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Élections européennes, un scrutin vraiment paneuropéen ?

Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct en 1979, il s’agit objectivement d’un scrutin organisé dans tous les États-membres, même si la réalité se traduit plutôt par des campagnes nationales. En 2024, quelques sont les continuités et éventuellement les nouveautés, selon la table ronde de Cosmocène ?

Olivier Costa (CEVIPOF/Collège d’Europe) : des élections moins mal aimées et plus paneuropéennes

La création de l’institution du Parlement européen est un long process qui a été rendu possible à conditions qu’il ne soit pas un vrai pouvoir et qu’il n’y ait pas d’uniformisation du scrutin pour concurrencer les parlements nationaux. Du coup, les partis politiques nationales n’ont pas l’obligation de dire où ils vont siéger au Parlement européen. Le scrutin est donc organisé en silo, essentiellement à l’échelle nationale.

Pour autant, nous avons des sujets qui deviennent transversaux et sont appréhendés de la même manière dans les différents espaces publics nationaux. Nous assistons à une vraie européanisation de la vie politique.

D’une part, le jeu politique à Bruxelles est beaucoup plus politisé dans les institutions, les dirigeants se réunissent pour échanger, selon leurs familles politiques en amont des sommets européens.

D’autre part, l’européanisation des partis politiques, qui ne peuvent plus nier l’importance de l’Europe, que les électeurs voient bien. Le cartel des partis qui refusaient de parler d’Europe s’est dissout, les partis qui n’ont pas de positions claires sur l’Europe sont en déclin, à l’instar du système politique français dynamité sur l’Europe par Macron.

Au total, c’est une nouvelle appropriation des sujets européens (agriculture, migrations, numérique/IA, Ukraine) révisée dans une perspective européenne au niveau national. Aujourd’hui, la participation électorale est seulement supérieure lors de la présidentielle, toutes les autres élections, y compris les législatives, ont une abstention plus forte.

Caterina Avanza (Groupe Renew) : une campagne sur les familles politiques européennes pour clarifier les enjeux du scrutin

Conseillère politique auprès du Parlement européen au sein du groupe Renew Europe, Caterina Avanza confirme que les élections européennes sont encore des scrutins nationaux, à mi-mandat du quinquennat présidentiel avec un traitement médiatique autour du duel Attal-Bardella, sans jamais dire pour « quoi » faire.

Alors que de plus en plus de textes européens sont adoptés sous forme de règlements d’application directe, c’est important d’avoir une classe dirigeante à l’échelle européenne, d’autant que les forces politiques sont davantage dispersées au niveau du Parlement européen, les partis, membres de la Nupes siègent dans des groupes politiques différents. Ce serait utile de faire campagne sur les « familles » européennes, afin de clarifier les enjeux du scrutin.

La notion de « peuple » européen devient de plus en plus tangible, du « Friday for Future », venue de la Suède avec Greta Thunberg jusqu’au mobilisation transnationale des agriculteurs. Les sociétés, comme souvent, sont plus avancées que les médias et les partis politiques toujours en retard.

Néanmoins, une relative dichotomie s’établit entre le déclaratif des Eurobaromètres et les votes au scrutin : sur le papier, les citoyens veulent plus d’Europe mais dans les urnes, le rebond attendu de la participation sera entaché par la progression des partis politiques non pro-européens.

Gian-Paolo Accardo (Voxeurop) : la couverture des médias de masse est moins conscientisée à l’Europe

Les élections européennes sont des scrutins nationaux, sous drapeau européen, et la presse en est le reflet, avec un prisme national dans le traitement médiatique dans les affaires européennes. Les initiatives transnationales demeurent anecdotiques faute de mobilisation des grands partis politiques, tandis que peu de partis nationaux affichent leur affiliation aux forces politiques européennes.

Certes, la pression des médias lors de la crise Covid, sur les vaccins et la reconstruction, a été plus importante auprès de l’Europe, compte-tenu de l’importance des enjeux. Mais, les médias en masse ont une conscience et un esprit moins européens, qui font moins attention à ce qui se passe au niveau européen.

Comment lutter contre la désinformation à l’approche des élections européennes ?

À l’approche des élections européennes de 2024, l’érosion de la confiance dans les médias et les sources d’information pourrait porter atteinte à l’intégrité du processus électoral, posant un défi aux valeurs démocratiques sur lesquelles l’UE est bâtie, selon Federica Marconi, du think tank European Policy Centre

Désinformation et dynamique électorale : quels impacts possibles avant les élections ?

L’invasion russe de l’Ukraine comprend aussi des campagnes de désinformation visant à éroder le consensus public sur les politiques nationales et européennes sur les questions énergétiques, le soutien militaire et l’accueil des réfugiés, qui posent des défis de taille aux démocraties contemporaines. L’impact des discours de désinformation sur les prochaines élections au Parlement européen pourrait être important, car chacun d’entre eux exploite des questions polarisantes susceptibles de mobiliser l’opinion des électeurs et de façonner le paysage électoral.

La désinformation peut également éroder considérablement le soutien du public aux politiques européennes et nationales. Le débat sur les réfugiés ukrainiens, même s’il ne figure pas en bonne place dans les campagnes électorales de tous les pays européens, pourrait contribuer à éroder le soutien général de l’opinion publique aux réfugiés en Europe dans un contexte marqué par une crise du coût de la vie. Le fardeau économique croissant du conflit prolongé pourrait réduire la sympathie envers les réfugiés, créant ainsi un terrain fertile pour des sentiments hostiles alimentés par la désinformation.

L’impact de la désinformation sur le discours public et le soutien du public pourrait également avoir des conséquences importantes sur d’autres questions importantes de l’agenda européen, notamment le soutien militaire occidental. Les discours de désinformation entourant la guerre en cours pourraient conduire à des pressions supplémentaires sur les gouvernements pour qu’ils réduisent ou interrompent leur soutien militaire. Cette situation a des implications au-delà de la guerre et au-delà de l’aide militaire, notamment au vu des efforts actuels visant à élargir l’UE à de nouveaux membres.

Une désinformation peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE. Les citoyens de l’UE se rendront aux urnes en juin 2024 et voteront sur la politique climatique et énergétique du bloc. Les sondages montrent que les inquiétudes concernant le changement climatique, qui ont joué un rôle dans les préférences des électeurs lors des élections européennes de 2019, sont toujours largement répandues parmi les électorats européens. Alors que la transition verte devient de plus en plus politisée, les électeurs pourraient être influencés par des préoccupations plus immédiates concernant l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. Une désinformation peut non seulement alimenter l’importance de cette question, mais peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE dans ce domaine.

Au total, les tensions légitimes entre les intérêts nationaux et européens peuvent devenir un champ de bataille politique, avec des discours de désinformation stratégiquement déployés pour promouvoir les programmes des extrémistes au détriment des objectifs collectifs de l’UE.

Renforcer la résilience contre la désinformation à l’approche des élections au Parlement européen de 2024

L’Union européenne joue un rôle central dans la lutte contre la désinformation. Ses initiatives fournissent un élan aux efforts visant à surveiller et à répondre aux menaces associées à la désinformation et à stimuler les processus nationaux en donnant un cadre réglementaire commun aux États membres de l’UE. Ainsi, un groupe de travail sur les élections européennes a été créé pour améliorer la surveillance de la désinformation par l’UE et rend compte de la désinformation et des tendances en matière de désinformation affectant les processus démocratiques.

Les activités réglementaires de l’UE sont également essentielles pour déterminer la meilleure façon d’évaluer le risque de désinformation, qui pourrait mettre en péril l’intégrité des élections de 2024.

La loi sur les services numériques (DSA), l’initiative phare de l’UE dans ce domaine, identifie la désinformation et la manipulation électorale comme des risques systémiques pour les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que pour la sécurité publique. En vertu du DSA, qui deviendra applicable à partir de mars 2024, les principales plateformes numériques sont tenues d’identifier et de supprimer de manière proactive les faux comptes et les contenus illégaux, contribuant ainsi aux efforts visant à maintenir l’intégrité des processus électoraux. Cependant, des problèmes et des questions subsistent quant à ce que pourrait faire le DSA et à la manière dont il devrait être utilisé. Des préoccupations sont soulevées concernant la modération des contenus de désinformation et son efficacité potentielle sur les plateformes numériques. Dans l’ensemble, le DSA peut apporter des améliorations utiles mais limitées pour lutter contre la désinformation.

Dans le même temps, les prochaines élections européennes ainsi que les futures élections nationales, dans l’UE et au-delà, pourraient être considérablement affectées par les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. L’Agence de cybersécurité de l’UE a fait part de ses inquiétudes quant aux menaces que pourraient représenter les élections de 2024 en raison des chatbots d’IA et des images et vidéos manipulées par IA dites deepfakes.

L’UE vient de parvenir à un accord politique sur la loi sur l’intelligence artificielle – la première tentative au niveau mondial de réglementer l’IA, d’établir une structure globale qui garantit la clarté, la responsabilité et l’utilisation éthique. La loi sur l’IA pourrait potentiellement renforcer les protections de l’UE contre les menaces émergentes associées aux campagnes de désinformation basées sur l’IA. La nouvelle réglementation imposerait des obligations basées sur le degré de risque posé par le contenu de l’IA (inacceptable, élevé ou limité). Les exigences de transparence obligeraient légalement à divulguer l’utilisation de l’IA dans la production de contenu numérique.

Malgré les initiatives entreprises au niveau de l’UE, la désinformation ne disparaîtra pas et continuera de constituer une menace. La désinformation évolue constamment, s’adapte aux contre-mesures et exploite de nouvelles vulnérabilités. Il faut d’autres initiatives comme des efforts de pré-suppression, qui visent à anticiper la désinformation avant qu’elle ne circule, ainsi que de l’éducation aux médias, en fournissant aux citoyens les compétences nécessaires pour distinguer les faits de la fiction et détecter les contenus manipulateurs. Il s’agit toutefois de stratégies à long terme qui nécessitent des ressources et un engagement et qui ne produiront probablement pas de résultats avant les prochaines élections au Parlement européen.

Quels seront les enjeux des élections européennes de 2024 ?

L’une des premières table ronde organisée par Euractiv dessine les lignes directrices d’une campagne qu’il faut bien dire peine encore à vraiment se lancer…

L’opinion publique et les élections européennes

Mathieu Gaillard, directeur d’études chez Ipsos invite à la prudence qui est de mise, parce qu’il rappelle que les élections européennes ne sont pas perçues ou vécues comme une remise en cause des pouvoirs en place au niveau national ; et que la prise de décision des électeurs est très tardive dans les derniers jours avant le scrutin.

Les principaux enjeux pour le Parlement européen résident dans les contours de la prochaine majorité parlementaire entre la droite conservatrice et la gauche sociale-démocrate, tandis qu’une majorité proeuropéenne semble quand encore acquise, une majorité alternative, entre les droites apparaît comme une possibilité numérique, mais pas encore politique.

Des batailles culturelles et des batailles politiques

Le grand projet de la mandature actuelle aura été le Green Deal, c’est une bataille culturelle remportée pour les forces écologiques et progressistes qui auront du longtemps plaider pour se faire entendre.

Mais, à l’échelle de toute la mandature, les batailles politiques n’auront pas été toutes remportées, loin de là ; de nouvelles majorités de substitution plus à droite ont d’ores et déjà votées contre des points emblématiques sur la réduction des pesticides, les zones naturelles de restauration ou la réduction de la pollution des véhicules sur la qualité de l’air, etc.

Tandis que les plus critiques viseront à tirer des conséquences directes de la succession de crises que les dogmes fondamentaux de l’UE ont failli vaciller comme l’équilibre budgétaire ou la libre concurrence ; d’autres ne manqueront pas de constater néanmoins des contradictions entre les ambitions climatiques du Green Deal et certaines politiques structurelles européenne comme l’agriculture, le libre échange ou la politique industrielle.

Des sujets du quotidien et des préoccupations électorales

Tout laisse à penser que des sujets comme l’immigration, le coût de la vie (pouvoir d’achat et inflation), l’environnement et l’action climatique ainsi que la situation internationale (Ukraine, Israël) seront les thèmes de campagne, sur lesquelles les électeurs se sentent beaucoup plus concernés. Les élections européennes seront l’occasion d’en débattre, une nécessité démocratique.

Pour Mathieu Gaillard, les électeurs se sentent concernés par les enjeux européens, lorsqu’ils votent aux élections européennes, et ils semblent être beaucoup plus enclins avec des partis proeuropéens ; dans les enquêtes d’opinion en déclaratif. Dans les enquêtes qualitatives, les décisions de vote se prennent davantage sur des enjeux. A partir de 2017, les préoccupations climatiques prennent en importance, ce qui a un impact sur le vote, même si le discours sur l’écologie punitive prend dans l’opinion et que le risque d’un backlash est toujours possible.

En raison de débats plus clivés sur les politiques de l’Europe, la dynamique de participation aux élections européennes pourrait se confirmer à la fin du printemps prochain, même s’il ne faut pas oublier, en France, qu’il s’agira des premières élections nationales, après la séquence présidentielle et législatives de 2022, une occasion d’un vote sanction mais aussi d’un vote pour lever les contradictions des différentes familles politiques autour de l’Europe.

Prospectives électorales européennes

Pour conclure, Théo Verdier, de la Fondation Jean-Jaurès se lance dans l’exercice difficile de dessiner des tendances :

  1. Face aux risques de dérapages faute de maîtrise des sujets sur le fond, le défi sera de faire campagne sur des idées tout en étant pédagogique
  2. Avec la posture des extrêmes autour d’un euroscepticisme plus constructif, le défi de mener des débats argumentés sur des sujets clés aux niveaux national et européen
  3. Tandis que l’UE s’est occupée des enjeux de vie et de mort ces dernières années avec le Covid ou l’Ukraine, les sujets européens sont beaucoup moins technocratiques, mais pas forcément plus consensuels
  4. Dans les programmes, le volet institutionnel autour de la réforme de l’UE entre élargissement et approfondissement sera un défi d’intelligibilité

Bonne année 2024 !

Naviguer en haute-mer : comment réformer et élargir l’UE pour le 21e siècle

Face à une conjoncture de changements géopolitiques, de crises transnationales et de complexités internes, l’UE n’est pas encore prête à accueillir de nouveaux membres, que ce soit sur le plan institutionnel ou politique. Dans ce contexte, un groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE soumet un rapport intitulé « Naviguer en Haute Mer : Réformer et Élargir l’UE pour le 21e Siècle », leaké par Politico Europe contenant des recommandations visant à atteindre trois objectifs : renforcer la capacité d’action de l’UE, préparer l’élargissement de l’UE et renforcer l’État de droit et la légitimité démocratique de l’UE.

Mieux protéger un principe fondamental : l’État de droit

Sur la conditionnalité budgétaire, faire du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit un instrument de sanction des violations de l’État de droit et, plus généralement, des violations systématiques des valeurs européennes ; en cas de désaccord, étendre le champ de la conditionnalité budgétaire à d’autres comportements préjudiciables au budget de l’UE et introduire la conditionnalité pour les fonds futurs.

Répondre aux défis institutionnels : les domaines clés de réforme

Rendre les institutions de l’UE prêtes à l’élargissement, ce qui signifie que pour le Parlement européen, respecter la limite de 751 députés ou moins et adopter un nouveau système d’attribution des sièges ; pour le Conseil de l’UE, étendre le format trio à un quintet de présidences, chacune couvrant la moitié d’un cycle institutionnel, et pour la Commission, réduire la taille du Collège ou faire la distinction entre les « Commissaires principaux » et les « Commissaires », avec potentiellement seulement les « Commissaires principaux » ayant le droit de vote au sein du Collège.

Pour une meilleure prise de décision au sein du Conseil, généraliser le vote à la majorité qualifiée (QMV), c’est-à-dire transférer toutes les décisions « politiques » restantes de l’unanimité au QMV, sauf pour les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, et pour rendre le QMV plus acceptable, créer un « filet de sécurité de souveraineté », rééquilibrer le calcul des parts de vote en QMV et offrir une option de retrait pour les domaines de politique transférés en QMV.

Pour la démocratie au niveau de l’UE, harmoniser les lois électorales de l’UE, le Conseil européen et le Parlement européen doivent convenir avant les prochaines élections du Parlement européen de la manière de nommer le Président de la Commission par le biais d’un accord interinstitutionnel.

Pour la démocratie participative, les instruments participatifs existants doivent être étroitement liés à la prise de décision de l’UE, les panels de citoyens doivent être institutionnalisés avec une grande visibilité pour accompagner les choix majeurs et un nouvel Office indépendant de la Transparence et de la Probité doit être chargé de surveiller les activités de tous les acteurs travaillant au sein des institutions de l’UE ou pour elles.

En termes de pouvoirs et de compétences, renforcer les dispositions sur la manière de faire face aux développements imprévus et créer une « Chambre commune des plus hautes juridictions et tribunaux de l’UE » pour un dialogue non contraignant entre les cours européennes et les cours des États membres.

Pour les ressources de l’UE, augmenter le budget de l’UE au cours de la prochaine période budgétaire à la fois en taille nominale et par rapport au PIB, avec de nouvelles ressources propres pour limiter l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et la concurrence au sein de l’UE, ainsi que des décisions budgétaires transférées au QMV pour les dépenses, une révision approfondie des dépenses pour réduire la taille de certaines catégories de dépenses et en augmenter d’autres, permettre à l’UE d’émettre de la dette commune, et à l’avenir, pour chaque cycle institutionnel (mandat du PE) définir un budget européenne, le cadre financier pluriannuel CFP sur cinq ans.

Approfondissement et élargissement de l’UE

Même si l’UE dispose déjà de divers mécanismes de différenciation nécessaires pour accommoder les préférences diverses de plus de 30 États membres de l’UE, la différenciation a ses limites, en particulier en ce qui concerne l’État de droit et les valeurs fondamentales. Elle doit donc être utilisée sous certaines conditions : respect des règles et des politiques de l’UE, utilisation des institutions et des instruments de l’UE, ouverture à tous les États membres, partage des pouvoirs et des coûts entre les participants, et possibilité pour les États membres volontaires d’aller de l’avant.

Dans le cadre de la révision des traités, la différenciation devrait respecter les principes suivants : les clauses de retrait ne devraient être accordées que lorsqu’il s’agit d’approfondir l’intégration ou d’étendre le QMV, et les exemptions des valeurs fondamentales de l’UE ne devraient pas être autorisées.

La différenciation pourrait conduire à quatre niveaux d’intégration européenne, constitués d’un cercle intérieur (intégration approfondie dans des domaines tels que la zone euro et Schengen), de l’UE elle-même, d’un cercle plus large de membres associés, impliquant la participation au marché unique et l’adhésion à des principes communs, et enfin de la Communauté Politique Européenne (CPE), en tant que cercle extérieur de coopération politique sans avoir à être lié au droit de l’UE.

La manière de gérer le processus d’élargissement de l’UE est essentielle pour donner la possibilité aux pays candidats de s’adapter aux politiques et programmes spécifiques de l’UE. Fixer un objectif pour que les deux parties (UE et pays candidats) soient prêtes pour l’élargissement d’ici 2030. Diviser les cycles d’adhésion en groupes plus restreints de pays pour garantir une approche fondée sur le mérite et pour gérer les conflits potentiels, rendant ainsi le processus plus efficace, crédible et guidé politiquement.

Toutes ces recommandations vont faire débat, nécessiterons de prendre du temps, pour éventuellement parvenir à un consensus ; quand les faits risquent de s’imposer, l’anticipation s’exige.

Comment faire campagne auprès des citoyens sur l’Europe ?

Plusieurs tables rondes de la conférence annuelle EuropCom fournissent des insights éclairants sur la manière de communiquer et de mobiliser les citoyens européens en vue des futures élections européennes en juin 2024…

La communication du côté des institutions européennes

Mobiliser les électeurs : le pouvoir des communautés

Première table ronde EuropCom, les stratégies visant à favoriser la participation active aux processus démocratiques reposent sur le principe de se concentrer sur les personnes afin d’aider les gens à voter.

Gaia Manco, Chef de service à la DG COMM du Parlement européen présente la plateforme « together.eu for democracy », le projet de participation des citoyens du Parlement européen :

Action : les institutions doivent toujours fournir des contributions, des espaces, des outils, une éducation et une formation, mais les solutions finales doivent toujours venir de la société civile. L’information conduit à l’engagement et l’engagement conduit à la mobilisation. Cela aide à activer un public plus restreint mais plus engagé, prêt à être actif sur le terrain.

Communauté : les gens se rencontrent lors d’événements, c’est pourquoi aucun projet d’engagement ambitieux ne peut être mené par les institutions sans impliquer les personnes sur le terrain. Les réseaux sociaux ne suffisent pas, l’idée est d’être aussi inclusif que possible.

Inconnu : quelque chose qui doit être accepté, tout projet d’engagement est une co-création des institutions et des communautés, donc le résultat ne peut pas être connu à l’avance.

Informer les électeurs : souligner l’impact des décisions de l’UE sur la vie des gens

Jens Mester, Chef d’unité à la DG COMM, présente plusieurs enquêtes démontrant que l’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne votent pas aux élections européennes est le manque d’informations sur l’UE… alors que les gens sont très intéressés à en savoir plus sur l’UE :

  • Montrer l’action politique de l’UE et son impact (discours sur l’État de l’Union, rapport général de l’UE, coins d’apprentissage pour les enseignants et les étudiants) ;
  • Fournir des informations sur les élections et les droits électoraux ;
  • Impliquer les personnes, y compris les jeunes, dans la démocratie européenne (Initiative citoyenne européenne, suivi de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plateforme « Have your Say ») ;
  • Travailler en collaboration avec d’autres acteurs / activer des partenaires et des réseaux.
  • Activer les bénéficiaires des programmes de financement de l’UE ayant la responsabilité de mobiliser les gens en faveur de l’UE.

La communication du côté des novations

La technologie numérique et le changement démocratique : de la macro-politique à la micro-politique

Autre table ronde EuropCom, Rachel Gibson, Professeure de politique à l’Université de Manchester partage les résultats d’un projet Horizon 2020 sur lequel elle a travaillé pendant cinq ans consacrés au développement de la relation entre les technologies numériques et la démocratie.

Au début de l’ère d’Internet, les praticiens étaient très optimistes et idéalistes quant au rôle des technologies numériques dans l’amélioration de la démocratie. Cet optimisme s’est maintenant dissipé avec l’avènement des fausses informations, des discours haineux et du capitalisme de surveillance.

Les changements structurels qui se produisent en politique grâce à la technologie numérique font dissocier la macro-politique relevant de la démocratie pré-numérique, tandis que la démocratie post-numérique fonctionne au niveau de la micro-politique, des formes de mobilisation introduisant de nouvelles voix dans l’arène politique, au risque d’une privatisation de l’espace public, et au pire, comme un passage vers une vision de la politique plus « narcissique ».

Au niveau macro-politique, à l’époque des partis politiques de masse, il était important de se demander « Où est la voix du public ? ». Cette question demeure, à la condition que les individus soient exposés à une plus large gamme d’informations pour éviter les effets de chambre d’écho.

Au niveau micro-politique, la nouvelle question « Comment l’engagement micro-politique se traduit-il par un changement sociétal significatif ? » pourrait être facilité pour une meilleure prise en compte des opinions numériques par des partis politiques qui gèrent les influenceurs de manière plus efficace.

Ma liberté d’expression contre vos sentiments : l’importance de la satire dans les démocraties modernes

Fabio Mauri, « Directeur général à la DG MEME », adopte une approche non conventionnelle pour son discours en mettant en avant l’importance de la satire dans la construction de démocraties saines et critiques.

La satire est conçue pour faire réfléchir, pas rire ! c’est un phénomène profondément humain, si l’on songe au rôle du bouffon du roi, figure familière dans les cours médiévales, qui était chargé de partager de mauvaises ou difficiles nouvelles avec le souverain par le biais de la comédie.

Les gens ont tendance à faire plus confiance aux comédiens qu’aux politiciens : « Le rire tue la peur et sans peur, nous ne pouvons avoir aucune confiance ». La question de la confiance versus le scepticisme ironique en est était au cœur des débats sur les sociétés démocratiques saines et la confiance que nous avons ou n’avons pas envers les politiciens.

La préoccupation correspond à une tendance croissante à la rectitude politique à tout prix et à une méfiance qui l’accompagne à l’égard de tout ce qui ressemble à de la satire – une sorte d’allergie à la satire. Le fait que vous soyez offensé ne vous donne pas raison. Le rôle de la satire en politique et dans l’espace public plaide en faveur d’une plus grande tolérance à l’égard des opinions qui pourraient ne pas être en phase avec les vôtres, mais qui font néanmoins partie du débat, des désaccords et de la critique essentiels à une démocratie saine. La satire veut exagérer les problèmes pour que vous puissiez les regarder sous un autre angle.