Archives mensuelles : août 2019

Quel bilan pour la communication de la Commission Juncker ?

Le mandat de la Commission Juncker parvenant à son terme, il est temps de tirer le bilan sous l’angle de la communication. Quelles étaient les promesses ? Quels sont les résultats ?

« Big on big things, small on small things » : vraiment ?

Pour juger, il convient de se reporter à l’importante « Communication du Président à la Commission » inaugurale publiée en novembre 2014 et définissant les méthodes de travail de la Commission européenne 2014-2019.

D’abord, le président Juncker y « souhaite que la Commission se fasse plus grande et plus ambitieuse à l’égard des grands enjeux, et plus petite et plus modeste à l’égard des enjeux moins importants ».

Sur ce plan-là, le jugement porté par Éric Maurice de la fondation Robert Schuman est plutôt nuancé : « pour paraphraser son slogan sur l’activité réglementaire de l’Union, la Commission pourrait « communiquer moins pour communiquer mieux ». Pour mieux cibler ses messages sans avoir peur de fâcher les États membres, comme dans le cas du Brexit, elle ne devrait communiquer que lorsqu’elle a un message nouveau et clair à transmettre, uniquement dans ses domaines de compétences ».

En l’occurrence, les rares silences de la Commission Juncker, sur le Brexit, la Catalogne ou Martin Seylmar sont peut-être encore plus assourdissants que les victoires largement célébrées du plan d’investissement, de la régulation des acteurs du numérique (RGPD et taxes Apple et Google) ou des accords commerciaux avec le Canada, le Japon et peut-être le Mercosur.

Une communication de terrain, mais pas tout terrain

En outre, le président Juncker souhaitait également « que nous concentrions notre énergie et nos efforts sur la mise en œuvre et le suivi effectifs sur le terrain ». Les nombreux dialogues citoyens organisés partout en Europe traduisent cette intention, même si l’on peut regretter que les Commissaires n’aient pas été plus présents dans les médias en particulier audiovisuels.

Pourtant, le président Juncker avait indiqué la direction en précisant que « les membres de la Commission sont les visages publics de l’institution et les meilleurs avocats et «porte-parole» de ses politiques (…) Leur succès en termes de perception dans les médias et dans l’opinion publique dépend de leur capacité à communiquer de manière convaincante sur un large éventail de questions dans tous les États membres ».

Porte-parole : to be or not to be ?

Enfin, le président de la Commission insistait sur le service du porte-parole assurant « la communication politique au nom du président et de l’ensemble de la Commission » et veillant à la cohérence de la ligne politique de la Commission en matière de communication avec les médias en fournissant des « positions à adopter » en ce qui concerne les priorités des travaux de la Commission et des thèmes clés pour le débat public.

Les vicissitudes du service du porte-parole face aux journalistes ont jalonné le mandat : début en fracas avec une conférence de presse dynamique de Juncker, suivi par la sortie des Lux Leaks et la bunckerisation de Juncker face aux journalistes, quasi jusqu’aux résultats des élections européennes.

Pour Éric Maurice, la Commission européenne devrait communiquer « au nom de l’Union, et pas au nom de la Commission et de ses services, et le faire directement par les Commissaires, sans porte-parole ». Cette désintermédiation, attendue par le public avec la crise des médias et l’essor des médias sociaux est l’un des prochains défis de la communication du futur collège des Commissaires.

Au total, les initiatives initiales ont globalement été positives, le bilan de la communication de la Commission Juncker est autant significatif par ses nombreux éléments de langage que ses rares silences.

Quelles sont les attentes des citoyens à l’égard de l’Union européenne ?

La Fondation Robert Schuman partage une synthèse des enquêtes d’opinion et sondages réalisés à l’occasion des élections européennes pour dessiner quelques tendances constantes en apparence contradictoires qui témoignent d’un trouble exprimant à la fois confiance et inquiétude envers la dimension européenne des politiques publiques…

Un soutien record du projet européen : ses fondements, sa pertinence et les bénéfice pour les États membres

Pour une majorité des Européens, l’appartenance de leur pays à l’Union européenne est « une bonne chose » et leur pays a plutôt bénéficié de l’appartenance à l’UE. Le souffle post-Brexit est fort, en cas de référendum dans leur pays, 68% des personnes voteraient pour rester dans l’UE. La confiance dans l’euro atteint également des niveaux historiques.

Cet attachement à l’UE ne se traduisait cependant pas par un intérêt pour les élections européennes, d’où la surprise de la hausse de la participation électorale qui n’avait pas été anticipée.

Des inquiétudes très marquées autant sur l’environnement de l’UE que sur son propre destin

De très nombreux signes de pessimisme et d’inquiétude semblent néanmoins parcourir des sociétés européennes perturbées par des phénomènes de rejet des partis politiques et des formes représentatives traditionnelles.

Ces inquiétudes portent notamment sur les partis protestataires, qui ne sont pas perçus comme la réponse aux défis à affronter ou la montée des partis populistes en Europe vécue comme une menace pour le fonctionnement de l’UE.

Ces préoccupations concernent également le contexte géopolitique (sécurité), social (immigration) ou la situation économique qui, sous l’angle européen des politiques publiques, demeure un sujet très prégnant.

De fortes attentes de politiques européennes plus efficaces

Sur les thématiques au cœur du débat électoral : immigration, défense/sécurité, croissance économique, harmonisation sociale, protection de l’environnement et lutte contre le réchauffement climatique, les Européens expriment des souhaits globaux de politiques européennes plus efficaces.

Pour autant, sur tous ces sujets, les citoyens souhaitent que les États-membres gardent leurs compétences en la matière. Ces contradictions constituent, à l’évidence, pour les gouvernements et les acteurs politiques, des problématiques extrêmement difficiles à appréhender.

Non seulement, les Européens ne distinguent pas précisément les compétences propres de l’UE, mais en plus les réponses attendues face aux problèmes doivent d’une certaine manière apportées des solutions concrètes à l’échelle européenne dans le respect des principes de souveraineté des États et de subsidiarité de l’UE.

Au total, les opinions publiques réclament d’abord et avant tout une vision claire et rassurante sur les politiques publiques européennes, leurs chances de succès et leur efficacité.

Panorama des cabinets européens de lobbying et d’affaires publiques européennes

Avec 661 « Professional consultancies » enregistrées dans le registre de la transparence de l’UE, le paysage des cabinets d’influence à Bruxelles est vaste. Tentative de visite guidée sur l’un des chantiers pour assurer la transparence du lobbying européen

Premier regard sous l’angle des personnels déclarées au registre de la transparence de l’UE

Première déclaration pour tenter d’y voir clair, le nombre de personnes investies dans les affaires européennes : un cabinet culmine avec 60 collaborateurs, dont 59 accrédités au Parlement européen (Fleishman-Hillard), suivi par Kreab (50) mais seulement 16 accrédités et Burson-Marsteller / BCW (48) et 44 personnes accréditées.

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Au total, le marché est relativement concentré puisque 30 cabinets de lobbying déclarent au moins 20 collaborateurs dans les affaires européennes et seulement 9 déclarent au moins 20 collaborateurs accrédités auprès du Parlement européen.

Deuxième regard en fonction des domaines d’intérêt

Les domaines d’intérêts déclarés par les principaux cabinets de lobbying sont intéressants pour saisir les secteurs d’activité ou les expertises qui peuvent se dessinées. De manière révélatrice, parmi les thèmes les plus cités, on retrouve : économie et développement ainsi que environnement, consommateurs et sécurité ; tout en bas du tableau, les secteurs les moins cités sont banque, finance et… humanitaire.

cabinets_lobbying_domaines_interetSur l’ensemble de la base des cabinets de lobbying, les domaines d’intérêts sont globalement assez proche :

  • Les tops : économie, développement, environnement, innovation, recherche, énergie  et industrie ;
  • Les flops tout autant révélateur d’une réalité du marché sont jeunesse, sport, fraude, migration et asile.

cabinets_lobbying_domaines_interet_tops_flopsRegard croisé sur Twitter

La présence de ces différents cabinets – quasiment tous sur Twitter – est une indication complémentaire de l’attractivité de ces acteurs sur leur marché. Deux se démarquent loin devant les autres par leurs approches originales plus décentrées : APCO a lancé @EPElections en 2014, puis changé en @BXLInsider et enfin renommé @APCOBXLInsider – un positionnement décentré rémunérateur avec près de 11 000 abonnés tandis que Grayling anime @TheEULobby depuis 2009 et atteint presque les 10 000 abonnés. Tous les autres cabinets, qui tweetent en leur nom et autour de leurs activités ont quasiment deux fois moins d’abonnés, tous sous la barre des 6 000 followers.

cabinets_lobbying_europe_twitterQue peut-on retenir ? Une relative homogénéité des principaux acteurs du marché du lobbying à Bruxelles se retrouvent tant dans les domaines d’intérêt que les audiences Twitter.

Panorama des think tank européens selon le registre de la transparence de l’UE et Twitter

A partir d’une recherche – combinée d’une part, sur le registre de la transparence de l’UE pour évaluer l’importance en termes de budget et d’effectifs ; et d’autre part, sur Twitter pour évaluer l’audience – un panorama des principaux think tanks européens se dessinent sous nos yeux…

Audience très disparate des think tanks européens sur Twitter

Parmi une sélection de 25 think tanks relativement représentatifs, l’audience moyenne se situe à 22 000 followers, avec 5 think tanks qui dépassent les 40 000 abonnés – une belle performance pour le premier The European Council on Foreign Relations (66,8k), puis Bruegel (55,7k), Open Europe (49,5k), Carnegie Europe (43,7k) et enfin The Centre for European Policy Studies (41,5k). A contrario, les 5 derniers du classement rassemblent moins de 5 000 followers : RAND Europe, Centrum für Europäische Politik, Catalunya Europa, la branche bruxelloise de l’Institut français des Relations internationales et The Lisbon Council.

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Ce classement des think tanks européens sur Twitter – une approche forcément contestable mais néanmoins opératante de regarder l’attractivité et l’intérêt – est-il le reflet de l’importance, notamment en termes de moyens de ces acteurs de l’influence ?

Moyens humains et budgétaires inégaux des think tanks européens selon le registre de la transparence de l’UE

A ce jour, 565 think tanks et instituts de recherche sont inscrits sur le registre de la transparence de l’UE. A peine la moitié seulement des think tanks les plus actifs sur Twitter y sont également présents.

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En termes d’effectifs, 5 think tanks se distinguent avec plus de 25 collaborateurs déclarés sur les affaires européennes : en premier, The European Policy Centre (EPC) avec 35 personnes, puis Bruegel (31) puis ex æquo : The European Council on Foreign Relations, RAND Europe et Friends of Europe. Un peloton de think tanks américains suit de près avec The Brookings Institution (24), Carnegie Europe et The German Marshall Fund (17). En bas du classement des think tanks européens généralistes, on note l’Institut Jacques Delors (12 personnes), The Lisbon Council (11) et Atlantic Council (10).

Ce détour par le registre de la transparence de l’UE apporte ainsi un élément déterminant pour juger de la performance des think tanks européens puisque l’on observe une relative confirmation des positions selon l’audience sur Twitter et les effectifs : les « gros » think tanks comme The European Council on Foreign Relations, The European Policy Centre et Bruegel sont bien classés dans les deux catégories tandis que les plus « petits » comme par exemple Atlantic Council ou Institut Jacques Delors sont plus en-deçà.

Pour aller plus loin, consultez notre cartographie complète de la scène des think tank européens.

Finalement, plusieurs constats s’imposent :

  • Les thinks tanks 100% bruxellois se défendent bien face à la présence des antennes des grands acteurs des États-Unis ou du Royaume-Uni – une forte confirmation ;
  • Les think tanks sont peu exemplaires quant à leur inscription sur le registre de la transparence de l’UE – une relative surprise ;
  • Les think tanks nationaux, parfois en partie présents à Bruxelles, sont moins présents quant à leur audience Twitter et leur inscription sur le registre de transparence – une faible corrélation.