Archives par étiquette : web social

Médias sociaux et Union européenne : la réunion du Club de Venise, symbole du choc des cultures

Mercredi 10 février, le Club de Venise – un groupe informel qui rassemble 2 fois par an les services d’information gouvernementaux dans l’UE et les directions de la communication des institutions européennes – s’est réuni au Comité économique et social européen (CESE) à Bruxelles, autour de la question « pourquoi les médias sociaux ? ». Une bonne occasion pour mesurer le choc des cultures entre le web social et la communication publique européenne…

Le choc des cultures entre la pratique de la confidentialité et l’ouverture à la transparence

Alors que les réunions du Club de Venise sont traditionnellement confidentielles – pour la première fois semble-t-il – la note d’intention et le programme ont été mis en ligne sur le site du CESE.

Par ailleurs, les débats sont traditionnellement menés selon la « règle de Chatham House » : « un principe qui régit la confidentialité de la source des informations reçues lors d’une réunion. (…) La règle permet aux gens de s’exprimer en tant qu’individus et d’exprimer des opinions qui ne sont pas ceux de leur organisation, et, par conséquent, encourage la libre discussion. »

Pour la première fois là encore, non seulement des participants ont twittés lors de la réunion (sans toutefois cités les auteurs des propos tenus) mais un hashtag #socialmediaseminar et un TweetWall avaient été prévus.

Ainsi, cet échange particulièrement instructif sur l’ouverture des institutions européennes aux médias sociaux :

  • Tweet de Touteleurope : « Les réseaux sociaux sont bloqués à l’intérieur des institutions européennes #socialmediaseminar »
  • Tweet de Stephen Clark (responsable web au Parlement européen) : « Did I hear right? Access to social media sites blocked in EC, even for those who need them for work? Can’t be right #socialmediaseminar »
  • Tweet de Anne Christensen (chargé des médias sociaux à la Commission européenne) : « not in DG COMM! But it’s true we have some technical obstacles here and there. »

Le choc des cultures entre la tradition d’observation et la nouveauté de l’interaction

Suivant la grande tradition d’observation de l’opinion publique des services gouvernementaux de communication, le Club de Venise créera un outil de veille en ligne gratuit appelé « Living Europe » (livingeurope.eu) qui surveillera toutes les dix minutes plus de 4 000 médias en ligne dans 28 pays européens, avec une traduction simultanée en 20 langues différentes.

Prochainement, un nouvel outil sera mis en ligne afin de suivre en permanence de nombreux sites et blogs de responsables politiques européens et nationaux dans les 27 États membres de l’UE, toujours avec une traduction automatique dans toutes les langues.

Néanmoins, au-delà de cette veille, les médias sociaux nécessitent tôt ou tard de s’engager.

Dans la note d’intention, plusieurs conseils sur pourquoi/comment s’engager dans les médias sociaux :

  1. Impliquer les citoyens : « N’ayez pas peur de perdre un certain contrôle. Montrer aux gens que vous êtes vraiment intéressé par leur point de vue et leurs actions. Soyez vous-même actif. En tout temps. » ;
  2. Mobiliser les citoyens : « dans un but précis (…) sur une zone locale » ;
  3. Inspirer les citoyens ;
  4. Obtenir des conseils : « il y a tant d’expertise et d’engagement chez certains citoyens. » ;
  5. Donner des informations : « bien que cela soit une façon web 1.0, ça peut toujours être utilisé. » ;
  6. Toujours utiliser une combinaison intelligente des médias sociaux : « Exemple concret: Assurer une breaking news sur YouTube. Informez tous vos contacts et amis sur Facebook, Twitter, etc 5 minutes avant qu’ils devraient regarder YouTube, s’ils « veulent être le premier à savoir ». Et les gens aiment savoir d’abord. De cette façon, vous avez également contourné le filtre des médias. Au lieu de courir après les médias, les médias courent après vous. Si votre breaking news méritent d’être couru après. » ;
  7. Assurez-vous que tous vos médias sociaux sont également disponibles sur les appareils mobiles (tels que les smartphones, téléphones mobiles, PDA, etc) : « le nombre d’appareils mobiles dans de nombreux pays ont dépassé le nombre d’ordinateurs – une tendance qui continuera très certainement. » ;
  8. Être actif sur les blogs et les médias sociaux des autres aussi : « sélectionnez les plus visités (des médias, des politiciens, des organisations) et prenez une part active dans les discussions et le réseautage. » ;
  9. Donner la priorité à la formation efficace de l’utilisation des médias sociaux pour la communication publique ;
  10. Être en mesure de connaître en temps réel ce que les autres (médias, blogs, etc) disent et écrivent.

Par ailleurs, d’autres conseils ont également été formulés lors des échanges et publiés sur Twitter : « Pratiquer les réseaux sociaux en interne dans les organisations avant de les utiliser avec le grand public #socialmediaseminar ».

Le choc des cultures : la conversion aux valeurs du web social

Le billet de Anna Maria Darmanin, la Vice-Présidente du CESE en charge de la communication et l’hôte de la réunion du Club de Venise résume la conversion nécessaire pour les communicants européens :

Les institutions européennes ont besoin de prouver et d’accroître la confiance que nous voulons que les gens aient en nous sur une base quotidienne. Comment pourrions-nous jamais le faire sans dialoguer ?
Les médias sociaux nous permettraient non seulement de créer une relation, mais aussi de rester en contact ; de nous donner cet énorme potentiel, non seulement d’atteindre, mais également de dialoguer, non seulement d’informer, mais d’interagir, non seulement de communiquer, mais de partager.

Quels sont les coûts pour la communication européenne de ne pas investir les médias sociaux ?

Plutôt que de s’interroger de nouveau sur les avantages que pourrait procurer une communication de l’UE dans les médias sociaux – nous l’avions réalisé dès 2009 avec « Comment la communication européenne peut-elle répondre à la révolution du web social ? » – quels seraient bien davantage les coûts de ne pas investir les médias sociaux ?

Quel est le « RONI » : risk of non investment pour reprendre l’expression de François Guillot au vue des principales innovations liées à l’utilisation du web social par les institutions publiques résumées par Gea Ducci ?

Ne pas investir les médias sociaux, c’est détériorer la relation entre l’UE et les citoyens européens

Sous l’angle des services et subventions de l’UE, les médias sociaux permettraient à l’UE de :

  • développer l’écoute des suggestions et propositions ;
  • parler directement des mesures concrètes d’amélioration.

S’abstenir d’investir les médias sociaux pour l’UE, c’est en particulier continuer à dépenser des coûts largement inutiles de gestion de la relation avec les citoyens via le centre d’appel « Europe Direct ».

Ne serait-il pas en effet plus conforme aux usages quotidiens d’assurer une présence en ligne sur le carrefour d’audiences que constitue Facebook pour répondre aux interrogations des Européens plutôt qu’au travers d’une plateforme téléphonique inconnue par une très large majorité ?

Ne pas investir les médias sociaux, c’est renforcer la vulnérabilité de l’UE face aux risques d’opinion

Sous l’angle de l’expression des opinions, l’UE pourrait profiter de la « désindétermédiation » – c’est-à-dire du mouvement qui veut que les Européens sont de plus en plus informés par leur propre réseau plutôt que par les intermédiaires classiques de l’information.

S’abstenir d’investir les médias sociaux pour l’UE, c’est ainsi :

  • méconnaître les opinions partagées sur l’Europe ;
  • ne pas maîtriser les discours qui peuvent être tenus (en positif ou en négatif) sur l’Europe.

C’est surtout se montrer vulnérable face aux risques d’opinion ; sans moyen de contre-attaquer de manière pertinente et ciblée.

Ne pas investir les médias sociaux, c’est rater l’occasion pour l’UE de saisir des feedbacks

Sous l’angle du partage d’expertises, les médias sociaux représenteraient pour l’UE une opportunité pour s’enrichir en matière de communication des échanges sur les meilleures campagnes envisagées en termes d’attentes, de messages ou de modalités.

S’abstenir d’investir les médias sociaux pour l’UE, c’est passer à côté d’un vaste « panel » multi-national/culturel qui offrirait ses conseils pour améliorer la communication de l’UE et renforcer l’impact des campagnes de communication réalisées.

Ne pas investir les médias sociaux, c’est scléroser les processus décisionnels de l’UE

Sous l’angle de la participation au processus décisionnel, les médias sociaux permettraient à l’UE de disposer d’un lieu fréquenté et d’un instrument éprouvé pour favoriser l’implication des citoyens.

S’abstenir d’investir les médias sociaux sociaux pour l’UE, c’est se positionner comme le moins disant démocratique face aux innovations délibératives et participatives :

  • un risque que les accusations de « déficit démocratique de l’UE » – récurrentes – ne feraient que renforcer ;
  • un dommage pour les quelques réseaux d’alliés qui perdraient un argument pour défendre la construction européenne.

Ainsi, le calcul coût/bénéfice d’un investissement dans les médias sociaux pour l’UE semble assez évident : le plus grand danger serait de ne prendre aucun risque.

Comment la Commission européenne s’est-elle dotée d’une charte de communication dans les médias sociaux ?

« Tout le monde dans l’organisation a accepté que l’utilisation des médias sociaux est un must (…) pas une mode ». Comment en est-on arrivé là ? Retour sur le travail mené afin d’obtenir qu’une charte de communication dans les médias sociaux soit adoptée…

Lettre ouverte ambitieuse et blog dédié : les initiatives des communicants de l’UE pour s’engager dans les médias sociaux

En janvier 2010, une poignée d’éditeurs et de webmasters à la Commission européenne interpelle dans une lettre ouverte José Manuel Barroso avant même qu’il ne soit reconduit à son poste de Président de la Commission européenne.

En avril 2010, sous la responsabilité de Bert Van Maele, le responsable médias sociaux au sein de la DG Communication à la Commission européenne, un blog « Waltzing Matilda » dédié à la communication sur les médias sociaux est ouvert afin d’« apprendre comment la Commission peut utiliser les médias sociaux pour communiquer avec les citoyens ».

Réponse timide et plan d’actions mesuré : les propositions de Viviane Reding pour s’ouvrir au web social

En mai 2010, la Commissaire responsable de la communication formule une réponse en demi-teinte aux initiatives des communicants de l’UE. Tout en reconnaissant qu’« Internet doit être un élément essentiel de nos efforts pour communiquer », aucun effort financier ou humain n’est envisagé pour améliorer la communication numérique – et à fortiori – la présence dans le web social.

Toutefois, Viviane Reding reconnaît que les fonctionnaires de la Commission européenne dûment formés aux médias sociaux pourraient s’engager dans des interactions avec les citoyens au titre de leur fonction d’« ambassadeur » de l’institution.

En juin 2010, un plan d’actions présenté par Viviane Reding préconise la mise en place d’un réseau de « 10 à 15 experts en médias sociaux au sein de la Commission » pour assurer « une surveillance des blogs et les réseaux sociaux et une réfutation instantanée » (mesure 10).

Quoique l’approche envisagée des médias sociaux révèle une profonde méfiance, la formalisation d’une organisation marque une prise en compte indéniable du web social par la Commission européenne.

La stratégie et les lignes directrices pour communiquer dans les médias sociaux

Juste avant la fin de l’année, une stratégie et des lignes directrices ont été approuvées en interne entre la DG COMM et le cabinet de Reding, avec la mise en place :

  • un réseau de personnel mandaté pour parler au nom de la Commission dans les médias sociaux ;
  • des directives pour l’ensemble du personnel, qui peuvent utiliser les médias sociaux dans leur capacité personnelle.

Quels sont brièvement – selon toute vraisemblance – les objectifs de la charte de communication dans les médias sociaux :

  • des conseils incitatifs de bonne conduite facilitant les prises de parole des futures ambassadeurs volontaires plutôt que des règles strictes amendant les fiches de poste et les contrats des fonctionnaires ;
  • des indications plus directives pour les professionnels de la communication, membres du réseau habilité à prendre la parole au nom de l’institution dans le web social.

En attendant la publication officielle de cette charte de communication dans les médias sociaux, le prochain chantier est considérable puisqu’il convient de « préparer et adapter toute l’organisation aux nouvelles réalités liées à plus d’interactions et de conversations ».

Quelles sont les tendances de la communication des eurodéputés dans les médias sociaux ?

Fleishman-Hillard Bruxelles publie, mardi 25 janvier 2011, « the European Parliament Digital Trends survey », sa deuxième étude sur les tendances numériques du Parlement européen (réalisé auprès d’un échantillon de 120 euro-députés).

Il s’agit de la seconde enquête portant sur la communication des eurodéputés après « the Capital Staffer Index 2010 », sorti le 17 novembre dernier, portant notamment sur les pratiques de communication numérique des collaborateurs parlementaires européens.

Principaux résultats des pratiques actuelles, passées et futures en matière de communication des euro-députés dans les médias sociaux

Au-delà des chiffres absolus, la comparaison des résultats entre les 2 enquêtes confirme que :

  • l’animation d’une présence, notamment par un site web, demeure incontournable ;
  • Facebook prend le pas sur les blogs des euro-députés : le 1er réseau social au monde donne davantage de visibilité pour toucher plus largement les citoyens européens et permet d’engager plus facilement les échanges sur cette plateforme dont l’utilisation est moins impliquante que la lecture et le commentaire sur un blog ;
  • Twitter est utilisé par un tiers des euro-députés.

Certes, les tendances sont mesurées différemment dans les 2 enquêtes :

  • une approche prospective (question sur les pratiques d’ici 3 ans) pour l’enquête d’Edelman ;
  • une approche rétrospective (question sur les pratiques l’année précédente) pour l’enquête Fleishman-Hillard.

Mais, la lecture des tendances indique clairement que :

  • Twitter plafonne. Une majorité des euro-députés peine à trouver une utilité dans la plateforme de micro-messages instantanés. Un résultat confirmé par Stephen Clark, le responsable de la communication web du Parlement européen, qui estime que Twitter permet de s’adresser davantage aux professionnels de l’UE qu’aux citoyens (cf. « Indications sur la présence web du Parlement européen ») ;
  • Facebook : la nouvelle « bulle » à la mode avant un futur krach ? Alors que l’utilisation de Facebook a largement progressé sur l’année écoulée, les euro-députés prévoient d’en limiter fortement l’usage à l’avenir. Des interrogations sur une animation éditoriale dans la durée contribuent sans doute à cette future modération d’usage de Facebook après l’éclosion récente.

Ainsi, les pratiques de communication dans les médias sociaux des eurodéputés – résumées par Philips Leigh sur EU-Observer « MEPs have stopped blogging, are afraid of Twitter, love Facebook » – confirment les interrogations formulées lors de la conférence récente « Butterfly Europe : when social media and networks make the European Public Opinion » : « Les réseaux sociaux sont-ils l’avenir de la sphère publique européenne ? »

Indications sur la présence web du Parlement européen

Lors de la conférence « Butterfly Europe : quand médias et réseaux sociaux font l’opinion publique européenne », Stephen Clark, le responsable de la communication web du Parlement européen a abordé les 2 enjeux de sa mission : réussir à toucher à la fois la « bulle bruxelloise » composée des professionnels de l’UE tout en s’adressant par ailleurs aux 500 millions de citoyens européens…

Alors que le site institutionnel du Parlement européen permet de toucher tous les publics, la présence sur Facebook correspond aux attentes des citoyens européens en matière d’information qui conjugue interactivité et affinité tandis que la présence sur Twitter répond davantage aux attentes d’exhaustivité et d’utilité attendues par les professionnels de l’UE.

Site institutionnel : la présence multi-cible du Parlement européen sur le web

Avec une fréquentation mensuelle estimée à 1,5 millions de pages vues (soit 60 000 par jour en moyenne et 20 000 pour la page d’accueil), le site du Parlement européen s’adresse à toutes les cibles de l’institution avec en moyenne 4 000 vues par article de base (traduit systématiquement dans les 23 langues officielles de l’UE).

Facebook : la présence affinitaire dans le web social dédiée aux citoyens européens

Avec près de 110 000 fans (5% provenant de la Belgique), la page du Parlement européen sur Facebook est suivie quasi-exclusivement par des citoyens européens « de base » pour un total de 3 722 957 impressions en décembre dernier selon Stephen Clark.

Chaque post reçoit en moyenne 100 000 impressions, soit 25 fois plus qu’un article publié sur le site institutionnel. Le trafic provenant de Facebook vers le site institutionnel le positionne comme 4e source principale.

Au total, l’ensemble des euro-députés sur Facebook rassemble +/- 900 000 fans et/ou amis.

Twitter : la présence utilitaire dans le web social dédiée aux professionnels de l’UE

Avec plus ou moins 10 000 Followers pour l’ensemble des comptes Twitter du Parlement européen (version anglaise ou française par exemple), seuls sont touchés les professionnels de l’UE basés pour l’essentiel à Bruxelles. Le trafic provenant de Twitter vers le site institutionnel le situe comme 10e source principale.

Au total, l’ensemble des euro-députés sur Twitter soit 255 selon Laura Dagg, la responsable du portail Touteleurope rassemble +/- 215 000 followers.

Ainsi, alors que « le Parlement européen est le leader mondial dans l’utilisation de Facebook par une institution parlementaire », selon l’état des lieux de la communication du Parlement européen sur Facebook dressé en juillet dernier, la complémentarité de la présence web de l’institution en fonction de ses cibles illustre l’importance du multilinguisme et de l’adéquation entre la stratégie de contenus et les attentes des internautes selon les réseaux sociaux.