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La stratégie de l’UE contre les fake news est-elle à la hauteur ?

Après des consultations ouvertes et un rapport indépendant, la Commission européenne propose une approche européenne dans la lutte contre la désinformation en ligne. De quoi s’agit-il ?

Une sagesse principielle relativement innovante

Contrairement à la France, où son parlement débat d’une loi anti fake news, la réflexion du groupe d’experts mobilisés par la Commission européenne privilégie une approche autorégulatrice par rapport à une approche réglementaire.

Compte tenu de la complexité et de l’évolution rapide de l’environnement numérique, où le rôle des plates-formes web et des moteurs de recherche est crucial, la Commission européenne considère qu’il ne saurait y avoir une solution unique pour répondre à tous les défis liés à la désinformation.

Une sage décision, qui conduit la Commission européenne à suivre des principes généraux pour guider ses actions visant à lutter contre la désinformation :

  1. Améliorer la transparence concernant l’origine de l’information et la façon dont elle est produite, diffusée et ciblée afin de permettre aux citoyens d’évaluer le contenu auquel ils accèdent en ligne et de révéler d’éventuelles tentatives de manipulation d’opinion.
  2. Promouvoir la diversité de l’information, afin de permettre aux citoyens de prendre des décisions éclairées fondées sur la pensée critique, en soutenant un journalisme de qualité, l’éducation aux médias et le rééquilibrage des relations entre les créateurs d’information et les distributeurs.
  3. Favoriser la crédibilité de l’information en fournissant une indication de sa fiabilité, notamment avec l’aide de signaleurs de confiance, et en améliorant la traçabilité des informations et l’authentification des fournisseurs d’informations influents.
  4. Concevoir des solutions inclusives, efficaces à long terme exigeant une plus grande sensibilisation aux médias, une large participation des parties prenantes et la coopération des autorités publiques, des plateformes en ligne, des annonceurs, des signaleurs d’alerte, des journalistes et des groupes de médias.

Quoique insatisfaisante d’un point de vue strictement normatif, la posture qui appelle tous les acteurs concernés à redoubler d’efforts pour résoudre le problème de manière adéquate est plutôt rare de la part de la Commission européenne qui sait que seule elle ne saurait mettre en œuvre efficacement les actions qui contribueraient matériellement à contrer la désinformation en ligne.

Un plan d’actions relativement pragmatique

Afin d’agir rapidement et efficacement pour protéger les utilisateurs contre la désinformation, un forum multipartite sur la désinformation sera organisé pour encadrer une coopération efficace entre les parties prenantes concernées, y compris les plateformes en ligne, le secteur publicitaire, les médias et les représentants de la société civile en vue de garantir un engagement à coordonner et intensifier les efforts pour lutter contre la désinformation.

Un code de pratique sur la désinformation à l’échelle de l’UE devrait en découlé et être publié dès juillet 2018, en vue de produire des effets mesurables d’ici octobre 2018. A défaut de résultats, d’autres actions, y compris réglementaires, ne sont pas à exclure.

En vue de renforcer la vérification des faits, les connaissances collectives et la capacité de surveillance de la désinformation, un réseau européen indépendant de vérificateurs de faits sera créé afin d’établir des méthodes de travail communes, d’échanger les meilleures pratiques, d’obtenir la couverture la plus large possible dans l’UE et de participer aux activités conjointes de vérification des faits.

Pour investir dans l’éducation aux médias – l’enjeu clé pour renforcer les compétences numériques des citoyens européens – la Commission européenne lancera un appel (d’offre ou à projet ?) en 2018 pour la production et la diffusion de contenus d’information de qualité sur les affaires de l’UE à travers des médias d’information reposant sur les données (cf. « data-driven news media »).

Last but not least, en vue de sécuriser les processus électoraux et en particulier les prochaines élections européennes, sachant de 18 des 28 Etats-membres ont été frappés par des fake news lors de leurs élections nationales, la Commission européenne entreprendra plusieurs initiatives de concertation et de dialogue afin de disposer de recommandations et mesures pratiques pouvant être mises en œuvre par les États membres contre les cyberattaques et la désinformation. D’ailleurs Facebook « promet » de combattre le phénomène lors du prochain scrutin européen, selon Politico Europe.

Au total, l’approche européenne de lutte contre les fake news semble prendre en compte la triple nécessité : inclusive, d’abord afin d’aider les citoyens à acquérir les compétences nécessaires ; viable, ensuite afin de collaborer avec les acteurs du numérique sans qui rien n’est possible ; crédible, enfin afin d’éviter les actions directes de « contre-propagande » de l’UE.

Quel constitutionnalisme européen ?

Alors que la poussée populiste exerce une pression sans précédent sur la construction européenne, au point de menacer sa légitimité constitutionnelle ; la réflexion de Max Web et ses discussions contemporaines autour des modèles de légitimation fournissent-elles des éléments de réponse ?

Un constitutionnalisme interculturel : la diversité des cultures constitutionnelles comme préalable au constitutionnalisme européen

Bruce Ackerman, professeur de droit et de science politique à l’Université de Yale aux Etats-Unis, dans « Trois voies vers le constitutionnalisme (et la crise de l’Union européenne) » expose les modèles de légitimation existant en Europe :

  • Le constitutionnalisme révolutionnaire, comme en France ou en Italie où un mouvement d’outsiders renverse le pouvoir pour instaurer une constitution dont la légitimité repose sur le sacrifice de soi, en tant que reconnaissance de l’action légitime ;
  • Le constitutionnalisme pragmatique, comme au Royaume-Uni, où des insiders utilisent la Constitution pour faire des concessions stratégiques qui interrompent la dynamique radicale, la tradition devenant la référence de l’action légitime ;
  • Le constitutionnalisme des élites, comme en Allemagne ou en Espagne, où des citoyens ordinaires sont passifs tandis que des élites chez les outsiders et les insiders élaborent une Constitution, les principes (cf. la Loi fondamentale) apparaissant comme la source authentique de la légitimité.

Du coup, les divergences entre les États-membres de l’UE sur la légitimation du projet européen et la difficulté à trouver une voie commune se comprennent : « Les Français et les Italiens sont ouverts aux appels transformateurs à un Peuple d’Europe ; les Britanniques préfèrent avancer à tâtons ; et les Allemands sont hautement perplexes à l’idée même que les élites politiques ou les mouvements populaires puissent légitimement rejeter des engagements constitutionnels fondateurs ».

Par voie de conséquence, avant tout mécano constitutionnel, et toute extrapolation autour des idéaux-types de légitimation, la priorité aujourd’hui est de créer les conditions d’un dialogue interculturel qui fasse de la diversité des cultures constitutionnelles l’espoir, voire la force dont le continent à besoin pour renforcer la légitimité d’une Union en danger.

Un constitutionnalisme démocratique : la souveraineté paradoxale comme résultante au constitutionnalisme européen

Selon Etienne Balibar, professeur de philosophe à l’Université de Paris-Ouest, interrogé au Collège de France par Pierre Rosanvallon sur « la crise du fédéralisme européenne », « l’Europe est passée d’un quasi-fédéralisme à un pseudo-fédéralisme », en particulier en raison de l’ingouvernabilité croissante des systèmes européens de démocratie représentative et de l’aggravation de l’écart entre les procédures de prise de décision et les procédures de délibération et de contrôle.

Entre les idéaux-types de légitimité selon Max Weber, la seule solution pour que la construction européenne puisse faire face soit qu’elle offre aux citoyens un véritable progrès démocratique, paradoxal au sens d’impossible dans les principes mais présent dans les faits – qui ne soit pas un simple jeu à somme nulle de transfert de souverainetés entre États et UE totalement délétère dans la vision technocratique actuelle – avec en même temps plus de pouvoirs et plus de contre-pouvoirs, par rapport à une démocratie « inachevée » dans un cadre national.

En conclusion, le constitutionnalisme européen sera un succès s’il parvient à faire de l’Europe un espace d’expérimentation d’un certain universalisme tant dans la délibération interculturelle pour une légitimité procédurale d’autorisation que dans la décision démocratique pour une légitimité substantielle d’exercice conduisant vers une européanisation des solidarités.

Analyse sémantique des discours d’Emmanuel Macron, l’Européen

Alors que les discours sur l’Europe du président de la République entre Athènes, La Sorbonne, Strasbourg et Aix-la-Chapelle s’enchaînent, que peut-on en dire à partir d’une analyse sémantique…

Le discours à la Pnyx, Athènes le jeudi 7 septembre 2017 : la souveraineté européenne

Présenté par France Culture comme le « discours lyrique à la résonance démocratique », l’analyse sémantique montre que le thème de la « souveraineté » est abondamment abordé, tandis que « démocratie », « peuple-s » et « culture » sont également très présents. Parmi les verbes les plus cités, « retrouver », « construire », « défendre », « refonder » ou « retrouver » tracent un enracinement dans le passé, marqué également par l’usage de « patrimoine » et « histoire ». Enfin, les valeurs comme « ambition », « confiance », « liberté », « force », « responsabilité », soutenues par « choix », « promesse » et « miracle » peuvent nourrir la vision lyrique du 1er grand discours présidentiel sur l’Europe.

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Le discours à la Sorbonne, Paris le mardi 26 septembre 2017 : l’ambition d’une politique européenne

Présenté par France Culture comme le « discours aux promesses substantielles », l’analyse sémantique place les termes de « politique », d’« ambition », de « France » et de « pays » parmi les plus utilisés. Parmi les verbes les plus cités, « devons », « faire », « souhaite », « construire », « faut », « veut », « propose » ou « avancer » place le propos dans une dimension plus immédiate dans le présent. Les sujets sont plus concrets avec « marché », « projet », « numérique », « solidarité », « sécurité » ou « frontières », voire « budget » et « taxe ». Enfin, le terme « aujourd’hui » ou « moment » revient ainsi que « commun », « ensemble » et sans oublier l’apparition d’« élections ».

discours_Macron_Sorbonne

 

Le discours au Parlement européen, à Strasbourg, le mardi 17 avril 2018 : la synthèse entre souveraineté et démocratie européennes

Présenté par France Culture comme le « discours aux propositions visionnaires », l’analyse sémantique place à quasi égalité les thématiques de « souveraineté » et de « démocratie » dans une sorte de synthèse. Les verbes principaux oscillent entre « nous devons » et « je veux » ainsi que « venir » et « vivre ». Plusieurs nouveautés apparaissent autour de la notion de « débat », avec « peuples » et « concitoyens » d’une part, ainsi que « contexte » et « compromis » d’autre part illustrent la dimension plus dialectique entre grands principes et réalités.

discours_Macron_Strasbourg

 

Le discours à Aix-la-Chapelle, le jeudi 10 mai 2018 : le choix du franco-allemand

Présenté par France Culture comme le « discours de la concrétisation » puisque prononcé à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne, l’analyse sémantique distingue clairement ce discours par la présence significative des termes « Allemagne » et « France » ainsi que « politique » et « choix » devant « souveraineté », « règles » ou « réformes ». Les verbes les plus cités sont « crois », « décider », « battre », « porter » qui indiquent une certaine résolution. Enfin, les termes s’équilibrent davantage, s’ancrent encore davantage dans le réel entre d’une part, « peur », « risque », « crise » et « doute » et d’autre part, « force », « paix », « volonté », « capacité », « rêve », « sécurité » et « unité » ; sans oublier l’apparition de l’enjeu du « climat ».

discours_Macron_Aix_Chapelle

Au total, l’enchaînement des discours présidentiels sur l’Europe, sous l’angle de l’analyse sémantique, montre un cheminement intellectuel d’une vision très conceptuelle autour de la souveraineté européenne d’une Europe idéelle sinon idéale à un discours plus équilibré entre le souhaitable et le possible, rationnel, raisonné, sinon raisonnable sur l’Europe. Une image pour illustrer ce cheminement : l’entrée progressive d’une fusée dans l’atmosphère.

Transparence sur les budgets des agences au service de la communication de l’Union européenne

Sur la base d’une approximation des principaux acteurs du marché en 2016 (année la plus récent disponible sur le « système de transparence financière de l’UE » ), le marché de la communication de l’Union européenne franchit la barre symbolique des 100 millions d’euros dans une relative stabilité des agences-prestataires et du volume de contrats…

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Gopa-Cartermill, l’agence se hisse en pole position des budgets : 26 655 418 € et 42 contrats

Présente sur le marché bruxellois depuis plusieurs années, la part de marché de Gopa-Cartermill n’a cessé de progresser pour atteindre la 1e place, notamment grâce à ses multiples collaborations avec, entre autres, des DG comme NEAR (élargissement et voisinage), DEVCO (coopération et développement) ou MARE (affaires maritimes et pêches) et des agences comme EACEA (l’agence exécutive Éducation, Audiovisuel et Culture) et EASME (l’agence exécutive pour les PME).

Parmi les contrats exclusivement en communication, citons par exemple :

  • Une campagne de sensibilisation à la modernisation de l’industrie européenne : 2,1M€
  • Une action de communication sur l’inclusion sociale et les inégalités dans la coopération et le développement international de l’UE : 890k€
  • Le soutien à Cordis de l’office des publications de l’UE : 800k€

Ogilvy (groupe WPP), la médaille d’argent en termes de budgets : 23 512 917 € et 26 contrats

Partenaire reconnu des campagnes de communication du Parlement européen à l’occasion des élections européennes antérieures, Ogilvy se positionne en 2e place en particulier grâce à son contrat avec la DG COMM pour la campagne sur le plan d’investissement pour l’Europe, représentant un montant total de 16,4 millions d’euros.

Deux autres contrats significatifs :

  • L’un pour des activités de communication pour la DG TRADE sur les sujets commerciaux : 1,5M€
  • L’autre pour des activités de communication sur les violences contre les femmes pour DG JUST (justice et consommateurs) : 600k€

Mostra, la médaille de bronze pour les budgets, mais toujours 1e pour les contrats : 23 150 875 € et 139 contrats

Agence leader sur le marché de la communication européenne à Bruxelles, Mostra dispose du portefeuille le plus vaste en termes de clients au sein de la Commission européenne, avec une spécialisation autour de tout type d’événement.

Parmi les contrats principaux, une sélection illustre la diversité des prestations :

  • La campagne de communication corporate : « L’UE est ouverte au business » de la DG Marché intérieur, industrie, entreprenariat et PME : 1,9M€
  • La campagne de communication autour des 30 ans d’Erasmus de la DG Éducation et culture : 1,6M€
  • Le magazine « Horizon » de la DG Recherche et innovation : 1M€
  • Les activités de communication sur les questions d’élargissement auprès des parties prenantes dans les États-membres : 914k€

En matière d’organisation d’événements, il est possible de citer :

  • Organisation de la semaine européenne des régions et des villes pour la DG REGIO
  • Organisation d’événements au service des Centres d’information Europe Direct pour la DG COMM
  • Soutien à la semaine verte de l’UE, à la conférence Euraxess pour la DG RTD
  • Soutien à la participation aux salons IGW à Berlin et SIA à Paris pour la DG AGRI
  • Organisation de prix, comme RegioStars pour la DG REGIO ou Enterprise Europe Network Awards…

Tipik, 4e agence : 12 375 941 € et 72 contrats

Autre agence parmi les « usual suspects » du marché, Tipik stabilise sa perte de vitesse avec un volume de budgets et de contrats significatifs pour la placer en 4e place du classement, avec notamment des collaborations avec la DG Informatique ou la DG Justice et Consommateurs.

Parmi les principaux contrats :

  • La partie éditoriale de Cordis de l’Office des publications de l’UE : 1,7M€
  • Les synthèses – fort utiles – de la législation européenne pour ce même office : 850k€
  • Des actions de communication sur « la résolution alternative des différends et la résolution des différends en ligne » : 930k€
  • Un service de conférenciers externes pour les présentations d’informations aux groupes visitant le centre des visiteurs de la Commission européenne à Bruxelles : 400k€…

Media-Consulta : 5e « grande » agence au service de la communication de l’UE : 12 063 204 € et 29 contrats

Dernière grande dans le top 5 des agences ayant des budgets supérieurs à 10 millions d’euros avec la Commission européenne, Media-Consulta, acteur installé sur le marché travaillent pour plusieurs directions générales et services à l’échelle européenne et internationale.

Quelques exemples de contrats indicatifs :

  • Organisation des Journées européennes du développement : 3,1 millions d’euroos pour la DEVCO
  • Action de sensibilisation à l’UE en Chine : 2,5M€
  • Couverture vidéo des affaires européennes (contrat international) : 1,7M€ pour la DG COMM
  • Réseau d’information sur l’UE en Albanie : 590k€
  • Communication pour l’instrument européen pour la démocratie et les droits humains pour la DEVCO…

Autres agences : moins de 10 millions d’euros, moins de 60 contrats

Hormis ESN – European Social Network – qui culmine à 6 millions d’euros et 56 contrats, le reste du marché se répartit en quelques contrats confiés ponctuellement à des réseaux comme Publicis ou Havas (l’agence qui avait percée avec la campagne de communication corporate sans succès) ou à quelques agences historiquement implantées mais en recul, comme Emakina.

Au total, le panorama des agences de communication prestataire de la Commission européenne montre une relative concentration des contrats et des budgets entre une demi-douzaine de concurrents, qui se trouvent en voie de spécialisation relative.

Quels sont les enseignements du Conseil national du numérique pour la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe ?

Alors que le questionnaire de la « Consultation sur l’avenir de l’Europe » vient d’être mis en ligne, à l’échelle de l’UE, en utilisant les contributions d’un Panel européen de citoyens, Jan Krewer, Secrétaire général adjoint du Conseil national du numérique, s’interroge sur « Comment réussir des consultations sur l’Europe à l’ère numérique », pour l’Institut Jacques Delors…

Promesses et limites de la désintermédiation portée par les civic tech en vue d’atteindre une consultation numérique qui permette l’inclusion, la délibération et la proximité avec la décision

A partir d’interrogations clés, Jan Krewer rassemble des observations pour évaluer le potentiel réel d’un dispositif de consultation citoyenne en ligne.

1. Une large consultation européenne peut-elle être inclusive ?

Entre d’une part, l’idéal d’une « mise en réseau des individus » ou la « mise en conversation de la société » et d’autre part, la fracture numérique et surtout des capacités encore très prégnante, l’enjeu de l’inclusion représente le 1er défi :

« La difficulté à parvenir à une forme de représentativité satisfaisante révèle la faiblesse des outils numériques quand il s’agit de légitimer des décisions démocratiques. Ce n’est pas pour autant un argument qui permet de les discréditer définitivement comme moyen de renforcer le caractère démocratique d’un processus de décision. »

2. Une véritable délibération en ligne entre citoyens est-elle possible ?

Entre l’idéal d’une démocratie délibérative parvenant rationnellement à établir un consensus et la réalité des contributions numériques des participants, l’enjeu de la délibération est un autre défi important :

« Il est difficile d’observer de véritables délibérations dans le cadre des consultations politiques menées en ligne à ce jour : peu de « branches » de discussions spécialisées se créent autour d’un argument et permettent d’aboutir à un consensus, qui reste en majorité issu de l’analyse qualitative ou quantitative menée a posteriori par l’organisateur de la consultation. »

3. Comment assurer la proximité avec les lieux de décision ?

Entre l’esprit d’ouverture honnête et sincère à la participation des citoyens et la méfiance contre une distraction voire une manipulation des citoyens, l’enjeu de la manière dont les contributions s’intègrent au processus de décision est fondamental :

« Les garanties apportées pour assurer la prise en compte des discussions dans la décision sont un facteur important pour la réussite des consultations en ligne. ».

Apports des dispositifs de consultation numérique : plus de transparence, une expertise nouvelle et de rapports de force par la mobilisation

A partir de consultations numériques menées en France, Jan Krewer livre des apports que l’on pourrait observer pour la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe :

D’abord, les consultations en ligne favorisent une plus grande transparence des débats, non seulement des contributions de chacun, mais surtout des stratégies d’influence des différentes parties prenantes.

Ensuite, les consultations numériques permettent de solliciter une « intelligence collective », une sorte de « richesse des réseaux » qui se traduit par la mobilisation et les contributions de communautés inédites.

Enfin, les consultations en ligne « remettent en cause les rapports de force politiques institutionnels existants » et peuvent donc permettre à des mouvements sociaux numériques de s’en emparer.

Bonnes pratiques pour empêcher au maximum de dé-corréler la décision des débats organisés avec la société

Fort de son expérience au sein du Conseil national du numérique, Jan Krewer donne une série de recommandations opérationnelles qui contribueraient au succès de la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe :

Réussir à créer un dialogue entre experts, décideurs et citoyens dans le cadre de la consultation… ce qui nécessite une transformation importante et un accompagnement non seulement de la société civile mais aussi des décideurs.

Organiser une restitution objective des débats et expliciter les modalités de leur prise en compte… ce qui peut se traduire par des réponses argumentées aux principales propositions plébiscitées par les contributeurs.

Mettre en place des dispositifs de suivi de la prise de décision, reposant notamment sur la transparence des positions défendues par les parties prenantes… ce qui conduit à mettre en place de véritables boucles de réaction tout au long du processus. 

Au total, si la consultation en ligne sur la refonte de l’Europe parvient à répondre aux enjeux d’inclusion, de délibération et de proximité, alors le dispositif pourrait contribuer à créer de nouvelles dynamiques relationnelles entre la société et les autorités sur les affaires européennes.