Coproduit par France Télévisions et diffusé sur Curiosphère.tv, « Rapporteur de crise » est l’un des tous premiers web-documentaires consacrés à l’UE.
Selon le synopsis, il s’agit d’un « huis clos au cœur du Parlement européen » auprès de la députée européenne Pervenche Berès, rapporteur de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale entre ses négociations avec les groupes politiques et les séances de vote en commission puis en plénière.
Comment cette nouvelle forme d’écriture journalistique parvient-elle à informer de manière plutôt didactique et interactive sur l’activité technique de l’eurodéputée ?
Une forme ludique au service d’un contenu éducatif : les recettes du web-documentaire pour informer, notamment un public jeune
Afin de s’adresser efficacement à un public « lecteur / acteur / spectateur / internaute », les auteurs d’un web-documentaire doivent faire évoluer leurs pratiques et créer de nouvelles relations avec leur audience :
Plaire : Une attention portée à la navigation de l’utilisateur à la manière des jeux vidéo, à l’interactivité et à l’esthétisme pour établir la connivence.
Pour Samuel Bollendorff, l’un des auteurs de « Rapporteur de crise » : « Le Web […] permet d’intéresser les jeunes générations qui lisent peu, qui considèrent que la télé n’est pas crédible et qui vont directement chercher sur Internet » . D’ailleurs, une enquête menée en 2007 par L’EIAA (European Interactive Advertising Association) confirme que les Européens de 16 à 24 ans sont 82% à consulter Internet contre 77% la télévision. « C’est auprès d’eux qu’il faut pousser de l’information de qualité », estime Samuel Bollendorff.
Instruire : La forme doit être au service du contenu de qualité en vue de délivrer une information de qualité, fouillée, documentée, propre à l’enquête journalistique voire de susciter et de nourrir la réflexion de l’internaute.
Ainsi, plaire et instruire seraient les recettes du web-documentaire pour informer de manière ludique et interactive.
Touteleurope, le portail français d’information sur l’Europe, lance aujourd’hui « Parlement en action » : europarliament.touteleurope.eu (aujourd’hui archivé) – un « nouvel espace entièrement dédié à l’activité du Parlement européen » en réponse à un appel d’offre de l’institution européenne correspondant à un budget total de 180 000 euros.
Une connaissance toujours limitée des activités du Parlement européen chez les Européens, notamment les jeunes
Selon l’enquête « Parlemètre » sur le Parlement européen réalisée pendant l’hiver 2010, le niveau d’information déclaré par les Européens est très défavorables : 28% des répondants seulement considèrent être bien informés sur les activités du Parlement européen :
les hommes se déclarent plus au courant que les femmes des sujets relatifs au Parlement européen ;
les milieux les plus aisés sont ceux qui ont une meilleure connaissance du Parlement européen et de ses activités ;
les plus jeunes restent la catégorie d’âge qui se déclare les moins informés, alors que les 40-54 ans l’est le plus.
Par ailleurs, le Parlement européen est jugé « à l’écoute des citoyens européens » par seulement 35% des répondants alors que 50% ne partagent pas cette opinion.
Ainsi, un effort pour mieux informer les Européens et plus particulièrement les jeunes tout en renforçant le sentiment que le Parlement européen est à l’écoute des citoyens apparaît comme particulièrement urgent.
« Parlement en action » : un portail d’information à la fois pédagogique, participatif et d’actualités sur les activités du Parlement européen
Disponible en 3 langues (anglais, français et allemand), le portail est organisé autour de 4 principales rubriques s’adressant directement à l’internaute :
Suivez : dimension documentaire pour « analyser les enjeux » liés au travail des parlementaires en commissions et un focus mensuel et un chat avec un eurodéputé en lien avec un rapport important ;
Vivez : dimension actualité pour « partager les moments forts de la vie parlementaire, notamment la retransmission en direct des débats et votes au sein de l’hémicycle ;
Exprimez : dimension participative pour « échanger et partager avec la communauté » avec « le mur des internautes ».
Ainsi, fort d’une animation éditoriale particulièrement riche mixant des contenus de stocks à teneur pédagogique ou d’analyse et des contenus de flux via les directs, les chats et les contributions des internautes, « Parlement en action » propose un complément d’information par rapport au site officiel du Parlement européen.
En s’inspirant de l’entretien accordé par Jean-Louis Bourlanges dans Le Monde du 2 décembre 2007 qui justifiait sa démission du Parlement européen ainsi : « l’Europe fait semblant d’être une solution aux yeux de ses promoteurs et à l’inverse, d’être une menace aux yeux de ses adversaires qui lui attribuent abusivement la responsabilité… » ; il n’est pas abusif d’affirmer qu’à l’occasion de la fête de l’Europe, la communication européenne fait également semblant…
La communication européenne à Bruxelles fait semblant d’être un événement populaire en ouvrant les portes des institutions
Comme il est devenu la tradition à Bruxelles, depuis quelques années, les institutions européennes organisent une « journée portes ouvertes » avec de nombreux stands, animations, villages enfants et autre karaoké…
Nouveauté cette année, la réalisation d’une appli iPhone/iPad « Festival of Europe » pour :
connaître le programme des festivités ;
trouver son chemin dans le quartier européen avec une Google Map ;
expérimenter même de la réalité augmentée en filmant les bâtiments pour obtenir davantage d’informations.
d’une part, les gens rejettent tout matériel d’information ou pire récupèrent des papiers qui ne seront jamais lus de toute façon ;
d’autre part, les institutions conçoivent la journée portes ouvertes comme une opération « marketing » sans chercher à vraiment plus éclairés les visiteurs sur les questions européennes.
Conclusion, l’UE fait semblant d’organiser un événement populaire, « un peu de cirque pour un jour par an », selon Kosmopolito qui conclut « après tout, il s’agit d’un événement réussi, à ce que les gens disent. Un bon exemple de l’inertie institutionnelle… »
La communication européenne en ligne fait semblant de faire du web social avec un « monologue 2 .0 » de Herman Van Rompuy
Avec seulement 38 questions (la plupart par les « usual suspects ») et 10 réponses dans l’ensemble du week end, là encore, la communication européenne en ligne fait semblant de dialoguer avec les internautes. D’ailleurs, la vidéo suivante – déjà 27 vues sur Youtube (!) – est une grande leçon (à partir de 1 min) :
La communication européenne de Laurent Wauquiez en France fait semblant en s’adressant uniquement aux pro-Européens
Dans un message publié sur Facebook, le ministre des Affaires européennes se mobilise à l’occasion de la fête de l’Europe. La preuve ?
Laurent Wauquiez « propose d’afficher collectivement notre attachement au projet européen par un signe distinctif (…) afin que tous les pro-européens puissent se mobiliser ensemble et de façon visible ».
Un logo « Fête l’Europe ! » pour :
démontrer la vivacité du sentiment d’appartenance au projet européen ;
afficher un visage de l’Europe moderne, proche des citoyens et participatif ;
montrer la force de la majorité silencieuse pro-européenne de notre pays.
Une bien curieuse façon de s’adresser à tous les Français en concentrant le message de la Fête de l’Europe aux seuls pro-Européens et de bien nombreuses missions pour un simple logo.
D’ailleurs, l’agenda du ministre, lundi 9 mai 2011, entre un colloque « Aimez-vous l’Europe ? » et un « déjeuner européen » avec des personnalités impliquées dans la construction européenne confirme cette orientation principalement « auto-centrée » sur les publics captifs de l’Europe.
Finalement la fête de l’Europe apparaît bien plus comme une autocélébration pour les milieux européens captifs que comme un rendez-vous d’information sur l’Europe. Une occasion manquée pour profiter de la relative focalisation médiatique pour communiquer davantage sur les réalisations concrètes de l’UE.
Alors que la « bulle spéculative » du web 2.0 frappe de plein fouet la communication européenne (cf. « L’UE mise sur les fans virtuels » paru dans L’Echo), faut-il davantage attendre du web social ou du « web des objets » pour combler la distance entre les citoyens européens et l’UE ?
La communication européenne en mode 2.0 : l’UE offre une expérience collaborative et déstructurée pour une minorité incluse
Avec le web 2.0, la présence de l’UE sur les différentes plateformes sociales permet aux usagers de créer et de partager entre pairs des contenus enrichis :
simplicité : le web 2.0 repose sur de simples interactions entre internautes, une occasion pour l’UE de s’engager avec les communautés d’utilisateurs des différents réseaux sociaux ;
utilisabilité : le web 2.0 en plaçant les recommandations au cœur de la dissémination permet à l’UE de bénéficier de nouvelles manières de rechercher et d’accéder aux contenus ;
instantanéité : le web 2.0 à travers le temps réel permet à l’UE de développer réactivité et pro-activité en fonction de l’actualité et des préoccupations exprimées en ligne.
Quoique le web 2.0 soit une expérience déstructurée via les différentes plateformes sociales, utilisées elles-mêmes par des communautés encore minoritaires ; il s’agit d’une forme d’engagement, dont l’absence d’investissement de la part de l’UE serait préjudiciable.
La communication européenne en mode 3.0 : l’UE offre une expérience immersive et étendue pour une plus large minorité
Avec le web 3.0, la présence d’agents intelligents de l’UE permet aux usagers de personnaliser Internet selon leurs intérêts et leurs groupes d’amis ou de relations :
universalité : le web 3 .0 est indépendant de tout système d’exploitation et de tout matériel (fabricant, marque, logiciel) ;
accessibilité : le web 3.0 doit permet de rendre d’autres logiciels accessibles et ouverts aux bases de données diverses (opendata, data-vizualisation…)
mobilité : le web 3.0 est indépendant de tout type de support (ordinateurs, smartphones, tablettes).
Quoique le web 3.0 soit encore une expérience coûteuse à déployer ; il s’agit d’une ouverture aux nouveaux usages et aux nouvelles attentes que l’UE aurait tort de mésestimer.
Ainsi, entre l’expérience utilisateur enrichie par l’intelligence collective et l’ouverture multi-support permise par l’intelligence des objets, la communication de l’UE a tout intérêt à investir autant le web 2.0 que le web 3.0.
des associations regroupant des journalistes européens, comme l’Association des journalistes européens (AJE),
des formations au journalisme européen,
et même qu’un prix du journalisme européen, le prix Louise Weiss, remis chaque année depuis 2005 par la section française de l’AJE.
Et pourtant…
Le journalisme européen existe !
La preuve : il existe des journalistes qui, de près ou de loin, suivent et traitent l’actualité européenne
Les premiers et les plus connus, sont les correspondants de médias dits de « qualité » à Bruxelles. Pour la France, on peut citer Jean Quatremer, de Libération.
Les seconds sont ceux chargés de suivre l’actualité européenne au sein des rédactions nationales et/ou qui ont des émissions ou des chroniques consacrées à l’Europe dans des médias. En France, on peut citer :
Marie-Christine Vallet, directrice déléguée à Radio France pour l’Europe, responsable de chroniques sur l’Europe sur France info ;
Véronique Auger, rédactrice en chef de l’émission Avenue de l’Europe sur France 3 ;
José Manuel Lamarque, producteur de l’émission Transeuropéenne sur France Inter.
Les troisièmes sont les journalistes des organes de la presse spécialisée sur l’actualité européenne.
Le journalisme européen n’existe pas !
La preuve : il n’existe ni média paneuropéen de masse, ni européanisation des pratiques journalistiques
Certes, il existe quelques médias transeuropéens, mais qui ne sont pas grand public :
des médias à vocation européenne, dont le cœur de métier n’est pas nécessairement de couvrir l’actualité européenne existent comme les chaînes de télévision Euronews, Arte ou Eurosport.
des médias européens officiels, comme, le service d’informations télévisées de l’UE, Europa by Satellite (EbS), ou la chaîne de télévision du Parlement européen, Europarl TV.
des médias qui ont pour particularité de traiter principalement de l’actualité européenne, comme des agences de presse spécialisée.
Mais, en dépit de plusieurs tentatives, il n’existe pas à ce jour de média paneuropéen grand public. Pourquoi ?
difficultés du côté de la demande (l’hypothétique « public européen » et « point de vue européen ») : absence de langue et de références culturelles communes au sein de l’UE alors que le traitement de l’information se réalise en fonction des préoccupations et des sujets d’intérêt du public.
conséquences du côté de la demande : financement exsangue notamment via des ressources publicitaires, parce qu’il n’existe pas véritablement de marché publicitaire paneuropéen et parce qu’il est très difficile de mesurer les audiences européennes.
difficultés du côté de l’offre médiatique (l’hypothétique « culture journalistique européenne ») : faible européanisation des pratiques journalistiques, en raison de la pression du système journalistique national, y compris chez les correspondants de presse à Bruxelles.
conséquence du côté de l’offre : complexité de faire travailler au sein d’une même rédaction des journalistes en provenance de différents pays européens pour des raisons interculturelles, mais aussi tout simplement compte tenu de l’absence d’un statut de journaliste européen.
Le journalisme européen existe (en partie) !
La preuve avec les titres de presse européens spécialisés
La presse écrite spécialisée sur les questions européennes est loin d’être connue du grand public.
Panorama des agences de presse européennes et de la presse écrite européenne spécialisée :
Panorama des sites internet d’informations spécialisées sur l’UE :
Panorama des sites d’information sur l’Europe « participatifs » : Café Babel, Euros du village ou Le Taurillon.
Le journalisme européen n’existe pas vraiment !
La preuve avec la presse anglo-américaine ayant une influence sur les « décideurs européens »
Fondamentalement, la presse ayant une influence sur les « leaders européens » correspond à la presse internationale et économique anglo-américaine avec l’International Herald Tribune, The Economist, The Financial Times Europe et The Wall Street Journal Europe.
Caractéristiques de cette presse élitiste dominée par la presse anglophone :
priorité à la couverture de l’actualité institutionnelle de l’Union européenne (UE) ;
basée à Bruxelles et concentre son attention sur le quartier européen de Bruxelles ;
publiée avant tout en langue anglaise ;
cible en priorité les « décideurs européens ».
Au bout du compte, on aboutit ainsi à une dichotomie de plus en plus flagrante entre :
d’un côté, une presse ultra-spécialisée sur l’Europe, très difficile d’accès, au sens strict, par son coût et la difficulté que représente sa lecture pour le non-spécialiste, donc lue principalement par des « eurocrates »,
de l’autre, une presse populaire nationalo-centrée, qui se désintéresse de plus en plus de ces questions et laisse le grand public largement dans l’« ignorance » de la chose européenne.
Ainsi, selon Olivier Baisnée « l’UE a un public et même une “opinion publique” (…) caractéristique du XVIIIe siècle, celle d’un cercle d’auteurs “éclairés” ».