Archives mensuelles : février 2015

L’opinion publique européenne à la croisée des chemins

Les premiers résultats de l’enquête Eurobaromètre semestrielle de l’automne 2014 réalisée quelques semaines après la nomination de la nouvelle Commission européenne invitent à l’UE à transformer l’essai…

L’image de l’Union européenne continue de s’améliorer

Pour la première fois depuis 2011, les Européens ayant une image positive de l’UE (39%) dépassent ceux qui en ont une image neutre (37%).

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C’est la troisième fois d’affilée que l’image positive augmente (+1 point entre le printemps et l’automne 2013 ; +4 points entre l’automne 2013 et le printemps 2014).

La proportion de citoyens de l’UE ayant une image positive de l’UE augmente dans 23 pays.

La confiance dans l’Union européenne augmente

Pour la première fois depuis 2008, la confiance augmente dans l’Union européenne (37%, +6 points de pourcentage par rapport au printemps 2014).

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La confiance dans les gouvernements nationaux (29%, +2) et dans les parlements nationaux (30%, +2) est également en moindre hausse.

L’optimisme pour le futur de l’UE est stable

Une majorité des Européens déclare être optimiste (56%, stable). La tendance positive observée depuis 2013 se confirme.

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Dans 25 Etats membres, la majorité des Européens est optimiste pour le futur de l’UE. L’optimisme s’est renforcé dans 13 Etats membres et domine désormais au Royaume-Uni (49% contre 42%).

Ma voix compte un peu moins qu’à la veille des élections européennes

Certes, l’opinion que « ma voix compte » chez les Européens est toujours minoritaire et en léger recul (40%, -2 points) mais après la forte hausse liée aux élections européennes, cette opinion reste assez élevée : c’est la deuxième proportion la plus forte depuis 2004.

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De grandes disparités entre les pays se cachent : grosse perte de terrain au Portugal ou en France et fort gain en Roumanie ou en Irlande.

La citoyenneté européenne soulève des attentes fortes

Plus des deux tiers des Européens souhaiteraient en savoir plus sur leurs droits en tant que citoyens de l’UE.

Une opinion en progression de 6 points depuis 2014, qui représente la plus forte augmentation depuis 2010… lorsque la question a été introduite.

Au total, les indicateurs de soutien en faveur de l’Union européenne ont dans l’ensemble gagné du terrain. Les attentes des Européens semblent à la croisée des chemins. Soit les Européens trouvent les preuves de leur meilleure disposition vis-à-vis de l’UE, soit les espoirs sont déçus et sans doute alors pour longtemps…

Bruxelles, lieu de pouvoir ? La preuve par le paysage médiatique bruxellois

La capitale européenne est-elle en train de devenir véritablement un carrefour d’influence, un centre décisionnel ? Ce ne sont pas les armées pléthoriques de lobbyistes ou le corps de presse efflanqués auprès de l’UE qui en apportent la preuve, mais de nouveaux acteurs dans le paysage médiatique bruxellois…

Enfin, avec Politico Europe un média d’investigation global sur la vie politique et les politiques publiques européennes

L’arrivée cette année de Politico Europe créé l’événement et représente tout un symbole.

L’événement : comment décrire autrement « the new kid in the block » avec ses 30 journalistes recrutés et ses 10 millions de dollars investis.

Le symbole : c’est la confirmation qu’il y a de la place pour un média d’investigation paneuropéen dédié à l’UE (à condition de racheter European Voice l’un des seuls médias aujourd’hui rentables…). C’est surtout la confirmation que la couverture des affaires européennes ne passe que par un modèle pour « happy few », puisque Politico aux USA est un média 100% politique de qualité, mais de niche.

Enfin, des médias décalés ou satiriques sur les coulisses et les arrières couloirs des allées du pouvoir bruxellois

La consécration de la scène bruxelloise comme véritable lieu de pouvoir se traduit, semble-t-il par l’émergence de médias en ligne satirique, portés par l’importance de Twitter dans la « brussels bubble » (cf. Le Monde « À Bruxelles, tu tweets ou tu meurs »).

Pour les médias satiriques, le modèle, c’est le blog Berlaymonster qui a imposé depuis longtemps son style et son humour ravageur, notamment sur Twitter @Berlaymonster. La prochaine étape ne saurait être autre chose que la sortie d’un média de type « Canard Ênchainé » pour faire circuler les bruits qui courent et dénoncer les abus et dérives.

Les compte parodiques des personnalités politiques européennes font également parties de la rançon d’un certain succès, par exemple :

Pour les médias décalés, la liste ne cesse de s’allonger entre le magazine en ligne sur les affaires européennes « the EU Bubble » qui n’hésite pas à proposer une rubrique d’un goût incertain « Sexiest MEP » ou le futur « Eurohand » qui réalise sur Twitter @eurohand_org un teasing remarquable.

Au total, Bruxelles ne sera pleinement un centre de pouvoir qu’à la condition d’accueillir également un paysage médiatique pluriel (couvrant différents types de presse) et pluraliste (représentant différentes opinions).

Le plan d’investissement Juncker est-il la vaste de campagne de communication que l’UE n’a jamais fait ?

C’est l’institut Egmont avec une tribune de Fabian Willermain « The Juncker Commission Investment Plan – a communication campaign? » qui vend la mèche : « ce plan n’est pas tant un plan d’investissement qu’une campagne de marketing fantastique pour la Commission européenne en tant qu’acteur clé dans la relance de l’économie européenne »…

Le plan d’investissement un grand « plan comm » pour la Commission Juncker ?

La première phrase du page officielle de présentation du plan d’investissement y va sans détour : « L’Europe a besoin d’urgence d’un plan d’investissemment. ». N’aurait-elle pas tout autant, quitte à faire d’une pierre deux coups, besoin d’un plan de communication ?

Fabian Willermain n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat après des développements sur le fond du plan d’investissement : le plan d’investissement de Juncker n’est-il pas, en fait (et avant tout ?) un impressionnant plan de communication stratégique ?

Il liste plusieurs arguments plaidant en sa faveur : « l’accent mis sur la publicité visuelle percutante et sur la disponibilité et l’ouverture de l’information (hashtag Twitter dédié, section du site Web personnalisé, vidéos bien illustrées, discussions dédiées sur LinkedIn et cartes explicatives interactifs) ».

Une campagne de pub pour l’UE à 100 milliards d’euros par an ?

La nouvelle direction est d’essayer de changer l’image de l’UE, non plus l’incarnation de l’austérité mais la promotrice de la prospérité pour les citoyens : un nouveau narratif que seules les nombreuses preuves apportées par les projets financés par le plan d’investissement permettraient de crédibiliser auprès du grand public pour restaurer la confiance.

D’ailleurs, s’il fallait encore une preuve de cette hypothèse déroutante, l’annonce dans les médias du plan d’investissement illustre que personne n’est dupe : entre la version soft (Le Monde) « C’est un véritable pari que fait Jean-Claude Juncker » et plus hard (La Tribune) « le coup de bluff du magicien Juncker ». Toutes les autres étapes seront-elles également l’occasion de feuilletonner le récit de la nouvelle action de la Commission européenne ?

Au total, l’investissement de la Commission européenne n’est-il pas d’abord dans une vraie campagne de promotion de l’action de l’UE, la première de cette envergure, à travers des cas pratiques concrets d’envergure ?

Centre de contact « Europe Direct » : l’UE prend-elle au sérieux les médias sociaux ?

Actuellement, la Direction Générale de la Communication à la Commission européenne renouvelle le contrat de gestion du centre de contact « Europe Direct » dont le budget est estimé à 25/30 millions d’€ sur 5 ans. En 2015, la DG COMM prévoit-elle du coup de s’adapter à la réalité des contacts quotidiens potentiels dans les médias sociaux ?

« Europe Direct » : une mission de contact avec les citoyens, deux services complémentaires

Sous le nom « Europe Direct », la Commission européenne gère en fait deux services différents, dont la mission est de répondre aux questions des citoyens et des entreprises, dans toutes les langues officielles de l’UE :

Dans le jargon européen, la DG Communication vise à développer et renforcer le rôle d’« Europe Direct » en tant que « front office central (one stop shop) pour tous les types de demandes de renseignements du grand public liés à l’Union européenne ».

Un centre de contact avec les citoyens… uniquement par téléphone et formulaire web

Le contrat de renouvellement de la gestion du centre de contact « Europe Direct » – l’un des outils les plus importants de l’UE auprès des citoyens – est l’occasion de prendre conscience des ambitions et des innovations actuellement au service de la communication européenne.

En termes d’ambition, le statut quo semble être la ligne de conduite. L’appel d’offre est rédigé comme si depuis l’ouverture initial du centre de contact « Europe Direct » les technologies et les moyens de « connecter avec les citoyens » n’avaient pas évolué : ni prise en compte des smartphones du côté des utilisateurs, ni algorithmes du côté de la gestion « intelligente » des données.

Non seulement, le canal du « chat web » est abandonné car sans doute il ne répondait plus aux attentes d’interaction du grand public, mais surtout les médias sociaux ne sont jamais mentionnés dans l’appel d’offre de près de 50 pages. A contrario, l’hypothèse de contact par fax est nommément abordée !

Au total, dans ces conditions, le contrat à périmètre constant de gestion du centre de contact « Europe Direct » saura-t-il vraiment répondre aux attentes et aux pratiques pour informer les citoyens sur l’UE ?

Vous n’avez pas vu passer les 100 jours de la Commission Juncker, est-ce normal ?

Avec le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, en matière de communication, comme pour le reste d’ailleurs, on allait voir ce qu’on allait voir. Justement, 100 jours après, où en sommes-nous ?

La nouvelle stratégie de communication sous Juncker : les Commissaires sont « les visages publics, les avocats et les meilleurs «porte-parole» des politiques de l’institution »

Avec Jean-Claude Juncker, la nouvelle stratégie de communication de la Commission européenne a été très clairement annoncée, comme le résume la Fondation Schuman dans la note sur le « retour du politique » :

« Lors de la conférence de presse de présentation de la répartition des postes, Jean-Claude Juncker a souligné qu’il souhaitait que les commissaires (…) doivent incarner la politique de la Commission auprès des opinions publiques et rapprocher l’Europe des citoyens. L’objectif est de rationnaliser la communication et de parler d’une seule voix. C’est là aussi un des facteurs qui rendront la perception de la Commission plus politique. Les Commissaires ont pour mission de reprendre en main une communication devenue trop institutionnalisée et peu efficace. »

Cet effet d’annonce sur la « politisation » de la communication de la Commission européenne est confirmé par une « communication du président à la Commission relative aux méthodes de travail de la Commission » publiée le 11 novembre dernier. Deux principes sont posés par Jean-Claude Juncker :

  • La communication ne peut réussir que si la Commission parle d’une seule voix.
  • La communication doit être orientée vers les priorités politiques et stratégiques de la Commission.

Deux conditions du succès dans les médias et la perception du public sont également formulés :

  • La capacité des Commissaires à communiquer de façon convaincante sur un grand nombre de questions dans tous les États membres
  • La capacité de l’équipe de contribuer positivement à la réalisation des objectifs clés et des priorités de la Commission.

100 jours après, la communication des Commissaires est-elle à la hauteur ? Évidemment, tout jugement définitif et général serait prématuré, partiel et partial. Néanmoins, plusieurs impressions se conjuguent pour dessiner un tableau d’ensemble :

  • Juncker est parti en sprint et depuis perd de la vitesse : Il semble s’être consacré en priorité – en exclusivité ? – à son plan d’investissement, délaissant semble-t-il d’autres dossiers, en particulier les #LuxLeaks, qui n’ont pas été bien gérés ;
  • Timmermans, son premier Vice-président est plus dans la course de fond… mais avec des sauts d’obstacles : Pour l’essentiel, il assure le job, et communique abondamment, mais avec quelques hoquets autour de l’abandon d’initiatives environnementales (qualité de l’air, économie circulaire ou déchets) dans le programme de travail annuel de la Commission européenne ou de timidité dans la lutte contre le terrorisme. « Pour réussir là où les autres ont échoué », Cécile Ducourtieux  dans Le Monde estime que « Timmermans espère un changement de culture. En finir, à la Commission, avec le « je légifère donc j’existe ». Opérer des choix politiques, tranchés, assumés, expliqués. Au risque de s’attirer les foudres des lobbies, des eurodéputés, voire des Etats… »
  • Mogherini, la Haute-représentante aligne les chiffres dans une infographie sur ses 100 jours qui impressionne : déjà 93 bilatérals au compteur et 15 visites dans l’UE ou à l’étranger.

Au total, le jugement est à la hauteur des espérances, il est d’autant plus sévère que l’on plaçait de fortes attentes, selon la conclusion de Nicolas Gros-Verheyde dans « 100 jours après, c’est pas folichon » :

« En toile de fond, une faible propension à révolutionner la politique et avancer des idées un peu fraiches et nouvelles, pour revigorer le débat, et des propositions précises et charpentées, pour alimenter la dynamique européenne font qu’aujourd’hui, l’enthousiasme réel ressenti à Bruxelles à l’arrivée de la nouvelle équipe, s’est vite étiolé. L’équipe Juncker ne devrait pas recevoir mieux qu’un bulletin « à peine passable » pour ses premiers cent jours. Avec la mention « bon début, mais s’est relâché ». Et ce n’est pas seulement « peut mieux faire » mais « doit mieux faire » qui devrait être indiqué… »

Si la communication de la Commission européenne autour des 100 premiers jours du collège Juncker n’imprime pas, c’est parce que les Commissaires, qui se sont vus confier le rôle de « porte-parole » sont très inégalement visibles et audibles.