Archives mensuelles : septembre 2023

Naviguer en haute-mer : comment réformer et élargir l’UE pour le 21e siècle

Face à une conjoncture de changements géopolitiques, de crises transnationales et de complexités internes, l’UE n’est pas encore prête à accueillir de nouveaux membres, que ce soit sur le plan institutionnel ou politique. Dans ce contexte, un groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE soumet un rapport intitulé « Naviguer en Haute Mer : Réformer et Élargir l’UE pour le 21e Siècle », leaké par Politico Europe contenant des recommandations visant à atteindre trois objectifs : renforcer la capacité d’action de l’UE, préparer l’élargissement de l’UE et renforcer l’État de droit et la légitimité démocratique de l’UE.

Mieux protéger un principe fondamental : l’État de droit

Sur la conditionnalité budgétaire, faire du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit un instrument de sanction des violations de l’État de droit et, plus généralement, des violations systématiques des valeurs européennes ; en cas de désaccord, étendre le champ de la conditionnalité budgétaire à d’autres comportements préjudiciables au budget de l’UE et introduire la conditionnalité pour les fonds futurs.

Répondre aux défis institutionnels : les domaines clés de réforme

Rendre les institutions de l’UE prêtes à l’élargissement, ce qui signifie que pour le Parlement européen, respecter la limite de 751 députés ou moins et adopter un nouveau système d’attribution des sièges ; pour le Conseil de l’UE, étendre le format trio à un quintet de présidences, chacune couvrant la moitié d’un cycle institutionnel, et pour la Commission, réduire la taille du Collège ou faire la distinction entre les « Commissaires principaux » et les « Commissaires », avec potentiellement seulement les « Commissaires principaux » ayant le droit de vote au sein du Collège.

Pour une meilleure prise de décision au sein du Conseil, généraliser le vote à la majorité qualifiée (QMV), c’est-à-dire transférer toutes les décisions « politiques » restantes de l’unanimité au QMV, sauf pour les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, et pour rendre le QMV plus acceptable, créer un « filet de sécurité de souveraineté », rééquilibrer le calcul des parts de vote en QMV et offrir une option de retrait pour les domaines de politique transférés en QMV.

Pour la démocratie au niveau de l’UE, harmoniser les lois électorales de l’UE, le Conseil européen et le Parlement européen doivent convenir avant les prochaines élections du Parlement européen de la manière de nommer le Président de la Commission par le biais d’un accord interinstitutionnel.

Pour la démocratie participative, les instruments participatifs existants doivent être étroitement liés à la prise de décision de l’UE, les panels de citoyens doivent être institutionnalisés avec une grande visibilité pour accompagner les choix majeurs et un nouvel Office indépendant de la Transparence et de la Probité doit être chargé de surveiller les activités de tous les acteurs travaillant au sein des institutions de l’UE ou pour elles.

En termes de pouvoirs et de compétences, renforcer les dispositions sur la manière de faire face aux développements imprévus et créer une « Chambre commune des plus hautes juridictions et tribunaux de l’UE » pour un dialogue non contraignant entre les cours européennes et les cours des États membres.

Pour les ressources de l’UE, augmenter le budget de l’UE au cours de la prochaine période budgétaire à la fois en taille nominale et par rapport au PIB, avec de nouvelles ressources propres pour limiter l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et la concurrence au sein de l’UE, ainsi que des décisions budgétaires transférées au QMV pour les dépenses, une révision approfondie des dépenses pour réduire la taille de certaines catégories de dépenses et en augmenter d’autres, permettre à l’UE d’émettre de la dette commune, et à l’avenir, pour chaque cycle institutionnel (mandat du PE) définir un budget européenne, le cadre financier pluriannuel CFP sur cinq ans.

Approfondissement et élargissement de l’UE

Même si l’UE dispose déjà de divers mécanismes de différenciation nécessaires pour accommoder les préférences diverses de plus de 30 États membres de l’UE, la différenciation a ses limites, en particulier en ce qui concerne l’État de droit et les valeurs fondamentales. Elle doit donc être utilisée sous certaines conditions : respect des règles et des politiques de l’UE, utilisation des institutions et des instruments de l’UE, ouverture à tous les États membres, partage des pouvoirs et des coûts entre les participants, et possibilité pour les États membres volontaires d’aller de l’avant.

Dans le cadre de la révision des traités, la différenciation devrait respecter les principes suivants : les clauses de retrait ne devraient être accordées que lorsqu’il s’agit d’approfondir l’intégration ou d’étendre le QMV, et les exemptions des valeurs fondamentales de l’UE ne devraient pas être autorisées.

La différenciation pourrait conduire à quatre niveaux d’intégration européenne, constitués d’un cercle intérieur (intégration approfondie dans des domaines tels que la zone euro et Schengen), de l’UE elle-même, d’un cercle plus large de membres associés, impliquant la participation au marché unique et l’adhésion à des principes communs, et enfin de la Communauté Politique Européenne (CPE), en tant que cercle extérieur de coopération politique sans avoir à être lié au droit de l’UE.

La manière de gérer le processus d’élargissement de l’UE est essentielle pour donner la possibilité aux pays candidats de s’adapter aux politiques et programmes spécifiques de l’UE. Fixer un objectif pour que les deux parties (UE et pays candidats) soient prêtes pour l’élargissement d’ici 2030. Diviser les cycles d’adhésion en groupes plus restreints de pays pour garantir une approche fondée sur le mérite et pour gérer les conflits potentiels, rendant ainsi le processus plus efficace, crédible et guidé politiquement.

Toutes ces recommandations vont faire débat, nécessiterons de prendre du temps, pour éventuellement parvenir à un consensus ; quand les faits risquent de s’imposer, l’anticipation s’exige.

SOTEU 2023 : une Commission « accidentelle », une présidente « entre le marteau et l’enclume »

Mercredi 13 septembre, c’était le dernier discours sur l’état de l’Union correspondant au premier (?) mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, quelle bilan et aura-t-elle une seconde chance à la tête de la Commission européenne ?

La présidence von der Leyen entrera dans l’histoire comme une Commission « accidentelle »

Pour Alberto Alemanno, Professeur de droit européen à HEC Paris et Collège d’Europe, « après plus de 1 200 jours à la tête de la Commission, sa présidence a été davantage motivée par les événements et les orientations des gouvernements de l’UE-27 que par son agenda, qui reste largement incomplet ». Pour lui, « c’est exactement ce qui fait d’elle la candidate la plus probable pour un second mandat aux yeux des dirigeants du Conseil européen ».

Après avoir été choisie accidentellement comme présidente de la Commission, son mandat tout entier a été largement façonné par une succession d’accidents, le Covid-19 ayant frappé avant que la Commission von der Leyen n’ait passé ses 100 premiers jours de mandat, l’invasion russe de l’Ukraine et ses nombreuses conséquences sur les politiques énergétiques, alimentaires et de sécurité de l’UE.

Certes, « Ursula von der Leyen peut se targuer du succès d’une bonne partie de son administration, qui a inclus la finalisation du #Brexit, la lutte contre la pandémie et la réponse à l’invasion russe de l’Ukraine et à la crise énergétique déclenchée par Moscou ».

Pourtant, ces événements ont éclipsé son programme qui reste largement incomplet et peu susceptible d’être réalisé. La présidence de Von der Leyen a essentiellement été une « Commission de gestion de crise » permanente qui était dirigée non seulement par les événements mais aussi par ce que les dirigeants de l’UE-27 ont décidé au sein du Conseil européen.

Le potentiel testament politique du Green New Deal encore sur la sellette.

Mais, « si sa principale réalisation supposée a été le Green New Deal, le revirement soudain du parti d’Ursula von der Leyen –  le PPE – et d’une partie des libéraux sur ce paquet majeur (sur la directive sur la restauration de la nature) menace aujourd’hui son adoption complète », l’adoption définitive des textes européens sur les sujets climatiques, encore incertaine, met en danger le seul potentiel testament politique de la Commission von der Leyen, alors que le vice-président responsable, Frans Timermans a déjà quitté ses fonctions pour revenir dans la scène nationale politique hollandaise.

Les promesses de la Commission von der Leyen de respecter les règles ont été déréglées.

Pour Alberto Alemanno, « la promesse initiale de se lancer dans une réforme institutionnelle pour clarifier les « règles du jeu », comme une nouvelle loi électorale européenne, le rôle des Spitzekandidaten et les modalités de nomination des hauts responsables de l’UE, reste d’actualité (…). Malgré tous les discours sur l’écoute des citoyens, la Conférence sur l’avenir de l’Europe et ses 49 recommandations citoyennes restent lettre morte. Il en va de même pour sa promesse de réformer les règles d’éthique de l’UE après le Qatargate, y compris le comité d’éthique de l’UE.

Objectivement, « ces faits contredisent l’idée selon laquelle von der Leyen serait la personne évidente pour diriger à nouveau la Commission lors d’un second mandat ». Tout comme son management autoritaire et non collégial, contrairement aux règles communautaires, ce qui explique que ses poids lourds, en particulier 2 vice-présidents sont sur le départ avant la fin de leur mandat.

Pourtant, c’est exactement ce que les dirigeants de l’UE-27 apprécient chez elle, à la fois son manque d’autonomie politique par rapport à leurs capitales, dont Paris et Berlin sont particulièrement sensibles pour tordre les règles du marché intérieur, des investissements dans les énergies vertes, dans les subventions aux entreprises…

Ses moments les plus faibles ? D’une part, « sa négociation des vaccins Pfizer par SMS, dont l’existence a été niée pour éviter d’en donner accès au public », sa part d’ombre sous la lumière médiatique. D’autre part, « son soulagement de voir que le Qatargate affectant le Parlement européen et non la Commission, comme si le citoyen européen moyen était capable de faire la différence entre les deux ».

Son pire moment ? « Laisser la Hongrie et la Pologne dicter les conclusions du sommet des chefs d’État et de gouvernement de décembre 2020, acceptant ainsi leurs conditions comme prix à payer pour sortir de l’impasse concernant le cadre financier pluriannuel et le règlement Next Generation EU au détriment des règles et l’état de droit ».

« Ursula von der Leyen se trouve entre le marteau et l’enclume »

D’un côté, « elle a besoin du soutien de son parti – le PPE – pour obtenir une nomination (cette fois comme Spitzkenkandidaten), mais de l’autre, son propre parti est le principal opposant à la mise en œuvre du programme vert ».

Rappelons que pour obtenir son investiture du Parlement européen au début du mandat, Ursula von der Leyen avait dealé une plateforme programmatique relativement progressiste avec une alliance réunissant verts, centristes et socialistes, en complément de la droite en recul.

Du coup, c’est logique qu’à l’heure d’embrasser l’héritage du mandat et de soutenir les avancées encore incomplètes, la position soit compliquée pour la famille politique d’Ursula von der Leyen. Outre la question légitime de sa motivation personnelle à rempiler, se pose aussi la question de savoir si elle saurait être au barycentre d’une majorité de centre-droit, dont les lignes ont beaucoup évolué vers une droite plus dure au cours de ces dernières années.

La dernière saison européenne avant le scrutin européen est bel et bien lancée !

Comment faire campagne auprès des citoyens sur l’Europe ?

Plusieurs tables rondes de la conférence annuelle EuropCom fournissent des insights éclairants sur la manière de communiquer et de mobiliser les citoyens européens en vue des futures élections européennes en juin 2024…

La communication du côté des institutions européennes

Mobiliser les électeurs : le pouvoir des communautés

Première table ronde EuropCom, les stratégies visant à favoriser la participation active aux processus démocratiques reposent sur le principe de se concentrer sur les personnes afin d’aider les gens à voter.

Gaia Manco, Chef de service à la DG COMM du Parlement européen présente la plateforme « together.eu for democracy », le projet de participation des citoyens du Parlement européen :

Action : les institutions doivent toujours fournir des contributions, des espaces, des outils, une éducation et une formation, mais les solutions finales doivent toujours venir de la société civile. L’information conduit à l’engagement et l’engagement conduit à la mobilisation. Cela aide à activer un public plus restreint mais plus engagé, prêt à être actif sur le terrain.

Communauté : les gens se rencontrent lors d’événements, c’est pourquoi aucun projet d’engagement ambitieux ne peut être mené par les institutions sans impliquer les personnes sur le terrain. Les réseaux sociaux ne suffisent pas, l’idée est d’être aussi inclusif que possible.

Inconnu : quelque chose qui doit être accepté, tout projet d’engagement est une co-création des institutions et des communautés, donc le résultat ne peut pas être connu à l’avance.

Informer les électeurs : souligner l’impact des décisions de l’UE sur la vie des gens

Jens Mester, Chef d’unité à la DG COMM, présente plusieurs enquêtes démontrant que l’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne votent pas aux élections européennes est le manque d’informations sur l’UE… alors que les gens sont très intéressés à en savoir plus sur l’UE :

  • Montrer l’action politique de l’UE et son impact (discours sur l’État de l’Union, rapport général de l’UE, coins d’apprentissage pour les enseignants et les étudiants) ;
  • Fournir des informations sur les élections et les droits électoraux ;
  • Impliquer les personnes, y compris les jeunes, dans la démocratie européenne (Initiative citoyenne européenne, suivi de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plateforme « Have your Say ») ;
  • Travailler en collaboration avec d’autres acteurs / activer des partenaires et des réseaux.
  • Activer les bénéficiaires des programmes de financement de l’UE ayant la responsabilité de mobiliser les gens en faveur de l’UE.

La communication du côté des novations

La technologie numérique et le changement démocratique : de la macro-politique à la micro-politique

Autre table ronde EuropCom, Rachel Gibson, Professeure de politique à l’Université de Manchester partage les résultats d’un projet Horizon 2020 sur lequel elle a travaillé pendant cinq ans consacrés au développement de la relation entre les technologies numériques et la démocratie.

Au début de l’ère d’Internet, les praticiens étaient très optimistes et idéalistes quant au rôle des technologies numériques dans l’amélioration de la démocratie. Cet optimisme s’est maintenant dissipé avec l’avènement des fausses informations, des discours haineux et du capitalisme de surveillance.

Les changements structurels qui se produisent en politique grâce à la technologie numérique font dissocier la macro-politique relevant de la démocratie pré-numérique, tandis que la démocratie post-numérique fonctionne au niveau de la micro-politique, des formes de mobilisation introduisant de nouvelles voix dans l’arène politique, au risque d’une privatisation de l’espace public, et au pire, comme un passage vers une vision de la politique plus « narcissique ».

Au niveau macro-politique, à l’époque des partis politiques de masse, il était important de se demander « Où est la voix du public ? ». Cette question demeure, à la condition que les individus soient exposés à une plus large gamme d’informations pour éviter les effets de chambre d’écho.

Au niveau micro-politique, la nouvelle question « Comment l’engagement micro-politique se traduit-il par un changement sociétal significatif ? » pourrait être facilité pour une meilleure prise en compte des opinions numériques par des partis politiques qui gèrent les influenceurs de manière plus efficace.

Ma liberté d’expression contre vos sentiments : l’importance de la satire dans les démocraties modernes

Fabio Mauri, « Directeur général à la DG MEME », adopte une approche non conventionnelle pour son discours en mettant en avant l’importance de la satire dans la construction de démocraties saines et critiques.

La satire est conçue pour faire réfléchir, pas rire ! c’est un phénomène profondément humain, si l’on songe au rôle du bouffon du roi, figure familière dans les cours médiévales, qui était chargé de partager de mauvaises ou difficiles nouvelles avec le souverain par le biais de la comédie.

Les gens ont tendance à faire plus confiance aux comédiens qu’aux politiciens : « Le rire tue la peur et sans peur, nous ne pouvons avoir aucune confiance ». La question de la confiance versus le scepticisme ironique en est était au cœur des débats sur les sociétés démocratiques saines et la confiance que nous avons ou n’avons pas envers les politiciens.

La préoccupation correspond à une tendance croissante à la rectitude politique à tout prix et à une méfiance qui l’accompagne à l’égard de tout ce qui ressemble à de la satire – une sorte d’allergie à la satire. Le fait que vous soyez offensé ne vous donne pas raison. Le rôle de la satire en politique et dans l’espace public plaide en faveur d’une plus grande tolérance à l’égard des opinions qui pourraient ne pas être en phase avec les vôtres, mais qui font néanmoins partie du débat, des désaccords et de la critique essentiels à une démocratie saine. La satire veut exagérer les problèmes pour que vous puissiez les regarder sous un autre angle.

Connaissez-vous #EUBeachCleanup ? C’est la campagne de communication européenne du moment !

A l’occasion de la proximité de la date du 16 septembre, qui comme vous ne le savez pas encore est la Journée internationale du nettoyage des littoraux, c’est l’occasion de présenter rapidement la campagne de communication #EUBeachCleanup qui s’inscrit dans la démarche d’une campagne mondiale pour des océans propres et sans plastique…

Qu’est-ce que le #EUBeachCleanup ?

Le #EUBeachCleanup est une campagne organisée, depuis plusieurs années, par la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne (DG MARE), en collaboration avec les Nations Unies… ainsi qu’en partenariat avec les Schtroumpfs.

L’objectif est de sensibiliser à la pollution marine et à l’impact de nos habitudes sur notre océan. Jusqu’à 37 millions de tonnes de déchets plastiques atteindront l’océan chaque année d’ici 2040.

La campagne comprend des événements de nettoyage organisés par des institutions (délégations et représentations de l’UE, centres Europe Direct, bureaux régionaux des Nations Unies, etc.), des ONG et des citoyens souhaitant organiser leur propre événement. Tout le monde est encouragé à unir ses forces au niveau local (avec, par exemple, les ambassadeurs du pacte climatique, les écoles, les municipalités, etc.).

Comment « rejoindre la vague » ?

Soit rejoindre un événement près de chez vous, soit organiser votre propre événement, une application mobile est à disposition ainsi que des visuels et des ressources notamment pour les médias sociaux.

Toutes les informations peuvent être retrouvées sur le site en ligne dédié.

Europe, l’Union fait la force

Lors des Rencontres économiques d’Aix du cercle des économistes consacrées, cette année, au thème de « Recréer l’espoir », avec « Europe, l’Union fait la force » sont discutées les perspectives européennes entre leviers de progrès de l’unité comme l’autonomie stratégique ou la mutualisation de nouveaux domaines de prérogative nationale tels que la santé ou l’énergie ou enfin la créativité, avec par exemple le programme de facilité pour la paix en réponse à l’invasion de la Russie en Ukraine même s’il faut également considérer les facteurs de désunion entre la déstabilisation des populismes voire les élargissements. L’Union européenne saura-t-elle être aussi proactive que réactive à l’avenir ?

Des Européens en première ligne, alignés

Pour l’ambassadeur de France en Russie, Pierre Levy, l’analyse de l’Europe au prisme du conflit en Ukraine est un moment tellurique, qui débouche sur une crise longue, une guerre européenne et un effet de souffle mondial.

L’Europe fait preuve d’unité, tant dans la mobilisation de ressources avec près de 80 milliards d’euros mobilisés pour les Ukrainiens que dans les sanctions de la Russie avec 11 paquets adoptés à l’unanimité ; alors que la relation à la Russie était l’un des sujets les plus diviseurs dans l’UE, une vulnérabilité autant qu’une force que les Européens ont su gérer en réduisant temporairement les divergences.

Les principaux défis de l’Europe visent à :

  1. Résister à la guerre afin de restaurer la stabilité stratégique ;
  2. Ne pas être polarisé, ni géographiquement, il n’y a pas que l’Est, mais aussi l’Asie, l’Afrique, l’Indopacifique, ni thématiquement, il n’y a pas que le conflit en Ukraine ;
  3. Veiller aux intérêts européens qui ne sont pas toujours convergents avec les USA ;
  4. Assurer la capacité opérationnelle de l’UE, en particulier sa base industrielle.

Le débat n’est pas désincarné, il dépend de choix politiques, d’élections dans les 27 États-membres, pour une UE plus résiliente, en sécurité, ce qui conditionne tout le reste.

Les aspirations européennes des peuples autour de l’Europe vont également conditionner l’avenir de l’UE, songeons notamment que les Russes regarderont comment l’Ukraine se relèvera dans l’UE.

Un Européen au cœur brisé

Pour le professeur à l’université de Columbia, Adam Tooze, le panorama n’est pas aussi positif. Certes, on n’a pas eu d’échec sur les dernières années, mais les accords sont toujours difficiles et à la baisse, avec un manque d’ambition.

Considérant les aspects économiques, l’Union européenne n’a pas su bien gérer l’héritage de la crise de l’eurozone qui a frappé les jeunes étranglés par la crise ; l’euro n’est toujours la devise de référence en raison du manque de dettes conjointes et même s’il y aurait une vision politique macro, les choix micro dépendent… de la coalition gouvernementale allemande indécise.

Il s’agit encore et toujours de convaincre les Européens qu’être ensemble est un choix politique avant tout.

Même si l’on ne peut pas prédire les prochaines crises qui vont nous frapper, on sait qu’il s’agira d’une série de chocs qui auront des effets domino avec plusieurs impacts, l’Europe vit à l’ère des polycrises comme le disait déjà Jean-Claude Juncker.

Il nous faut réagir plus rapidement à ces phénomènes inédits, avec une meilleure gouvernance pour gérer les crises et surtout une meilleure organisation de la finance afin d’agir de manière proactive, tangible comme avec les politiques industrielle ou de recherche afin d’insuffler un nouvel essor dans l’économie et de réaliser une réalité encore plus interconnectée.

La chose la plus inspirante de l’Europe, c’est qu’elle existe encore, et qu’elle fait des bonnes choses. Les Européens ont la chance d’avoir l’UE, pour la qualité de vie, ce laboratoire dans l’amélioration des conditions de vie humaine en société, comme son système de santé unique au monde.