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Compte-rendu du colloque : « Réveiller le citoyen européen : un défi de communication publique ? » – Stratégies 2/2

Les étudiants du master de Communication Publique de Sciences-Po Lille ont organisé vendredi 12 décembre 2008 un colloque : « Réveiller le citoyen européen : un défi de communication publique ? ». Voici la deuxième partie du compte-rendu sur les stratégies de communication européenne…

Claus Sorensen – Directeur général DG COMM, Commission européenne

Pour mettre en œuvre une communication européenne, il faut avant tout mettre en place une politique européenne (une vision et du concret).

Défis de la compréhension mutuelle et de la participation à la discussion pour faire émerger et faire accepter la vue majoritaire légitime

1/ Constats

Diversité linguistique des 27 États membres

Télescopage des « communicateurs » (cf. le double discours des responsables politiques à Bruxelles et dans leur capitale)

Surcharge de l’information nationale et locale

2/ Objectifs

Définir un planning stratégique des prises de parole

Choisir les sujets européens en fonction de leur intérêt pour l’UE et pour les citoyens européens

Lister des priorités de communication communes aux institutions européennes

  • Croissance, emploi et solidarité
  • Énergie et climat
  • L’Europe des citoyens
  • 20 ans de changements démocratiques (chute du mur de Berlin)
  • L’Europe dans le monde

=> 60% des ressources consacrés

Politiser les enjeux en s’appuyant sur les valeurs européennes (éducation pour les enfants, plurilinguisme pour les ados, culture pour tous, dont les adultes)

3/ Moyens

Les relations presse : 1 100 journalistes accrédités à Bruxelles… 25 000 journalistes dans l’UE

La TV : Euronews… 6 500 chaînes TV dans l’UE Projet : AO 2008, 3 consortiums de chaînes TV en compétition pour diffuser en partenariat à un public entre 80 & 120 millions d’Européennes (budget 10 millions d’€)

La radio : EuRaNet : un réseau de radios européennes + un site plurilingue L’Internet EUTube : 140 clips en ligne aujourd’hui

Les réseaux Europe Direct

Les déplacements locaux de Commissaires européens

Vincenzo LeVoci, directeur de la communication du Conseil de l’UE et coordinateur du Club de Venise réunissant les directeurs des services d’information des gouvernements de l’UE

La communication européenne repose sur :

1/ la coopération interinstitutionnelle (formelle) à l’échelle des institutions communautaires et nationales

  • progrès, notamment avec la déclaration politique entre le CUE, le PE et la CE sur une politique de communication en partenariat
  • enjeu, notamment dans l’organisation administrative

2/ le débat informel entre responsables de la communication des institutions communautaires et nationales

  • progrès, notamment dans la capacité à identifier les vecteurs (messages)/porte-parole (acteurs) des valeurs de l’UE et dans la capacité à partager les bonnes pratiques (outils)
  • enjeu, notamment dans la proposition de faire de la communication une véritable politique communautaire

Laurent Thieule, directeur de la communication du Comité des régions

Convictions sur la communication européenne :

L’UE souffre d’une mauvaise image de marque en Europe. Il faut donc communiquer sur les valeurs du projet européen.

L’UE n’a aucun intérêt à communiquer sur les différentes institutions européennes.

L’opinion publique européenne n’existe pas vraiment, seuls les peuples européens comptent.

Il faut à la fois communiquer sur les enjeux globaux (la place de l’UE dans le monde), sur les débats européens (les politiques communautaires) et sur les actions concrètes (l’UE dans la vie quotidienne des citoyens).

Puisque l’on ne peut limiter les « porte-parole » de l’Europe, il faut multiplier les communicants européens. Les élus locaux sont ces relais idéaux de proximité, à condition de leur fournir des outils pour comprendre l’UE et de leur fournir des messages pour se valoriser en parlant de l’UE.

Jean-Yves Nicolas, administrateur du Centre d’information sur l’Europe, éditeur de Touteleurope.fr

Des constats liés à Internet

  • Phénomène de convergence des médias : Internet occupe une place de plus en plus importante, notamment auprès des jeunes, c’est le 1er média d’information
  • Phénomène de participation citoyenne sur Internet : les commentaires, les votes…
  • Phénomène de collaboration éditoriale sur Internet : les wikis, les communautés

Une stratégie web pour Touteleurope

  • Importance de la pédagogie sur l’Europe : des articles simples, des comparatifs décalés…
  • Le 1er élément consulté reste la carte de l’Europe.
  • Importance de l’incarnation de l’Europe : des témoignages vidéos de personnalités, des reportages à l’étranger…
  • Importance du sentiment d’appartenance : des consultations thématiques, des débats contradictoires

Des projets pour l’avenir : devenir un fournisseur de contenu sur l’Europe :

construire des partenariats avec les grands portails web (yahoo, orange…) pour diffuser du contenu en échange de visibilité sur touteleurope.fr fournir des infos brutes aux journaux de la presse gratuite

Béatrice Ouin, rapporteur de l’Avis du Conseil économique et social européen : « Comment concilier la dimension nationale et européenne dans la communication sur l’Europe »

Saisine du CESE par le cabinet de JP Jouyet à l’occasion de la PFUE.

La politique de communication doit reposer sur :

  • des partenariats entre les institutions européennes
  • un socle commun de connaissances sur l’Europe (kits à destination des élèves)
  • une base commune dans les médias européens (sources et supports fournis par les institutions communautaires)
  • des formations aux journalistes, aux élus locaux, aux enseignants et à la société civile organisée
  • une présence d’Européens qualifiés pour travailler à Bruxelles et d’Européens formés pour communiquer à proximité des Européens

Compte-rendu du colloque : « Réveiller le citoyen européen : un défi de communication publique ? » – Diagnostics 1/2

Les étudiants du master de Communication Publique de Sciences-Po Lille ont organisé vendredi 12 décembre 2008 un colloque : « Réveiller le citoyen européen : un défi de communication publique ? ». Voici la première partie du compte-rendu sur les diagnostics de la communication européenne…

Que nous apprennent les Eurobaromètres sur les citoyens européens ? – Renaud Soufflot de Magny, analyste politique à la Représentation permanente de la Commission européenne à Paris

  • sentiment de vulnérabilité fort : inquiétude structurelle face à la mondialisation et conjoncturelle face à la crise économique
  • sentiment de défiance relatif de l’UE par rapport aux partis politiques décrédibilisés et aux gouvernements délégitimés
  • sentiment d’indifférence pour l’UE, jugée majoritairement ni bonne ni mauvaise
  • sentiment d’adhésion fortement clivé socio-démographiquement

=> L’Europe devient de plus en plus « une affaire d’élites » (cf. Pierre Mathiot, directeur de l’IEP de Lille)

Réflexions sur la communication européenne – Eric Dacheux, enseignant-chercheur

La politique de communication européenne repose sur une « visée d’inter-culturalité », entre le modèle mono-culturel d’intégration national à la française et le modèle multi-culturel de communauté à l’américaine.

La politique de communication européenne nécessite de reconnaître la diversité et de relever le défi de la traduction.

1/ des difficultés structurelles

  • aucun média de masse à l’échelle européenne
  • budget communautaire de 100 millions d’euros
  • une politique publique communautaire depuis 2004 seulement, avec une stratégie depuis 2006

2/ des erreurs stratégiques

  • il faudrait communiquer pour limiter le « déficit d’image » de l’UE
  • il faudrait communiquer pour que le sentiment européen soit reflété par les médias
  • il ne faut pas que l’approche par la gouvernance (approche technique de la communication) prenne le pas sur l’approche par le gouvernement (approche politique de la communication), car sinon c’est au détriment de la démocratie
  • il ne faut pas prendre le symptôme (le déficit de communication) pour la pathologie (le déficit de politique : quel territoire, quel projet ?)
  • il faudrait communiquer sur le « sens de l’histoire » de la construction européenne

3/ des solutions

  • il faut communiquer sur l’utopie du projet, afin de repolitiser la construction européenne
  • il ne faut communiquer pour rapprocher l’UE des citoyens mais pour installer le dialogue entre les citoyens et l’UE

Jean-Louis Boulanges, ancien député européen

Retour sur les principaux problèmes de l’UE :

Ce n’est pas une question de communication, c’est un problème de sens. La carte électorale de l’échec du référendum en 2005 recoupe largement la carte des jureurs et des réfractaires lors du projet de constitution civile du clergé lors de la révolution française.

=> Rejet par les périphéries d’un pacte politique imposé par le centre du territoire : la question de l’intégration des minorités…

Ce n’est pas un déficit démocratique, c’est un trop-plein de normes. L’Europe souffre d’un défaut d’identification à un projet incarné par des personnalités européennes.

Le système institutionnel communautaire est très développé alors que les politiques communautaires sont très peu développées.

Le fonctionnement politique français, c’est l’opposition droite/gauche alors que le fonctionnement communautaire, c’est le compromis entre les modérés.

1/ L’Europe est-elle fait pour empêcher ou pour faire ? G. Burdeau : la démocratie gouvernée (idée libérale d’un État démocratique pour empêcher de porter atteinte aux droits des citoyens) VS la démocratie gouvernante (idéologie d’un État qui transforme la société).

2/ L’Europe est-elle fait pour faire circuler ou pour unir ? Logique de la mobilité (qu’est-ce que j’ai avec l’Europe : fausse question) VS logique de l’identité (qu’est-ce que je suis avec l’Europe : bonne question)

=> J. Rifkin : The European Dream L’Europe est une vision de l’humanité reposant sur le règne du droit, sur le multilinguisme. Face aux enjeux mondiaux (choc démographique, climatique, éco/so)… L’Europe a un temps d’avance !

Publication de « L’Europe et vous en 2008 – Quelques instantanés de l’Union européenne en action »

La Direction Générale de la communication de la Commission européenne publie une rétrospective de l’année 2008, qui présente aux citoyens 10 résultats concrets apportés par l’UE :

  • le contrôle de l’utilisation des produits chimiques en Europe;
  • une réponse conjointe à la crise financière ;
  • des droits renforcés pour les travailleurs temporaires ;
  • l’amélioration de la protection des enfants ;
  • l’égalité des droits pour les passagers à mobilité réduite ;
  • le soutien à la stabilité et à la démocratie ;
  • la consommation d’énergie dans le respect de l’environnement ;
  • manger sainement plus simplement ;
  • la solidarité entre les États membres face aux catastrophes ;
  • des financements communautaires plus transparents.

L’objectif de cette publication – selon l’édito de Margot Wallström, Vice-présidente de la Commission européenne chargée des relations institutionnelles et de la stratégie de la communication, – est de montrer que « l’UE élabore des politiques et des pratiques qui ont un impact direct sur notre manière de vivre » afin d’« illustrer comment l’UE fait la différence dans la vie de ses citoyens ».

Une version imprimée de cette brochure sera publiée sous peu dans les vingt-trois langues officielles de l’Union.

Dernier Conseil européen de la présidence française de l’UE : décryptage de la stratégie de communication des autorités publiques françaises

A Bruxelles, les Vingt-sept se sont réunis 2 jours, les jeudi 11 et vendredi 12 décembre dans le cadre du dernier Conseil européen de la PFUE. Quelle a été la stratégie de communication de la France ?

Dans le programme de travail de la PFUE, la France s’assigne quatre priorités fortes : l’énergie et le climat, les questions migratoires, l’agriculture, la sécurité et la défense.

Au cours des 6 mois d’exercice, la PFUE a été « une présidence de crise » :

  • « non » irlandais au traité de Lisbonne ;
  • gestion du conflit en Géorgie ;
  • soutien aux banques face à la crise financière ;

Dans le cadre des priorités, le bilan de santé » de la PAC (Politique agricole commune) et le Pacte européen sur l’Immigration ont été adoptés. En dehors, l’Union pour la Méditerranée a été créée.

Le dernier Conseil européen de la PFUE devait permettre de

  • finaliser la réponse à la crise économique ;
  • boucler les négociations sur le paquet « énergie-climat » ;
  • débloquer le processus de ratification du traité de Lisbonne.

Stratégie de la France : dramatisation des enjeux et personnalisation des négociations ?

Afin d’y parvenir, la stratégie de la France semble consister d’une part, à dramatiser les enjeux en prenant le risque de marginaliser les États membres récalcitrants et d’autre part, à personnaliser les négociations entre chefs d’Etat ou de gouvernement.

L’objectif d’une telle « rhétorique de l’inéluctable » consiste à montrer que les positions défendues par la France vont « dans le sens de l’histoire ». (dépêche AFP : « Plan européen sur le climat: « Nous n’avons pas d’échappatoire », selon M. Borloo »)

Ce positionnement permet en cas d’accord de valoriser les responsables politiques parvenus à un « accord historique ». (conférence de presse du président de la République à Bruxelles, vendredi 12 décembre)

Pour lire les conclusions du Conseil européen

Pour tirer des leçons de la PFUE

Quelle communication pour quelle Commission ?

Alors que dans le prolongement des élections du nouveau Parlement en juin 2009, une nouvelle Commission européenne sera nommée, il convient de réfléchir sur l’avenir de cette institution et sur les conséquences de cet avenir en matière de communication.

La Commission européenne : secrétariat technique, expert communautaire ou gouvernement européen ?

Un ouvrage collectif publié sous la direction de David Spence (The European Commission, John Harper Publishing, 2006) présente plusieurs modèles possibles pour la Commission européenne :

  • dans la logique intergouvernementale, la fonction de la Commission est celle d’un secrétariat technique, dont la marge de manœuvre est étroite ;
  • dans la logique « néofonctionnaliste », elle agit comme une institution autonome, dont son expertise nourrit sa légitimité ;
  • dans la logique fédérale, elle est l’embryon d’un gouvernement européen.

La communication de la Commission européenne : une prestation d’information, une parole experte ou une stratégie de communication ?

Alors, comment cette institution européenne qui doit demeurer l’institution qui a pour mission l’intérêt général européen peut communiquer ?

  • dans la logique intergouvernementale, la communication de la Commission serait limitée à une fonction support de prestataire de services, essentiellement orienté vers l’information des citoyens ;
  • dans la logique « néofonctionnaliste », elle agirait comme un expert des messages et des publics et communiquerait ses propres analyses.
  • dans la logique fédérale, elle serait un véritable stratège, définissant ses propres objectifs de valorisation des actions de l’UE avec un souci de cohérence et de continuité.

Comme l’indique Thomas Ferenczi dans Le Monde du 20 novembre dernier « Quel avenir pour la Commission européenne ? » : « Trop prudente, la Commission suscite les critiques. Trop hardie, elle provoque des résistances ».

Au sein d’un environnement institutionnel fortement concurrentiel à l’échelle européenne, la Commission européenne à la fois « outil de proposition, de contrôle, de médiation et de représentation, impliquée dans un jeu serré de relations et d’échanges » doit trouver son modèle et sa communication son équilibre.