Archives mensuelles : avril 2010

Que peut la communication européenne pour que les citoyens se sentent plus européens ?

Il ne faut pas perdre de vue que la construction européenne est récente, puisqu’elle se mesure à l’aune d’une vie humaine : 60 ans, si l’on prend la déclaration Schuman comme point de départ…

Résister à la rhétorique politicienne du consensus et de l’inéluctable des États

La construction européenne est d’abord et avant tout une volonté des États et non des citoyens. Pour que les citoyens se sentent davantage européens, il faut que la présentation de la construction européenne ne soit plus dominée par le discours des États.

Selon Éric Dacheux « L’impossible défi. La politique de communication de l’Union européenne », la construction européenne est souvent présentée comme « inéluctable » par les États. La tactique de l’inéluctable consistant à présenter la construction européenne comme la seule possibilité des peuples de l’Europe, l’aboutissement inévitable d’un cheminement continu vers une Europe unie et indivisible doit donc être combattue.

Pourquoi les citoyens s’intéresseraient-ils à l’UE si elle est inéluctable, policée et consensuelle ?

Résister à l’absence d’Europe dans les médias à l’ère du fast news et de l’infotainement

Face au danger du discours politique, on pourrait se dire que l’information, le travail des médias sur l’Europe pourrait compenser. Mais, non seulement les médias ne peuvent pas précéder les politiques – ils ne sont que l’expression d’une réalité – mais l’information européenne est également dans l’impasse.

Depuis les années 70, le développement des faits divers, des « fast news » fait que l’information sur l’UE est une victime collatérale d’une telle transformation de l’information puisqu’il n’y a pas de faits divers dans l’information européenne.

Par ailleurs, les citoyens se disent mal informés mais ils ne lisent quasiment plus. Il y a un problème de formation des citoyens. Ils ne cherchent plus de l’info mais de l’infotainment. Et finalement, l’information européenne – complexe et lointaine – se retrouve de nouveau bloquée.

Résister au confort de l’entre-soi et au doux rêve de grand soir démocratique

En résumé, cela fait 60 ans que les États font l’Europe et que les médias n’en parlent pas mais ce n’est une réalité pour les citoyens que depuis peu avec l’arrivée de l’euro dans leurs mains.

Le mouvement que les États estiment être dans leur intérêt à long terme de poursuivre doit tenter de donner une place de premier ordre aux citoyens avec l’introduction à terme – peut être très long terme – d’une démocratie de premier degré. Cette grande démocratie européenne n’est pas pour demain puisque l’espace public européen n’existe pas et ne se force pas.

L’Europe est élitiste et sans rester dans le chaud confort de l’entre-soi, c’est à partir de ce socle restreint que doit s’élargir la base des citoyens se sentant européens, sans attendre un quelconque grand soir démocratique.

Ainsi, c’est par ces actes de résistance que la communication européenne pourra essayer que les citoyens se sentent plus européens.

« Waltzing Matilda », le blog des communicants web de la Commission européenne

Accompagné de la traditionnelle mention « les points de vue et idées sont celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle de la Commission européenne » tout en disposant de la charte des blogs de la Commission européenne, ce blog

Inspiré du blog collectif « Writing for (y)EU » de l’équipe web du Parlement européen

Sans doute inspiré du blog collectif « Writing for (y)EU » de l’équipe web chargée de l’administration du site officiel du Parlement européen, dont les objectifs sont de :

  • parler de la réalité du travail des communicants du Parlement européen : leurs plans et projets, leurs difficultés et défis ;
  • raconter la vie dans le Parlement européen passée sous silence sur le site officiel ;
  • examiner les campagnes de communication web à l’échelle mondiale : les leçons et les possibilités ;

Positionné comme le blog de l’équipe web spécialisée dans les médias sociaux de la Commission européenne

« Waltzing Matilda » sera principalement rédigé par la section « médias sociaux » de l’équipe web de la DG COMM de la Commission européenne, avec comme objectifs de :

  • examiner avec « étonnement, surprise et un œil critique les évolutions et les révolutions dans le monde des médias sociaux » ;
  • « explorer des idées, partager des doutes, chercher des conseils » sur la façon dont les administrations européennes devront communiquer sur les médias sociaux ;
  • « apprendre comment la Commission peut utiliser les médias sociaux pour communiquer avec les citoyens ».

Le principal responsable du blog sera Bert Van Maele, chef de la section « médias sociaux et promotion » au sein du département web de la DG COMM de la Commission européenne, depuis juin 2007 sur des problématiques web au sein de la DG Communication.

Ainsi, après les blogs personnels de Dick Nieuwenhuis, fonctionnaire européen travaillant sur la communication des politiques extérieures de l’UE ou Martin Westlake : martinwestlake.eu, ancien dircom et actuel secrétaire général du Comité économique et social européen, souhaitons la bienvenue au premier blog de communicants de la Commission européenne !

Coulisses de Bruxelles et Euractiv.fr : quelles sont les recettes du succès en matière d’information sur l’Europe ?

Avec 1 529 articles publiés, qui ont suscité 108 491 commentaires et 11,5 millions de pages « vues », le blog « Coulisses de Bruxelles » tenu par le journaliste Jean Quatremer vient d’être couronné à la première place au Top des Blogs, catégorie « Politique et Société » au mois d’avril.

Avec 40 000 visiteurs uniques par mois, 14 000 abonnés aux newsletters, et 2 500 abonnés à Twitter, Euractiv.fr, le portail français spécialisée sur l’actualité législative et politique européenne vient de réaliser une importante refonte graphique au mois d’avril.

Deux interviews récentes de Jean Quatremer sur Le Post et de Jean-Christophe Boulanger, directeur d’Euractiv.fr à Touteleurope permettent de décrypter les recettes du succès en matière d’information sur l’Europe…

D’abord, il faut publier gratuitement des news de qualité sur les affaires européennes

Afin de toucher un large lectorat, la 1e condition du journalisme européen consiste à « occuper un espace que les médias traditionnels ont plus ou moins déserté » : offrir une information spécialisée sur l’actualité législative et politique européenne.

Pour Jean Quatremer, le correspondant à Bruxelles du journal Libération, l’objectif est d’« apporter des news, car je suis sur place. C’est un journal que je fais. (…) Que ce soit gros ou petit, tout vaut au minimum un post. Tout est un sujet d’écriture. Ça m’oblige presque à être un agencier plus qu’un journaliste de presse écrite ».

Pour Euractiv.fr, le portail français d’une réseau aujourd’hui présent dans 11 pays, l’objectif est d’« offrir un point de vue français sur les questions européennes : parler avec des références françaises, expliquer les positions des acteurs français : entreprises, politiques, associations… (…) et suivre plus spécifiquement la mise en œuvre des textes européens dans le droit français ».

Ensuite, il faut proposer un positionnement cohérent sur le traitement des enjeux européens

Afin de fidéliser un public intéressé, la 2e condition du journalisme européen repose sur un contrat de lecture clair, correspondant à des attentes précisément identifiées.

Pour Jean Quatremer, le positionnement du blog d’un ton résolument indépendant est éminemment politique puisque sa création répond à l’échec du référendum sur la constitution européenne en 2005 : « les pro-européens n’avaient pas compris encore que tout ça se jouait aussi sur le Net. (…) Il y avait alors une désertion des journalistes professionnels ».

Pour Euractiv.fr, le positionnement du portail d’un ton indifféremment neutre est a-politique afin de répondre aux attentes des acteurs économiques qui, « dans le cadre de leur travail, ont besoin de s’informer sur les textes législatifs européens en préparation, les positions des acteurs sur ces textes ».

Enfin, il faut animer professionnellement dans la durée le site autour de l’actualité européenne

Afin d’impliquer une audience captive, la 3e condition du journalisme européen vise à nourrir et entretenir une relation de confiance reposant sur la satisfaction avec professionnalisme des attentes préalablement identifiées.

Pour Jean Quatremer, cela repose sur son implication pour entrer et animer la conversation, ce « que veulent les gens : la discussion avec le journaliste » : « c’est ça le 2.0. Il faut expliquer, se justifier. Quand la discussion est intéressante, je réponds, et il y a débat. Il faut être là pour réagir, pas que pour balancer un papier. Parfois c’est assez violent. Mais les lecteurs fidèles aiment ça ».

Pour Euractiv.fr, cela s’appuie sur la diffusion dorénavant quotidienne d’une newsletter d’information ainsi qu’un fil Twitter continu afin de s’inscrire dans une logique de breaking news fournissant en quasi temps réel une information vérifiée et contrôlée prêt à l’emploi pour les professionnels.

Ainsi, qu’il s’agisse d’un blog d’opinion tenu par un journaliste chevronné ou d’un portail de presse professionnelle a-politique, la clé consiste à produire une information en propre afin d’être une « source » légitime sur les affaires européennes.

Comment valoriser les « Matinées de l’Europe » ?

Initiative lancée par le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, les « Matinées de l’Europe » pourraient être davantage valorisées…

Organiser régulièrement des petits-déjeuners « brainstorming » au quai d’Orsay

Souhaitées par Pierre Lellouche, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, les « Matinées de l’Europe » sont des événements qui réunissent au Quai d’Orsay des personnalités telles que parlementaires nationaux ou européens, diplomates ou ambassadeurs européens, universitaires et journalistes.

Depuis juin 2009, entrée en fonction de l’actuel titulaire, 3 « Matinées de l’Europe » ont été montées en 10 mois, selon l’agenda du ministre :

  • Lundi 5 octobre 2009 : Matinée de l’Europe sur le thème « Perspectives de l’Europe après le référendum irlandais »
  • Mardi 10 novembre 2009 : « Matinée de l’Europe » sur le thème « De la réunification à l’unité franco-allemande »
  • Vendredi 16 avril 2010 : « Matinée de l’Europe » en présence de Édouard Balladur sur le thème « Quelle gouvernance pour la zone Euro ? »

Afin de communiquer sur ces « Matinées de l’Europe », il conviendrait dans un premier temps d’institutionnaliser ces événements afin de les organiser régulièrement, sur une base mensuelle par exemple.

Assurer une présence sur le web et par la vidéo via Touteleurope

Afin de toucher un public plus large que les seuls participants à ces petits-déjeuners débats, une présence dédiée sur Internet permettrait de rendre plus visible ces événements aujourd’hui limités à une présence dans l’agenda officiel et à des éventuelles retombées presse.

Une captation vidéo aisément réalisable avec les moyens dont doit disposer les services du Ministère des affaires étrangères, rendrait également plus attractifs les comptes-rendus accessibles pour ce plus large public.

De manière assez logique, cette présence dédiée sur le web par la vidéo serait hébergée sur le portail touteleurope.fr et en particulier sur sa chaîne vidéo sur dailymotion. Une promotion des « Matinées de l’Europe » dans le cadre de la newsletter et des présences sur les réseaux sociaux de touteleurope.fr pourraient également être assurées.

Ainsi, l’initiative des « Matinées de l’Europe » pourrait faire l’objet d’une valorisation raisonnable au bénéfice des citoyens de l’Union.

Quelles sont les solutions de l’UE pour améliorer l’information et la communication sur l’Europe ?

Alors que les services de communication des institutions européennes ne parviennent pas – seuls – à « impliquer les citoyens dans les questions relatives à l’UE », l’euro-député danois Morten Løkkegaard présente une proposition de résolution « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » examinant « comment, en communiquant, on peut lancer, encourager et maintenir des débats européens et la circulation de l’information ».

Quelles sont les solutions du rapporteur Morten Løkkegaard pour améliorer la place qu’obtiennent les questions européennes dans l’agenda des États membres, dans les médias et sur Internet ?

Solution logique : utiliser des prestataires de communication pour former le personnel de l’UE à communiquer sur Internet et notamment dans les médias sociaux

Préalable à cette démarche, le rapport soutient qu’« il faut modifier les politiques de communication des institutions européennes. Les instructions pour le personnel de l’Union devraient être qu’il est plus facile de se faire pardonner d’avoir fait quelque chose, que d’obtenir une autorisation. Ce qui signifie dans un système hiérarchique qu’en cas de nécessité, les fonctionnaires de tous niveaux devraient être autorisés à répondre rapidement aux citoyens comme à la presse ».

Habiliter à communiquer, en particulier sur Internet, l’UE doit ensuite « former son personnel à communiquer » et ne doit pas hésiter à « faire appel à des sociétés spécialisées dans la communication qui s’appuie sur les nouveaux médias » afin de permettre aux équipes communication de mener une véritable démarche de community management dans les médias sociaux.

Quoique le rapporteur ne semble pas formellement trancher pour une internalisation des compétences de community management, comme le préconise Cédric Deniaud : « Réflexions autour du community management et du rôle des agences : pourquoi le community manager doit faire partie de l’entreprise », la démarche logique de recourir à des prestataires spécialisés, notamment des agences, est fermement souhaitée afin de renforcer la communication de l’UE sur Internet et notamment dans les médias sociaux.

Solution légitime : animer des partenariats avec les États membres pour assurer le traitement de l’information européenne dans les médias de service public

Préalable à cette démarche, le rapporteur « invite les États membres à réfléchir à inscrire l’Union au programme de l’enseignement secondaire et les encourage à échanger des exemples de bonnes pratiques à ce sujet au niveau de l’Union ».

Éduquer à la chose européenne, les citoyens de l’Union seraient davantage soucieux de leur droit à être informé sur les politiques et les processus décisionnels de l’Union. Les Etats membres seraient ainsi encouragés « à émettre pour les diffuseurs de services publics régionaux et nationaux des lignes de conduites claires sur la façon de couvrir les affaires européennes, de s’assurer que celles-ci sont respectées et que l’actualité européenne est traitée en priorité ».

Légitimement, le rapporteur précise que « les États membres devraient s’assurer de l’indépendance des diffuseurs du service public » et que ces derniers « doivent avoir une approche critique ainsi qu’une totale indépendance éditoriale par rapport à leur propre couverture des thèmes européens ».

Solution limite : créer une hybridation entre information et communication avec des professionnels de l’information prenant en charge la communication de l’UE

Suivant une démarche, qui ne sera pas sans susciter des critiques auprès de journalistes, le rapporteur « se réjouit de l’initiative de la Commission relative à la diffusion paneuropéenne sur les réseaux radios et télévisions régionaux » et estime que « des investissements européens peuvent inviter les diffuseurs à écrire des articles indépendants et critiques sur l’Union européenne ».

Ainsi, « le rapporteur indique que les partenariats entre les secteurs privés et publics (financement européen des médias contre traitement journalistique de l’Europe) pourraient être la solution pour communiquer sur les questions européennes ».

Illustrant cette solution que l’on peut qualifier de « limite », le rapporteur estime que « cela impliquerait d’inviter des professionnels de l’information à prendre en charge les tâches communicatives de l’Union, comme cela était le cas auparavant » :

  • engager dans les bureaux de représentation de la Commission et d’information parlementaire établis dans les États membres, des attachés de presse des médias professionnels extérieurs aux institutions européennes ;
  • mettre sur pied une task-force basée à Bruxelles et composée de journalistes indépendants dépourvus de tout contrôle éditorial et recrutés en dehors des institutions européennes. Elle aurait pour tâche de couvrir quotidiennement les actualités ayant trait à l’Union et qui seraient publiées sur différentes plateformes et différents canaux en respectant les critères journalistiques;
  • engager un éditeur en chef indépendant pour coiffer cette Task-Force.

Quoique le rapporteur de ce texte soit lui-même un ancien journaliste, la proposition que des professionnels de l’information prennent en charge la communication de l’UE ne sera pas sans soulever – à n’en pas douter – de vives réactions au sein de la profession…