Avec le rôle croissant de l’UE, le lobbying s’est largement développé à Bruxelles. Le Service européen de la recherche parlementaire publie un Briefing visant à faire le point sur les améliorations de la transparence du lobbying au niveau de l’UE…
Le lent cheminement de la responsabilisation du processus décisionnel de l’UE
Le développement du lobbying européen à susciter diverses réactions :
- Pour certains, le lobbying européen a encouragé la pluralité de la décision de l’UE en favorisant l’inclusion de la société civile, en fournissant aux citoyens européens une « voix » entre les élections afin de surmonter le déficit démocratique au sein de l’UE ;
- Pour d’autres, le lobbying européen a soulevé des critiques sur l’influence indue sur les décideurs politiques de l’UE, facilité par la pression de groupes qui ont eu un plus grand mot à dire dans le droit de l’UE que leur seule représentativité et expertise ne leur auraient permis.
La première reconnaissance officielle des activités de lobbying au niveau de l’UE remonte à 1988, quand un rapport publié par la Commission européenne – le «Rapport Cecchini» sur l’achèvement du marché unique – recommande que les intérêts des entreprises participent plus activement et directement au processus décisionnel européen.
En 1995, le Parlement européen a mis en place un registre des représentants d’intérêts, suivi par la Commission européenne en 2008. Les deux registres ont été fusionnés en 2011, devenant un registre de transparence commun. Depuis 2008, le Parlement européen a demandé à plusieurs reprises un registre obligatoire.
En 2014, le président de la Commission nouvellement élu, Jean-Claude Juncker, a mis la question de la transparence de la réglementation du lobbying à l’agenda politique, en promettant de présenter une proposition pour un registre obligatoire, qui couvrirait non seulement la Commission et le Parlement européen, mais inclurait également le Conseil (qui reste à ce jour seulement un observateur). En outre, depuis le 1er Décembre 2014, la Commission a entrepris de publier des informations concernant les réunions tenues avec les lobbyistes par les Commissaires, les membres de leurs cabinets, et / ou les directeurs généraux.
Des préoccupations de la transparence et de la régulation des pratiques de lobbying européen
1. Difficile estimation du nombre de groupes d’intérêts qui font du lobbying auprès des institutions européennes
Le nombre et la distribution des groupes d’intérêt varient considérablement puisqu’aucune base de données fiable et « certifiée » existe sur les activités de lobbying au niveau de l’UE.
À compter du 1er décembre 2015, le registre de la transparence de l’UE (non obligatoire) comprend un total de 8 728 personnes inscrites – une augmentation d’environ 60% depuis 2011 qui sous-estime la population totale réelle des groupes d’intérêts de l’UE.
Le Corporate Europe Observatory, un organisme sans but lucratif consacré à la recherche et à la promotion de lobbying transparent, estime dans une étude de 2011 entre 15 000 et 30 000 lobbyistes à Bruxelles. En 2001, la Commission a estimé que les fonctionnaires faisaient face à 20 000 lobbyistes.
2. Défaut d’informations sur la typologie des groupes d’intérêts de l’UE
La typologie des groupes d’intérêts de l’UE varie aussi considérablement. Selon le registre de la transparence de l’UE, les lobbyistes travaillant pour les entreprises au sens large représentent plus de 50% des inscrits, ce qui peut expliquer pourquoi ils constituent la majorité des réunions avec les institutions de l’UE. Les ONG constituent la deuxième plus grande part (2 252 inscrits et 18% des réunions avec la Commission).
Mais, l’exactitude de ces données, toutefois, est contestée. Les cabinets d’avocats sont un bon exemple. Ceux-ci sont considérés parmi les consultants les plus dynamiques opérant à Bruxelles (multipliés plus de cinq fois depuis 1995, et représentant actuellement 53% du marché du conseil dans l’UE). À l’heure actuelle, cependant, non seulement moins de 100 cabinets d’avocats sont enregistrés dans le registre de l’UE, mais les informations qu’ils fournissent sont souvent incomplètes.
3. Méconnaissance sur les dépenses de lobbying européen
La rareté de l’information affecte également les dépenses sur le lobbying au niveau de l’UE. À l’heure actuelle, peu d’informations sont disponibles, et les données disponibles ont tendance à être spécifique à un secteur. Selon un rapport, par exemple, l’industrie des services financiers dépense plus de 120 millions d’€ par an en lobbying auprès des institutions de l’UE. Un autre rapport, publié en 2014, a examiné les dépenses de lobbying dans trois secteurs : l’industrie automobile, l’aviation et l’énergie et a conclu que, entre 2008 et 2013, ces secteurs ont augmenté leurs dépenses d’environ 70%.
Lobbyfacts, un site web qui recueille et agrège les données du registre de la transparence de l’UE, rapporte que le top 10 des entreprises engagées dans le lobbying de l’UE dépensent un total combiné de 39 millions d’€ par an. Philip Morris, ExxonMobil et Microsoft sont les trois plus grands consommateurs de lobbying à Bruxelles avec plus de 4,5 M € par an chacun.
Integrity Watch rapporte que presque toutes les entreprises qui ont eu plus de 10 réunions de haut niveau avec la Commission de janvier à juin 2015 ont déclaré au moins 900 000 € par an en dépenses de lobbying.
4. Délicate gestion des conflits d’intérêts et des « portes tournantes »
Les « portes tournantes », i.e. les allers-retours de professionnels entre des rôles dans le secteur privé et public est une pratique problématique.
Alter-UE, une organisation de la société civile centrée sur l’analyse de lobbying, a dénoncé à plusieurs reprises les règles laxistes en place au niveau de l’UE pour lutter contre ce phénomène. Selon Alter-UE, 50% des membres du personnel qui travaillent dans les plus grandes firmes de lobbying à Bruxelles ont exercé une partie de leur parcours dans l’une des institutions de l’UE. Un rapport récent d’Alter-UE indique qu’en 2009-10, 6 des 13 Commissaires sur le départ ont pratiqué des rôles dans des entreprises ou de lobbying.
Au total, de tous les efforts pour réglementer le lobbying au niveau de l’UE actuellement en cours, le plus important est que tous les co-législateurs européens appliquent les mêmes normes de transparence, ce qui implique que le Conseil se joigne au registre de la transparence utilisée par la Commission et le Parlement européen.