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Décryptage des campagnes de communication corporate #NextGenerationEU de la Commission européenne

A partir des documents officiels en ligne, lançons-nous dans une tentative de décryptage des campagnes de communication, dite « corporate », de la Commission européenne, destinées aux citoyens européens et signées #NextGenerationEU entre 2021 et 2023…

Première campagne « #NextGenEU – #MakeItReal » : un compromis entre agenda institutionnel et crise covid

Pour la première fois mentionnée dans le Management Plan DG Communication 2020, une campagne marquée #NextGenerationEU « devrait être lancée au début de l’automne (2021) (…) pour communiquer sur les actions de l’UE, visant à une narration alignée, des messages, une signature, une présence en ligne et une identité visuelle harmonisés ».

Par ailleurs, « la campagne autour de la relance post-covid sera la campagne phare, sous laquelle seront développées les deux autres campagnes prioritaires à venir sur le Pacte vert pour l’Europe et une Europe adaptée à l’ère numérique ». Autrement dit, l’agenda des crises, à savoir la pandémie a pris le dessus sur l’agenda institutionnel du programme politique de la Commission européenne dans la stratégie de communication.

Que peut-on observer ?

Sur la chaîne Youtube de la Commission européenne, la vidéo « NextGenEU – Make It Real » publiée courant juin 2021, qui a touché un large public avec 31,5 millions de vues cumulées, est publiée. En complément de ce clip pub de 30 secondes, sur la plateforme audiovisuelle de la Commission européenne, 3 teaser vidéos de 15 secondes sont également visibles : « Make it green », « Make it digital » et « Make it strong ». Le message en anglais pourrait être traduit par « Nous changeons l’Europe. Nous allons la rendre : Plus verte, Plus sûre, Plus numérique, Pour tous. » » peut être consulté sur le mini-site dédié à la campagne : next-generation-eu.europa.eu.

Le Management Plan DG Communication 2021 confirme ce que nous avons pu observer : « En 2021, la communication sur NextGenerationEU se concentre sur la campagne autour du plan de relance. La campagne phare est élaborée pour sensibiliser sur la valeur ajoutée de l’UE et raviver un sentiment européen de solidarité et de confiance ».

Deuxième campagne : « #YouAreEU » : un compromis entre la promotion des valeurs européennes et des énergies renouvelables

Tandis que le Management Plan DG Communication 2022 annonce une relative continuité : « S’appuyant sur l’expérience du déploiement des premières phases de la campagne NextGenEU, la DG Communication continuera en 2022 à mettre en œuvre la stratégie élaborée pour la campagne NextGenEU en tant que campagne-cadre jusqu’à la fin du mandat ».

La lecture du Management Plan DG Communication 2023 donne une autre version :

« En 2023, la DG Communication intensifie sa communication REPowerEU pour promouvoir un avenir plus vert et durable, pour faire face à la crise énergétique et stimuler la transition énergétique » (…) une deuxième vague de la dernière campagne de communication institutionnelle « You Are EU » devrait être lancée au début de l’année 2023 et « la DG Communication poursuit la prochaine étape de la campagne de marque NextGenEU, qui se déroulera jusqu’à mi-2023 ».

Que faut-il comprendre ?

D’une part, que la 2e vague de la campagne #MakeItReal est bien déployée. Ce que l’on peut confirmer avec une nouvelle série de vidéos teaser publiées sur la plateforme audiovisuelle de la Commission européenne en octobre 2021 : « NextGenEU : Yes to green transport », « NextGenEU : Yes to healthy food » et « NextGenEU : Yes to a circular economy ».

D’autre part, qu’une autre campagne s’est imposée avec l’actualité et la nouvelle crise énergétique. Du coup, en septembre 2022, une vidéo « You Are Europe » est diffusée, ainsi qu’un mini site you-are-eu.europa.eu :

« La campagne « You are EU » stimule, inspire et s’adresse à tous, dans tous les pays de l’UE. « You are EU » nous donne les moyens d’agir en associant nos valeurs à l’idée de transformation. Elle nous relie en tant qu’Européens, tout en nous donnant une orientation pour l’avenir. Elle ajoute une dimension prospective à ce que nous sommes et nous permet de façonner activement la voie à suivre sur le fondement de la liberté, de la paix et de la solidarité avec des sources d’énergie propres et indépendantes. « You are EU », comme chacun d’entre nous. »

Quel budget et quels résultats ?

Dans une « Réponse à une Question écrite » d’un député européenne, la Commission européenne précise avoir « investi près de 18,2 millions d’euros, ce qui en fait sa campagne la plus fructueuse à ce jour, touchant plus de 325 millions de personnes, soit 73 % des citoyens de l’Union ».

Par ailleurs, « selon les résultats d’une enquête, la plupart des répondants estiment que la campagne a encouragé la réflexion et a véhiculé une image positive de l’Union. Ces résultats montrent que la campagne a permis de sensibiliser à l’importance que revêt l’indépendance énergétique pour l’Europe.

La campagne «Vous êtes l’UE» constitue un outil important pour communiquer de manière transparente avec les citoyens de l’Union sur les initiatives, les programmes et les priorités de l’UE concernant la transition énergétique et la réduction de la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes ».

Au total, la communication corporate de la Commission européenne tente, au cours du mandat d’Ursula von der Leyen, de déployer une stratégie de communication alignée avec les priorités politiques du programme politique, l’agenda institutionnel tout en répondant aux crises qui ponctuent l’actualité entre la pandémie covid et l’invasion de la Russie en Ukraine, un exercice de haute voltige.

La communication de l’Union Européenne : une vision unitaire face aux défis mondiaux, des réalisations tangibles et la participation des citoyens

Parmi les rares spécialistes de la communication publique qui s’intéresse à la communication de l’Union européenne, Thierry Libaert développe, dans « L’urgence de la communication européenne » sur le blog de la revue Hermès, une réflexion à faire connaître et à discuter…

La responsabilité de la communication : rendre présent et attractif le discours européen car la meilleure communication est une communication de proximité

Pour, Thierry Libaert, les crises dont l’Europe est parvenue à s’en sortir, comme la relation post-Brexit avec le Royaume-Uni, la gestion des vaccins contre le Covid-ou la mobilisation contre l’agression de la Russie en Ukraine, renforce la prise de conscience de la nécessité de l’UE.

Tandis que les crises non résolues comme la pression des partis antisystème extrémistes ou celle des migrants qui aurait pu être mentionnée pèsent sur les épaules d’un projet européen qui ne sait pas comment grandir dans un milieu de polarisation croissante de la politique, réduisant les possibilités de consensus et de convergences des politiques publiques.

Pour Thierry Libaert, la réforme de la communication de l’Union européenne pourrait passer par plusieurs pistes d’amélioration :

  1. Unifier la voix de l’Europe pour éviter un discours fragmenté parmi les différentes institutions européennes ;
  2. Actualiser le discours européen en le rendant plus pertinent pour la population actuelle, en mettant l’accent sur les valeurs, la culture, le modèle social et la transition écologique.
  3. Améliorer la communication en la rendant plus régulière et en abordant des thèmes pertinents pour la vie quotidienne des citoyens.
  4. Impliquer davantage la société civile afin de prendre en compte les aspects humains et sociaux pour surmonter les défis actuels de légitimité et de représentativité.

La vision globale et continentale et la communication participative et délibérative de l’UE

Changeons un instant d’échelle. En regardant au-delà de nos frontières, l’UE se trouve au cœur d’un « choc des blocs » à l’échelle mondiale qui redéfinit la responsabilité de la communication européenne qui, de fait, s’inscrit dans un paysage où la désinformation et la manipulation des informations côtoie les maigres efforts de pédagogie sur l’Europe.

Alors que les grandes puissances mondiales se redessinent et que de nouveaux acteurs émergent sur la scène internationale, l’Europe se rend compte de la nécessité de rester unie pour relever les défis mondiaux tels que le changement climatique, la sécurité, et les économies interconnectées, il s’agit là d’une force collective qui n’est pas toujours bien verbalisée, mais qui se ressent, se faire sentir sur les grands enjeux contemporains, en réponse aux anxiétés qui paralysent.

Le nouveau récit de l’UE se dessine autour de cette orientation vers une autonomie stratégique en cours de construction, d’une Europe qui devient un contrepoids crédible, et cela, non pas grâce à une communication européenne parfaite, mais grâce à sa capacité à maintenir le dialogue, à négocier, et à prendre des décisions concertées, même si elles ne permettent pas toujours d’avoir la pureté morale néokantienne sur les questions migratoires ou l’efficacité machiavélienne la plus brute sur les questions relatives à l’état de droit.

Et au niveau paneuropéen, l’Union européenne doit faire face au choc des niveaux de vie divergents. Cependant, malgré ces différences, il existe une aspiration commune chez de très nombreux Européens, qu’ils soient membres de l’UE ou non, à vivre ensemble, à coopérer et à promouvoir les valeurs européennes. Cette volonté d’unité est renforcée par les pressions exercées par des puissances étrangères qui cherchent à exploiter les divisions en Europe. Ainsi, le succès du projet européen ne réside pas dans une communication efficace, mais dans la capacité de l’Europe à se mobiliser face à ces défis externes et à renforcer son intégration pour réaliser ses aspirations communes. La dynamique de l’Europe aujourd’hui, c’est la dynamique relancée combinant son élargissement et de son approfondissement.

Par ailleurs, il est crucial de mettre en lumière les réalisations concrètes de l’UE en matière de participation citoyenne et de délibération. La grande consultation européenne organisée avant les dernières élections européennes a été une étape majeure dans la consolidation du consensus autour du pacte vert pour l’Europe. Cette consultation a permis aux citoyens européens de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de politiques cruciales pour l’avenir de la planète. Cela montre que l’UE est à l’écoute de ses citoyens et qu’elle est prête à intégrer leurs préoccupations dans ses politiques.

De plus, la Conférence sur l’avenir de l’Europe, lancée après les élections européennes, représente une avancée majeure dans le renforcement de la démocratie européenne, grâce à sa capacité à s’appuyer sur les positions des citoyens. Elle permet à des panels citoyens de jouer un rôle actif dans la formulation des politiques de l’UE. Cette approche délibérative donne aux citoyens ordinaires la possibilité de contribuer directement à la prise de décision européenne, ce qui renforce la légitimité de l’UE et montre que l’Europe écoute et valorise les voix de ses citoyens. Rien n’est jamais parfait, mais sur ce sujet, le « tournant participatif » hérité de la Commissaire Margot Wallström est plus que jamais d’actualité.

En conclusion, bien que l’UE puisse et doive améliorer sa communication, il est indéniable que son évaluation doit considérer d’une part, sa capacité à relever des défis mondiaux plus prégnants et d’autre part, à écouter les aspirations pressantes de ses citoyens. L’Europe avance, non seulement grâce à des récits, mais aussi grâce à des actions tangibles d’ouverture et d’accueil des diversités dans l’unité. C’est dans ces initiatives que réside aussi la véritable force du projet européen pour l’avenir.

Prochain élargissement de l’UE : un impératif géopolitique, des choix difficiles à faire

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 affecte la géopolitique du continent européen comme aucun événement depuis 1989 et la fin de la guerre froide, précipitant l’élargissement de l’OTAN à la Finlande et bientôt la Suède, la création de la Communauté politique européenne et l’ouverture de l’Union à de nouveaux membres. Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, de l’Institut bruxellois de géopolitique, analyse les choix difficiles qui nous attendent

Qu’est-ce qui fait de l’élargissement de l’UE un impératif géostratégique ?

Les zones grises ou tampons intermédiaires comme l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie, pris en sandwich entre Russie et UE n’existent plus. Une ligne de fracture stratégique traverse désormais le continent, il est dans l’intérêt stratégique de l’Union d’intégrer fermement et définitivement les États de « notre » côté, c’est devenu une priorité majeure.

De même pour les six États des Balkans occidentaux actuellement dans la salle d’attente d’adhésion (l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie). Cela signifie que l’Union doit maintenant se préparer à l’adhésion de neuf nouveaux membres.

Un tel élargissement sera monumental pour l’Union elle-même et son fonctionnement. En fait, sans une réforme interne significative de l’UE, il est difficile d’imaginer comment ce sera possible. Ce ne sont pas seulement les États candidats qui doivent se préparer à l’adhésion. L’UE doit être prête à l’expansion.

Réforme interne

Sur plusieurs points clés de la gouvernance et des politiques européennes, l’UE doit se réformer :

  1. Pour une prise de décision efficace et légitime : une modification inévitable de la dynamique institutionnelle et politique de l’Union et au cœur du processus décisionnel de l’UE ;
  2. Pour le budget de l’UE, l’agriculture et la politique de cohésion : l’UE devra faire des choix budgétaires difficiles ;
  3. En théorie, pour le marché unique, la libre circulation et l’emploi : de nouvelles opportunités économiques et de nouveaux emplois permettant de renforcer la compétitivité de l’Europe et de stimuler la croissance ;
  4. Pour l’État de droit et démocratie : ne rien faire pour renforcer l’État de droit risque de provoquer une perte de cohésion et un écart croissant entre les discours et la réalité ;
  5. Pour la sécurité externe : une nouvelle frontière extérieure abritera des intérêts géostratégiques, la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité va très probablement augmenter.

Un dilemme à la fois nécessaire mais également impossible

Un nouveau consensus sur la nécessité stratégique d’ancrer fermement ces États dans la sphère de sécurité et de prospérité de l’Union et dans le même temps, un impératif de protéger le fonctionnement, la cohésion et les valeurs fondatrices de l’Union.

Ce qui est impossible aujourd’hui peut devenir possible demain. D’où bien sûr l’obligation pour les candidats de se changer et de se réformer avant leur entrée. D’où également la nécessité pour l’Union de se préparer et de se changer. Ces deux processus, juridiquement distincts mais politiquement liés, sont censés se réunir au moment où l’Union et (certains ou tous) les candidats seront « prêts » et que l’élargissement pourra avoir lieu.

Acceptation du public

Le soutien public à l’élargissement ne peut être tenu pour acquis. Même si l’adhésion après la guerre froide n’était pas une fatalité, les dirigeants et les majorités publiques en Europe se sont finalement ralliés à la grande mission de « réunifier le continent ». Mais le soutien a rapidement cédé la place à une lassitude face à l’élargissement, à une inquiétude croissante de l’opinion publique concernant l’emploi et les salaires, la croissance de la migration intra-UE et le spectre du « dumping social ».

La méfiance à l’égard de l’élargissement persiste dans de nombreuses régions de l’Union. L’humeur du public est changeante. La guerre d’agression de la Russie pourrait désormais renforcer le soutien de l’opinion publique à l’adhésion de l’Ukraine et d’autres candidats.

Pour offrir aux nouveaux membres un foyer adapté aux 36 pays, les dirigeants de l’UE doivent trouver des moyens d’impliquer leurs propres électeurs, sinon la porte de l’Union risque de rester fermée. C’est peut-être là que réside peut-être la mission actuellement la plus sous-estimée à laquelle l’Union est confrontée.

Que retenir ?

La perspective de l’élargissement va libérer toutes sortes de forces contradictoires, prise entre la nécessité et l’impossibilité, l’impatience des nouveaux candidats et le ressentiment des anciens, et sous la pression du temps exercée par le rythme des événements, l’UE doit jouer la carte de la clarté et de l’honnêteté quant aux compromis et aux dilemmes, nécessitant du leadership. Éviter les questions difficiles dans l’espoir qu’elles disparaissent ne trompera pas l’opinion publique des deux côtés de l’Union.

Quelle est la stratégie d’engagement participative et délibérative des citoyens par la Commission européenne ?

Héritage lointain du « tournant participatif » engagé par Margot Wallström, la stratégie d’engagement de la Commission européenne auprès des citoyens s’est traduite sous la Commission Juncker par une démarche de dialogues citoyens. Avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une nouvelle méthode de panels citoyens représentatifs semble guider une démarche globale à l’échelle de toute l’institution…

Des dialogues citoyens aux panels représentatifs : une évolution permise par la Conférence sur l’avenir de l’Europe

En 2020, selon le Management Plan DG Communication 2020, « avec la prochaine Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Direction générale de la Communication a l’intention de concrétiser la déclaration commune sur la Conférence, une fois qu’elle aura été acceptée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, ainsi qu’avec ses partenaires au sein des institutions européennes, des États membres et de la société civile ».

Par ailleurs, « cette ambition phare de la Présidente von der Leyen sera soutenue par d’autres formes d’engagement citoyen, notamment les Dialogues citoyens, qui continuent d’être une activité de sensibilisation de première ligne de la Commission, sur les réseaux sociaux et – lorsque cela sera à nouveau possible – sur place ».

Ainsi, en 2020, seuls les dialogues citoyens, hérités de la Commission Juncker, sont mentionnés dans la stratégie d’engagement, reprise par la nouvelle présidente de la Commission européenne.

En 2021, selon le Management Plan DG Communication 2021 « la Direction générale de la Communication (à la fois au siège et dans les représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens, tout en développant en parallèle d’autres méthodes d’engagement, telles que des panels délibératifs. Elle travaillera également sur une identité visuelle forte et sur une plateforme en ligne qui garantira la transparence de tous les événements et résultats de la Conférence ».

Ainsi, en 2021, avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une double évolution est à noter, l’apparition des panels délibératifs, en complément des dialogues citoyens et la plateforme en ligne.

Enfin, en 2022, selon le Management Plan DG Communication 2022, « la Direction générale de la Communication (aussi bien au siège qu’au sein des Représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens et des Panels citoyens de la Conférence pour l’avenir de l’Europe, et développera davantage les méthodes participatives et délibératives d’engagement. Alors que la plateforme multilingue de la Conférence a prouvé sa valeur en tant que centre en ligne de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, ses opérations pourront être adaptées aux nouveaux besoins de la Commission en 2022 ».

Ainsi, en 2022, le passage des dialogues citoyens, encore mentionnés pour info, aux panels citoyens, testés dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe semble consommé, la nouvelle méthode participative et délibérative apparaît bien en place pour se développer davantage.

En 2023, selon le Management Plan DG Communication 2023, « la Commission va passer à l’étape suivante et faire suite à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. À cette fin, la Direction générale de la Communication organisera conjointement avec les Directions générales trois panels citoyens européens dans le cadre du programme de travail de la Commission pour 2023 (lutte contre le gaspillage alimentaire, mobilité d’apprentissage et mondes virtuels), contribuant ainsi à intégrer des pratiques délibératives dans l’élaboration des politiques de la Commission.

Ces panels seront complétés par un canal d’engagement en ligne dans le cadre du portail « Have Your Say » rénové de la Commission. De plus, la Direction générale de la Communication préparera les outils pour soutenir et guider les services de la Commission qui prévoient de mettre en place des efforts pour engager les citoyens en utilisant des méthodes délibératives et participatives. L’engagement des citoyens de la Commission reposera sur une nouvelle identité visuelle commune et une stratégie de communication externe axée sur une forte présence en ligne, ainsi que sur les médias sociaux et traditionnels.

Ainsi, en 2023, la mise en œuvre de la nouvelle méthode participative et délibérative accélère avec l’organisation de 3 panels citoyens sur des sujets dédiés, ainsi que l’évolution de la présence en ligne et l’élargissement aux autres services de la Commission, à qui cette démarche est dorénavant ouverte.

La démarche participative et délibérative à l’échelle de toute la Commission européenne

A l’occasion de la publication d’un appel d’offres publié en juillet, « Processus participatifs et délibératifs paneuropéens ou multinationaux », la nouvelle phase d’engagement des citoyens européens franchit un cap, « cette nouvelle phase d’engagement des citoyens est une opportunité pour la Commission européenne de consolider et d’étendre son ensemble d’outils pour la participation citoyenne » dont voici les principaux éléments :

On peut s’attendre à ce que des panels de citoyens aient lieu chaque année, suivant le discours annuel sur l’état de l’Union.

Des « Guidelines » sur l’engagement des citoyens expliquant la logique, les principes et les formats actuels possibles de l’engagement des citoyens sur lesquels les services de la Commission peuvent s’appuyer à des fins de prise de décision :

  • Soit de nature délibérative à long terme (au moins trois week-ends), comme les panels de citoyens,
  • Soit des processus plus courts (environ une journée) reposant davantage sur des techniques de co-création telles que des groupes de discussion, des ateliers de co-conception, des ateliers orientés vers l’avenir ou des sciences citoyennes.

L’objectif de ce guide est de permettre aux unités opérationnelles des services de la Commission européenne d’atteindre les citoyens ordinaires et de les impliquer via des méthodes participatives – formats délibératifs ou de co-création – au niveau de l’UE, national, régional et local.

Cette nouvelle phase d’engagement des citoyens bénéficiera de nouveaux outils en ligne au sein de l’environnement web Europa de la Commission. Un « guichet unique » en ligne pour l’engagement des citoyens, qui rassemblera les consultations publiques de la Commission, l’initiative citoyenne européenne et une nouvelle plateforme interactive inspirée de la plateforme numérique multilingue de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (lancée à la fin de l’été 2023).

Ce nouvel environnement en ligne permettra aux citoyens non seulement de partager leurs points de vue avec les institutions européennes sur différents sujets de politique, mais aussi d’échanger et de délibérer entre eux, notamment grâce à l’utilisation d’un logiciel Civic tech et d’une traduction automatique.

Au fils des opportunités, comme la Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Commission européenne a largement développé sa stratégie d’engagement, pleinement délibérative et participative, dont il reste encore à voir la mise en œuvre lors de la dernière année du mandat de la Commission von der Leyen.

Naviguer en haute-mer : comment réformer et élargir l’UE pour le 21e siècle

Face à une conjoncture de changements géopolitiques, de crises transnationales et de complexités internes, l’UE n’est pas encore prête à accueillir de nouveaux membres, que ce soit sur le plan institutionnel ou politique. Dans ce contexte, un groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE soumet un rapport intitulé « Naviguer en Haute Mer : Réformer et Élargir l’UE pour le 21e Siècle », leaké par Politico Europe contenant des recommandations visant à atteindre trois objectifs : renforcer la capacité d’action de l’UE, préparer l’élargissement de l’UE et renforcer l’État de droit et la légitimité démocratique de l’UE.

Mieux protéger un principe fondamental : l’État de droit

Sur la conditionnalité budgétaire, faire du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit un instrument de sanction des violations de l’État de droit et, plus généralement, des violations systématiques des valeurs européennes ; en cas de désaccord, étendre le champ de la conditionnalité budgétaire à d’autres comportements préjudiciables au budget de l’UE et introduire la conditionnalité pour les fonds futurs.

Répondre aux défis institutionnels : les domaines clés de réforme

Rendre les institutions de l’UE prêtes à l’élargissement, ce qui signifie que pour le Parlement européen, respecter la limite de 751 députés ou moins et adopter un nouveau système d’attribution des sièges ; pour le Conseil de l’UE, étendre le format trio à un quintet de présidences, chacune couvrant la moitié d’un cycle institutionnel, et pour la Commission, réduire la taille du Collège ou faire la distinction entre les « Commissaires principaux » et les « Commissaires », avec potentiellement seulement les « Commissaires principaux » ayant le droit de vote au sein du Collège.

Pour une meilleure prise de décision au sein du Conseil, généraliser le vote à la majorité qualifiée (QMV), c’est-à-dire transférer toutes les décisions « politiques » restantes de l’unanimité au QMV, sauf pour les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, et pour rendre le QMV plus acceptable, créer un « filet de sécurité de souveraineté », rééquilibrer le calcul des parts de vote en QMV et offrir une option de retrait pour les domaines de politique transférés en QMV.

Pour la démocratie au niveau de l’UE, harmoniser les lois électorales de l’UE, le Conseil européen et le Parlement européen doivent convenir avant les prochaines élections du Parlement européen de la manière de nommer le Président de la Commission par le biais d’un accord interinstitutionnel.

Pour la démocratie participative, les instruments participatifs existants doivent être étroitement liés à la prise de décision de l’UE, les panels de citoyens doivent être institutionnalisés avec une grande visibilité pour accompagner les choix majeurs et un nouvel Office indépendant de la Transparence et de la Probité doit être chargé de surveiller les activités de tous les acteurs travaillant au sein des institutions de l’UE ou pour elles.

En termes de pouvoirs et de compétences, renforcer les dispositions sur la manière de faire face aux développements imprévus et créer une « Chambre commune des plus hautes juridictions et tribunaux de l’UE » pour un dialogue non contraignant entre les cours européennes et les cours des États membres.

Pour les ressources de l’UE, augmenter le budget de l’UE au cours de la prochaine période budgétaire à la fois en taille nominale et par rapport au PIB, avec de nouvelles ressources propres pour limiter l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et la concurrence au sein de l’UE, ainsi que des décisions budgétaires transférées au QMV pour les dépenses, une révision approfondie des dépenses pour réduire la taille de certaines catégories de dépenses et en augmenter d’autres, permettre à l’UE d’émettre de la dette commune, et à l’avenir, pour chaque cycle institutionnel (mandat du PE) définir un budget européenne, le cadre financier pluriannuel CFP sur cinq ans.

Approfondissement et élargissement de l’UE

Même si l’UE dispose déjà de divers mécanismes de différenciation nécessaires pour accommoder les préférences diverses de plus de 30 États membres de l’UE, la différenciation a ses limites, en particulier en ce qui concerne l’État de droit et les valeurs fondamentales. Elle doit donc être utilisée sous certaines conditions : respect des règles et des politiques de l’UE, utilisation des institutions et des instruments de l’UE, ouverture à tous les États membres, partage des pouvoirs et des coûts entre les participants, et possibilité pour les États membres volontaires d’aller de l’avant.

Dans le cadre de la révision des traités, la différenciation devrait respecter les principes suivants : les clauses de retrait ne devraient être accordées que lorsqu’il s’agit d’approfondir l’intégration ou d’étendre le QMV, et les exemptions des valeurs fondamentales de l’UE ne devraient pas être autorisées.

La différenciation pourrait conduire à quatre niveaux d’intégration européenne, constitués d’un cercle intérieur (intégration approfondie dans des domaines tels que la zone euro et Schengen), de l’UE elle-même, d’un cercle plus large de membres associés, impliquant la participation au marché unique et l’adhésion à des principes communs, et enfin de la Communauté Politique Européenne (CPE), en tant que cercle extérieur de coopération politique sans avoir à être lié au droit de l’UE.

La manière de gérer le processus d’élargissement de l’UE est essentielle pour donner la possibilité aux pays candidats de s’adapter aux politiques et programmes spécifiques de l’UE. Fixer un objectif pour que les deux parties (UE et pays candidats) soient prêtes pour l’élargissement d’ici 2030. Diviser les cycles d’adhésion en groupes plus restreints de pays pour garantir une approche fondée sur le mérite et pour gérer les conflits potentiels, rendant ainsi le processus plus efficace, crédible et guidé politiquement.

Toutes ces recommandations vont faire débat, nécessiterons de prendre du temps, pour éventuellement parvenir à un consensus ; quand les faits risquent de s’imposer, l’anticipation s’exige.