L’innovation dans les réseaux sociaux n’est pas forcément là où tout le monde l’imagine. C’est l’idée forte que Sandrine Roginsky explore dans « Social Network Sites: An Innovative Form of Political Communication? » en observant les pratiques « réelles » des eurodéputés dans les médias sociaux en dehors des élections au Parlement européen…
Les eurodéputés, des « bricoleurs » créatifs dans les médias sociaux
D’un simple outil de propagande électorale à un canal permanent de communication, les eurodéputés et leurs assistants ont “bricolé” leur communication dans les médias sociaux.
Au lieu d’utiliser les médias sociaux comme l’envisagerait une certaine vulgate « participativiste », les eurodéputés ont innové de manière inattendue ou difficile à anticiper :
- Plutôt que de communiquer avec “l’homme de la rue”, les eurodéputés échangent avec des audiences spécifiques (journalistes, militants européens et experts) ;
- Plutôt que de mener des conversations, les eurodéputés monitorent les interactions et les thèmes clés.
- Plutôt que d’engager le débat, les eurodéputés récupèrent, éditorialisent et de distribuent du contenu, tout comme le font les journalistes professionnels.
Des pratiques journalistiques émergentes dans les médias sociaux
L’utilisation des médias sociaux par les eurodéputés les conduit à effectuer des tâches journalistiques (veille, curation, éditorialisation…) dans leur communication politique en ligne.
Autrement dit, les eurodéputés aujourd’hui sont des professionnels de la politique qui par leur utilisation des réseaux sociaux sont intégrés aux changements du système médiatique faisant dans lequel chacun devient son propre média.
Nouvelles technologies, vieilles habitudes : au-delà du discours de l’innovation
La thématique de l’innovation est souvent une rhétorique essentielle à la construction du leadership politique. Aussi, les médias sociaux sont présentés comme des outils innovants pour la communication politique et leurs utilisateurs comme des innovateurs.
Mais, les médias sociaux sont la continuation de la communication politique traditionnelle par d’autres moyens. Leur objectif est bien de répandre des informations ou des messages politiques à un public plus large et plus ciblée.
De 30 secondes pour la TV à 140 caractères sur Twitter, les contraintes éditoriales pour les politiciens des médias sociaux ne sont pas très éloignées de celles des médias traditionnels, comme la télévision, les journaux et la radio.
Le contexte hors ligne a un impact direct sur le contenu en ligne
La technologie n’est pas novatrice par nature. C’est la façon dont elle est utilisée dans un contexte spécifique qui apporte l’innovation.
Dans la pratique, les eurodéputés sont limités non pas tant par les contraintes techniques des médias sociaux, mais plutôt par les contraintes éditoriales du système des médias traditionnels et des nouveaux médias ainsi que par le système politique et les institutions dans leur ensemble.
Le volume ainsi que la nature hautement technique de l’information européenne ne se traduit pas facilement dans des messages publiables dans les médias sociaux et la conversation est forcément limitée à un public restreint de « connaisseurs ».
En d’autres termes, la communication en ligne est limitée par le contexte hors ligne : les eurodéputés sont confrontés à la difficulté de rendre leurs activités « transmissibles » dans les médias sociaux.
Conclusion : les médias sociaux sont à la pointe de la transformation rapide de la production de l’information politique. Grâce à l’utilisation des médias sociaux, l’information journalistique des médias et la communication politique tendent à converger.