Archives mensuelles : février 2014

Comment évaluer les médias de la communication européenne ?

Puisque le « PESO model » distinguant le Paid, Earned, Shared and Owned media tend à s’imposer pour répartir et analyser les canaux de communication à la disposition d’une marque ou d’une institution, qu’en est-il du PESO de la communication de l’UE ?

Paid media de la communication européenne : une double spécificité peu efficace en termes d’exposition de l’image de l’UE

Normalement, le paid media d’un annonceur représente l’ensemble des investissements en achat d’espace publicitaire lui permettant d’exposer ses messages auprès du grand public.

Les investissements de l’UE en matière de paid media se conjuguent pour en limiter l’impact :

  • d’une part, à défaut de pouvoir s’appuyer sur des médias de masse paneuropéens inexistants faute d’un espace public européen, l’UE s’est engagée dans une démarche de création de médias européens (Euronews, Euranet, PressEurop, CaféBabel…) qui de facto ne permet pas de toucher un très large public ;
  • d’autre part, les achats d’espace publicité par l’UE sont relativement rares et extrêmement morcelés entre les institutions, agences et organes entraînant une dilution des capacités de négociation auprès des régies et une dilution également des messages audibles auprès du public.

Au total, le paid media de la communication européenne souffre – sous l’angle de son efficacité pour toucher un large public – d’un double handicap lié à la fois à des contraintes politiques plutôt légitimes et techniques beaucoup moins justifiables.

Earned media de la communication européenne : une capacité inégale à influer sur l’activité des journalistes

Le earned media correspond à l’ensemble des mentions d’un annonceur « gagnées » grâce à l’intérêt éditorial des relations publiques.

Les activités de relations publiques de l’UE visant le earned media sont sans doute les moins développées tandis que leurs résultats potentiels sont les plus prometteurs :

  • à Bruxelles, l’UE s’organise avec des porte-parole pour travailler auprès du corps de presse européen : l’investissement en expertise et en technique tente de surmonter les handicaps d’une institution face à des journalistes ;
  • ailleurs, les efforts déconcentrés pourtant auprès de l’essentiel des journalistes dans les médias nationaux et locaux sont plus limités, faute de moyens.

Au total, l’influence potentielle liée à l’intérêt des informations européennes est inégale entre les journalistes européens et les autres ; et globalement sous exploitée.

Shared media de la communication européenne : un engagement hyper-conditionné en fonction des attitudes et opinions sur l’UE

Le shared media, c’est la nouveauté introduite par le web social : l’ensemble des contributions du public d’un annonceur en ligne.

Quoique l’investissement de l’UE dans le shared media soit important, les résultats sont hyper-conditionnés en fonction des attitudes et opinions des publics en ligne :

  • les publics anti-UE et pro-UE sont – à l’image des fans et des anti-fans d’une marque – d’autant plus hyperactifs en ligne qu’ils s’appuient sur des positions tranchées ;
  • les publics neutres ou indifférents – les plus nombreux – n’ont le plus souvent pas d’avis sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas et n’ont donc plus qu’à contempler des espaces sociaux remplis par des contributions trop souvent caricaturales.

Au total, l’engagement des publics en ligne avec l’UE est extrêmement encadré par une sorte de compétence minimale qui bloque l’accès et par une sorte d’extrême maximaliste dans un sens ou dans l’autre.

Owned media de la communication européenne : une action rationalisée pour porter les messages de l’UE

Le owned media, c’est l’ensemble des outils de communication dont l’annonceur en est l’ultime propriétaire.

Globalement, les canaux de communication maîtrisés par l’UE sont sur une trajectoire de modernisation et d’adaptation aux nouvelles exigences et contraintes :

  • rationalisation du portail europa.eu visant à réduire le nombre de sites et à améliorer l’accès aux informations ;
  • raréfaction des publications écrites des institutions européennes pour ne conserver que les contenus d’utilité générale (textes juridiques) ou extrêmement ciblés, notamment auprès des jeunes ;
  • consolidation des réseaux, notamment les Centres d’information Europe Direct sur le territoire de l’UE ;
  • harmonisation des messages corporate de l’UE autour de quelques priorités de communication…

Au total, les canaux de communication de l’UE s’optimisent sous le poids conjugué des évolutions techniques/technologiques et des pressions budgétaires tandis que leur mutualisation constituerait l’étape suivante logique.

Que retenir de l’évaluation des médias de la communication européenne ?

  • Paid media = déficit d’efficacité
  • Earned media  = potentiel inexploité
  • Shared media  = nouveauté hyper-segmentée
  • Owned media = rationalisation non-mutualisée

Erasmus+ : quelles sont les raisons du succès de la communication ?

Le lancement d’« Erasmus+ », le nouveau programme de l’UE pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport pour la période 2014-2020, connaît un fort intérêt avec près de 30 000 mentions en ligne sur les 6 derniers mois et plus de 500 000 vues pour la vidéo de présentation en ligne. Pourquoi ?

Une politique publique européenne ambitieuse et tangible

Premier atout d’Erasmus+, des engagements forts et quantifiés de l’UE, répondant aux besoins d’un public jeune ayant de nombreuses attentes :

  • un budget de 14,7 milliards d’euros pour les 7 prochaines années, soit une augmentation de 40 % par rapport aux niveaux de dépenses des 7 années antérieures ;
  • un objectif de renforcer les compétences et l’employabilité, ainsi que de moderniser l’éducation, la formation et le travail des jeunes ;
  • un résultat tangible de plus de 4 millions d’Européens ayant la possibilité d’étudier, de se former, d’acquérir une expérience professionnelle ou de travailler comme bénévoles à l’étranger.

Autrement dit, le succès du programme Erasmus+ est d’abord lié à la légitimité et à l’ampleur d’une telle action de l’UE : la mobilité est au cœur du projet européen et les jeunes sont un public prioritaire.

Un territoire de marque judicieusement étendu

Le choix de réaliser un brand-stretching de la marque de gamme « Erasmus » sur la mobilité étudiante vers une marque-ombrelle « Erasmus+ » rassemblant les prestations de l’UE en matière d’éducation, de formation, de jeunesse et de sport est une excellente idée capitalisant sur la notoriété du programme le plus connu.

Ce positionnement de marque permet de rendre plus compréhensible l’action de l’UE. Sur la liste des programmes de l’UE destinés aux citoyens, le programme Erasmus+ est clairement à classer dans la catégorie des rares actions reconnues par le plus grand nombre.

Une communication de la preuve, modeste, sociale, partenariale et décentralisée

Parmi les raisons du succès du nouveau programme « Erasmus+ » – au-delà d’une attente légitime d’une génération et d’une réponse à la hauteur de l’enjeu – la manière de communiquer participe à plus d’un titre :

  • les supports de communication, notamment la vidéo de présentation, sont de facture modeste, orientés vers la preuve et la facilitation, la prise en main du dispositif par le public ;
  • l’utilisation des réseaux sociaux (Facebook : 46K likes et Twitter 5K abonnés) sont ouverts à l’échange et combinent informations pratiques et contenus communautaires générant de l’engagement ;
  • les relais locaux dans les Etats-membres que sont les agences et organismes responsables du déploiement accompagnent la communication dans toutes les langues et avec les spécificités nationales.

Au total, sans moyens de promotion extravagants mais avec un important travail de positionnement, d’information et des partenaires décentralisés, la communication du nouveau programme « Erasmus+ » est un succès riche d’enseignements.

Open-data et UE : premier « Europarl Hackathon »

Le weekend des 24-26 janvier dernier, pour la première fois un Hackathon – un événement-marathon où des hackers-développeurs se réunissent pour faire de la programmation collaborative, selon Wikipedia – est organisé au niveau de l’UE. L’« Europarl Hackathon » vise à libérer les données publiques du Parlement européen et donner aux citoyens l’accès à des informations sur leurs eurodéputé(e)s dans la perspective des élections européennes…

La conviction du « Europarl Hackathon » : l’accès aux données publiques notamment des institutions européennes est une question de liberté d’information

Selon les comptes rendus des quelques journalistes présents : « Hackers hold the European parliament to account » sur The Guardian et « Europarl Hackathon : 48h pour libérer les données du Parlement européen » sur Euronews, une trentaine de personnes se sont réunies à l’invitation de Xavier Dutoit, un travailleur indépendant auprès d’ONG et Stefan un programmateur hongrois, grâce à l’aide financière et logistique de Citizens for Europe, une plateforme pour ONG et la Knight-Mozilla OpenNews.

Les réalisations du « Europarl Hackathon » : la transparence sur les déclarations d’intérêt des eurodéputé(e)s et la visualisation de données

La plus importante équipe s’est lancée dans la “libération” des déclarations d’intérêts des eurodéputé(e)s au format PDF (413 PDF ont été traités pendant les 48h) pour créer la première base de données ouvertes, indiquant notamment (voir en bas de page) qu’une infime minorité déclare des revenus complémentaires importants.

Parmi les autres projets réalisés :

  • Un classement des eurodéputé(e)s selon leur positionnement sur les questions climatiques (11 critères) ;
  • Un classement des eurodéputé(e)s en fonction de leur proximité dans leurs votes (affichage aléatoire) ;
  • Une visualisation des sujets abordés par les eurodéputé(e)s par période, partis politiques et Etats-membres.

Enfin, une lettre ouverte a été rédigée pour inviter le Parlement européen à respecter ses propres exigences réglementaires en matière d’open-data.

Au total, l’« Europarl Hackathon » vient démontrer qu’il est possible – et fort utile – de « voir » la démocratie au travail.