Quelle est l’évaluation officielle de l’Année européenne des citoyens ?

Avant même la rédaction du rapport d’évaluation publié récemment sur l’Année européenne des citoyens en 2013 et 2014, les principales conclusions sur les Années européennes – cet archétype des campagnes de communication de l’UE – étaient écrites d’avance. Pourquoi ?

Les Années européennes, des campagnes sans stratégie de communication ?

Première recommandation de l’évaluation indépendante, qui n’y va pas par quatre chemin : il faut « définir clairement la stratégie de communication de l’Année européenne ».

Et les évaluateurs de poursuivre en écrivant qu’« un choix devrait être fait entre les priorités – soit une communication s’appuyant sur les médias de masse, soit une communication visant à susciter l’engagement des citoyens, des parties prenantes et de publics cibles spécifiques. Ce choix devrait être cohérent avec le thème et les messages de l’Année, et réaliste au vu des ressources financières disponibles. »

Et pour mettre les points sur les i, les évaluateurs précisent que « les ressources financières dédiées à l’Année européenne devraient être en rapport avec la portée souhaitée. Définir pour l’Année des objectifs ambitieux sans leur consacrer les ressources suffisantes entrave sa mise en œuvre et compromet l’efficacité et l’efficience de l’initiative. »

Au total, l’Année européenne des citoyens devait résoudre la quadrature du cercle : à la fois une campagne d’information à l’échelle de l’UE avec des formes participatives de communication de proximité, le tout avec un budget réduit à 3,8 millions d’euros, par comparaison avec les budgets précédents :

  • 2007 — AE de l’égalité des chances pour tous: 22,5 millions €
  • 2008 — AE du dialogue interculturel: 10 millions €
  • 2010 — AE de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale: 17,25 millions €
  • 2011 — AE du bénévolat: 10,75 millions €
  • 2012 — AE du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle: 5 millions €

Le bilan chiffré de l’Année européenne des citoyens

En matière de résultats, les données complètes sont disponibles, notamment sur les événements participatifs organisés dans les Etats-membres :

  • 51 dialogues citoyens, rassemblant environ 17 000 participants physiques et 105 000 suiveurs sur les réseaux sociaux
  • 91 événements Alliance pour l’Année européenne des citoyens, regroupant environ 24 000 participants physiques

En moyenne, les dialogues citoyens ont réuni plus de 300 personnes et ont généré 39 articles médias (émissions de télévision en direct, messages télévisuels, messages radio et articles dans la presse écrite et la presse en ligne).

Les conclusions concernant les résultats et l’évaluation globale de l’Année européenne des citoyens

Dans son rapport, « la Commission prend note des conclusions relatives à l’efficacité et l’efficience, à savoir que l’adoption tardive de la décision a rendu difficile aux  partenaires potentiels de se mobiliser à temps pour contribuer aux activités, en particulier au niveau national; et que les ressources financières mises à disposition ne répondaient pas à l’ambition d’informer tous les citoyens de leurs droits. »

La Commission européenne reconnaît que « le budget modeste a limité la portée et l’impact de la campagne de communication, mais cette limitation a été atténuée efficacement par la créativité, l’engagement, les efforts de bénévolat et la motivation de tous les acteurs européens et nationaux. » Est-ce tragique ou comique de chercher ainsi des justifications ?

Les défis pour les futures Années européennes

Il serait plus que souhaitable que les organisateurs de la prochaine Année européenne 2015 pour le développement lisent attentivement les recommandations :

Afin d’atteindre un grand public et ciblant également les 28 États membres, une campagne d’information demanderait un « ticket d’entrée » d’au minimum plusieurs millions d’euros. Elle devrait aussi véhiculer des messages affûtés et originaux, afin d’attirer l’attention des citoyens et d’avoir potentiellement un impact.

En cas de ressources limitées, la priorité devrait être de déployer une campagne de communication qui soutienne des événements. Ceux-ci devenant, dans ce cas, les principaux piliers de la diffusion d’information, tandis que la campagne deviendrait un outil servant principalement à y inviter des participants et à attirer l’attention des médias de façon à garantir une plus grande diffusion.

Tenter de mettre en œuvre une campagne traditionnelle et une communication basée sur des événements avec un budget limité est inefficace. La stratégie de communication devrait être décidée à un stade de conception précoce.

Porte-paroles de l’UE et journalistes : « pour que tout reste comme avant, il faut que tout change » ?

Parmi les éléments visibles marquant l’entrée en fonction de la nouvelle Commission Juncker – au-delà de la nouvelle vitrine du site de la Commission européenne – se détache la (r)évolution du service de porte-parole de la Commission européenne. La célèbre expression de Tancrède dans Le Guépard « pour que tout reste comme avant, il faut que tout change » semble particulièrement bien s’adapter en l’occurrence. Pourquoi ?

Beaucoup d’annonces, peu de changements : la nouveauté du « shadow press office » et la continuité du « pantouflage » d’anciens journalistes

Les effets d’annonces distillées aux journalistes quant aux évolutions futures du service des porte-paroles ont semblé donner l’impression de vouloir séduire la salle de presse de la Commission européenne.

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La lune de miel entre la nouvelle Commission et la presse semblait quasiment scellée lorsque Jean Quatremer publie samedi dernier « Une Commission Juncker moins hostile à la presse » pour parler de la « révolution culturelle » du service de presse de l’UE…

Parmi les motifs de satisfécits, un organigramme « époustouflant » réduit à une dizaine de porte-paroles, qui ne sont pas tous anglo-saxons, en vue « d’obliger les commissaires à descendre plus souvent en salle de presse afin d’expliquer leurs décisions » et la fin du « règne de la terreur théorisé et assumé » lorsque « l’appartenance à l’institution implique une défense totale des politiques adoptées, toute prise de distance (ne parlons pas de critiques) étant assimilée à une trahison ».

L’« opération séduction de la Commission Juncker vers les médias » selon le titre d’Euractiv, pourtant d’habitude très policé se montre très sévère : « nouvelle équipe, tout aussi pléthorique que la précédente » […] dispositif reste donc proche de la précédente Commission : très centralisé autour du Président ».

En effet, les porte-paroles qui peuvent s’exprimer en « on » dans les médias sont moins nombreux mais un « shadow press office », un service de presse de l’ombre fait son apparition avec des conseillers presse dans les cabinets des Commissaires qui parleront en « off » et qui seront en charge de traiter avec la presse de leur pays d’origine.

Au total, c’est une « armée mexicaine pour la parole de la Commission Juncker » : 17 porte-paroles + 30 attachés de presse + 28 conseillers presse en cabinet.

Mais surtout, près de la moitié des porte-paroles sont des journalistes. Un sacré problème de déontologie pour la profession, qui ne date pas d’hier. Gilles Bastin évoque même le « système Olivi » de la coproduction de l’information européenne qui privilégie des journalistes recrutés personnellement pour le service de presse de l’UE.

L’amour ne dure que 24 heures ?

Le coup de massue est venu réveillé les journalistes lundi matin quelques heures avant le premier Midday Briefing du nouveau service de presse de la Commission européenne.

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Par un email exigeant d’envoyer les questions par écrit avant 11h, tout le capital accumulé de « good will » s’est immédiatement dilapidé ; encore plus – malgré l’annonce qu’il s’agissait d’une maladresse – lorsque tout un chacun a pu constater le « business as usual » dans la salle de presse.

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Au total, les évolutions du service des porte-paroles de l’UE est symptomatique de la relation entre la Commission européenne et les journalistes, faite d’espoirs vites déçus et d’incompréhension réciproques et laisse entrevoir un verrouillage de la communication par la présidence.

Quelles sont les utopies de la communication européenne ?

Dès qu’il s’agit de porter son regard sur la communication de l’Europe, chacun y va de ses solutions pour résorber le fameux déficit démocratique de l’UE. La plupart de ses idées sont plus ou moins utopiques. Quelles sont les utopies de la communication européenne ?

Les utopies idéalistes

Le « storytelling » : un nouveau narratif pour l’Europe, la puissance explicative des arts et des sciences

Dernière utopie de la Commission Barroso finissante, le projet visant à donner un nouveau narratif pour l’Europe correspond exactement à ce genre de grandes idées généreuses mais inefficaces pour réorienter la communication de l’UE.

La puissance explicative de la construction européenne apportée par les arts et les sciences ne peut pas palier l’absence de vision politique.

Le « storytelling » ne peut pas fonctionner éternellement à vide et l’incapacité à formuler un projet commun avec des priorités d’action ne peut pas être remplacé par un catalogue de valeurs et de bonnes intentions.

Le « soft power » : une diplomatie publique de l’UE, la force douce de la culture et du sport

Autre utopie – développée notamment par Jean-Christophe Gallien à EuropCom – la conviction que le message de l’Europe au monde doit se porter sur une diplomatie publique destinée à toucher les peuples sur des sujets « concernant », à savoir qui intéressent les individus, comme peuvent le faire le sport ou la culture.

La force douce apportée par les arts et les sciences, quoique très vraisemblablement susceptible de « reconnecter » avec les gens ne peut sérieusement se substituer en intégralité à une construction politique européenne.

Le « soft power », quoique prometteur pour permettre à l’UE de s’adresser différemment aux autres continents non-Européens, ne peut pas fonctionner auprès des peuples européens qui entendent davantage dans leur quotidien la crise de leur Etat-providence.

Le dialogue citoyen : une interaction entre l’UE et les citoyens, le discours de la Commission européenne sous Reding

Dernière utopie « idéaliste » – au sens d’intellectuellement séduisante mais pratiquement irréalisable – le discours véhiculé à satiété par la Commission européenne sous Viviane Reding portant sur le dialogue citoyen.

À défaut de trouver des solutions qui remettent en question l’UE afin de réduire la distance entre l’UE et les citoyens, la démarche adoptée par la Commission européenne a consisté à « mieux expliquer » l’UE, comme si les Européens, ces grands enfants, ne comprenaient pas biens ou ne savaient pas poser les bonnes questions.

Les utopies pragmatistes

La publicité de l’Europe : une campagne TV, l’impact des émotions sur les opinions

La publicité de l’Europe est l’utopie la plus récemment formulée par Jacques Séguéla, le prestataire choisi par la Commission européenne pour réaliser la première campagne de publicité à grande échelle dans quelques Etats-membres.

L’impact des émotions d’un message publicitaire créatif sur les opinions personnelles, dans une logique de conversion quasi magique est la croyance sur laquelle repose la démarche d’une mécanique publicitaire.

L’investissement à coût de millions d’euros pour exister auprès d’une masse d’Européens est-il une promesse suffisante pour se laisser convaincre par cette démarche ?

L’espace public européen : le terreau d’un embryon de scènes et d’acteurs européens

L’espace public européen, cette utopie littérale, ce lieu qui n’existe pas, en tout cas pas totalement, pas de manière chimiquement pure est néanmoins annoncé, attendu par de nombreux spécialistes, notamment universitaires.

Fruit d’une européanisation d’espaces existants ou d’une création sui generis, l’espace public européen possède souvent le défaut d’échapper à ses auteurs.

Les espaces publics européens qui pourraient éventuellement existés aujourd’hui se réfugient soit dans des médias anglo-saxons qui sont quasiment les seuls à offrir des supports et une langue commune avec le défaut en retour d’influencer lourdement la construction européenne ; soit dans des communautés en ligne qui forment des bulles, dont la « brussels bubble » dans les médias sociaux n’en est que l’écume la plus visible.

La politisation de l’UE : l’espoir d’un programme politique mobilisant des financements

Cette utopie correspond au choix délibéré de la nouvelle Commission Juncker d’offrir – selon l’analyse de Luuk van Middelaar – une approche clientéliste à la romaine s’appuyant sur des rétributions et des services ; constatant que les utopies identitaire à l’allemande capitalisant sur la culture et les valeurs européennes ou civique à la grecque de gestion commune des affaires publiques n’ont pas su portées leurs fruits.

Évidence à rappeler, la politisation de la Commission européenne, et de son discours, ne peut réussir que si les résultats sont au rendez-vous, surtout auprès des Européens. C’est tout l’enjeu de la « Commission de la dernière chance », un quitte ou double dangereux mais qui était sans doute devenu indispensable.

Au total, les utopies de la communication européenne ne manquent pas, mais y en aura-t-il au moins une à se concrètiser ?

Jacques Séguéla : l’Europe et la publicité

À 80 ans, Jacques Séguéla est venu présenté sa « lettre d’amour publicitaire pour l’Europe », une sorte d’ode à la publicité à prendre en connaissant le personnage, lors de la 5e conférence EuropCom à Bruxelles. Tandis que la Grande Bretagne investit 40 millions d’euros pour toucher 8 pays, l’UE lance – avec un budget moindre – sa première campagne de publicité dans l’Europe…

Quelles sont les 5 vertus de la publicité de l’Europe ?

1. Rendre possible ce que tout le monde croit impossible

Aujourd’hui, la critique de la communication européenne est la chose la mieux partagée dans le monde. Chacun avec ses analyses conclut à la crise de la représentation, de l’identité, de légitimité de l’UE. La fracture européenne, le déficit démocratique de l’UE serait à son paroxysme.

La publicité, selon Jacques Séguéla peut inverser la tendance, en « étant là quand il ne faut pas et pas là quand il le faut » selon la définition de Woody Allen.

2. Faire rêver

La publicité peut transformer le désir d’Europe en plaisir d’être européen, à condition d’afficher d’une seule voix la valeur ajoutée humaine de la construction européenne dans le respect des identités et spécificités culturelles locales

3. Faire rire les Européens et ils seront dans la poche de l’UE

La publicité de l’Europe peut être un antidote à la crise grâce à l’humour, surtout s’il n’est pas trop intellectuel comme dans la pub anglaise ou trop sensuel comme avec la pub française.

4. Jouer avec Internet

À l’âge du web, selon Jacques Séguéla, on est passé de la dictature de la propagande achetée par du temps à la TV à la démocratie participative de la communication, qui marche à coup d’idées créatives.

5. Étonner

La publicité de l’Europe ne doit pas véhiculer un discours matérialiste, sur le mode de l’American way of life, mais affirmer les valeurs par les fais : authenticité, transparence et dialogue pour inventer une société + juste/livre/honnête/généreuse/indépendante/verte…

Quels sont les enseignements d’EuropCom 2014 pour la communication de l’UE ?

Selon le « blog à part », les principaux enseignements des deux jours de débats sont de deux ordres:

  • (re)mettre l’humain au centre des stratégies de communication et dans leur mise en oeuvre ;
  • être créatifs et repousser les limites de l’imagination pour communiquer et informer les citoyens.

Au total, le dévoilement prochain de cette ambitieuse campagne de publicité de l’Europe indiquera si les leçons d’EuropCom ont été entendues.

EuropCom : quelles sont les recommandations des journalistes pour la communication de l’UE ?

La 5e conférence EuropCom s’est terminée par les interventions remarquées de deux journalistes expérimentés, qui ont partagé, sans langue de bois, leurs recommandations quant aux améliorations à apporter à la communication de l’UE…

« Communiquer sur les résultats de l’UE » selon Marco Zatterin, La Stampa

Pour le journaliste Marco Zatterin de La Stampa, à notre époque où le progrès des technologiques s’est traduit par une hausse quantitative de l’information, plutôt qu’une amélioration qualitative, ce n’est plus ce que McLuhan affirmait « le média est le message » mais plutôt « le message est le média ».

Cela signifie que rien ne changera tant que la communication de l’UE ne se focalisera pas sur ce que l’UE fait vraiment pour les Européens, en arrêtant de construire des « narratifs » ou pire des mensonges, autant de propagande qui lui font perdre toute crédibilité et ne permettent pas aux Européens de savoir à quoi l’UE sert vraiment. Sans résultats, l’UE ne peut pas communiquer, puisque ces résultats, ou plutôt actuellement leur absence cruelle, sont véritablement le seul message de l’UE.

Quelles seraient les conditions du changement de la communication de l’UE ?

D’une part, que la Commission européenne, l’organe technocratique de l’UE cesse de communiquer, d’autant que la politisation de l’institution se traduit par une perte de vision au profit du court terme.

D’autre part, que les « journaucrates », ces journalistes à Bruxelles qui ne font que du copier-coller des communiqués de l’UE cessent de travailler en dépit de l’intérêt de leur public et de l’exercice de leur métier.

« Confiance, courage et optimisme » : les valeurs de la communication de l’UE selon Per Nyholm

Pour le journaliste danois Per Nyholm, son expérience au sein du projet pour un « Nouveau narratif pour l’Europe » qui s’est soldé par un cuisant échec, lui permet de donner quelques conseils.

D’abord, l’UE devrait cesser d’être effrayée par la critique des populistes et des démagogues, ou sur un autre registre par les gouvernements. L’eurocratie est dominée par une culture de la crainte qui paralyse toute action et a fortiori stérilise toute communication.

Ensuite, l’UE devrait cesser de s’enfermer dans des propos trop technocratique et insignifiants et plutôt expliquer aux gens comment les problèmes préexistants à l’UE tentent d’être résolus par l’intervention de l’UE.

Enfin, l’UE devrait cesser de faiblir face aux Etats, membres ou candidats, qui ne respectent pas leurs engagements ou les valeurs de l’UE. L’UE n’est pas une fédération d’Etats, au service des responsables politiques mais une union pour et par les peuples européens.

Il serait souhaitable que les responsables de la communication de l’UE, présents lors de ces interventions en conclusion de la conférence EuropCom, prennent en compte ces recommandations de professionnels expérimentés.