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Quel est l’impact de la démocratie participative numérique sur le déficit démocratique de l’UE ?

Après 10 d’expérimentations numériques dans l’UE, Ferra Davesa analyse « l’impact des NTIC sur la gouvernance de l’UE » et affirme que la gouvernance participative est plutôt un instrument attractif de communication qu’une réelle procédure transformative…

Les mécanismes participatifs de l’UE, très contrôlés par les institutions européennes, n’ont pas d’impact transformatif sur la légitimation des politiques publiques européennes

Le déploiement de la gouvernance participative soulève des conflits d’intérêts potentiels entre les principes de bonne gouvernance.

En effet, en ouvrant les politiques publiques à la participation des citoyens, l’UE exprime son engagement à respecter certains principes tels que la transparence, l’ouverture et la responsabilité.

Cependant, d’autres principes, tels que l’efficacité ou la cohérence des politiques publiques peuvent entrer en tension avec la participation du public.

Résultats pour l’UE, la participation se doit de servir avant tout la qualité de l’élaboration des politiques publiques, ce qui ne peut pas se traduire par un processus permanent et ouvert de participation qui menacerait l’ensemble. Du coup, l’impact de la participation n’est pas transformatif sur la légitimation des politiques publiques européennes.

L’approche participative de la Commission européenne tend à légitimer ses propositions politiques contre celles des autres institutions de l’UE

Dans la dynamique de la gouvernance participative que la Commission européenne développe en incorporant le numérique, l’ambition vise à renforcer la légitimité de ses décisions et à donner la parole aux parties prenantes mais aussi à mettre l’accent sur la communication.

Cependant, l’approche repose sur le fait que les institutions européennes sont des intermédiaires privilégiés, c’est-à-dire qu’elles conservent non seulement la maîtrise sur les participants mais également sur l’impact de la délibération sur les politiques publiques.

Jusqu’à présent, la stratégie de l’UE n’est pas globale mais plutôt fondée sur des bases ad hoc : il n’y a pas d’approche commune à l’échelle de la Commission européenne sur la manière de mener ces consultations.

De plus, l’impact de ces mécanismes sur le processus dans son ensemble est contesté. Certains reprochent l’absence de transparence de ces expériences, constatant que seules une élite non représentative parvient à influencer les politiques européennes. D’autres estiment que ces expériences compromettent l’efficacité de l’élaboration des politiques européennes tandis que les plus virulents en viennent même à nier un quelconque impact significatif sur la responsabilité de l’UE.

La gouvernance participative mise en œuvre via le numérique a un impact plus important sur le développement d’un espace public européen que les processus participatifs « offline »

Formulé dans la langue du numérique, l’UE souffre d’un déficit de connectivité, au sens où des publics émergents à une échelle micro n’ont pas les moyens de se connectés avec des publics forts à l’échelle macro de l’UE et inversement.

Avec l’avènement des technologies de communication numériques, de nouvelles opportunités ont été créées pour développer un véritable espace public européen qui surmonte les limites de la communication traditionnelle.

En faisant fi des contraintes géographiques, culturelles ou matérielles des mobilisations traditionnelles transnationales, le potentiel du numérique pour créer des liens entre les citoyens et les institutions européennes est plus important que toute autre mécanisme participatif « offline ».

L’émergence du web 2.0 et ses effets soulèvent de multiple et innovante possibilité pour faciliter le dialogue entre les sphères des citoyens et des gouvernantes. Sous l’angle du déficit démocratique de l’UE, le numérique est un canal majeur pour réduire le « malaise » dans la légitimité de l’UE.

Au total, dans quelle mesure le numérique, par sa capacité à transformer les mécanismes de politiques publiques de l’UE et à déterminer le contenu des législations de l’UE, contribue-t-il à générer un « discours sur les discours » ?

Quelles sont les idées des eurobloggeurs pour améliorer la communication en ligne de l’Union européenne ?

Sur leur blog « Waltzing Matilda », l’équipe social media de la Commission européenne publie le trio gagnant de sa compétition de « crowdsourcing d’idées » pour améliorer la communication en ligne de l’Union européenne. Un exercice révélateur, tant des attentes des eurobloggeurs que des préoccupations des euro/web/communicants…

1e prix pour un « helpdesk » en ligne et permanent « Ask the EU anything »

Pour le premier prix, @kosmopolit, l’idée serait de créer « A permanent digital helpdesk service for the EU », une sorte de plateforme interactive de dialogue permanent et en ligne avec les citoyens.

D’où vient cette idée ? D’un benchmark des meilleures pratiques observées par les entreprises qui utilisent le web, pas seulement pour communiquer, mais surtout pour apporter des services utiles à leurs clients.

Comment la mettre en pratique ? En s’inspirant des meilleures « customer feedback management software solutions », autrement dit des systèmes de gestion de la relation client et en modernisant ce que l’UE met déjà en place comme service auprès des citoyens, en particulier « Europe Direct ».

Ce nouveau service d’assistance multilingue et avec une forte composante dans le web social permettant à n’importe quel citoyen de poser n’importe quelle question et d’obtenir en quasi temps réel des réponses ou un suivi de leur demande pourrait être une manière innovante pour expliquer les enjeux de l’UE et créer de nouvelles façons d’informer et d’interagir avec les citoyens.

Ce choix correspond-il à un « fantasme » partagé par l’équipe social media de la Commission européenne d’un « one-stop-shop-for-all » ?

2e prix pour une communication en ligne de l’UE connectant les jeunes journalistes à la sphère européenne

Pour le 2e prix de la compétition #Talkdigital, la recommandation est le fruit d’un raisonnement logique.

D’une part, puisqu’Internet passionne en particulier les jeunes et que l’UE doit surtout résoudre la faible couverture des affaires européennes dans les médias nationaux, la communication en ligne de l’UE devrait viser en priorité le maillon essentiel, à savoir les jeunes professionnels de l’information.

D’autre part, puisque ces jeunes bloggeurs-journalistes très actifs en ligne ont besoin de se différencier sur un marché très concurrentiel, l’UE aurait intérêt à développer une communauté qui saurait partager une véritable vision paneuropéenne des affaires européennes que ces jeunes journalistes pourraient reprendre et partager dans leur production, pour leur plus grand intérêt, et celui de leur audience.

D’où le titre : « Connecting young journalists through EU blogosphere » ou comment connecter les jeunes journalistes aux affaires européennes par le biais d’une blogosphère autour de l’UE.

3e prix pour « euStarter », une plateforme de financement collaboratif de projets européens

Pour le 3e prix, le principal problème de la communication en ligne de l’UE, c’est qu’elle n’est pas visible pour tous ceux – nombreux – qui ne font pas l’effort de se rendre sur les sites européens.

Du coup, la recommandation aurait pu être de développer des relations publiques digitales, à savoir une démarche allant de la cartographie des acteurs influents, à leur approche ciblée en s’appuyant sur des contenus et des formats attractifs et adaptés.

Mais plutôt, c’est vers le « crowdfunding » sur le modèle de Kickstarter, que se tourne la recommandation visant à développer des plateformes localisées de projets européens ouverts aux choix des Européens de leurs accorder des financements de l’UE.

Ces plateformes où les citoyens pourraient orienter les investissements de l’UE dans leurs pays permettraient de reconnecter le lien aujourd’hui distendu entre les citoyens européens et l’UE ; tout en améliorant l’action de l’UE, (sa légitimité et sa visibilité).

Au total, les préconisations des eurobloggeurs pour améliorer la communication en ligne de l’UE sont très enrichissantes, par leur prisme « full digital », l’hétérodoxie, voire l’heureuse hérésie par rapport au monde institutionnel cloisonné, en silo de l’UE et surtout par la pertinence de leurs idées. Une seule question, alors chiche ?

Parole publique de l’Union européenne sur Twitter : une « novlangue de coton » ?

La polyphonie des discours des institutions européennes sur Twitter, analysée par Sandrine Roginsky dans « « parler neutre ou « parler vrai » ? » rabat-elle les cartes des enjeux de la communication de l’Union européenne ?

Y a-t-il une stratégie de communication de l’UE sur Twitter ?

Sandrine Roginsky décrypte le dispositif de communication des institutions européennes où la confusion semble prédominée :

  • Confusion parmi les émetteurs aux statuts multiples du simple fonctionnaire gazouillant à titre individuel au Commissaire engageant l’institution par sa parole ;
  • Confusion parmi les registres de communication entre la parole expressive (point de vue personnel), la parole argumentative (opinion politique) et la parole informative (message institutionnel) ;
  • Confusion parmi les publics cibles entre information technique pour les spécialistes, information compréhensible par tous les citoyens et informations personnelles et politiques incitant à l’expression.

En résumé, « Twitter permet de mélanger différents types de communication notamment parce qu’il confond les différents statuts des locuteurs qui sont mis au même niveau de lecture ». Difficile de s’y retrouver au point de s’interroger sur l’éventuelle existence d’une stratégie de communication de l’UE « over the top » sur Twitter…

Une communication sur Twitter à l’image des institutions : hybridité et paradoxe

Sandrine Roginsky poursuit son analyse en remarquant que la communication de l’UE sur Twitter est à l’image des institutions, à la fois par les constats que l’on peut y faire et par les évolutions que l’on y observe sur la durée.

En matière de constat, l’hybridité est sans doute l’élément le plus frappant. Les tensions entre personnels administratif et politique sont partiellement résolues par le statut hybride des porte-parole, i.e. des fonctionnaires exerçant une fonction politique tandis que le personnel administratif dépend du personnel politique dans la tonalité de la communication.

En matière d’évolution, le paradoxe est le plus intéressant. L’injonction contradictoire consiste dans le même mouvement à appeler les fonctionnaires européens à utiliser les médias sociaux, selon la charte d’utilisation, tout en les invitant à respecter une série de règles qui dépersonnalisent et encadrent la parole.

Au total, ce n’est pas tant la complexité, voire la confusion entre le « parler neutre » d’une communication consensuelle et neutralisée et le « parler vrai » d’une communication personnelle et orientée qui frappe, comme l’analyse dans le détail Sandrine Roginsky, mais bien davantage de prime abord une « langue de coton ».

La parole publique des institutions européennes sur Twitter correspond à une sorte de novlangue faussement post-idéologique pour initiés qui souffre d’un « politiquement correct » européen enfermant les discours des institutions européennes afin d’éviter la frontalité des controverses, doublé d’un respect prudent de la « net-étiquette » afin d’éviter tout dérapage et « bad buzz ».

Parce qu’elle représente l’une des plus importantes innovations récentes de la communication des institutions européennes, leur parole publique sur Twitter est révélatrice des tendances de fond : stratégie en chantier décevante, hybridité confusante et injonctions paradoxales décourageantes.

Elections européennes : quel aura été l’impact du web social sur le scrutin ?

Moment de vérité : « from ‘talking the talk’ to ‘walking the walk’ » comme disent les anglosaxons, l’impact du web social sur les élections européennes semble manifestement limité mais probablement décisif. Explications.

Le web social, le terrain de la campagne des Spitzenkanditaten pour les publics hyper-connectés à l’Europe et sevrés par les médias traditionnels

A défaut d’un traitement médiatique à la hauteur de l’enjeu, les médias sociaux ont au moins permis à ceux qui s’intéressent aux enjeux européens de suivre la campagne des principaux candidats des partis politiques européens dans la compétition pour le poste de futur président de la Commission européenne.

C’est peu, mais c’est déjà beaucoup. D’autant qu’au-delà de l’activité, particulièrement riche sur Twitter (cf. l’étude du Pew Research Center sur « The EU elections on Twitter » sur la modeste attention aux Spitzenkanditaten face aux partis anti-UE), plusieurs initiatives de data visualisation ont permis de suivre les grandes tendances :

  • le baromètre par TNS-Opinion des leaders européens pour suivre jour après jour, et par langue, les mentions du top10 des chefs d’Etat ou de gouvernement européens ;
  • l’infographie de Vigiglobe autour de # TellEurope à l’occasion du débat télévisé (47 chaînes, 25 pays) le plus important entre les Spitzenkanditaten qui récapitule les principales déclarations au regard de l’activité en ligne ;

infographie_tellEurope

  • le Twitter-dashboard du Parlement européen réalisé pour la soirée électorale récapitulant les données clés.

EP_Twitter_dashboard

D’une certaine façon, le web social semble avoir davantage été – pour ceux qui s’intéressaient vraiment aux enjeux de l’élection – un lieu d’observation de la campagne « over the top » des Spitzenkanditen et des phénomènes d’opinion en ligne.

Le web social, le champ de bataille politique aux effets limités de renforcement des prédispositions partisanes et d’activation de la participation électorale

Par rapport aux enseignements de la science politique, les médias sociaux sont plutôt à classés parmi les médias ayant des effets limités en termes de modification du choix électoral et de la participation civique.

Selon quelques électeurs-types ont pu trouver des sources de motivations en ligne :

  • le citoyen consciencieux qui avance le mobile d’aide à la décision ;
  • le partisan qui cherche du renforcement de ses prédispositions ;
  • le vigilant qui avant tout, prétend surveiller le contexte ;
  • le spectateur pour qui l’attente est principalement de divertissement.

Marek Zaremba-Pike sur EuropeDecides.eu estime, sans être totalement catégorique qu’il serait difficile d’argumenter que toutes les discussions en ligne n’ont pas soulever l’attention autour de l’élection et augmenter l’intérêt et améliorer la participation.

Overall, it would be hard to argue that all that discussion did not raise awareness about the elections, increase interest and improve turnout.

Au total, les effets des médias sociaux sur les électeurs en termes de conversion tant renforcement des prédispositions partisanes qu’activation de la participation électorale sont vraisemblablement faibles, et dans tous les cas très inégaux entre espaces publics.

Le web social, le moment de « surchauffe symbolique » le jour du scrutin

Puisqu’il convient d’évaluer l’impact des médias sociaux sur la campagne non seulement en termes de résultats électoraux immédiats, mais aussi sur un plan symbolique, la séquence de signes les plus significatifs dans la construction d’une réalité politique paneuropéenne a surtout été portée par les acteurs du web sur le jour du scrutin, indépendamment de la campagne de communication du Parlement européen.

Outre le doodle consacré aux élections européennes sur Google, sans doute l’un des signes les plus visibles pour les internautes, Twitter a affiché une bannière consacrée aux élections pour appeler les utilisateurs à aller voter entre le 23 et le 25 mai, et le bouton « je vote » sur Facebook a été utilisé pour la première fois en Europe, a été partagé plus de 2,7 millions de fois et a été vu par un électeur potentiel sur cinq dans l’UE (88,1 millions de personnes).

Ces infos communiquées par le Parlement européen (cf. « La campagne virtuelle et l’impact réel des réseaux sociaux sur les élections européennes« ) le conduit à affirmer :

Les réseaux sociaux ont-ils influencé les élections européennes 2014 ? Seuls le temps et des études indépendantes le diront. Ce qui est sûr, c’est que les élections ont eu une dimension virtuelle et virale.

Au total, l’impact des médias sociaux sur les élections européennes n’aura pas été l’heure du triomphe d’une démocratie participative digitale, sans doute mythifiée, sur la démocratie représentative traditionnelle bien vivante. En revanche, leurs effets auprès des hypers-connectés et sur un plan symbolique ne sont pas à négliger.

Politique et numérique : quelles sont les innovations de la campagne des élections européennes ?

Au-delà des discours alarmistes autour des élections européennes sur une vraisemblable abstention record ou une progression irrésistible des extrêmes, « la disruption numérique monte à l’assaut de la politique » selon Benoît Thieulin. Quelles sont les innovations numériques qui transforment la politique européenne ?

Le pouvoir d’émancipation et de synchronisation des citoyens européens : les débats entre candidats en ligne

Le numérique constitue d’abord une technologie d’émancipation de toutes les opinions libres de pouvoir s’exprimer en ligne :

  • pour le meilleur, cette émancipation offre à travers l’usage des médias sociaux une caisse de résonnance à de nombreuses sensibilités politiques bien au-delà de leurs cercles militants restreints ;
  • pour le pire, les « haters » et les « trolls », les forces obscures de la politique que représentent les extrêmes sont également outillés pour participer au débat public.

Le fait le plus innovant, c’est la capacité des citoyens européens à synchroniser leurs agendas ou leurs actions/réactions en quasi temps réel et en l’absence de médias traditionnels de masse.

Ce pouvoir, les citoyens européens s’en saisissent notamment à l’occasion des débats entre les candidats à la présidence de la Commission européenne, qui faute d’être diffusés dans des médias de masse sont retransmis et suivis en ligne et en live-tweets.

La réorganisation des institutions : les primaires des partis politiques européens en ligne

A défaut de transformer l’UE, le numérique – dès à présent – bouleverse la communication politique des partis européens et des candidats.

Du côté des candidats, le numérique et les médias sociaux en particulier redéfinissent la relation entre les élus et les citoyens en introduisant des interactions sans filtre et des revendications individuelles/catégorielles.

Du côté des partis politiques européens, l’innovation est plus manifeste car la pression permise par le numérique a conduit la plupart à orchestrer – sous l’œil des citoyens connectés – la sélection des « têtes de liste », voire à organiser la participation des citoyens au processus avec des primaires ouvertes en ligne chez les Verts européens.

La construction d’un espace public européen et d’un intérêt général : les simulateurs de vote et de sièges

Dernière innovation numérique disruptive pour la politique européenne, la construction d’un espace public européen et d’un intérêt général autour de la transparence des données et de l’exploitation d’outils de démocratie participative.

Les simulateurs de vote sont parmi les innovations les plus utiles et importantes pour permettre aux citoyens de se positionner sur l’échiquier politique européen :

  • Myvote2014  
  • EUProfiler 
  • VoteMatch 

D’autres plateformes innovantes en matière de politique européenne telle que le crowd-checking avec FactCheckEU ou la projection de la répartition des sièges avec Electio2014 sont autant de scènes d’un espace public européen en construction.

Au total, l’importance des innovations numériques dans la transformation de la politique européenne doit être appréciée à sa juste place, considérable – d’autant plus que la révolution numérique porte également sur les valeurs : accès, interactivité, participation.