Archives annuelles : 2009

Les jugements sur la communication européenne : reflet des conceptions de la construction européenne ?

Le moindre débat méthodologique ou technique sur des actions de communication européenne dévie souvent vers une polarisation partisane des propos, selon que l’on est pro- ou anti- UE. Démonstration :

Communication européenne assimilée à une propagande intégrationniste pour les tenants d’une conception « euro-sceptique » de la construction européenne

Au cours des 6 derniers mois, deux réquisitoires implacables de la stratégie de communication de la Commission européenne considérée comme une stratégie d’auto-légitimation partiale ont été rédigés :

Ainsi, pour les euro-sceptiques, les institutions européennes sont trop engagées dans une « propagande » pour davantage d’intégration communautaire creusant le fossé avec les citoyens européens.

Communication européenne considérée comme une mission d’information auprès des citoyens pour les tenants d’une conception « euro-enthousiaste » de la construction européenne

En vue de préciser les « orientations politiques pour la prochaine Commission », le candidat à sa propre succession José Manuel Barroso formule ses propositions en matière de communication européenne :

Le dialogue avec les citoyens et les différents acteurs de la société civile, qui est caractéristique de la Commission actuelle, continuera de revêtir la plus haute importance. Les citoyens européens ont le droit d’avoir accès aux informations. La Commission redoublera d’efforts pour être réellement présente et communiquer sur le terrain dans les États membres et les régions, en partenariat avec le Parlement européen, pour être à l’écoute des citoyens et en prise directe avec leurs questions et leurs préoccupations. J’étudierai également les moyens de renforcer le dialogue entre la Commission et les médias.

Ainsi, pour les euro-enthousiastes, les institutions européennes doivent s’engager à combler le fossé avec les citoyens européens par un renforcement du dialogue et de l’information.

En conclusion, l’absence de position mesurée ou de véritable dialogue confirme qu’une approche idéologique domine largement une approche professionnelle de la communication européenne.

La radio-télévision turque : nouvel actionnaire d’Euronews et futur distributeur de la version turcophone

Selon la lettre CB News d’aujourd’hui, « la radio-télévision turque (TRT) est entrée dans l’actionnariat de la chaîne d’information internationale Euronews, à hauteur de 15,70%, ont annoncé hier les deux parties. »

Le nouvel actionnaire rejoint ainsi France Télévisions (25,37%), RAI (22,84%), et RTR (16,94%) dans le capital de la chaîne et devient membre du conseil de surveillance.

En compte partie, une version turque d’Euronews est prévue à partir de janvier 2010, la TRT distribuera ainsi Euronews en Turquie et dans les pays voisins turcophones, dans plus de 17 millions de foyers.

Communiquer sur les produits laitiers : « J’aime le lait d’ici », nouvelle campagne de défense du lait français

Comme nous l’annoncions ici et : à la suite de l’engagement de la Commission européenne le 28 juillet dernier « à hauteur de 1 million d’euros par an sur 3 ans pour le programme de communication sur les produits laitiers en France », le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) préparait une nouvelle campagne, qui sera officiellement lancée le 21 septembre prochain…

D’une communication publicitaire hyper créative sur les produits laitiers à la promotion commerciale du lait embouteillé

La campagne précédente portait sur la promotion des « produits laitiers : nos amis pour la vie » à travers des mises en scène à la TV de petits squelettes, les « bony boys », prosternés devant une énorme « Bouddha-vache nourricière » les abreuvant de lait.

Crise du lait oblige : en 2009, les prix ayant atteints des records historiquement bas, la nouvelle prise de parole des acteurs de la filière laitière française recentre les investissements en communication sur la défense du lait français afin d’inciter le consommateur à acheter du lait produit, collecté et transformé dans l’Hexagone.

Un positionnement franco-français un peu risqué au regard du financement européen

Le nouveau positionnement se révèle un peu risqué puisque selon Le Parisien, « il y a un petit risque que les autorités européennes rejettent cette démarche, voyant en général d’un mauvais œil la promotion d’un produit sur sa seule spécificité nationale ».

Un dispositif un peu brouillon avec deux logos « Éleveurs Laitiers de France » et « J’aime le Lait d’ici » lancé simultanément

La stratégie de cette campagne se révèle un peu confuse puisqu’il s’agit que le soutien aux éleveurs français se traduise par un « acte d’achat volontaire et engagé de la part des consommateurs ». S’agit-il alors d’une action interprofessionnelle ou d’un lancement produit ?

D’une part, la Fédération Nationale des Producteurs de Lait lance une action interprofessionnelle avec le label : « Éleveurs Laitiers de France », porteur de valeur, synonyme de qualité et d’engagement et gage d’origine française de la provenance du lait.

D’autre part, le premier opérateur du marché français sur le secteur du lait de consommation, spécialisé dans la vente et l’embouteillage de lait premier prix et MDD, Orlait mène un lancement produit avec la « J’aime le Lait d’ici », marque de lait 1er prix, produit et embouteillé en France, dont les briques de lait porteront le logo «Éleveurs laitiers de France».

Pour le grand public, seul sera audible – selon les informations du dossier de presse – le plan média complété par le site dédié correspondant à un investissement de 5 millions d’euros :

  • campagne TV : 1ère vague : du 21 septembre au 11 octobre et visant 96 millions de contacts et 2ème vague : du 9 novembre au 29 novembre et visant 110 millions de contacts ;
  • affichage : « Le lait d’ici, c’est la vie de nos prairies » : vague échelonnée du 5 octobre au 15 octobre et visant 85 % de couverture nationale des villes de plus de 100 000 habitants.

Ainsi, à vouloir impérativement limiter la dilution de l’impact des investissements en communication, en combinant les initiatives de différents acteurs aux intérêts plus ou moins convergents, se développe le risque de confusion des messages…

Interview testamentaire de Margot Wallström : quel avenir pour la stratégie de communication de la Commission européenne ?

Alors que la conférence des présidents de groupe politique du Parlement européen décide le 10 septembre d’inscrire à l’ordre du jour de la session plénière du 16 septembre le vote d’investiture du président sortant de la Commission européenne, José Manuel Barroso, dont le résultat du scrutin à bulletin secret « ne fait guère de doute » selon Jean Quatremer, « Jeu, set et match pour Barroso » ; la vice-présidente sortante chargée des relations interinstitutionnelles et de la stratégie de communication, Margot Wallström, donne une interview testamentaire à Euractiv. Quels sont les principaux succès, échecs et perspectives de la stratégie de communication passée et future de la Commission européenne ?

Principal succès de la stratégie de communication de la Commission européenne : changer la culture et les pratiques permettant de passer auprès des médias et des parlements du statut de bouc émissaire à celui de partenaire

Changer la culture et les pratiques en interne a consisté à « ranger la maison »

Nommée à un poste inédit en 2004, Margot Wallström a réalisé une profonde modernisation et professionnalisation de l’approche des activités d’information et de communication de l’institution :

  • réorganisation stratégique du travail de communication au sein de l’exécutif européen (plan d’action en 2005 / création de la Direction Générale Communication en 2006 / mise en place d’un service du porte-parole, d’un concours…) ;
  • réorganisation des représentations de la Commission dans les États membres : 43 fonctionnaires ont ainsi été envoyés dans 24 États membres (tous les pays de l’UE sauf les pays du Benelux), 50 d’ici 2010.

Changer la culture et les pratiques en externe a consisté à « finaliser des partenariats »

Fort de la déclaration politique signée entre les trois institutions en 2008 – l’avancée la plus importante du mandat de Margot Wallström : il s’agit d’un accord interinstitutionnel qui permettra lors de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne au Parlement européen, au Conseil et à la Commission de se consulter mutuellement et par accord mutuel de convenir de leur coopération – une logique de partenariat se construit :

  • partenariat entre les institutions communautaires pour définir des priorités interinstitutionnelles et annuelles de communication ;
  • partenariat avec les parlements nationaux via l’« Initiative Barroso » lancée en 2006 consistant à instaurer un dialogue sur les propositions de la Commission : « une bonne part du travail de la Commission est ennuyeuse pour les citoyens, mais est de grande valeur pour les parlements nationaux puisque l’œuvre législative européenne a un impact sur leur travail ».

Principal échec de la stratégie de communication de la Commission européenne : ne pas changer le regard et le jugement des citoyens

Peu de changement auprès des citoyens à cause d’un manque en interne de centralisation des budgets communication

Les dépenses de l’UE en matière de communication sont souvent englobées dans des programmes politiques dispersés entre les directions générales de la Commission, explique la secrétaire générale de la Commission, Catherine Day. Ainsi, un bilan des dépenses de communication, sur la base des principales activités menées en 2007, montre que le budget total est de 300 millions d’euros. Mais cela comprend :

  • 88 millions de dépenses administratives liées au bureau européen des publications,
  • 22 millions pour la publication des offres de marchés publics,
  • 18 millions pour le Journal officiel.

Bref, il reste peu au final pour les activités proprement de communication auprès des citoyens.

Peu de changement auprès des citoyens à cause d’un déficit en externe de démocratisation des méthodes de communication

Marquée au cours de son mandat par les résultats négatifs des référendums en France et aux Pays-Bas en 2005, Margot Wallström a exploré plusieurs moyens de renforcer la vie démocratique transnationale : « quelque 40 000 personnes ont participé aux six projets transnationaux du Plan D et on estime que des centaines de milliers ont participé virtuellement via Internet. Néanmoins, ces « consultations citoyennes » sont loin d’être un moyen de travail suffisant.

Principale proposition pour la future stratégie de communication de la Commission européenne : regrouper communication et citoyenneté

Margot Wallström formule une proposition testamentaire particulièrement importante au moment même où les portefeuilles des futurs Commissaires sont en négociation. Elle estime qu’« il faut donner à son portefeuille un travail législatif autonome et des moyens financiers propres » et que « la seule manière d’avancer est de donner au nouveau commissaire le contrôle de la législation sur la citoyenneté, avec les programmes et le budget qui vont avec ».

Corroborant les propositions du rapport de l’eurodéputé français Alain Lamassoure sur la citoyenneté européenne publié en juin 2008, la communication associée à la citoyenneté permettrait de donner au prochain commissaire la plateforme et les possibilités d’engager la société civile et d’impliquer les citoyens, en particulier les jeunes.

Campagne de José Manuel Barroso pour sa nomination à la tête de la prochaine Commission européenne : quelles perspectives pour la communication du Président de la Commission européenne ?

Alors que le président sortant de la Commission européenne José Manuel Barroso a reçu le soutien unanime des chefs d’État et de gouvernement de l’UE en juin dernier pour un second mandat de cinq ans à la tête de la Commission européenne ; il a adressé au Parlement européen ses grandes orientations politiques pour le mandat de la prochaine Commission européenne afin d’obtenir le vote du Parlement pour sa nomination à la tête de la prochaine Commission européenne…

A cette occasion, quelles sont les perspectives pour la communication du Président de la Commission européenne ?

Polarité mythique : la communication du Président de la Commission européenne à l’époque de Jacques Delors

Aujourd’hui, les mandats de Jacques Delors (1985-1995) apparaissent comme un modèle mythique de communication pour un Président de la Commission européenne :

  • communication portée par une autorité supranationale incontestée, héritière intellectuelle des Pères fondateurs de l’Europe ;
  • communication animée par la défense des intérêts communautaires et orientée autour d’un projet d’envergure (le marché unique ou l’euro, dernières grandes réalisations de la construction européenne) ;
  • communication dynamique et convaincue, dotée d’imagination (l’idée de la méthode de la reconnaissance mutuelle), de force (les négociations avec Margaret Thatcher), d’efficacité (cabinet dirigé par Pascal Lamy), de cohérence (collège de Commissaires soudés)…

Polarité technocratique : une communication exacerbant le rôle d’exécution au risque d’être caricaturée

Compte tenu des règles de fonctionnement des médias (le règne du « fast hot news »), le succès de la communication du Président de la Commission européenne repose sur la médiatisation de décisions simples et fortes, issues de la mise en œuvre et du contrôle des politiques communautaires.

Aussi, la Commission pèse, car elle est crainte ; mais s’opposant aux administrations des États membres, elle se voit également caricaturée : toute décision issue de la Commission est considérée comme déconnectée des réalités voire opposée aux citoyens.

Afin d’éviter cette caricature, la communication de José Manuel Barroso, lors de son premier mandat à la tête de la Commission a consisté à s’inféoder aux orientations des chefs d’État et de gouvernement.

Polarité politique : une communication surfant sur le rôle de proposition au risque d’être marginalisée

Compte tenu du déficit de légitimité démocratique de l’UE (abstention électorale massive) et des nouvelles règles institutionnelles (le traité de Lisbonne donne au Parlement européen le pouvoir de nommer le président de la Commission européenne), le succès de la communication du Président de la Commission européenne repose sur la politisation de propositions, d’où ces « Orientations politiques pour la prochaine Commission » envoyées aux eurodéputés.

Aussi, la Commission pèse, car elle politise ; mais intervenant sur le terrain proprement politique, elle se voit également marginalisée : toute proposition issue de la Commission est noyée entre les réactions des eurodéputés et des classes politiques nationales.

Afin d’éviter cette marginalisation, la communication de José Manuel Barroso, lors de sa campagne pour un second mandat à la tête de la Commission consiste à proposer au Parlement européen un partenariat politique entre la Commission et le Parlement au cours des cinq prochaines années.

Entre polarité technocratique, ravalant le Président de la Commission européenne « au rang de Secrétaire Général du Conseil européen », selon Euractiv et polarité politique, risquant d’enfermer le Président de la Commission européenne dans un rôle strictement partisan, le chemin d’une communication équilibrée reste étroit.