Quel dispositif de communication numérique autour du 3e discours sur l’État de l’Union de José Manuel Barroso ?

Pour la 3e année consécutive, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a prononcé devant le Parlement européen un discours sur l’Etat de l’Union. Entre ouverture d’un compte personnel sur Twitter, teasing sur Youtube et hangout sur Google+, quel est le dispositif de communication ?

Une communication numérique disposant d’une « mentalité sociale »

A peine une semaine avant ce discours annuel, José Manuel Barroso s’est finalement lancé – après une quinzaine de Commissaires européens – sur Twitter avec un compte personnel @BarrosoEU. Comme l’année dernière, le président de la Commission est l’invité d’une émission diffusée simultanément sur Euronews et Youtube, dont la vidéo-teaser (ci-dessous) est particulièrement dramatique. La nouveauté du cru 2012 réside dans l’organisation en parallèle d’un hangout (chat vidéo) avec ses portes-paroles sur Google+.

Le déploiement en ligne via des médias sociaux permettant le dialogue indique que la communication numérique du président de la Commission réalise progressivement une mue sociale.

La communication en ligne n’est plus inspirée par une démarche exclusivement top-down pratiquée à l’époque des médias traditionnels. Bien davantage toute communication en ligne s’inspire d’une mentalité sociale, qui place l’internaute-citoyen au cœur de la démarche.

Cette approche semble s’inspirer des pratiques observées dans la campagne électorale des présidentielles américaines, qui selon Tony Lockett sur « European Union 2.0 », s’anime autour d’une « mentalité sociale » dans toute la communication numérique.

Une communication numérique souffrant d’« infobésité »

Avec ces multiples canaux numériques, la communication de José Manuel Barroso en ligne est quasiment passée du silence à la cacophonie. Les multiples sources d’information rendent plus imperceptible le fond du message. Que faut-il retenir du discours sur l’Etat de l’Union ?

L’infobésité – pour appliquer le raisonnement de Cadde Reputation à la communication numérique du président de la Commission européenne – ne doit pas seulement être entendu comme un excès de volume mais davantage comme un déficit de qualité.

La communication européenne souffre d’un seuil de tolérance auprès du grand public particulièrement faible, qui entraîne un risque aisé à l’indigestion. La communication autour du discours sur l’Etat de l’Union en multipliant les angles et les canaux déstabilise le régime de consommation de l’information européenne et augmente dangereusement ce seuil d’acceptabilité au sein du grand public, à condition de limiter les messages et de contextualiser toute prise de parole.

Ainsi, la communication numérique de José Manuel Barroso autour du discours sur l’Etat de l’Union doit trouver son point d’équilibre entre une mentalité sociale indispensable et un seuil de tolérance incontournable.

Eurobaromètre : les contrastes de l’opinion publique sur l’Union européenne

Interrogés récemment dans le cadre de deux enquêtes récurrentes – l’Eurobaromètre Standard de la Commission européenne et l’Eurobaromètre du Parlement européen ou Parlamètre – les Européens délivrent des messages pour le moins contrastés sur l’Union européenne…

Image de l’UE : une perception temporellement contradictoire

Dans le Parlamètre EB/PE 77.4, l’image de l’UE – abordée dans l’absolu : « en général, l’image que vous avez de l’UE » – s’améliore aux yeux d’une majorité d’Européens (40% d’opinion positive +9 points par rapport à l’automne 2011 contre 23% d’opinion négative -3).

En revanche, dans l’Eurobaromètre standard 77, l’image de l’UE « après la forte baisse à l’automne 2011 (-9), la proportion d’image positive de l’UE se stabilise à 31% » tandis que les opinions négatives progressent légèrement (28%, +2).

D’une enquête à l’autre – sondages réalisés par le même prestataire TNS opinion – la même question non seulement entraîne des niveaux de résultats significativement différents mais en pus avec des tendances inverses. Seule la période du terrain (du 3 au 20 novembre 2011 pour le Parlamètre et du 12 au 27 mai 2012 pour l’Eurobaromètre standard) peut justifier un tel écart.

La tendance à la dégradation de l’image de l’UE serait donc le phénomène le plus récemment mesuré.

Sentiment d’appartenance, confiance et participation dans l’UE : une perception faussement contradictoire

Autres conclusions contradictoires – à la première lecture – des deux enquêtes récurrentes :

  • Bonne nouvelle : « une majorité absolue se dégage pour dire que l’appartenance à l’UE est une « bonne chose » », une grande première, selon le Parlamètre ;
  • Mauvaise nouvelle : la confiance dans l’UE s’est encore dégradée pour atteindre le plus bas niveau jamais mesuré (31%, – 3 points), selon l’Eurobaromètre standard.

Autrement dit, les Européens – dans la crise – considèrent que l’appartenance à l’UE ne peut être qu’un « plus » – quoiqu’ils soient sans illusion sur les capacités réelles de l’UE – quasi équivalentes aux autres institutions publiques – à résoudre difficultés et problèmes.

La construction européenne devient un phénomène majoritairement soutenu dans la société, mais dans un état d’esprit sinon résigné, du moins aussi peu enthousiaste qu’en matière de politique nationale.

Des sentiments contrastés de l’opinion publique européenne sur l’UE à mettre en parallèle avec le fait que « la majorité des personnes interrogées pensent toujours que leur voix  « ne compte pas dans l’UE » ».

Communication européenne et esprit national : comment les pays communiquent sur l’Europe ?

Chaque nation européenne noue une relation particulière avec l’Europe et par voie de conséquence toute communication européenne est fortement imprégnée par l’esprit national. Comment l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France communiquent-ils sur l’Europe ?

Communication européenne affirmative de l’Allemagne autour de l’autorité : « I will Europa »

Lancée récemment, la campagne de communication allemande sur l’Europe s’appuie sur l’héritage historique de la construction européenne vue par les Allemands. A cause de la seconde guerre mondiale et du regard des Européens, les Allemands ne pouvaient pas ouvertement affirmer leur volonté européenne, sans doute de plus en plus frustrée par une culpabilité de moins en moins présente dans la société.

Sous cet angle, la campagne « I will Europa » (Je veux l’Europe) libère la parole des Allemands qui désirent enfin pouvoir exprimer publiquement leurs visions de l’avenir de la construction européenne. La communication européenne de l’Allemagne est une forme d’exutoire de l’affirmation d’une autorité retrouvée dans la famille européenne.

Communication européenne démonstrative du Royaume-Uni autour des intérêts : « EU, what’s in it for me? »

Plus ancienne, la campagne de communication britannique sur l’Europe s’inscrit dans un contexte national spécifique : la société est sensiblement plus europhobe et toute affirmation pro-européenne n’est pas envisageable. Fruit de l’héritage conservateur de Margaret Thatcher (cf. « I want my money back »), la relation des Britanniques à la construction européenne est marquée par le pragmatisme et la défense des intérêts nationaux.

Dans ce cadre, la campagne « EU, what’s in it for me? » joue sur la principale attente du peuple britannique de connaître les bénéfices concrets apportés par l’UE, dans une relation utilitariste : “a No-Nonsense Guide for UK Citizens to what the European Union Delivers”. La communication européenne du Royaume-Uni démontre et contre-argumente avec des faits sur les intérêts tirés de la cohabitation avec les pays européens continentaux.

the-eu-and-me.org.uk

Communication européenne imaginative de la France autour de la grandeur : « les grandes étapes de la construction européenne »

En France, la communication sur l’Europe se réalise sur un autre registre : ni dans l’affirmation d’une autorité, ni dans la démonstration des intérêts, l’Etat présente – depuis plusieurs décennies – la construction européenne comme un projet permettant à la France d’être plus que la France, d’être en quelque sorte la France en grand.


Elections Européennes – 7 juin 2009 par SIG-PM

Avec cette ambition, la dernière campagne d’incitation au vote lors des élections européennes de 2009 illustre cette approche de la construction européenne, résumée aux grands hommes européens, particulièrement français et aux grands projets européens, d’inspiration partiellement française. La communication européenne de la France montre l’inspiration et la grandeur de l’union des nations européennes.

Ainsi, les campagnes de communication européennes menées par chaque Etat-membre de l’UE se révèlent particulièrement éclairantes sur les relations qu’entretiennent chaque société avec l’Europe.

Vers une communication européenne « existentielle » sur le pourquoi de l’UE ?

La période est sombre pour l’Union européenne : la résolution des crises patine et le soutien des opinions publiques vacille. Les esprits ne sont plus seulement préoccupés par le déficit démocratique supposé ou admis de l’UE. L’existence même de l’UE dans ses formes actuelles est au cœur des interrogations. L’UE se doit de réagir sous peine de se voir condamner à disparaître. Quelques indices laissent à penser qu’une communication « existentielle » sur le pourquoi de l’UE est en préparation…

Indice n°1 : positionnement de la Commissaire titulaire du portefeuille de la communication comme soutien du Président de la Commission

Viviane Reding, actuelle Vice-Présidente de la Commission européenne, notamment responsable de la communication, se positionner de plus en plus ouvertement pour assurer un 3e mandat à José Manuel Barroso, comme elle l’affirme à Euractiv.com.

Afin d’asseoir cette continuité au sein des milieux européens, Viviane Reding aurait tout intérêt à faire porter par ses services une vaste campagne de communication sur ce que l’UE représente actuellement, sur la plus-value d’une approche européenne sur les grands dossiers du moment – une occasion de poser un bilan et un programme pour le futur agenda politique de la Commission européenne.

Indice n°2 : prise de parole du plus haut responsable de la communication en faveur d’un accent sur le pourquoi de l’UE

Gregory Paulger, le Directeur Général de la DG Communication à la Commission européenne, qui a été récemment nommé, s’est récemment exprimé lors d’une réunion du comité communication du Comité économique et social européen (CESE), selon le blog du secrétaire général du CESE.

Dans un exposé, qui demeure à ce jour l’une des premières et des seules indications publiques de ses intentions depuis sa prise de fonction, Gregory Paulger décrit comment, en cette période d’austérité, avec des mesures de crise étant décidées et mises en œuvre rapidement, il y a un risque que le messager soit puni pour le message. Cela signifie, selon lui, un changement de tactique de la Commission européenne et de ses activités de communication, mettant moins l’accent sur le « quoi » et le « comment » et davantage sur le « pourquoi ».

Indice n°3 : priorité interinstitutionnelle de communication autour de la notion de « Tirer le meilleur parti des politiques de l’UE »

Parmi les 3 priorités communes aux institutions européennes pour l’année 2012, les principaux responsables de la communication de l’UE se sont accordés autour de la notion de « Tirer le meilleur parti des politiques de l’UE », ce qui signifie notamment de « maximiser la valeur ajoutée des politiques de l’UE » et de communiquer sur « le coût de la non-Europe ».

Ainsi, semble se dessiner une prise de parole « existentielle » de l’UE sur ce qu’elle a à dire aux Européens. 2013, Année européenne des citoyens pourrait accueillir cette initiative.

Quelles sont les principales campagnes de communication de la Commission européenne en 2012 ?

Entre les anniversaires et les thèmes imposés par la crise, les principales campagnes de communication de la Commission européenne pour 2012 sont présentées dans le rapport sur la stratégie « Communiquer sur l’Europe pour les citoyens et les médias »…

Dans un contexte de crise, communiquer sur « un message positif sur la croissance économique »

La direction générale des entreprises et de l’industrie prévoit d’engager des actions de communication au sujet des PME, acteurs incontournables pour la croissance et l’emploi, autour de l’écologisation de leurs activités et surtout des aides européennes qui leurs sont destinées :

  • une remise des Prix européens de la promotion de l’esprit d’entreprise ;
  • une campagne de sensibilisation afin de familiariser les PME avec les services d’aide disponibles ;
  • une campagne d’information à destination des entreprises concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales.

Dans un contexte de crise, communiquer sur la politique de cohésion entre les Régions européennes

La stratégie de communication de la direction générale de la politique régionale consiste à promouvoir la politique de cohésion. Les actions de communication portent sur la représentation des principaux atouts et succès de la politique de cohésion de l’UE, s’agissant en particulier de sa contribution à la croissance et démontreront la valeur ajoutée de cette politique, en aidant les régions à sortir plus fortes de la crise.

Plusieurs événements organisés en 2012 :

  • la cérémonie de remise des prix RegioStars (5e anniversaire), le 14 juin 2012 ;
  • les Open Days de 2012 (10e anniversaire), du 8 au 11 octobre 2012.

20e anniversaire du marché unique, communiquer sur « les espoirs pour l’avenir et le potentiel de croissance »

Les principales initiatives prévues par la direction générale Affaires économiques et financières sont :

  • une campagne « Génération 1992 » (generation1992.eu) destinée à donner aux jeunes adultes nés en 1992 l’occasion d’exprimer leur point de vue sur le marché unique dans le contexte d’un concours ;
  • une série de cinq séminaires pour les journalistes qui porteront sur le marché unique et les grandes priorités de l’Acte pour le marché unique en matière de renforcement de la croissance ;
  • une Semaine du marché unique organisée en octobre 2012 dans les États membres sous la conduite des autorités nationales et le soutien des représentations de l’UE.

Année européenne du vieillissement actif, communiquer sur l’emploi, la participation et l’autonomie des séniors

Gérée par la direction générale de l’emploi, l’année européenne constitue une importante action de communication en 2012. Trois dimensions du vieillissement actif seront particulièrement abordées: le vieillissement actif et l’emploi, la participation à la société et la vie autonome.

25e anniversaire d’Erasmus, communiquer sur l’impact positif exercé sur la vie professionnelle et privée des étudiants

En 2012, la direction générale de l’éducation et de la culture célèbre le 25e anniversaire d’Erasmus : « Erasmus change les vies et ouvre les esprits depuis un quart de siècle », avec une grande conférence à Copenhague, en avril, et des activités entourant la Journée de l’Europe dans les États membres.

PAC, communiquer sur la réforme comme la réponse apportée aux besoins de la société

La direction générale de l’agriculture et du développement rural axera sa campagne de communication sur la politique agricole commune, avec trois objectifs et trois groupes-cibles: informer les médias et autres relais d’opinion sur la réforme de la PAC; mobiliser les décideurs en faveur de la PAC après la réforme de 2013; sensibiliser l’opinion publique à la réponse apportée par la PAC aux besoins de la société.

Quand bien même ces campagnes de communication seraient visibles auprès des Européens – ce qu’on peine à croire – la Commission européenne, au cours de l’année 2012, sera-t-elle audible avec de tels messages ?