Archives par étiquette : web social

Décryptage de l’écosystème dans les médias sociaux du Parlement européen

L’institution représentant le plus directement les citoyens européens – le Parlement européen – se doit d’être exemplaire dans sa communication auprès du grand public, et en particulier dans les médias sociaux. Qu’en est-il vraiment ?

presence_parlement_europen_medias_sociaux_2017

Une gouvernance maîtrisée et orchestrée

Contrairement à la Commission européenne qui ne semble pas maîtriser intégralement sa présence dans les médias sociaux, le Parlement européen orchestre de manière visible sa présence, entre les comptes au nom de l’institution, les comptes des Bureaux d’information dans les Etats-membres et les comptes spécialisés, comme par exemple les commissions parlementaires.

Selon la base de données de l’Union européenne dans les médias sociaux, le Parlement européen, à ce jour, c’est :

  • 97 comptes Twitter pour une audience cumulée de 1,7 millions de followers
  • 42 pages Facebook, pour une audience totale de 3,9 millions de fans
  • 25 chaînes Youtube et 37,7 millions de vidéos vues
  • 14 comptes Instagram, 69k abonnés
  • 1 page LinkedIn avec 180k abonnés
  • 1 page Google+ avec 117k abonnés
  • 3 boards Pinterest et 5,1k abonnés

Une physionomie plutôt grand public et localisée

L’importance relative des audiences sur Facebook et Youtube par rapport aux autres médias sociaux laisse imaginer une typologie d’audience plutôt grand public. Avec 2,1 millions de fans, la page Facebook est la première présence de l’Union européenne dans les médias sociaux tandis que la visibilité cumulée de la chaîne Youtube capitalise sur les campagnes de communication antérieures à l’occasion des élections européennes.

Les audiences cumulées spécifiques aux Bureaux d’information du Parlement européen dans les Etats-membres sont relativement limitées avec 12% de l’audience totale sur Twitter et 15% sur Facebook. Mais, ces audiences spécifiquement locales doivent être cumulées avec une présence qui joue résolument la carte de l’adaptation aux publics locaux. En effet, le Parlement européen occupe une présence segmentée sur Twitter en fonction des 24 langues officielles de l’UE, du compte en anglais (300 000 followers) le plus suivi, au compte en maltais avec 1417 abonnés.

Les groupes politiques dans les médias sociaux

Associés aux comptes institutionnels dans le classement proposé en ligne sur europa.eu, les groupes politiques font également l’objet d’une hiérarchie dans leur présence en ligne, qui n’est pas très éloignée de leurs poids électoraux respectifs : le parti populaire européen (PPE) se place en tête sur Twitter et Facebook, suivi par les sociaux-démocrates européens (S&D) les libéraux de l’ALDE, les Verts européens, GUENGL, ECR et EFD.

Les commissions parlementaires sur Twitter

Autre particularité propre au Parlement européen, la présence des différentes commissions parlementaires sur Twitter – une innovation que la plupart des parlements ne proposent pas à ses publics, notamment ni l’Assemblée nationale, ni le Sénat en France. Le trio de tête se compose des commissions Environnement, Agriculture et Affaires économiques.

Au total, la présence du Parlement européen dans les médias sociaux est très distinctive d’une institution qui n’hésite pas à innover et qui prend le parti délibéré de s’adresser à une large audience, à l’échelle du continent européen, en réduisant au maximum les duplications éventuelles de communautés. 

Médias sociaux : la Commission européenne, combien de divisions ?

Attention la réponse est particulièrement longue : 190 comptes Twitter, 100 pages Facebook, 36 chaînes Youtube, 25 comptes Instagram, 18 comptes perso/pages/groupes sur LinkedIn, 7 pages Google+ et 4 comptes Pinterest. Ne serait-il pas temps d’envisager une rationalisation de cette présence référencée devenue protubérante ?

presence_commission_europeenne_medias_sociaux

Twitter : le média social le plus « digital native » pour la Commission européenne

Entre les Commissaires qui y sont tous présents depuis longtemps (et c’est bien le seul média social dans ce cas), les services et directions de la Commission européenne qui rassemblent une bonne centaine de comptes et quasiment toutes les Représentations dans les Etats-membres, Twitter est le plus investi.

Côté chiffres, l’audience cumulée globale – qui n’a pas beaucoup de sens compte tenu d’un fort recoupement des audiences – représente 4,194 millions de « followers », dont 1,6 pour les Commissaires dominés par Juncker, près de 700 000 pour le compte corporate et 400 000 pour les comptes décentralisés.

Le principal chantier à ce stade du déploiement des directions, agences et services de la Commission européenne devrait être de réduire le nombre de comptes actifs. Suggérons d’emblée la suppression d’une bonne douzaine de comptes dont les codes ont dû être égarés dans un fond de tiroir : @cnectflashD2, @EdenEurope, @RIM_eu, @Ideas4Europe, @IUConvention, @innovationunion, @ICTinnovEU, @ict2015eu, @FuturiumEU, @Eufilmheritage, @EYD2015.

Une réflexion plus « corporate » devrait être engagée pour fixer des critères objectivant les suppressions ultérieures en fonction des audiences et des messages. La DG Digitale s’est particulièrement illustrée par une exemplarité qui frôle avec l’hyper-activité.

Facebook : le média social le plus « grand public » pour la Commission européenne

Avec pratiquement moitié moins de pages (100 vs 190), l’audience cumulée est quasiment identique avec 4,165 millions de fans, ce qui peut démontrer à la fois que la rationalisation ne fait pas au détriment de l’acquisition d’audience et/ou que cette plateforme demeure par excellence le média social du grand public.

Du côté des Commissaires, c’est le Vice-Président Timmermans qui mène avec une page chaleureuse et humaine très bien animée. Il en manque encore une dizaine qui ne semble pas convaincu d’une présence active sur Facebook.

Là encore, la rationalisation devrait être engagée et au moins une bonne demi-douzaine de pages pourraient être fermées du jour au lendemain : China IPR SME Helpdesk, CCS network, eSkills4jobs (9 likes), EU Expo 2015 et Passenger Rights.

Youtube : le média social le plus créatif pour la Commission européenne

Avec 36 chaînes, dont seulement 1 Commissaire et 5 Représentations, la présence de la Commission européenne sur Youtube est, en comparaison beaucoup plus timide en apparence.

Alors qu’avec 40,452 millions de vues cumulées – dont 5 chaînes à plus du million et la chaîne EU Tube à 26 millions de vues – la Commission européenne s’est taillée la part du lion en termes d’audience, notamment grâce aux nombreuses vidéos créatives.

Instagram : le média social le plus en croissance pour la Commission européenne

Arrivé parmi les derniers de la classe, Instagram est en voie rapide d’adoption, significativement plus d’ailleurs par les Représentations dans les Etats-membres (déjà 18) que par les directions et services (seulement 5) ou les Commissaires (seulement 4).

L’animation sur le compte corporate @europeancommission est particulièrement riche et variée avec un storytelling très construit autour de l’actualité de l’institution, même si, comme souvent, le compte @europeanparliament est davantage suivi.

LinkedIn : le média social le plus brouillon et sous exploité pour la Commission européenne

Seulement 18 liens qui marchent dans la base de données en ligne, et la confusion est totale entre les comptes personnels (parfois même utilisés par des services), les groupes et les pages – format encore beaucoup trop rare.

Étonnement, LinkedIn est le média social le plus boudé et c’est dommage qu’il soit aussi sous exploité alors qu’il est majoritairement peuplé de diplômés qui ne seraient pas effrayés par une présence européenne plus forte.

Google+ : le média social le plus problématique pour la Commission européenne

Que peut-on dire des 7 comptes existants sur Google+, un réseau social dont la mort est régulièrement annoncée tous les 6 mois ? A vrai dire, une seule chose, il faudrait sans doute quasiment tous les fermer aux vues de leurs chiffres – hormis le compte corporate qui rassemble plus de 1,689 millions d’abonnés.

Pinterest : le média social le moins… pour la Commission européenne

Peu de chose à dire pour les 4 comptes Pinterest, hormis que les moins de 5000 abonnés ne permettent pas de briller, si l’on se contente de regarder l’audience. En termes de contenus, les tableaux de visuels, d’infographies et de messages clés sont intéressants, notamment pour la page UE en France.

Que faut-il conclure ? Que le mouvement qui a conduit la présence digitale (sites web) de la Commission européenne à connaître un phénomène de croissance exponentielle au point de justifier une rationalisation actuellement en cours est probablement une indication de la prochaine étape qui attend les médias sociaux. La période de chasse du « petit oiseau » (cf. Twitter) ne fait sans doute que commencer… 

Comment la communication européenne pourrait saisir les nouvelles opportunités de la démocratie numérique ?

Les espaces en ligne sont très bons pour rassembler et partager des signes, mais moins bons pour hiérarchiser et délibérer sur leur sens. Ce constat aussi évident que dramatique devrait représenter un boulevard pour la communication européenne qui résoudrait d’une pierre deux coups : accessibilité au plus grand nombre, et surtout lisibilité du plus grand nombre.

Comment la communication européenne pourrait essayer de canaliser les outils numériques dans les processus européens de prise de décision pour regagner la confiance des citoyens dans les institutions politiques européennes plutôt que de les rendre encore plus désenchantés par des processus politiques éloignés, sans pertinence, démodés ou dominés par des intérêts particuliers ?

Dans « E-democracy in the EU: the opportunities for digital politics to re-engage voters and the risks of disappointment », Jamie Bartlett et Heather Grabbe formulent de nombreuses propositions, dont en voici une partie…

Rendre la délibération européenne plus interactive pour réengager les citoyens dans le projet européen

Souvent accusée d’être moins directement liée aux préoccupations des électeurs, l’Union européenne – tant menacée – pourrait, si elle s’en donnait les moyens, non pas seulement mettre en ligne ses activités et rendre accessibles ses données au public (open-data) mais surtout adopter de nouvelles méthodes pour impliquer les électeurs dans ses délibérations.

Placer au cœur des processus de décision de l’UE les Européens est le seul moyen de regagner la confiance perdue et de répondre à leurs attentes aujourd’hui de ne plus recevoir des informations d’en haut mais d’être impliqués dans sa création et d’être en mesure de participer directement aux débats :

  • utiliser des plateformes en ligne pour faciliter le dialogue sur les propositions législatives et leurs implications, y compris leurs délibérations ;
  • améliorer la présentation des points de vue divers, de sorte que les citoyens puissent voir les arbitrages impliqués dans les décisions et les synergies ;
  • faciliter au public les formes de sa participation : commenter, discuter, proposer… pas seulement comme un flux top-down des députés aux citoyens, mais aussi horizontalement entre les citoyens ;
  • partager des réponses rapides et détaillées aux questions des citoyens afin de les maintenir engagés.

Rendre les données européennes plus compréhensibles pour améliorer responsabilité et transparence de l’UE et des citoyens

Souvent incompréhensible pour le commun des mortels ou inaccessible faute d’interface de consultation adaptée, la donnée européenne, tant issue des Européens que des institutions européennes pourrait être beaucoup mieux exploitée.

Comment ?

Pourquoi ne pas utiliser le numérique, le big data et la veille en ligne pour identifier les questions importantes pour les citoyens, via des mots clés porteurs, mais négligées dans les processus politiques.

Pourquoi ne pas utiliser le numérique pour permettre aux gens ordinaires de faire pression sur un pied d’égalité avec les lobbyistes influents, parce que les plus vocaux ou les mieux rémunérés. La technologie blockchain permettrait de simplement vérifier les signatures numériques uniques des Européens souhaitant signer des pétitions ou des initiatives citoyennes.

Pourquoi ne pas développer une interface attrayante et accessible pour afficher les informations annuelles sur le budget de l’UE afin de permettre aux citoyens un examen approfondi des dépenses et de l’exécution des politiques européennes.

Au total, sans sombre dans le mythe de la reconnexion des Européens au projet européen par un branchement avec les nouvelles technologies, celles-ci créent néanmoins de nouvelles possibilités de rendre la politique et la gouvernance de l’UE plus démocratiques, transparentes, responsables, inclusives et accessibles.

Certes, les technologies ne sont pas des solutions simples et prêtes à l’emploi pour l’Europe et l’UE n’est encore moins une entreprise de technologie, mais sans réforme significative, les institutions et les processus européens continueront à dériver de la vie et des attentes des gens, les privant encore plus de la participation du public et les rendant encore moins démocratiques.

Quels enseignements de la campagne américaine pour les prochaines élections européennes ?

Les premières analyses de la campagne américaine redéfinissent largement les lignes entre une vision optimiste des opportunités du numérique pour réengager les électeurs et une vision réaliste des risques et des dérives du web sur le corps électoral et les résultats des élections. Quels sont les nouveaux défis de la démocratie à l’ère numérique, à la lecture des tendances définies par Jamie Bartlett et Heather Grabbe dans « E-democracy in the EU: the opportunities for digital politics to re-engage voters and the risks of disappointment » ?

De nouvelles attentes : les citoyens perdent confiance dans la manière dont les élus font de la politique, même si elle reste pertinente

L’expérience numérique des gens est en train de changer leur attitude envers la politique alors que la révolution numérique leur a permis de parler sans filtre beaucoup plus facilement, de s’impliquer davantage dans la création d’informations et d’interagir avec n’importe qui.

Les élections américaines montrent que ces facultés offertes par la technologie numérique dans la vie quotidienne semblent être appréciées par les citoyens chez les candidats, même les moins conventionnels.

Si les électeurs estiment que les procédures qui régissent la façon dont les décisions sont prises sont distantes, fermées, incompréhensibles et inexplicables, ils valoriseront de moins en moins les processus démocratiques où leur participation est pourtant vitale.

Comment la politique peut-elle répondre aux nouvelles attentes des gens à l’égard de la prise de décision ?

Améliorer la qualité de l’engagement en politique est donc particulièrement important, surtout au niveau de l’UE, où la prise de décision est souvent à huis clos et toujours difficile à comprendre, rendant l’expérience encore plus insatisfaisante et opaque pour les citoyens.

Une partie de la réponse réside dans la qualité de l’engagement, pas seulement sa rapidité ou sa facilité, via notamment la transparence non seulement des informations mises en ligne mais des données publiques européennes consultables, partageables et discutables

En résumé, la vie en ligne est instantanée, transparente, facile et connectée alors que la politique est souvent lente, laborieuse et secrète.

De nouvelles manières de faire de la politique : les partis politiques de masse sont à la remorque, face à de nouveaux mouvements en ligne

Chaque jour, il y a des millions de conversations sur les enjeux politiques dans les espaces numériques qui reflètent espoirs, opinions et croyances des citoyens – mais ces débats ne sont pas, ou très peu, reliés à l’engagement politique formel.

Les médias sociaux et les réseaux alternatifs permettent aux gens de trouver une myriade de nouvelles manières d’exprimer leurs opinions politiques publiquement, en dehors des espaces politiques formels traditionnels.

Quel sera l’effet de la montée rapide de nouveaux mouvements sur le web pour la démocratie ?

De nouveaux partis et mouvements canalisent beaucoup plus d’énergie grâce à l’activité politique en ligne. Ils posent également un défi majeur aux partis établis, dont l’infrastructure, l’organisation locale et l’adhésion ne sont plus un avantage décisif.

Le marché politique – autrefois un oligopole entre quelques grands partis – est beaucoup plus ouvert avec maintenant moins d’obstacles pour les nouveaux entrants et beaucoup plus de concurrence pour l’attention et les votes. Les réseaux deviennent plus puissants vis-à-vis des institutions établies, comme dans de nombreux autres domaines touchés par Internet.

Certains auront des difficultés à s’adapter, mais d’autres pourraient être dynamisés par la nouvelle concurrence en adoptant de nouvelles méthodes qui se connectent mieux avec les électeurs.

Les implications pour le fonctionnement démocratique du système politique tel qu’il est actuellement constitué dépendent moins du fait que les anciens partis réussissent à garder leur part du vote que des questions et du style de débats que les nouveaux mouvements apportent à la politique.

S’ils nourrissent de larges débats publics et stimulent une nouvelle réflexion, ils peuvent apporter un nouveau dynamisme. Mais s’ils deviennent des « petites chapelles » qui marginalisent les minorités et excluent certaines parties de la société, ils pourraient nuire.

De nouvelles sources et formes pour créer, accéder et utiliser l’information en politique : les citoyens, comme les élus sont submergés

Le web fournit de vastes quantités de données et un large éventail de sources d’information sur un vaste éventail de questions, accessibles à tout être humain disposant d’une connexion Internet.

Des changements majeurs s’observent dans la façon dont les gens trouvent, accèdent, consomment, créent et partagent des informations sur la politique. En particulier, les médias sociaux sont en train de changer où et comment les gens obtiennent leurs informations politiques.

Comment s’assurer que les électeurs, les représentants et les institutions ne soient pas submergés par des données politiques inexactes et non pluralistes au point de les déstabiliser ?

Les démocraties font face à une situation nouvelle en passant de la rareté au déluge des informations : entre les infos des médias traditionnels, des politiques et générées par les internautes-utilisateurs, qui entrent directement dans la vie publique, sans intervention ni médiation d’un « gatekeeper » professionnel.

L’accès à l’information s’est démocratisé mais les informations sont plus trompeuses. L’éventail des erreurs, des demi-vérités, des mensonges – l’ère « post-truth » actuellement en ligne – remet en question la capacité des gens à distinguer entre les bonnes et les mauvaises informations. Il en va de même pour les hommes politiques européens. Ils reçoivent également de vastes volumes de données générées par les utilisateurs.

Les effets ultimes de ces changements sur les attitudes politiques sont encore inconnus, mais les élections américaines invitent à lire comme conséquence un débat politique plus polémique et polarisé.

Certes, Internet démocratise la création de l’information et met à la disposition des gens une large diversité d’opinions, ce qui amène davantage d’engagement et de pluralisme. Mais, le défi vital est comment les citoyens peuvent mieux naviguer et utiliser l’information non médiatisée de manière à soutenir des sociétés ouvertes et libres et comment la technologie peut aider les citoyens à tenir leurs élus responsables et encourager une plus grande transparence et responsabilisation.

L’Union européenne : vers un récit de marque refondé ?

Constatant les logiques de « branding » à l’œuvre dans le champ institutionnel afin de faire la « différence » auprès des consommateurs avec la marque pour médium le plus efficace et efficient pour concentrer son discours et le rentabiliser, Nicolas Baygert s’interroge : « La forme-marque s’avérerait-elle également pertinente au regard des efforts communicationnels des institutions européennes ? » dans le dossier « « l’Europe sur les réseaux sociaux » publié dans la revue « communication & langages » n°183 en mars 2015.

Y a-t-il une marque Europe ?

Selon Georges Lewi, précurseur, l’ADN de la marque UE est évident :

  • Notoriété importante ;
  • Valeur objective : la dimension continentale – histoire et géographie mouvementées ;
  • Valeur sensorielle : le drapeau, le logo et l’hymne ;
  • Valeur attributive : la raison d’être de l’UE ;
  • Valeur narrative : l’existence d’un récit à opposé aux traités ;
  • Valeur associative : la paix.

Cependant, l’UE serait « une marque à reconstruire » sans core values selon Jean-Noël Kapferer.

Vers un place branding européen ?

Le marketing territorial destiné à modeler l’image et la perception d’un territoire pourrait permettre de développer l’attractivité de l’UE avec une construction d’image démarcative : une simplification et une clarification des messages qui se substituerait aux idées.

Quelle communauté de marque européenne ?

Selon Valérie Enjolras et benjamin Hoguet, l’applicabibilité du concept de communauté de marque à l’UE conduit d’une part à considérer l’Europe institutionnelle comme structurellement hermétique à la création d’une communauté de marque dédiée tandis que d’autre part, l’Europe expérientielle constitue le catalyseur d’une nouvelle communauté de marque UE.

Dimensions affectives et axiologiques des marques institutionnelles

Une marque institutionnelle qui ne crée pas de lien émotionnel n’est pas une marque forte.

Une marque institutionnelle doit à la fois répondre à un registre rationnel et émotionnel pour créer une relation et mobiliser de manière durable.

Une marque institutionnelle doit également installer une proximité et une durée dans le rapport via le mystère (la dimension inspirationnelle historique, mythique et iconique), la sensualité (les aspects visuels, sonores et olfactifs) et l’intimité répondant au besoin d’empathie, d’adhésion, voire de passion propre à la lovemark.

Quel récit de marque pour l’UE ?

Pour l’UE, l’effort de branding consiste moins à faire connaître l’UE qu’à la faire aimer, du moins à la rendre sympathique et à susciter de la fierté. Le problème de la marque Europe est la confusion permanente entre « Europe » et « Union européenne ». Dans la communication de la marque Europe, l’émetteur n’est pas identifié ou a très peu de capital confiance.

L’effort de branding de l’UE se heurte à un paradoxe : alors que l’UE semble aujourd’hui puiser dans son histoire, la marque UE continue d’être interprétée comme une « nouveauté » dont l’« identité » serait à refonder en permanence.

En avril 2013, l’initiative « Un nouveau récit pour l’Europe » tente de confier l’entreprise de storytelling à des professionnels qui produisent un manifeste ayant trait aux valeurs, à la culture et à l’histoire qui représentent le lien entre Européens.

En mars 2014, l’appel « L’Europe corps et âme » définit l’Europe comme « état d’esprit nourri par son patrimoine spirituel, philosophique, artistique et scientifique » (…) « responsabilité morale et politique » (…) « une identité, une idée, un idéal ».

Carrences narratives et numériques

En l’absence de figures de proue clairement identifiables ou de relais d’opinion culturellement ancrés (embedded), le récit de marque tel qu’exemplifié par l’initiative de storytelling se trouve dénué de raconteurs, perdant considérablement en efficacité. En outre, le récepteur n’est que rarement pris en compte dans cette entreprise de branding euro-identitaire, l’initiative passant dès lors relativement inaperçue.

Dans le contexte du branding européen, la Brussels Bubble serait à même de représenter la communauté de marque en ligne de l’UE. Certes, un espace réservé à une sphère d’initiés mais une avant-garde agissant comme caisse de résonnance potentielle. Une communauté susceptible de dispatcher le récit de marque vers d’autres audiences et de jauger les politiques de l’UE en temps réel.

Avec l’initiative « Un nouveau récit pour l’Europe », cette Brussels Bubble ne fut pas sollicitée. La démarche fut en réalité peu transparente et dépourvue d’interactivité en ligne. La dimension « inspirationnelle » ne semble pas parvenir à hisser l’UE au rand de lovemark.

L’UE ne dispose pas d’un socle symbolique et d’un ancrage citoyen nécessaires à la (re)fondation d’un récit de marque, voir d’un place branding efficace.

En revanche, un projet de marque open-source, permettant un processus de co-création en ligne avec la prise en compte de la Brussels Bubble impliquant une possibilité de feedback permanent entre l’émetteur et les récepteurs « ne peut représenter q’une première étape du dialogue entre les institutions et les citoyens dans une logique de two-step flow.

La refondation d’un récit de marque européen – la réécriture d’une story européenne – ne peut se concevoir et s’effectuer de manière efficace qu’à travers un projet collaboratif de type open-source, palliant aussi bien le manque de relais communicationnel que le manque de légitimité populaire d’une telle initiative.

Une légitimation de l’effort de rebranding européen nécessite la prise en compte des publics dans le processus de génération du récit de marque, nécessitant une dynamique intégrative open-ended et l’empowerment numérique d’un ensemble de co-énonciateurs engagés.