Priorité à l’agenda de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de sa prise de fonction, les positions divergentes du Parlement européen et du Conseil de l’UE et surtout la pandémie du coronavirus ont provisoirement enterré le projet, qui devrait renaître de ses cendres. Mais sur quelles bases ?
La position «résolue » du Parlement européen
Avec une nouvelle résolution adoptée le 18 juin, le Parlement européen, reprend l’initiative, estimant en toute modestie « le moment venu de repenser l’Union ».
Au sujet de la réforme des traités – sujets tabous pour certains gouvernements – le Parlement européen veut « laisser le cadre de la conférence ouvert à toutes les possibilités, y compris des propositions législatives qui mettent en chantier des modifications aux traités ou d’autres changements ».
Concernant la participation des citoyens, le Parlement européen plaide pour « un engagement en faveur d’un suivi significatif et d’une participation directe et significative des citoyens (…) des organisations de la société civile, des partenaires sociaux et des représentants élus ».
Sur le calendrier, le Parlement européen « se prononce donc résolument en faveur de l’ouverture de la conférence dès que possible à l’automne 2020 ».
Quoique sur des positions « avancées » pour le périmètre de la conférence, le calendrier et le principe de la participation, le Parlement européen n’avance pas d’idée sur la forme de la délibération publique des citoyens.
La position « négociée » du Conseil des ministres
Politico Europe publie le 24 juin un article « Conference on EU future edges closer — but with clear limits Ambassadors put the brakes on push for treaty change. » sur l’avancée plus prudente des négociations du côté du Conseil de l’UE. Le projet est actuellement entre les mains des ambassadeurs, qui semblent globalement ni pour, ni contre, bien au contraire…
Sur les principaux points clés, les Etats-membres semblent moins ouverts, pas de révision des traités en vue, un calendrier raisonnable compte-tenu du contexte de déconfinement des sociétés européennes et une participation vraisemblablement plutôt traditionnelle, plus consultative que délibérative.
Dans un communiqué le 24 juin, le Conseil estime que la conférence devrait être lancée dès que les conditions épidémiologiques le permettront afin de se concentrer sur la manière d’élaborer des politiques de l’UE à moyen et long terme afin de relever plus efficacement les défis auxquels l’Europe est confrontée.
Les États membres souhaitent encourager la participation active des citoyens avec un débat ouvert et inclusif sur les priorités futures de l’UE et des solutions concrètes sur la manière de sortir plus fort et plus résilient de la crise actuelle.
Le Conseil souligne également la nécessité d’impliquer un large éventail de citoyens et de parties prenantes dans le processus et suggère de s’appuyer sur les dialogues et les consultations des citoyens qui ont déjà eu lieu.
Enfin, le Conseil considère que la conférence ne relève pas des procédures de modification des traités.
Angela Merkel, en tant que future « présidente » du Conseil de l’UE lors du tout prochain semestre suggère de se concentrer sur le développement de l’espace Schengen sans frontières, la modernisation du droit de la concurrence, la numérisation et la mondialisation, les préparatifs européens en cas de pandémie et la création d’un Conseil européen de sécurité.
La position « avancée » de la société civile
Des organisations européennes, certains think tank et des experts de l’advocacy pressent pour donner une forme innovante à la participation des citoyens au travers de modalités de démocratie délibérative en « test » dans la plupart des Etats-membres à l’échelle locale ou nationale, voir notamment la lettre ouverte « Citizens take over Europe« .
Tant que les institutions européennes ne trouve pas un terrain d’accord commun entre la Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen sur les objectifs, la portée et la méthodologie de la conférence, le niveau des attentes, lui, ne cessera de monter et le risque de déception aussi à due proportion.
En attendant que se précise les contours de la conférence sur l’avenir de l’Europe, la société civile pousse déjà à concevoir cet événement comme le pilote d’une future institutionnalisation dans un organe permanent de l’engagement des citoyens dans une démocratie délibérative européenne qui donne la parole pour orienter la prise de décision des institutions de l’UE et les politiques publiques européennes.