Archives mensuelles : septembre 2010

Quelles sont les raisons du succès de la déclaration de Viviane Reding sur la situation des Roms en France ?

Aujourd’hui, Viviane Reding, Vice-Présidente de la Commission européenne responsable de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, a très vivement critiqué le gouvernement français qui ne respecte pas ses engagements européens en expulsant – sur la base d’une circulaire du ministère de l’Intérieur – des centaines de Roms en raison de leur seule origine ethnique. La Commission devrait ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France.

Une déclaration réussie en raison de la convergence entre lisibilité politique et visibilité médiatique

Trop souvent, les déclarations du Président de la Commission européenne ou des Commissaires souffrent d’un déficit de lisibilité (le jargon bruxellois reste incompréhensible) et/ou d’un défaut de visibilité (l’agenda médiatique demeure national).

Assez rarement – et c’est le cas de cette déclaration – il arrive que la voix portée par l’UE franchisse ces barrières :

  • un message lisible, exprimant une conviction profondes de la construction européenne – « la discrimination basée sur l’origine ethnique ou la race, n’a pas de place en Europe. » – très largement partagée par les citoyens ;
  • un message visible, s’inscrivant en plein dans la controverse sur les expulsions de Roms en France et suscitant l’intérêt des journalistes.

Une déclaration réussie en raison de la légitimité du positionnement

Au-delà de ces deux qualités – lisibilité et visibilité – qui aurait pu limiter la déclaration de Viviane Reding à un « coup politique et médiatique », le positionnement renforce la légitimité du message :

  • un message crédible, conforme à la mission de gardienne des Traités confiée à la Commission européenne ;
  • un message adéquat qui s’éloigne de tout parti pris partisan pour ne se concentrer que sur le respect des règles de droit adoptées par tous les États membres.

Au total, Viviane Reding réussit à porter – pour l’une des premières fois – une parole fondatrice sur le socle des valeurs de l’UE.

Comment mieux communiquer sur la politique régionale européenne ?

C’est à cette délicate question que se propose de répondre le mémoire de Marion Fadili, étudiante dans le Master professionnel « Communication Publique » de l’IEP de Lille, ainsi résumé :

Quelle problématique ?

La méconnaissance des réalisations de la politique régionale européenne risque à terme d’entamer la légitimité de cette politique.

Quels constats ?

La politique régionale européenne, des actions couronnées de succès mais occultées par de multiples facteurs :

  • Une politique en manque de reconnaissance (peu connue du grand public et difficilement identifiable) et de visibilité (peu attractive pour les médias) ;
  • Une communication insuffisante vers les bénéficiaires potentiels : une sous utilisation des fonds qui risque de mettre en péril les programmes ;
  • Les autorités de gestion des programmes, des relais d’information contestés : le personnel des collectivités est peu formé à la communication et la contribution de l’UE souvent minimisée par les filtres nationaux.

Quelles pratiques ?

La stratégie de communication actuelle autour de la politique régionale européenne :

  • Informer les citoyens : diffuser l’information aux niveaux national, régional et local, dans le respect du principe de subsidiarité pour assurer la transparence, avec des obligations en matière d’information et de publicité pour les autorités de gestion des projets ;
  • Mettre l’accent sur les résultats et développer une communication à visage humain : raconter l’Europe, mettre des histoires humaines au centre de la communication ;
  • Établir un véritable lien avec les acteurs de la politique régionale pour mieux informer, grâce aux outils de communication de la DG REGIO (Lettre InfoRegio, Magazine InfoRegioPanorama, site Internet…), au rendez-vous annuel des Regio Stars, et aux Open Days, fruit d’une collaboration réussie entre la DG REGIO et le Comité des Régions ;
  • Utiliser efficacement les relais d’information : collaborer avec les médias et activer la centrale d’information Europe Direct.

Quelles préconisations ?

Perspectives d’amélioration pour assurer la pérennité de la politique régionale européenne :

1. Informer le grand public : rapprocher davantage l’Europe des citoyens :

  • renforcer les obligations en matière d’information et de publicité pour les gestionnaires de projets : non seulement une campagne d’information en début mais également en fin de programmation budgétaire ;
  • promouvoir la participation des citoyens : organisation de consultations publiques ou de votes par Internet concernant les grandes initiatives pour la politique régionale européenne ;
  • miser sur des actions de proximité : ajouter aux obligations des autorités de gestion en matière d’information et de publicité l’organisation d’opérations « portes ouvertes » avec des sessions d’information pour les bénéficiaires potentiels ou d’« expo itinérantes ».

2. Donner de nouvelles bases à la communication médiatique :

  • décentraliser les formations aux journalistes organisés à Bruxelles et monter un partenariat avec l’UCPF, la Fédération des Clubs de la Presse de France, fédérant une trentaine de clubs régionaux de la presse ;
  • favoriser les relations presse auprès de médias hyper-locaux en ligne.

3. Développer la communication numérique pour s’adapter aux médias modernes :

  • réorganiser les contenus du site Internet Inforegio afin de scinder les parcours proposés au grand public (accent sur le rich media et les success stories), aux gestionnaires de projets (forum de discussion, fiches-action sur la législation, les programmes…) et aux bénéficiaires potentiels (informations sur les autorités de gestion, sur les financements, le contrôle financier ou l’évaluation des projets) ;
  • passer au web 2.0 : assurer une présence continue, avec un investissement fort en ressources humaines dans les réseaux sociaux, notamment professionnels tels que LinkedIn ou sur Wikipedia pour faire connaître factuellement les projets.

4. Renforcer la communication auprès des bénéficiaires potentiels des fonds structurels pour assurer la pleine consommation des budgets :

  • concevoir des organes de pilotage de la communication sur la politique régionale à l’échelle européenne, nationale, régionale et locale afin de renforcer la cohérence et les synergies entre les activités menées ;
  • mutualiser les nombreux guides et documents d’information produits au niveau national (ou entre des régions de différents pays qui partagent la même langue) ;
  • sensibiliser davantage les démultiplicateurs que sont les élus locaux, en valorisant leur fonction de porte-parole des réalisations ;
  • mieux former les gestionnaires de projets dans leur posture de communicant et mieux accompagner les professionnels de la communication dans leur mission en transformant le réseau Inform en véritable réseau social dédié.
  • développer de nouveaux relais d’information tels que les sous-préfets, les associations sectorielles et professionnelles, les fédérations d’entrepreneurs, les organisations non gouvernementales ou encore les bureaux des régions à Bruxelles.

Quelle conclusion ?

« Si la politique régionale veut continuer à bénéficier d’une enveloppe financière de premier ordre – et devenir en 2013, le premier budget européen devant la Politique Agricole Commune – il faut établir clairement sa valeur ajoutée et montrer que l’intégralité des fonds est dépensée, à bon escient. Le maintien de nombreux programmes qui facilitent la vie de millions de citoyens en dépend. »

Lire l’intégralité du mémoire

La communication européenne n’est-elle pas surtout un enjeu de formation ?

La lecture de la résolution « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » adoptée hier en séance plénière par le Parlement européen révèle que pour les euro-députés, la communication européenne est aussi une enjeu de pédagogie après des publics clés de l’UE…

D’abord, la formation de tous les agents de l’UE, éventuels ambassadeurs de l’UE

Il s’agit d’une évidence, qui n’est pas inutile de rappeler : la communication de l’UE ne peut vraiment être efficace que si ses principaux agents sont correctement formés.

Aussi, la résolution « encourage la Commission et le Parlement à aller plus loin en matière de formation pour développer les compétences de communication de leurs agents, de manière à ce que ceux-ci soient en mesure de communiquer avec les médias et les citoyens ».

Cette préconisation – fort justement – ne se limite pas à la formation des professionnels de la communication de l’UE mais vise chaque fonctionnaire européen, éventuellement « ambassadeur de l’UE », comme le laissait entendre Viviane Reding – la Commissaire titulaire du portefeuille de la communication – dans son courrier en réponse à la lettre ouverte de la communauté des éditeurs et webmasters des sites de la Commission européenne.

Ensuite, la formation des journalistes traitant des affaires européennes, réels relais de l’information sur l’UE

Autre évidence qu’il convient de défendre : l’information sur l’UE ne peut vraiment être pertinente que si les journalistes sont préalablement formés afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions européennes.

Aussi, la résolution « encourage toute initiative de l’UE visant à mettre en place des programmes de formation sur les affaires européennes, spécialement destinées aux jeunes journalistes ».

Enfin, la formation des jeunes à l’originalité de la construction européenne, potentiels soutiens de l’avenir de l’UE

Dernière évidence, véritable serpent de mer de la communication sur l’Europe : l’éducation civique européenne (cf. le billet « Vers la création de cours d’éducation civique européenne dans toutes les écoles de l’UE ? »).

Déjà inscrite dans la résolution « Dialogue actif avec les citoyens sur l’Europe » adoptée le 24 mars 2009, le Parlement européen : « il est nécessaire de défendre un modèle actif d’éducation civique européenne qui donne aux jeunes la possibilité de s’investir directement dans la vie publique et de s’engager », la résolution « estime que l’implication entière de l’école est un élément essentiel de la communication de l’UE pour captiver et impliquer les jeunes ».

Ainsi, la leçon de la résolution du Parlement européen est salutaire : la communication européenne est une mission pédagogique qui doit s’inscrire dans la longue durée.

Adoption de la résolution du Parlement européen « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe »

Aujourd’hui, la résolution de Morten Løkkegaard « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » a été adoptée par le Parlement européen en séance plénière…

Une résolution timide quant à l’hybridation information-communication et décevante quant à l’usage des médias sociaux

Beaucoup plus timide que le texte initial (cf. page 6), puisque la suggestion de créer « une task-force basée à Bruxelles et composée de journalistes indépendants dépourvus de tout contrôle éditorial et recrutés en dehors des institutions européennes qui aurait pour tâche de couvrir quotidiennement les actualités ayant trait à l’Union et qui seraient publiées sur différentes plateformes et différents canaux en respectant les critères journalistiques » n’est pas retenue.

Assez décevante puisque le texte final estime que « si les réseaux sociaux se montrent relativement efficaces pour une diffusion rapide des informations, ils n’offrent pas toujours les garanties de sérieux que l’on peut en attendre et ne peuvent pas être considérés comme des médias professionnels ». Les euro-députés recommandent cependant « l’importance de l’élaboration d’un code de conduite pour les nouveaux médias », comme nous le suggérions en mai dernier : « Pour la rédaction d’une charte d’utilisation des réseaux sociaux à destination des communicants de l’UE ».

Au final, le communiqué égrène des propositions utiles pour que « les gouvernements, les partis, les écoles et les diffuseurs de radio et de télévision du service public contribuent davantage à mieux expliquer les affaires européennes aux citoyens ».

« Ce n’est pas le manque d’information qui constitue le problème mais la multitude d’informations sans véritable échelle de priorité »

Exercice d’autocritique remarquable, les euro-députés « constate(nt) que toutes les institutions ont lancé leurs propres plates-formes d’information, et que celles–ci ne parviennent cependant pas à intéresser un large public dans la mesure où elles manquent souvent de clarté, ne sont pas assez attrayantes ou compréhensibles, fréquemment en raison de l’emploi trop technique d’une langue que les personnes non familiarisées avec les questions européennes ne peuvent pas appréhender ».

Fort de ce constat et de la conviction que « trop d’information tue l’information » – quoique les euro-députés considèrent par ailleurs « que les citoyens sont clairement sous-informés sur les politiques et les questions relatives à l’UE, alors même qu’ils expriment leur volonté d’être davantage informés, comme l’ont démontré les résultats de nombreux sondages Eurobaromètre » – une proposition est lancée afin que « ces plates-formes devraient être coiffées par un portail pédagogique rendant plus lisible le fonctionnement de l’ensemble des institutions européennes ».

Ainsi, on ne peut que partager la volonté « qu’une communication efficace doit mettre en évidence l’incidence directe des décisions politiques prises au niveau européen sur la vie quotidienne des citoyens ». Et l’on ne peut que regretter le manque d’audace quant à l’engagement de l’UE dans les médias sociaux d’autant que les considérants introductifs constatent que « les citoyens ont le droit (…) d’exprimer leurs propres idées sur l’UE et d’être écoutés (…) ».

Comment la communication de l’UE peut-elle relever le défi de faciliter le dialogue avec les citoyens sans s’engager dans les médias sociaux ?

Et on faisait vraiment la révolution de la communication de l’UE ?

Afin de prendre au mot Viviane Reding – la Commissaire en charge de la communication – qui, selon Euractiv, prévoit une “révolution” de la communication de l’UE, que faudrait-il pour vraiment faire cette révolution ?

Donner une base légale à la stratégie de communication de l’UE

Actuellement, toute la politique de communication de l’UE repose sur un acte non normatif, puisqu’une simple déclaration politique selle l’accord stratégique entre les institutions de l’UE (signée le 22 octobre 2008 par Alejo Vidal-Quadras, vice-président du Parlement européen, Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État français, au nom du Conseil de l’Union européenne, et Margot Wallström, vice-présidente de la Commission européenne).

Dans le prolongement de cette démarche pragmatique de partenariat entre les institutions communautaires et avec les États membres, la Commission européenne devrait impulser la procédure d’adoption d’un acte normatif sur la communication de l’UE afin de pleinement fonder la légitimité de la stratégie de communication de l’UE.

Au-delà d’un choix annuel de priorités conjointes de communication et d’une coopération concrète entre les services de communication des institutions de l’UE et avec les États membres, les partenariats de communication pourraient être véritablement dotés de plans de communication avec des budgets propres.

Créer une agence européenne de la communication de l’UE

Actuellement, la politique de communication de l’UE repose quasi uniquement entre les mains de la DG COMM de la Commission européenne, au point de brouiller les limites entre la communication politique du Président de la Commission et de ses Commissaires et la communication publique de l’UE. Aussi, il conviendrait de créer une agence européenne de la communication de l’UE qui aurait la mission de piloter la communication de l’UE. Pour en savoir plus sur cette agence, lire : « Et si la révolution dans le discours sur l’Etat de l’Union de Barroso était l’annonce de la création d’une agence européenne de la communication de l’UE ? ».

Adopter un mix média adapté au web

Actuellement, la politique de communication de l’UE repose sur des stratégies média successives :

En s’inspirant d’un billet de Nicolas Bordas, président de l’agence TBWA Paris, qui prend acte de la fin d’une vision binaire des médias puisque les marques sont devenues elles-mêmes média, le nouveau média-mix de l’UE serait :

  • les médias que l’UE possède («owned media ») : les médias que l’UE possède, de loin les plus importants (site Internet, porte-parole, produits d’édition, réseaux…) car ils ne se contentent pas de communiquer un message, mais une expérience de marque.
  • les médias que l’UE achète (« bought media ») : les médias que l’UE achète (TV, Radio, Cinéma, Presse, Affichage, Internet lorsqu’il y a achat d’espace), indispensables mais coûteux et trop rarement utilisés.
  • les médias que l’UE se créée (« created media ») : les médias que l’UE se crée elle-même, de manière unique et spécifique (événementiel), peuvent d’ailleurs devenir ultérieurement des médias que l’on possède.
  • les médias que l’UE « gagne » (« earned media ») : les médias qui « passent par l’humain », qu’il s’agisse de journalistes, de leaders d’opinion, de prescripteurs ou de citoyens-ambassadeurs. Pour une marque, investir ce relais, c’est d’abord s’occuper de ses clients !

La véritable révolution aujourd’hui serait que le système de communication de l’UE ne craigne pas d’inclure son audience – les citoyens – comme partie centrale, non plus à l’extérieur de sa sphère mais à l’intérieur, à la place que chaque citoyen veut bien donner à l’UE, si elle se montre capable de dialoguer, de répondre aux critiques, d’informer, de répondre aux attentes/besoins…