

Ensuite, selon Olivier Baisnée, « ce huis clos social et intellectuel se trouve encore renforcé du fait de la véritable prise en charge des journalistes par la Commission européenne, notamment lors de la « grand-messe de midi » que représente le rendez-vous quotidien avec le service du porte-parole.

« Englués dans ce flot (d’innombrables documents distribués lors du briefing), les journalistes ne peuvent guère prendre du recul, mener des investigations, s’intéresser à autre chose qu’à l’ordre du jour proposé. D’autant plus qu’il s’agit souvent de dossiers assez techniques. »

Ainsi, la Commission européenne tente de contrôler l’agenda médiatique la concernant en encombrant l’espace et le temps des correspondants de presse.

Enfin, les journalistes accrédités auprès des institutions européennes sont également des interprètes indispensables dans la mesure où ils sont l’une sinon l’unique source d’information et de représentation de l’UE dans la conscience de ses habitants.

Les euro-blogeurs accrédités, un nouveau public de l’Union européenne ?

Avec l’accréditation inédite d’euro-blogeurs pour des réunions du Conseil de l’UE – que l’on ne pourrait que souhaiter pour ce briefing quotidien du service du porte-parole de la Commission européenne – les euro-blogeurs rejoindraient le club du « seul public de l’UE ».

D’une part, les euro-bloggeurs constateraient, comme l’analyse Olivier Baisnée, que l’information la plus intéressante dans les points presse vient non pas de ce qui est dit par les porte-parole mais des questions posées par les journalistes. « Des questions qui mettent en évidence les problèmes que les différentes décisions poseront dans les Etats-membres ».

« Les réactions de la salle de presse laissent transparaître finalement toutes les préoccupations nationales et donnent une idée de ce que pourrait être, si elle existait, une opinion publique européenne replaçant les enjeux dans les contextes nationaux et rendant visibles aux autres partenaires les problèmes spécifiques à chaque État. »

Ainsi, les euro-blogeurs accrédités pourraient expérimenter que le principal intérêt des points presse est la projection des différents éclairages nationaux sur les décisions annoncées par les institutions européennes.

D’autre part, les euro-blogeurs accrédités, à l’instar des journalistes accrédités, constateraient que l’absence ou la rareté du sensationnel – « il n’existe guère de scoops au niveau communautaire qui soient considérés comme tels par les rédactions nationales » – apaise les rapports et renforce le peu de concurrence.

« Peu touchés par la compétition, les journalistes sont ainsi plus à même de développer des pratiques de collaboration, de partage d’information, voire de travail, lorsque plusieurs événements ont lieu en même temps. »

Ainsi, autre leçon pour les euro-blogeurs, l’accréditation renforcerait l’esprit de collaboration et de partage, déjà fort au sein de leur communauté.

Principales conclusions pour les accrédités (journalistes ou blogeurs)

Des pratiques plus critiques vis-à-vis des institutions feront converger les accrédités qui refusent de se laisser enfermer dans l’expertise et privilégient une définition de leur mission plus proche de celle de l’investigation :

  • entretien d’un rapport plus distant à la source d’information institutionnelle ;
  • plus largement, attitude à l’égard de la parole des institutions européennes plus distanciée.

Par ailleurs, les accrédités restent d’abord et avant tout des citoyens d’un Etat national chargés pour les journalistes ou désireux pour les blogeurs de rendre compte de l’UE à des publics ancrés dans des réalités politiques, sociales et historiques distinctes.

Ainsi, la couverture européenne dans les médias ou dans les blogs reste soumise à des contingences nationales et éditoriales (orientations politiques ou spécialités thématiques) spécifiques.