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Décryptage du discours de la présidente Ursula von der Leyen au Forum économique mondial

Au lendemain du discours d’investiture de la présidence Trump II, le discours prononcé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, au Forum économique mondial de Davos doit se lire comme la réponse européenne aux transformations géopolitiques, économiques et technologiques sans précédent. Quelle est la feuille de route stratégique pour l’Union européenne ?

Contexte global : un monde en mutation radicale

Von der Leyen ouvre son discours par un constat contrasté autour du paradoxe de la mondialisation, avec d’une part des succès initiaux de l’« hyper-mondialisation » des années 2000 : réduction massive de la pauvreté (notamment en Chine et en Inde), intégration technologique (boom des dot-com) et coopération institutionnelle (élargissement du G7 au G8) mais d’autre part, des fractures émergent comme nos dépendances stratégiques avec des chaînes d’approvisionnement globalisées (ex. : semi-conducteurs) devenues vulnérables aux chocs (pandémie, guerre en Ukraine), une concurrence systémique liée à l’essor de modèles économiques non marchands (ex. : Chine) et la course aux technologies critiques (IA, quantique, énergie propre) qui ont sapé les règles multilatérales et la sécurisation des échanges avec davantage de contraintes, de contrôles à l’exportation et de sanctions qui reflètent une « géo-économie » conflictuelle.

Face à ce nouvel désordre mondial, la présidente souligne que l’UE ne peut plus compter sur l’ordre libéral stable. Les rivalités entre blocs (États-Unis, Chine-Russie) et la fragmentation des chaînes de valeur obligent l’Europe à repenser sa posture pour assurer la transition énergétique alors que la guerre en Ukraine a révélé la vulnérabilité de l’UE face aux hydrocarbures russes (45 % du gaz en 2021) et que la compétitivité est en berne malgré un marché unique de 450 millions de consommateurs, l’Europe peine à convertir son épargne (1 400 Md€) en investissements innovants et en raison de dépendance technologique sachant que les contrôles sur les exportations de technologies ont quadruplés depuis 2000.

La feuille de route européenne : nos piliers stratégiques

Von der Leyen annonce un plan structuré autour de trois axes, soutenu par les rapports Draghi sur la compétitivité et Letta sur le marché unique se traduisant par une Union des marchés des capitaux avec des produits d’épargne paneuropéens attractifs pour canaliser l’épargne vers les start-ups et technologies vertes, des incitations au capital-risque afin de réduire les barrières fiscales et réglementaires pour les investisseurs et la mobilité des capitaux en harmonisant les règles sur les droits des sociétés, l’insolvabilité et la fiscalité. Cette union des marchés et des capitaux vise à concurrencer les marchés américains et asiatiques, mais son succès dépendra de la volonté des États membres à renoncer à des prérogatives nationales.

Afin de simplifier l’activité des entreprises, alors que les PME font face à 27 législations nationales divergentes (droit du travail, fiscalité, normes), décourageant l’innovation, l’idée est de créer un régime unique pour les entreprises innovantes, un cadre juridique unifié dit « 28e régime » pour opérer dans toute l’UE en vue de la réduction des formalités administratives, la simplification des règles sur la finance durable et la diligence raisonnable et pour le soutien aux PME afin de leur faciliter l’accès aux marchés publics et aux fonds d’innovation. Ce projet audacieux pourrait dynamiser l’écosystème des start-ups, mais nécessitera un consensus politique difficile à obtenir (ex. : harmonisation fiscale).

Pour assurer la transition énergétique en renforçant notre autonomie et notre compétitivité sachant que l’UE a réduit sa dépendance au gaz russe (-75 %) et au pétrole (-97 %), au prix d’une inflation énergétique, la stratégie proposée vise à accélérer les énergies propres (solaire, éolien, nucléaire selon les pays), à investir dans les technologies de rupture (fusion, géothermie), à moderniser les réseaux, interconnexion des infrastructures et stockage (batteries) dans le cadre de l’Union de l’énergie visant à libérer le marché pour une circulation transfrontalière des énergies renouvelables. La transition énergétique est présentée comme un levier de compétitivité (coûts stables) et de sécurité (moindre dépendance). Le défi réside dans la mobilisation de capitaux privés et l’acceptabilité sociale.

L’Europe dans le monde : un modèle de coopétition

Avec la Chine, Von der Leyen adopte une ligne pragmatique pour un partenariat rééquilibré entre défense contre les distorsions, ces mesures anti-subventions contre les voitures électriques chinoises et dialogue constructif visant à renforcer les liens à l’occasion des 50 ans des relations UE-Chine, notamment sur les infrastructures et le climat. L’idée est d’éviter un découplage trop fort tout en protégeant les industries européennes.

Plus largement, c’est vers un renforcement des alliances, tels que les partenariats économiques tels que les accords récents avec le Mercosur, le Mexique, et la Suisse visant à diversifier les chaînes d’approvisionnement et à promouvoir des normes durables, mais aussi la priorité vers l’Inde, le voyage inaugural du 2e mandant de von der Leyen en raison de son importance stratégique, démographique et technologique.

Last but not least, Ursula von der Leyen souligne l’interdépendance économique unique entre l’UE et les États-Unis, qualifiés de « partenaires les plus proches ». Elle rappelle que 3,5 millions d’emplois américains dépendent des entreprises européennes aux États-Unis, tandis qu’un million d’autres sont liés au commerce transatlantique, illustrant des chaînes de valeur intégrées avec un volume d’échanges de 1 500 milliards d’euros (30 % du commerce mondial). Face à ces enjeux vitaux, la Présidente adopte un ton pragmatique, prône un dialogue pour aligner nos intérêts communs (normes, sécurité énergétique), sans renoncer aux principes européens (réciprocité, défense du marché unique). L’approche de la présidence Trump dessine une démarche équilibrée entre nécessité de coopérer avec les États-Unis face à la concurrence systémique (Chine, Russie), mais volonté affirmée de protéger nos industries et de réduire les risques de dépendance asymétrique. Le partenariat transatlantique reste un pilier, mais dans un cadre rééquilibré, où l’Europe défend ses intérêts tout en évitant le piège d’un protectionnisme destructeur.

Messages clés et implications stratégiques

Que retenir de ce discours à Davos ? Plusieurs points clés : un narratif autour de résilience, une narration de l’UE comme acteur résilient, capable de surmonter les crises grâce à son modèle ; un équilibre entre sécurité et prospérité,  une approche ni protectionniste ni naïve, combinant ouverture et « dé-risquage » et diversification des chaînes d’approvisionnement ; un appel à l’unité européenne indispensable pour les réformes proposées (UMC, 28e régime) nécessitant une intégration plus poussée, mais testant la solidarité entre États membres ; une projection globale de l’UE qui se positionne comme un pont entre blocs, prônant un multilatéralisme réformé et des partenariats « gagnant-gagnant ».

Le discours de von der Leyen à Davos marque une inflexion dans la communication stratégique de l’UE : il associe réalisme géopolitique, ambition économique et fidélité aux valeurs européennes en articulant compétitivité, durabilité et coopération, une voie s’esquisse pour que l’UE demeure un acteur global dans un monde fragmenté.

La réussite de cette feuille de route dépendra de la capacité de l’UE à transformer ses déclarations en actions, tant en interne qu’à l’international.

Cap sur 2025 : priorités de la Commission von der Leyen pour une Europe en action

Les lettres de mission définissent les responsabilités et les attentes de la Présidente von der Leyen pour chaque Vice-Président exécutif de la Commission européenne, traçant une feuille de route pour les priorités et les ambitions pour les cinq prochaines années. L’accent étant mis sur « l’exécution et les résultats », que pouvons-nous attendre dès la barre fixée des 100 jours ?

Les six Vice-Présidents exécutifs et leurs missions

  • Teresa Ribera Rodríguez, Transition propre, juste et compétitive :  garantir une transition verte juste et efficace, moderniser la politique de concurrence et coordonner des travaux sur le pacte industriel vert. Les priorités clés comprennent réduction des prix de l’énergie, soutien à une transition juste pour les travailleurs et utilisation de la politique de concurrence pour soutenir l’innovation verte.
  • Henna Virkkunen, Souveraineté technologique, sécurité et démocratie :  renforcer l’indépendance technologique de l’Europe, la cybersécurité, la protection des valeurs démocratiques et la gestion de la migration et de la sécurité intérieure. Les initiatives clés comprennent une loi sur les réseaux numériques, le soutien à l’Union européenne de la défense et la lutte contre la désinformation.
  • Stéphane Séjourné, Prospérité et stratégie industrielle : Chargé de stimuler la compétitivité et l’innovation européennes, en mettant l’accent sur une nouvelle stratégie industrielle, le pacte industriel vert et le renforcement du marché unique. Les initiatives clés comprennent un Fonds européen pour la compétitivité, une loi sur l’accélération de la décarbonisation industrielle et une stratégie pour le marché unique.
  • Kaja Kallas, Affaires étrangères et politique de sécurité :  diriger la politique étrangère de l’UE, en mettant l’accent sur le soutien à l’Ukraine, le renforcement de la défense européenne, le développement d’une approche plus stratégique des sanctions et la promotion de partenariats clés (transatlantique, G7, etc.). Un Livre blanc sur l’avenir de la défense européenne est un livrable clé.
  • Roxana Mînzatu, Personnes, compétences et préparation :  renforcer le capital humain de l’Europe grâce au développement des compétences, à l’éducation et aux droits sociaux. Les initiatives clés comprennent un plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, une feuille de route pour des emplois de qualité et une stratégie pour une Union des compétences.
  • Raffaele Fitto, Cohésion et réformes :  garantir la mise en œuvre réussie de NextGenerationEU, le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale et le soutien au développement régional. Les domaines clés comprennent la réduction des disparités régionales, le soutien aux communautés rurales et la promotion de la mobilité et du tourisme durables.

Les 100 premiers jours : des actions concrètes

Dans les 100 premiers jours, les Youth Policy Dialogues, le Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense européenne et le Pacte Industriel Vert sont les principaux efforts collaboratifs impliquant plusieurs Vice-Présidents Exécutifs :

  • Henna Virkkunen, Souveraineté Technologique, Sécurité et Démocratie :
  • Garantir l’accès à une capacité de supercalcul adaptée pour les start-ups et l’industrie de l’IA par le biais de l’initiative AI Factories.
  • Proposer, en collaboration avec le Commissaire à la Défense et à l’Espace, un Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense Européenne.
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Kaja Kallas, Affaires Étrangères et Politique de Sécurité :
  • Proposer, en collaboration avec le Commissaire à la Défense et à l’Espace, un Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense européenne.
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Raffaele Fitto, Cohésion et Réformes :
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Roxana Mînzatu, Personnes, Compétences et Préparation :
  • Présenter un nouveau Plan d’Action sur la Mise en Œuvre du Socle Européen des Droits Sociaux
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Stéphane Séjourné, Prospérité et Stratégie Industrielle :
  • Développer, avec le Commissaire au Climat, à la Neutralité Carbone et à la Croissance Verte, le Pacte Industriel Vert.
  • Présenter une loi d’Accélération de la Décarbonisation Industrielle. Mettre en place une plateforme dédiée aux Matières Premières Critiques de l’UE. Présenter l’Acte sur l’Économie Circulaire (conjointement avec le Commissaire à l’Environnement). Présenter un nouveau Paquet pour l’Industrie Chimique (conjointement avec le Commissaire à l’Environnement).
  • Teresa Ribera Rodríguez, Transition Propre, Juste et Compétitive :
  • Développer, avec le Commissaire au Climat, à la Neutralité Carbone et à la Croissance Verte, le Pacte Industriel Vert.
  • Réviser les Lignes Directrices sur le Contrôle des Fusions Horizontales.

L’Europe est à la croisée des chemins. Le succès de l’agenda de la nouvelle Commission dépendra de notre capacité à traduire ces ambitions en actions concrètes et tangibles afin que l’Europe ait les moyens de ses ambitions, c’est de notre responsabilité collective.

L’UE à la croisée des chemins : faut-il plus ou moins de pouvoir ?

Débat sur la chaîne YouTube « Brussels Signal » : « Federalist VS Eurosceptic : Should we give the EU more Power? » entre Sophie in’t Veld, ex-députée européenne libérale, auteure de « Naked Power » et Thomas Fazi, auteur de « The Silent Coup » se présentant comme de gauche anti-UE.

Face-à-face : un europhobe contre le supranationalisme et une eurocritique d’un système dysfonctionnel

Sur le plan théorique, il y a de nombreuses déclinaisons du gris eurosceptique, mais les positions ne peuvent pas être plus éloignées entre les deux protagonistes. Pour Thomas Fazi, le discours que nous entendons de l’UE – la souveraineté nationale n’a plus de sens avec la mondialisation, nous ferions mieux de nous regrouper pour créer une super-puissance – a échoué avec pour résultat le déficit démocratique. L’échec n’est pas malgré une UE imparfaite mais parce que le supranationalisme ne fonctionne pas. Nous sommes donc dans les limbes, avec un non-État puissant, l’UE, et des conséquences politiques, enchaînant les erreurs.

Pour Sophie in’t Veld, l’UE a certainement donné des résultats, mais elle sous-performe en tant qu’économie innovante, acteur géopolitique et surtout entité démocratique. Les États-nations n’ont pas été inventés avec Adam et Ève, ce sont des créations récentes, et toute idéalisation des États-nations est un anachronisme naïf.

Le problème avec le pouvoir de l’UE est que les dirigeants nationaux ont confisqué le pouvoir au sein du Conseil européen, qui devrait fonctionner comme un « think tank » selon les traités européens mais qui agit comme un gouvernement dysfonctionnel, décidant sans transparence ni responsabilité. Le fait que la présidente de la Commission européenne soit membre du Conseil européen est problématique, elle devrait faire appliquer la législation européenne, pas se rapprocher des chefs d’État et de gouvernement. Pour Ursula von der Leyen, son ticket pour le pouvoir est d’être à la table du Conseil européen, pas en tant que présidente de la Commission européenne.

La démocratie fonctionne avec des élections et surtout des « checks and balances » : dans l’UE, la responsabilité s’est perdue au fil des ans. La révolution la plus importante aujourd’hui serait d’appliquer les traités européens. Premièrement, réduire la taille de la Commission européenne comme cela est envisagée. Deuxièmement, les Commissaires ne devraient plus représenter leurs pays, puisque la Commission européenne est chargée d’appliquer les traités et de mettre en œuvre les lois européennes, même les procédures d’infraction contre les États membres si nécessaire. Ces dernières années, l’application du droit est en fort déclin, von der Leyen en particulier l’a négocié contre du soutien politique. On ne peut plus faire confiance à la Commission européenne, et c’est le problème le plus urgent.

Que nous faut-il ? Plus de responsabilité et de contrôle des chefs d’État et de gouvernement s’engageant avec l’UE, dans les limites de l’État de droit. Dans le monde fragmenté d’aujourd’hui, nous devons rendre l’UE plus démocratique en tant que démocratie parlementaire à part entière. Nous vivons encore dans l’illusion que les États-nations peuvent faire face seuls aux défis comme le changement climatique, les défis géopolitiques, les migrations et la transition numérique. Dans le cadre des traités actuels de l’UE, le Conseil européen, l’organe des chefs d’État et de gouvernement, ne devrait plus prendre les décisions, et le Parlement européen devrait exercer plus de contrôle. Les pouvoirs ont été consciemment donnés aux institutions européennes, avec réticence par les États membres, car le pouvoir intergouvernemental ne fonctionnait pas, mais nous avons perdu cette mémoire et celle-ci revient avec force. C’est leur « coup d’État », s’il y a un « coup silencieux », il vient des dirigeants gouvernementaux européens. Nous devons ramener le pouvoir là où il devait être : la Commission européenne et le Parlement européen, loin de la boîte noire.

Visions opposées de l’avenir : désoccidentalisation vs. démocratisation

Thomas Fazi craint le risque d’un style nouvelle « Guerre froide » de la part de l’UE, alignée sur les USA, qui serait destinée à imploser. L’UE doit s’engager dans un monde multipolaire, avec le bloc non-occidental, les BRICS, qui s’éloignent de la vision suprémaciste occidentale, où une majorité mondiale construit un nouvel ordre basé sur les nations. Sophie in’t Veld se pose en optimiste très inquiète, car les sonnettes d’alarme des présidences Trump et de l’attaque russe de l’Ukraine n’ont pas suffi à apporter le leadership décent dont l’UE a besoin pour décider de notre avenir.

L’Union européenne à l’ère du podcast : une analyse de sa stratégie audio

Dans un monde où l’information circule à grande vitesse et où l’attention du public est de plus en plus difficile à capter, la Commission européenne décide de se lancer dans l’aventure du podcast pour communiquer sur ses activités et ses politiques. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté plus large de moderniser sa communication et de toucher de nouveaux publics, notamment plus jeunes. Mais quelle est réellement l’offre de podcasts européens ?

Aperçu général de l’offre de podcasts de l’UE

L’offre de podcasts de l’Union européenne est vaste et diversifiée. D’après la base de données des contenus produits par la Commission européenne, on dénombre pas moins de 22 séries de podcasts différentes, couvrant un large éventail de sujets.

Diversité thématique

Les thèmes abordés vont des actualités européennes avec « Europe Calling » aux statistiques « Stats in a Wrap », en passant par le commerce « Trade-Off », la recherche scientifique « CORDIScovery », la finance « EU Finance – The Future of Finance », l’espace « Let’s Talk EU Space », l’agriculture « Food for Europe », l’environnement « Ocean Calls », ou encore la culture « European Tasty Tales ». Cette diversité thématique reflète la volonté de l’UE de communiquer sur l’ensemble de ses domaines d’action et de compétences.

Multilinguisme

Un autre aspect notable de cette offre est son multilinguisme. Bien que la majorité des podcasts soient en anglais, certains sont produits dans d’autres langues de l’UE. Par exemple, « Wij, Europeanen » est en néerlandais, s’adressant spécifiquement à ce public.

Fréquence et durée

La fréquence de publication varie selon les séries, allant d’un rythme hebdomadaire à mensuel, voire plus espacé pour certaines séries. La durée des épisodes est également variable, mais se situe généralement entre 20 et 40 minutes, un format adapté à une écoute pendant les trajets quotidiens ou les pauses.

Format et style

La plupart des podcasts de l’UE adoptent un format d’interview ou de discussion entre experts. C’est le cas par exemple de « Europe Calling », qui propose des entretiens avec des décideurs clés de l’UE et des experts sur les politiques européennes les plus ambitieuses.

D’autres séries optent pour un format plus narratif, comme « Ocean Calls » qui plonge l’auditeur dans les profondeurs des enjeux maritimes à travers des récits immersifs et des témoignages.

Certains podcasts se distinguent par leur approche plus ludique ou informelle. « Stats in a Wrap » par exemple, présente les statistiques européennes de manière divertissante, cherchant à rendre accessibles des données parfois complexes.

Contenu et messages clés

L’analyse du contenu des différentes séries révèle plusieurs messages clés récurrents :

  • L’importance de l’action européenne dans la vie quotidienne des citoyens
  • La promotion des valeurs européennes (démocratie, état de droit, solidarité)
  • L’explication des politiques et initiatives de l’UE
  • La mise en avant de l’expertise européenne dans divers domaines
  • La sensibilisation aux défis globaux (changement climatique, transition numérique, etc.)

Par exemple, la série « CORDIScovery » met en lumière les avancées de la recherche européenne, soulignant ainsi le rôle de l’UE dans l’innovation et le progrès scientifique. « Food for Europe » quant à lui, explique les politiques agricoles et alimentaires de l’UE, cherchant à rapprocher ces enjeux des préoccupations quotidiennes des citoyens.

Évaluation de l’efficacité de la stratégie podcast

Publics cibles

Chaque série de podcast semble viser un public spécifique. « Erasmus+ revealed » s’adresse clairement aux étudiants et jeunes professionnels intéressés par la mobilité en Europe. « EU Finance – The Future of Finance » cible plutôt les professionnels et experts du secteur financier. « European Tasty Tales » vise un public plus large, intéressé par la gastronomie européenne. Cette segmentation permet à l’UE d’adapter son message et son ton en fonction de l’audience visée, afin de maximiser l’impact.

Intérêts et audiences

Il est difficile d’évaluer précisément l’audience de ces podcasts sans avoir accès aux statistiques d’écoute. Cependant, plusieurs indicateurs suggèrent un certain succès :

  • La longévité de certaines séries : « CORDIScovery » en est à son 40ème épisode, « EU Finance » à son 23ème, ce qui indique une certaine fidélisation de l’audience.
  • La régularité des publications : la plupart des séries maintiennent un rythme de publication constant, signe d’un engagement continu de l’UE dans cette stratégie.
  • La diversification de l’offre : le lancement régulier de nouvelles séries comme récemment « Erasmus+ revealed » ou « The Pulse » suggère que l’UE perçoit un intérêt croissant pour ce format.

Diffusion des messages clés

L’analyse du contenu des podcasts montre une cohérence avec les priorités de communication de l’UE. Les thèmes abordés reflètent les grandes orientations politiques de la Commission (Green Deal, transition numérique, relance économique post-Covid, etc.).

La diversité des formats et des approches permet de décliner ces messages de manière adaptée à différents publics. Par exemple, « Ocean Calls » sensibilise aux enjeux environnementaux marins de manière accessible, tandis que « Trade-Off » explique les subtilités de la politique commerciale européenne à un public plus averti.

Limites et défis

Malgré ces aspects positifs, la stratégie podcast de l’UE fait face à plusieurs défis :

  • La visibilité : dans un marché du podcast très concurrentiel, il peut être difficile pour les séries de l’UE de se démarquer et d’atteindre un large public.
  • La barrière linguistique : bien que certains podcasts soient produits dans différentes langues, la majorité reste en anglais, limitant potentiellement leur audience.
  • La complexité des sujets : certains podcasts traitent de thèmes très techniques, ce qui peut rebuter un public non-initié.

Recommandations pour améliorer et développer l’utilisation des podcasts

Sur la base de cette analyse, voici quelques recommandations pour renforcer l’efficacité de la stratégie podcast de l’UE :

Diversifier davantage les formats

Bien que l’offre actuelle soit déjà variée, l’UE pourrait expérimenter de nouveaux formats pour toucher un public plus large :

  • Des séries de fiction audio basées sur des thèmes européens pour captiver un public plus jeune.
  • Des podcasts courts (5-10 minutes) pour une consommation rapide d’information.
  • Des séries collaboratives avec des créateurs de contenu populaires pour bénéficier de leur audience.

Renforcer le multilinguisme

Pour surmonter la barrière linguistique, l’UE pourrait :

  • Produire plus de séries dans différentes langues de l’UE.
  • Proposer des transcriptions traduites pour les podcasts en anglais.
  • Développer des partenariats avec des médias locaux pour adapter et diffuser le contenu dans différentes langues.

Améliorer la promotion et la visibilité

Pour accroître l’audience de ses podcasts, l’UE pourrait :

  • Intensifier la promotion sur les réseaux sociaux, en ciblant spécifiquement les communautés d’auditeurs de podcasts.
  • Collaborer avec des influenceurs et des personnalités publiques pour promouvoir les séries.
  • Organiser des événements en direct (enregistrements publics, Q&A avec les animateurs) pour créer une communauté autour des podcasts.

Mesurer et analyser l’impact

Pour affiner sa stratégie, l’UE devrait :

  • Mettre en place des outils de mesure d’audience plus précis.
  • Réaliser des enquêtes auprès des auditeurs pour évaluer la compréhension et la rétention des messages clés.
  • Analyser régulièrement les données pour ajuster le contenu et le format des podcasts en fonction des préférences du public.

Intégrer les podcasts dans une stratégie de communication plus large

Les podcasts ne devraient pas être considérés comme un outil isolé, mais comme partie intégrante d’une stratégie de communication multicanale. L’UE pourrait :

  • Créer des synergies entre les podcasts et d’autres supports (vidéos, infographies, articles de blog).
  • Utiliser les podcasts comme point d’entrée vers des ressources plus détaillées sur les sites web de l’UE.
  • Encourager l’utilisation des podcasts comme support pédagogique dans les écoles et universités.

L’utilisation des podcasts par l’Union européenne dans sa stratégie de communication représente une avancée significative vers une communication plus moderne et engageante. La diversité thématique et stylistique de l’offre actuelle démontre une volonté réelle de s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation de l’information et de toucher des publics variés.

Cependant, pour maximiser l’impact de cette stratégie, l’UE doit relever plusieurs défis, notamment en termes de visibilité et d’accessibilité afin de renforcer l’efficacité des podcasts comme outil de communication, en les intégrant dans une approche plus globale et interactive.

À l’heure où la désinformation et l’euroscepticisme représentent des menaces sérieuses pour le projet européen, les podcasts offrent une opportunité unique de créer un lien direct et authentique avec les citoyens. En continuant à innover et à affiner sa stratégie audio, l’Union européenne peut non seulement informer, mais aussi engager et inspirer ses citoyens, contribuant ainsi à construire une identité européenne plus forte et partagée.

Nouveaux portefeuilles à la Commission européenne : intérêts et limites d’une communication européenne entre ambition politique et défis institutionnels

Comme prévu par l’agenda institutionnel européen, Ursula von der Leyen est réélue présidente de la Commission européenne pour un second mandat, le 18 juillet, avec une majorité plus confortable qu’attendue. Dans son discours devant les députés européens, elle dévoile ses orientations politiques pour la prochaine Commission : « Le choix de l’Europe » pour les cinq prochaines années, mettant l’accent sur cinq priorités majeures.

Une communication politique hyper-sobre : piliers du programme von der Leyen II

Le travail de consolidation de sa majorité parlementaire, entre les groupes politiques du centre-droit (PPE), centre-gauche (S&D), centristes (Renew), mais aussi les Verts qui ont joué le jeu de la coalition tandis que les conservateurs (ECR) se sont divisés :

  1. Un nouveau plan pour la prospérité et la compétitivité durables, visant à stimuler l’économie européenne, en mettant l’accent sur la facilitation de l’activité des entreprises, l’élaboration d’un pacte pour une industrie propre, et le renforcement de la recherche et de l’innovation. Elle souligne également l’importance de combler le déficit de compétences et de main-d’œuvre.
  2. Une nouvelle ère pour la défense et la sécurité européennes : Face aux défis géopolitiques actuels, von der Leyen promet de faire de l’Union européenne de la défense une réalité, tout en renforçant la préparation aux crises et la sécurité intérieure. Le renforcement des frontières communes et une approche équitable mais ferme en matière de migration sont également au programme.
  3. Soutien aux personnes et renforcement du modèle social européen : La présidente de la Commission s’engage à promouvoir l’équité sociale, à restaurer l’unité des sociétés et à soutenir les jeunes. L’égalité et la préservation de la qualité de vie, notamment en termes de sécurité alimentaire et d’accès à l’eau.
  4. Protection de la démocratie et défense des valeurs européennes : un autre « bouclier européen de la démocratie » propose de renforcer l’état de droit et de placer les citoyens au cœur du processus démocratique.
  5. Renforcement du rôle de l’Europe dans le monde : La présidente de la Commission prévoit de poursuivre l’élargissement de l’UE, d’adopter une approche plus stratégique envers les pays voisins et de mettre en place une nouvelle politique économique étrangère.

Une nouvelle forme de communication politique par la création de nouveaux postes de Commissaires

La nouvelle présidente de la Commission européenne von der Leyen, dont la créativité n’est plus à démontrer si l’on se souvient de la configuration autour de Vice-Présidence aux titres ronflant, se montre de nouveau généreuse dans la création de nouveaux postes de Commissaires, notamment :

  • « chargé de la défense »
  • « spécialement chargé de l’élargissement »
  • «  pour la Méditerranée »
  • « dont le portefeuille inclura le logement »
  • «  chargé de l’égalité »
  • «  chargé de l’équité intergénérationnelle »
  • « chargé de la pêche et des océans »

Ces propositions soulèvent des questions sur l’équilibre entre visibilité politique et efficacité institutionnelle. La création de ces nouveaux postes présente des avantages en termes de visibilité politique et d’adaptabilité face aux défis émergents. Cela peut servir de « marqueur » qui font tant défaut dans la liste des priorités, sur le fond largement consensuel au vue des résultats du vote à bulletin secret pour son investiture, mais sans aspérité, pour les valoriser les porter à la connaissance du grand public.

Cependant, ces nouveaux postes soulèvent également des interrogations. Le respect du cadre juridique, la création de nouveaux postes doit s’inscrire dans le cadre fixé par les traités européens, sinon, le risque de fragmentation augmente avec une multiplication des portefeuilles qui pourrait nuire à la cohérence de l’action de la Commission. Mais surtout, l’alignement avec la structure administrative est crucial afin d’assurer une bonne coordination entre les portefeuilles des Commissaires et l’organisation des directions générales.

En revanche, la communication via les portefeuilles peut se montrer nuisible, en raison de son illisibilité pour le public. La multiplication des postes pourrait paradoxalement rendre moins lisibles les responsabilités réelles de l’UE pour les citoyens européens. Sans compter les contraintes pratiques où la répartition des postes devra se faire en fonction des candidatures présentées par les États membres, ce qui pourrait limiter la flexibilité dans l’attribution des nouveaux portefeuilles en fonction des profils.

Au total, la proposition d’Ursula von der Leyen de créer de nouveaux postes de Commissaires reflète une volonté d’adapter l’institution aux défis contemporains et d’envoyer des signaux politiques forts. Cependant, la mise en œuvre de cette vision devra naviguer entre les contraintes juridiques, les impératifs d’efficacité administrative et les besoins de communication politique. Dans l’équilibre à trouver entre ambition politique et pragmatisme institutionnel, où il s’agira de traduire les nouvelles priorités en actions concrètes, peut-on suggérer que cela ne se fasse pas au détriment de la cohérence et de l’efficacité de l’institution européenne, d’autres formes de communication devraient être privilégiées.

Le processus d’audition des nouveaux Commissaires par le Parlement européen permet d’évaluer la faisabilité et la pertinence de cette nouvelle structure, et aurait pu conduire à des ajustements avant la prise de fonction effective de la nouvelle Commission européenne.