Archives mensuelles : octobre 2017

Parlemètre : quel est l’état de l’opinion européenne en vue des prochaines élections européennes ?

Certes, l’échéance peut encore paraître lointaine, puisque le scrutin européen aura lieu au printemps 2019. Néanmoins, selon le dernier Parlemètre, le sondage réalisé pour le Parlement européen, déjà 55% des Européens déclarent leur intérêt pour ces prochaines élections européennes…

Une « nouvelle normalité » pro-européenne des citoyens

Le Parlemètre 2017 montre une sorte de retour à la normale, après la période de crise. Les citoyens sont de plus en plus conscients que l’UE agit en leur nom dans les domaines qu’ils considèrent comme prioritaires.

Les citoyens estiment ainsi que leur voix est renforcée : 47% des citoyens européens estiment que leur voix compte dans l’UE – c’est le meilleur résultat depuis les élections européennes de 2009.

parlemetre_2017_voix_compteEn outre, le soutien à la construction européenne est également renforcé : 57% des personnes interrogées estiment que l’adhésion à l’UE est une bonne chose pour leur pays –  un quasi retour au niveau d’avant crise. La plupart des répondants de tous les États membres déclarent que l’adhésion à l’UE a profité à leur pays.

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Enfin, dernier signe d’optimisme, de plus en plus de citoyens estiment que les choses vont dans la bonne direction dans l’UE.

parlementre_2017_directionCes résultats – s’ils se confirment d’ici le printemps 2019 – seront-ils en mesure de se traduire dans les urnes par une inflexion de la place des partis populistes et eurosceptiques représentés au Parlement européen ?

Une « Europe qui protège » largement consensuelle parmi les citoyens

Dans les discours des responsables politiques européens, la notion d’une « Europe qui protège » a déjà pris une place importante.

Vis-à-vis des priorités de l’UE, cette notion est largement partagée par les Européens qui place le terrorisme, avec 58% des citations, comme la principale menace contre laquelle ils veulent que l’UE offre une protection. La situation économique précaire de nombreux Européens définit les protections suivantes : chômage (43%), pauvreté et exclusion (42%), protection contre les migrations incontrôlées (35%).

parlementre_2017_prioritesVis-à-vis des réalisations de l’UE, les citoyens veulent sauvegarder l’héritage communautaire, tant d’une part, les droits fondamentaux (44%) et la liberté de voyager, de travailler et d’étudier dans l’UE (36%) ; que d’autre part, les réalisations sociales et économiques, à savoir les droits du travail (34%), les pensions adéquates (34%) et le bien-être économique (33%).

Concrètement, les politiques publiques que les Européens attendent du Parlement européen, conformément aux menaces précédemment identifiées, sont principalement et équitablement l’action contre la pauvreté et l’exclusion (41%) ainsi que contre le terrorisme (41%). La lutte contre le chômage des jeunes est le troisième élément le plus cité (31%) en moyenne.

Ces trois thématiques indiquent largement les préoccupations des citoyens européens : ils veulent mener leur vie dans un endroit qui garantit leurs chances économiques et protège leur liberté.

Là encore, ces résultats – qui combinent des attentes multiples de protection – seront-ils repris dans les programmes des principaux partis gouvernementaux qui seront amenés à former une coalition parlementaire ?

Comment réduire l’incommunication entre les Européens ?

En guise de conclusion de la Revue Hermès consacrée aux incommunications européennes, Dominique Wolton dresse une liste des chantiers pour aider à penser l’incommunication en Europe…

Réduire l’ignorance : populariser l’histoire de l’Europe

L’incommunication et la méfiance résultent d’abord de l’ignorance. Le 1er chantier est d’apprendre à se connaître, à se respecter, à désarmer les incompréhensions mutuelles afin de respecter les altérités, de découvrir la diversité, d’assumer les différences et de s’approprier notre histoire et notre destin.

Le corolaire est d’enseigner la vie politique européenne dans toutes les écoles, de valoriser la diversité linguistique, d’intéresser les Européens à leur histoire et d’ainsi favoriser une fierté pour la construction européenne.

Apprivoiser la diversité : retrouver la confiance entre Européens

Ce sont le silence et la langue de bois qui sont les principaux adversaires de l’Europe, pas les conflits. La connaissance de nos différences et de nos contradictions est la première condition d’une compréhension et d’un dialogue.

Le premier chantier porte sur le respect de la diversité en faisant prévaloir les éléments communs de la culture européenne (la croyance en la science et la rationalité, les droits de l’homme et la démocratie) dans un esprit d’ouverture aux industries culturelles, créatives et de la connaissance.

Relancer les utopies et les grands projets

Le plus grand investissement dans l’avenir, c’est d’apprendre ensemble. Dominique Wolton invite à investir massivement dans des lieux d’échanges et de rencontres, afin de multiplier les expériences de rencontres entre Européens et que chacun puisse « perdre son temps » à discuter et faire des projets communs – essentiels.

Les différences européennes nourrissent les utopies européennes… à condition d’en parler. Discuter régulièrement des accords et des désaccords, c’est déjà construire l’union. Faire enfin confiance aux peuples, dont l’UE est encore trop souvent indifférente, c’est le « principal antidote à l’europessimisme actuel ». Prendre les citoyens – les plus éduqués, formés et cultivés dans le monde – enfin au sérieux.

Redéfinir l’Europe comme avant-garde

C’est sur l’incommunication que paradoxalement l’Europe s’est construite dans un consensus permissif mais aujourd’hui l’UE butte justement contre cette incommunication qui relire autant qu’elle sépare les Européens. L’Europe ne se fera que si l’on est capable de parler de tout, progressivement.

Relever le défi de la gestion pacifique de la diversité et de la cohabitation, c’est le cœur du projet européen et dit autrement, c’est apprendre à gérer l’incommunication.

Faire de l’Europe l’avant-garde de la réglementation politique de la globalisation en mettant la politique au premier plan devant l’économie et la finance, c’est l’autre moteur de la construction européenne, qui la replace comme une force, une ambition et une originalité capable de déployer ces utopies et de nouvelles solidarités.

Avec un tel programme pour la communication de l’Europe, il ne devrait pas être trop difficile de tordre le cou aux discours pessimistes sur la « fatigue » ou la « décadence »…

Pour en finir avec la révolution de la communication européenne

Pourquoi tout a été essayé et tout à, plus ou moins, échouer ou plutôt pourquoi, seul ce qui n’a pas encore été vraiment essayé, n’a donc pas encore montrer du coup son éventuel succès ?

La révolution de la communication européenne ou le summum du surplace

A force de vouloir révolutionner la communication européenne, les avancées concrètes et matérielles sont de moins en moins perceptibles.

Le constat inaugural du déficit démocratique de l’UE – de la distance entre l’Europe et les citoyens – a faussé toute la suite. Les réponses apportées ont visé à résorber le fossé entre l’Union européenne et les citoyens, alors qu’il existera toujours, quoiqu’on en pense et quelque soit le jugement positif ou négatif que l’on porte. Mais surtout, ces réponses ont détournées les précieuses et limitées ressources de ce qu’il aurait fallu faire en priorité.

Les fourvoiements ont été aussi nombreux que les saisons, tels des modes éphémères auxquelles la communication européenne aurait cédé :

  • L’espace public européen et les médias européens sui generis : l’impulsion généreuse et intellectuellement juste de Margot Wallström n’avait pas les moyens de ses ambitions ;
  • Le marketing et le branding de l’Europe : l’influence de conseillers en nation branding, public diplomacy, etc. n’a fait qu’ajouter la confusion ;
  • Le participatif et le collaboratif à tout craint : le tournant de la démocratie numérique n’a pas tenu toutes ses promesse, à l’heure du « désenchantement de l’Internet » cf. le livre de Romain Babouard ;
  • La communication corporate comme alpha et omega : le détournement des moyens attribués à la stratégie de partenariat n’a pas été intégralement compensé…

Il ne s’agit pas de dire que tout fut en vain. Mais plutôt d’affirmer que tous ces efforts ont été et seront vains tant que les fondamentaux ne seront pas consolidés.

Plutôt que d’innover, d’expérimenter, de tester des formats et des dispositifs de plus en plus problématiques à la fois à concevoir, piloter et évaluer, la communication européenne doit cesser de faire sa révolution, de tourner sur elle-même sans fin.

« It’s the basics, stupid »

Comme lors de la campagne électoral Bush/Clinton, qui fut gagnée par ce dernier parce qu’il avait compris que c’étaient d’abord les questions terre à terre qui permettent de convaincre les électeurs, il en est de même pour la communication européenne qui ne parviendra à convaincre que lorsqu’elle sera parvenue à accomplir ses missions de base.

Les tâches qui auraient dû être prioritaires ont été délaissées et sont dorénavant quasi insurmontables compte tenu du retard et de l’insuffisance des efforts depuis si longtemps

De quoi s’agit-il ?

Des basiques.

Prenons le sujet de la place de l’Europe dans les médias. Le constat de Jean Quatremer est cinglant : la communication de la Commission Juncker, c’est un fiasco : les relations avec les journalistes, contre lesquelles il s’insurge, doivent être totalement repensées.

Pour contrer à la fois la dégradation du point de vue du citoyen et le désinvestissement du côté des institutions européennes, les relations avec les médias devraient représenter la première priorité de la communication européenne. L’impact d’un passage dans un JT de grande écoute est sans commune mesure avec les dialogues citoyens organisés partout en Europe.

Ces relations presse devraient d’une part viser à mieux servir le corps des journalistes présents, encore en nombre, à Bruxelles, plutôt que de se concentrer sur quelques titres prestigieux comme le FT ou the Economist et d’autre part aller chercher de nouvelles opportunités médias au cœur des capitales ou des grandes métropoles européennes. 

Au total, la communication européenne doit cesser toute forme de fuite en avant dans des pseudo solutions qui ne font que retarder l’urgente nécessité de s’attaquer aux fondamentaux, comme par exemple les relations avec les médias.

 

Comment les médias participent des incommunications européennes ?

A partir de plus de 10 000 articles analysés sur 3 ans à partir des sites en ligne des principaux médias d’information dans 8 Etats-membres de l’UE, Luciana Radut-Gahghi décrypte, dans la Revue Hermès, « les voix médiatiques des incommunications européennes »…

Un traitement partiel des événements européens

Première conclusion de son enquête, un émiettement important du traitement médiatique des sujets européens : seuls quelques sujets font l’unanimité des agendas médiatiques européens.

Certes, quelques sujets sont véritablement paneuropéens, comme l’Ukraine en 2014, les Réfugiés en 2015 ou le CETA en 2016. Mais, aucun événement interne à l’UE, lié aux institutions européennes n’en fait partie.

Et surtout, au-delà de l’intérêt rare pour des sujets communs, il n’y a point de « délibération », donc pas d’espace public commun.

Un traitement divergent des informations européennes

Deuxième conclusion, une forte diversité des traitements médiatiques de l’Europe. En effet, le plus souvent, les thèmes européens sont abordés avec des angles différents et des genres journalistiques différents.

Par exemple, le CETA fait l’objet d’un traitement économique et strictement informatif en Allemagne tandis que le sujet est politique, donc laissant beaucoup plus de place aux opinions en France.

Une acceptation de l’absence de consensus sur l’actualité européenne

Troisième conclusion, les appropriations de l’Europe, différentes selon les médias et les pays se font sans discussion. L’Europe n’est pas représentée de la même manière dans les presses européennes, mais ces différences ne sont pas discutées.

Autrement dit, les polémiques médiatiques (sur la manière dont les médias couvrent des informations) sur des sujets potentiellement contradictoires et controversés sont quasi inexistantes à l’échelle européenne.

Pourtant, l’acceptation de controverse et de polémique est « définitoire » de l’UE, car sinon la diversité des opinions ne serait source que de divisions.

En somme, les médias sont à la fois le moteur et l’illustration des difficiles négociations européennes. Et si les médias sont le reflet des sociétés, la relative situation de non-communication entre médias sur l’Europe montre le chemin à parcourir.