Archives de catégorie : Web et Europe

Billets sur les enjeux de la communication numérique européenne

Comment renforcer la résilience de la communication européenne après la crise ?

Les leçons en termes de communication pour l’Union européenne après la pandémie de Covid-19 sont à tirer pour combler plusieurs déficits et renforcer la capacité de l’UE à adresser de nouvelles problématiques…

Contre le déficit de naïveté : une communication plus géostratégique

Les premiers temps de la gestion de crise ont été frappants, les premiers réflexes ont été largement nationaux, marqués par une absence d’esprit géopolitique sur la place de l’UE sur la scène internationale, dans la compétition des narrations et la bataille des leaderships, en particulier par le biais des grands médias.

Face à la prochaine crise, l’Union européenne en tant que communauté de destin doit apprendre à produire ses propres symboles d’unité, de solidarité et de responsabilité autour de gestes forts, « médialogiques », qui auront un impact dans les médias de masse puisqu’on le sait il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.

Contre la désinformation : une communication moins diplomatique

Battre en brèche les discours sur le manque de solidarité au sein de l’UE est aussi important que lutter contre l’« infodémie » entourant la Covid-19 et les activités d’influence étrangère. Clairement, l’Union doit encore améliorer ses capacités à adresser des messages cohérents, diffusés en temps utile et jouissant d’une grande visibilité.

La communication européenne doit, sur ces sujets, être moins diplomatique, donc moins consensuelle et formelle et davantage une communication stratégique et de diplomatie publique plus actives dans les débats nationaux en s’appuyant sur des informations basées sur des faits et en utilisant particulièrement les médias sociaux afin de démêler le vrai du faux. c’est le sens de la stratégie interinstitutionnelle en cours d’adoption.

Contre la nationalisation des débats : une communication transeuropéenne

La prise de conscience tardive et douloureuse de l’interdépendance, comme dans une relation, pour le meilleur et pour le pire, des États-membres aurait pu être compensée par une européanisation renforcée des débats autour d’un leadership européen davantage présent dans les médias audiovisuels.

La communication de l’UE doit davantage viser à raconter un récit européen vraiment « transeuropéen », par médias nationaux interposés pour anticiper et bénéficier du « spill-over effect », c’est-à-dire des reprises médiatiques et des boucles qui se génèrent par des prises de parole calibrées.

Au total, la communication de l’Union européenne doit apprendre très vite à réagir même sur le plan des symboles aux prochaines crises.

Comment développer l’adhésion et la participation des citoyens au projet européen ?

La lecture par la professeur Nathalie Pignard-Cheynel du rapport « What media can learn from other member-driven movements » du Membership Puzzle Project est très instructive pour explorer le modèle de l’adhésion et de la participation dans le cadre de l’Union européenne…

L’Union européenne doit devenir un acteur du changement

Une vision glocal, à la fois global et local doit être proposée par les institutions européennes afin de répondre aux crises et aux sentiments d’insatisfaction ou d’indifférence ; ainsi qu’à la quête de sens et d’action recherchée par les citoyens.

Une transformation de rupture quittant l’anti-modèle technocratique pour des institutions européennes pourvoyeuses d’opportunité d’action collective afin de passer du pessimisme généralisé de l’intelligence collective à l’optimisme exploitable des bonnes volontés en partant d’une recherche sincère et collective de solutions concrètes.

Une approche visant à repenser la manière de s’adresser aux citoyens, de chercher à construire des relations de long terme et de créer des communautés d’intérêts afin de réarticuler l’individuel et le collectif en visant un but commun qui transcende les intérêts en vue de favoriser l’adhésion des publics rassemblés autour de problèmes à résoudre ensemble.

L’Union européenne doit favoriser la participation des publics

Une réinvention de la participation qui doit dépasser le modèles des dialogues citoyens basiques générant plus de déception et de frustration que de réelles plus-values pour les citoyens. Les institutions européennes doivent réexaminer leur rule book définissant la façon dont on envisage la « mission » du citoyen, le « contrat social » avec les institutions et le discours de l’Union européenne.

D’une part, il s’agit de proposer une participation non élitiste, en brisant l’idée qu’il faut des compétences spécifiques pour participer au débat sur l’Europe même s’il faut prévoir des modalités innovantes d’accompagnement, de sensibilisation et d’information.

D’autre part, il convient d’imaginer une participation diversifiée et modulable en proposant une palette de modalités qui :

  • Font sens par rapport au but de l’Union européenne et qui ne sont pas instrumentalisés à des fins de mise en scène ;
  • Modèlent des engagements des plus passifs aux plus actifs en rompant avec la dichotomie intimidante et excluante entre « participants » et « non participants » ;
  • Conduisent à réfléchir à des voies d’accès à une adhésion et une participation inclusive des moins aisés et plus exclus qui n’ont ni les compétences ni les moyens mais qui peuvent s’investir autrement.

L’Union européenne doit développer une nouvelle communication

D’abord, l’Union européenne doit acquérir de nouvelles pratiques afin d’être à l’écoute de ses publics, de leurs propos et de leur modes de vie, ce qui suppose de nouvelles manières de sonder et d’analyser les attentes dans une démarche empathique et innovante afin d’amplifier des usages existants permettant de reconnecter des citoyens défiants mais aussi de nouvelles manières d’interagir avec les communautés, de façon informelle permettant également de mieux connaître leurs capacités et domaines d’action.

Ensuite, l’Union européenne doit favoriser de nouvelles compétences auprès des publics afin dans un premier temps de créer des « jumelages » entre les centres d’intérêts et les passions des citoyens d’une part et les possibilités d’engagement d’autre part via une personnalisation de la participation L’idée est que l’adhésion sera toujours renforcée si les envies et les motivations des citoyens coïncident avec ce que propose la participation. De nouveaux métiers vont apparaître afin de remplir la fonction dédiée aux liens avec les citoyens et l’engagement avec les publics.

Dans un second temps, les institutions européennes pourront proposer d’utiliser des relais au sein des communautés et de proposer des logiques de « mentorat » autour de parrainages de citoyens récents par des citoyens plus expérimentés pour les accueillir, les intégrer et les orienter.

En troisième lieu, des rôles d’ambassadorat pourraient être confiés, avec des ambassadeurs/porte-parole délégués pour disséminer les informations auprès des communautés et réguler les conversations.

L’Union européenne doit inscrire l’adhésion et la participation dans un projet viable et durable

Les institutions européennes doivent concevoir des approches agiles intégrant les connaissances et les retours des citoyens afin de favoriser une croissance à l’échelle humaine, intentionnelle et maîtrisée permettant de garantir une capacité à servir les citoyens selon le « contrat » initial sans diluer la valeur perçue et reçue.

Une telle démarche doit s’appuyer sur des outils open source de gestion et de pilotage des communautés doit viser la fidélisation, la diversité des publics, la maturité à la fois au sens de la pérennité de la communauté et de la responsabilité des institutions européennes.

Une participation maximisée doit nécessiter des ressources technologiques et humaines ainsi que des réorganisations internes afin que la proposition de valeur de la participation demeure simple et accessible aux citoyens leur permettant de s’investir, selon leur volonté, quelques soient leur temps ou leur énergie disponibles.

Au total, le modèle de l’engagement des citoyens doit s’inscrire dans une perspective globale requérant une réflexion profonde sur le positionnement adéquat qui favorise l’adhésion et la participation des citoyens en vue de créer des communautés partageant une vision des valeurs communes.

Quel est l’avenir des plateformes d’activisme numérique ?

Par rapport à l’activiste dans la rue, le « slacktivist » en ligne est souvent apparu comme incapable d’obtenir un quelconque changement par ses activations digitales. Est-ce toujours le cas ?

Discussion sur l’activisme numérique, du point de vue des plateformes digitales

Le podcast Citizen Lobbyist sur l’activisme numérique offre ue discussion passionnante entre le chief campaigner d’Avaaz Louis Morago et l’executive director de WeMove.eu Laura Morago.

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Ce qui importent dans les campagnes digitales

Ce qui se passe après que vous cliquiez (pour signer une pétition), c’est là que commence la vraie histoire. Les pétitions sont des moyens pour partager des idées, quels que soient les outils, pour attirer la couverture médiatique, la viralisation et finalement l’attention des décisionnaires publics.

Ce qui se passe avant la mise en ligne de la pétition est également très important, afin de transformer un enjeu porté par des ONG en demande basique de mise à l’agenda des décideurs publics, qui ait une connexion émotionnelle et un impact évident auprès du grand public, qui soit un lien entre les communautés locales et les opinions publiques, qui se traduise par un call-to-action pour des actions dans la vraie vie et donc qui puisse devenir un combat mené par des avocats pro bono, des investigateurs indépendants, des élus.

Ce que le Covid-19 impacte

Au-delà des souffrances liées à la crise, les gens sont plus ouverts à des changements importants et les responsables politiques à des décisions plus profondes. L’inter-connectivité des enjeux entre la planète, les personnes et les profits (dans cet ordre de priorité) est davantage perçue. La volonté de reconstruire, d’effacer les échecs, de lutter pour davantage de juste apparaissent comme des arguments de poids.

Ce qui comptent pour les citoyens-activistes numériques

La peur, la colère, la défiance ne sont pas des carburants positifs pour le changement ; l’unité est plus important que la confrontation ; le partage des connaissances et le training sont clés ; la prise de responsabilité individuelle compte… afin de devenir des « active citizen » dont les actions comptent.

Conclusions par Alberto Alemanno, expert du citizen lobbying

Conservateurs vs. Progressistes

Premier enseignement : la plupart des personnes qui s’engagent dans une démarche de campagne de plaidoyer en ligne sont plutôt des audiences internationales progressives tandis que les audiences conservatrices s’orientent plutôt vers des mobilisations autour des scrutins nationaux. Du coup, les défis portés par les plateformes de plaidoyer portent plutôt sur des problématiques européanisées ou internationalisées comme le changement climatique.

Démocratie représentative vs. Démocratie participative

Deuxième enseignement : la fracture entre la démocratie représentative et la démocratie participative se réduit, avec des plateformes numériques pour le plaidoyer en ligne qui participent de la politisation et de la visibilisation du poids du soutien du publics sur certains sujets. Du coup, le « dark side » de ces plateformes importe, comme savoir qui met à l’agenda les sujets, qui finance ou qui rend des comptes.

Plateformes communautaires vs. Plateformes partitaires

Troisième enseignement : les plateformes digitales peuvent évoluer de simple courroie de transmission entre les électeurs et les élus de certains sujets sans entrer dans le jeu électoral à des plateformes qui se transforment en partis politiques (le mouvement 5 étoiles, la République en Marche) qui passent de la construction de communautés à la structuration d’un électorat. Du coup, les règles de régulation et fabrication du consensus ainsi que la transparence sont particulièrement nécessaires pour éclairer le public.

Tant l’activisme numérique est en pleine effervescence que le besoin de règles du jeu s’impose, entre créativité et efficacité.

Communication de crise : l’offensive von der Leyen

Puisque c’est au pied du mur que l’on apprend le métier de maçon, observons la communication autour de la gestion de la crise la plus importante des dernières décennies de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Que peut-on en dire face au mur des attentes et des critiques ?

Du bon usage de Twitter en comm’ de crise : les vidéos statement et breaking news

Première séquence : les vidéos – statement

Lors des premiers temps de la gestion de crise, la coordination entre les Etats-membres est réduite dans leur décision de limitation des déplacements, de fermeture des frontières, de réquisition de matériel médical. A ce stade de confusion, la solidarité européenne, qu’il aurait été attendu qu’Ursula von der Leyen incarne, a tardé à se faire entendre.

C’est le moment que la présidente de la Commission européenne choisi pour introduire un nouveau format dans sa communication : la vidéo – statement. Elle se fait filmer face caméra, en plan fixe, dans une séquence un peu trop clinique, souvent froide et peu chaleureuse.

Ainsi, le 11 mars, elle s’adresse sur Twitter en italien dans son message et sa vidéo, avec des stats importantes : plus 6 700 retweets, 20 000 likes et près de 600 000 vues. Autrement dit, ce message de soutien, quoique tardif, était indispensable.

Le 15 mars, elle publie un message sur la réponse européenne au #coronavirus : protéger la santé des personnes et assurer la circulation des produits dans le marché intérieur, en français (110 000 vues), en allemand (50 000 vues) et en anglais (plus de 500 000 vues).

Ce format définitif dans les 3 langues officielles de l’UE sera repris quasi quotidiennement dans les jours suivants pour d’autres points autour de la gestion de crise, avec même un pic de consultation à plus d’un million de vues d’une de ses vidéos en anglais.

Deuxième séquence : les vidéo – breaking news

Contrevenant aux usages, ce qui déplu aux journalistes européens, la présidente de la Commission européenne a dévoilé plusieurs initiatives de la Commission européenne via des vidéos sur son compte Twitter, sans conférence de presse et sans documentation détaillant les mesures.

Le 1er avril, c’est le programme SURE doté de 100 milliards d’euros de maintien partiel à l’emploi pour l’ensemble des États-membres, sur le modèle des mesures en Allemagne qui est annoncé en 5 langues, avec l’italien et l’espagnol.

Ainsi, le 3 avril, c’est la suppression temporaire des impôts sur les importations d’équipements médicaux ; le 6 avril, des mesures de soutien aux agriculteurs. Et surtout, le 7 avril, Ursula von der Leyen annonce une garantie de 15 milliards d’euros pour aider nos partenaires dans le monde à lutter contre la pandémie.

Ainsi, alors que la 1e séquence est plutôt improvisée et tardive, la 2e séquence plus proactive montre une reprise en main des annonces et une maîtrise en partie des prochaines étapes, comme sur les recommandations autour du déconfinement.

De la nécessité d’exister dans les médias audiovisuels : le cas français

Un regard rapide sur le plan média, en tout cas ce qui semble le plus visible, de la présidente de la Commission européenne, montre qu’Ursula von der Leyen est intervenu dans plusieurs grands médias audiovisuels à des heures de grande écoute.

Ainsi, le 3 avril, Ursula von der Leyen est invitée dans la matinale d’Europe 1 pour ce qui est présenté comme étant son premier entretien radio en France depuis sa nomination.

Surtout, Ursula von der Leyen participe sur France 2, le 16 avril, à « #EtAprès, la grande émission des Européens », un rendez-vous inédit pour réfléchir à la sortie de crise : nouvelles solidarités, nouveaux modes de vie, nouvelle économie ; entre portraits de citoyens européens engagés et interventions d’invités, dont la présidente de la Commission européenne.

Des résonnances des interviews dans la presse européenne : le spill-over effect

Dans ses prises de parole, dans la presse, au cours de la gestion de crise, la présidente de la Commission européenne semble découvrir à son corps défendant le spill-over effect qui veut qu’une prise de parole dans un média national (ses réserves sur les Coronabonds dans un média allemand) fasse l’objet de traduction, de reprises et de critiques dans d’autres médias nationaux (en particulier en Italie).

La « géopolitique des Eurobonds », autrement dit, les positions des différents acteurs européens sur les moyens financiers de répondre à la crise constitue pour Sébastien Lumet l’opportunité d’observer « un phénomène d’européanisation des opinions publiques nationales qui renforce l’expérience concrète d’un véritable espace public européen et contribue à l’émergence d’une scène politique à l’échelle continentale ».

Au travers de sa présence sur Twitter, dans les médias audiovisuels et plus largement la presse européenne, Ursula von der Leyen fait un apprentissage accéléré notamment de l’usage du breaking news ou du spill-over effect.

« Parlement » la série TV sur l’Europe

Après les mythiques séries dédiées à la vie politique tant en Grande-Bretagne avec « House of Cards » ou « Yes Minister » qu’aux Etats-Unis avec « The West Wing » ou « Veep », c’est alors que nous ne l’attendions plus qu’arrive la série « Parlement » consacrée en 10 épisode diffusé par France Télévisions à la politique européenne…

PARLEMENT

Une satire initiatique sur la vie politique bruxelloise

La revue de presse est en elle-même significative des totems et des tabous qui frappent aujourd’hui l’Europe :

  • Pour Télérama, le spécialiste de la critique qui découvre : « “Parlement” sur France.tv : la série qui prouve qu’on peut rire avec l’administration européenne » ;
  • Pour Médiapart, forcément dubitatif : « Le Parlement européen est-il cinégénique? » (…) avec l’espoir – impossible ? – de déverrouiller un imaginaire européen déprimé ;
  • Par Le Parisien, pragmatique et ludique : « «Parlement» : 5 bonnes raisons de regarder la comédie politique de france.tv ».

Tous les articles insistent sur l’importance de donner un visage à l’Europe, de donner à voir le Parlement européen, loin de toute propagande ou idéologie pro ou anti européenne.

Une écriture à la fois de fiction et de comédie

Ce ne sont pas moins de quatre co-auteurs européens : Noé Debré (née à Strasbourg) Maxime Calligaro (eurocrate averti, on a déjà signalé son polar « Les Compromis »), Pierre Dorac et Daran Johnson, dont deux travaillent dans les institutions européennes pour écrire les scénarios des 10 épisodes, afin de parler au-delà de la bulle bruxelloise et de passer au-delà des préjugés.

« La comédie, la satire, n’est pas un moyen de se moquer ou de dénoncer mais bien de donner un visage à l’Europe, à ce Parlement tant critiqué mais dont les peuples, pour la plupart, ignorent tout. Nous voulons donc avec cette série ‘donner à voir’, prêter à rire et créer de l’identification et de l’empathie avec les gens qui font l’Europe. Ce n’est pas une série à message, c’est un grand cri d’amour au projet européen », explique Noé Debré à Ouest France.

Ne ratez pas l’ensemble de la série « Parlement » sur France Télévisions.