Le jeu des 7 erreurs de la communication de l’Union européenne

Dans une étude rafraichissante, “We Need to Talk about the EU – European Political Advertising in the Post-Truth Era”, Konrad Niklewicz fait la liste des faiblesses de la communication européenne. Un rappel de salut public.

1. La perte de la légitimité liée aux « résultats »

Pendant longtemps, le processus d’intégration a été justifié par les résultats obtenus, faciles à identifier, en commençant par le marché unique et la libre circulation des personnes.

Malheureusement, cette légitimité « de sortie » s’est évanouie. Plus la perception est que le niveau de vie diminue, plus il est difficile d’expliquer les avantages de l’intégration européenne.

Conclusion, l’UE n’est apparemment plus en mesure de persuader les citoyens qu’elle apporte de la valeur ajoutée.

2. Le manque de la légitimité liée à la « gouvernance »

La communication de l’UE a également été incapable de défendre une autre source de la légitimité de l’Union, celle liée à la gouvernance de l’UE.

Dès le début, la communauté européenne a été considérée comme un projet d’élites. Plus les institutions et les lois européennes étaient nombreuses, plus l’élitisme perçu était un problème.

Plus des sommets européens fermés à Bruxelles ont pris des décisions unilatérales sur l’avenir des Européens, plus le sentiment que l’UE élitiste les oblige à des situations inacceptables, sans demander leur avis ou leur consentement a été partagé par de nombreux Européens.

Problème, la communication de l’UE n’a pas abordé correctement ce sujet, voire pas du tout.

3. Faible visibilité

Malgré les efforts déployés, les institutions de l’UE, malgré plus de transparence, ne sont pas parvenues à générer une couverture médiatique importante, même pendant les campagnes électorales européennes.

Les institutions de l’UE affirment qu’elles se concentrent sur les journalistes des médias « traditionnels ». Mais elles n’ont apparemment pas répondu aux besoins des médias :

D’une part, les institutions se sont trop concentrées sur les correspondants de l’UE basés à Bruxelles et ont fait trop peu d’efforts pour se connecter avec les journalistes nationaux et régionaux.

D’autre part, le contenu lui-même n’est ni attrayant ni intéressant. Dans la plupart des cas, l’UE parle de manière impartiale, neutre et transparente. Du coup, la communication de l’UE est ennuyeuse et inefficace. La prise de décision dans l’UE repose sur un compromis qui, par nature, exige le langage diplomatique et le lissage des conflits, pourtant générateur d’histoires intéressantes.

La Commission a supposé que la transparence serait la meilleure façon de lutter contre la méfiance. Mais éthiquement louable, cela s’est révélé insuffisant. Les institutions européennes ont cru qu’elles n’avaient pas besoin d’insister pour expliquer ce qu’elles font, se défendre. Mais, les faits ne parlent pas d’eux-mêmes.

4. Cibler une opinion publique européenne inexistante

Le quatrième problème de la communication de l’UE a été la présomption qu’il existe un espace public européen. Les institutions européennes communiquent comme si les problèmes étaient perçus de la même manière dans les 28 États membres. Mais ce n’est pas le cas.

Malgré plus de 60 ans d’intégration européenne, les discussions sociales sur les problèmes liés à l’UE se déroulent fermement dans les limites des frontières nationales. La plupart des communications politiques sont spécifiques au pays : le public lit et vit la politique de l’UE d’un point de vue national. Il n’y a pas de débat européen sur les sujets liés à l’UE.

Au mieux, il existe une « parallélisation » : des problèmes identiques ou similaires sont discutés en même temps, mais dans des contextes nationaux, sans référence ni liens vers les débats dans d’autres pays. Un espace public européen n’existe pas (encore) en raison des divers contextes culturels, linguistiques et historiques des différents États membres.

Mais malgré ces réalités, les institutions européennes continuent de faire appel à la notion d’opinion publique européenne dans les documents officiels.

5. Des valeurs oubliées

Il manque quelque chose d’important : des valeurs européennes universellement acceptées. Certains symboles sont mentionnés dans les traités : le drapeau étoilé bleu, l’hymne de l’UE, la standardisation des passeports et des permis de conduire, et des cartes européennes d’assurance santé.

Mais, ce n’est pas suffisant pour faire vivre de manière tangible un patriotisme européen. L’UE n’a pas été en mesure de créer un sentiment d’appartenance, une identité propre à être partagée par les citoyens des Etats membres. Surtout en période de difficultés économiques, la question de l’identité – le sentiment de faire partie d’un groupe plus important – prend de l’importance, car elle renforce le sentiment de sécurité.

L’UE n’est évidemment pas en mesure d’offrir une identité ethnique, mais elle aurait pu essayer de se concentrer sur une solidarité matérielle. Le sentiment d’appartenance aurait pu être construit autour de bénéfices concrets. Ce type d’attachement fondé sur les avantages aurait dû être développé avant la crise, en période de prospérité économique. Une autre occasion a été manquée.

6. Cacophonie et fragmentation

La persistance de la fragmentation est une autre faiblesse dans les activités de communication de l’UE qui ne sont pas pleinement efficaces par rapport aux ressources dépensées.

Le problème de base est que les activités de communication sont dispersées. Les efforts de communication des différentes institutions de l’UE ne sont pas alignés. Même dans une seule institution, il existe souvent trop d’activités incohérentes.

La fragmentation non seulement rend la voix de l’UE moins audible, mais elle déclenche également des réactions négatives car elle laisse croire que l’UE n’est pas capable de parler de manière cohérente.

Chacune des trois principales institutions décisionnelles de l’UE a son propre service de communication et, dans une large mesure, une stratégie de communication distincte. Il n’y a pas assez de coordination, bien que de nombreuses tentatives aient été faites pour l’établir, notamment via le Groupe interinstitutionnel sur l’information.

7. Un cœur de cible négligé

La septième faiblesse dans les activités de communication de l’UE est la capacité limitée à identifier et à atteindre un cœur de cible auprès duquel construire et maintenir des relations.

La relation avec les citoyens a été la moins développée. Les mesures visant à élargir la portée – par exemple, des plates-formes en ligne personnalisées telles que Debate Europe, Your Voice in Europe et Citizens Agora – n’ont pas réussi en termes de pénétration publique.

Le fait de ne pas reconnaître les besoins du public de base a abouti à un style de communication impersonnel et éloigné, trop bureaucratique, formel, technique, à long terme, orienté sur l’intérieur, abstrait et (parfois) complaisant.

Vu de loin, il semble que les dirigeants pro-européens à l’échelle européenne et nationale n’aient pas compris la vraie nature des personnes qu’ils essayent d’adresser. La communication européenne a été construite sur la photo idéaliste de citoyens bien éduqués qui parlent différentes langues européennes, sont ouverts aux différences culturelles et capables de placer leurs identités nationales dans un contexte plus large. Mais, la plupart des Européens ne parlent qu’une seule langue. Et beaucoup d’entre eux n’appartiennent pas aux élites culturelles, universitaires et commerciales, ou aux diplômés Erasmus.

Au total, les erreurs de la communication européenne sont nombreuses et s’auto-entretiennent les unes les autres : la légitimité d’un côté et le public de l’autre sont les deux grands absents pour le moment.

Réforme de l’initiative citoyenne européenne : vers une démocratie de plateforme

Il aura fallu attendre le mi-mandat de la Commission, pour que Jean-Claude Juncker annonce introduire le principe d’une discussion au Collège de toutes les initiatives citoyennes tandis que son Vice-Président Frans Timmermans annonce une consultation et un projet de révision avant la fin de l’année afin de rendre l’instrument plus accessible et populaire. Autrement dit, rien ne changera de l’échec actuel de l’initiative citoyenne européenne avant les prochaines élections européennes de 2019…

Les civic tech au service de l’initiative citoyenne européenne

Plusieurs acteurs de la société civile se sont saisis des initiatives citoyennes européennes pour tenter de les rendre plus aisées et populaires en recourant aux civic tech.

Click’n Sign, fermé en 2015, se positionnait comme « une plateforme unique pour réunir les Initiatives citoyennes et permettre à n’importe qui, au travers d’une interface user-friendly, de les soutenir par une signature ou un don ».

WeMove.eu, lancé en 2015, se présente comme « une véritable communauté d’internautes mobilisables pour défendre un grand nombre de causes et pour mener des actions allant au-delà du simple clic ». Parmi les pétitions en dehors du cadre institutionnel et autre actions grassroot, la plateforme inclut des initiatives citoyennes européennes, avec actuellement l’initiative StopGlyphosate lancée en janvier 2017 et visant à interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques, ou l’initiative People4Soil qui cherchent à sauver les sols européens.

Pour Romain Badouard, cet outil permet de « décloisonner les publics militants, de quantifier des prises de position dans le cadre de débats de société, ou de mettre à l’agenda des sujets ».

La démocratie de plateforme au secours de l’initiative citoyenne européenne

La promesse d’une participation numérique transnationale n’a pas encore été réalisée, en raison des contraintes techniques imposées par la Commission européenne. Sa proposition concernant une nouvelle « plateforme collaborative pour l’initiative citoyenne européenne » représente une véritable chance.

Mais, selon Citizen Initiative, si vous souhaitez réussir à créer un instrument participatif, vous devez appliquer des méthodes participatives. Autrement dit, le projet de la Commission européenne aurait tout intérêt à s’inspirer des « best practices » en matière de participation afin d’être co-créée et co-gérée avec les acteurs de la société civile (ONG et fondations).

Cette nouvelle plateforme devant servir d’«infrastructure de participation citoyenne» devra non seulement simplifier énormément le système actuel de collecte de signature en ligne, mais surtout faciliter la sensibilisation à grande échelle des citoyens européens pour des campagnes en ligne évolutives, rapides et efficaces.

Au total, l’enjeu de la réforme tant attendue de l’initiative citoyenne européenne réside autant dans les ouvertures sur le fond de la Commission européenne pour abattre les barrières entre les citoyens et ceux qui décident que dans la méthode pour créer une véritable innovation technologique et démocratique qui responsabilise tous les acteurs et collectivise le succès.

Pour une contextualisation de la communication européenne

Dans une étude « Communication de l’Europe à ses citoyens : état des affaires et perspectives » de la commission du Parlement européen sur la culture et l’éducation, des recommandations visant à améliorer la communication de « l’Europe » portent en particulier sur l’impératif de faire évoluer le contexte de la communication européenne…

Nécessité d’améliorer la légitimité et la transparence démocratiques de l’UE et d’assurer la stabilité et la croissance économiques

Le préalable à toute communication européenne consiste à faire avancer le projet européen sur ses deux jambes : d’une part, la dimension économique (réformes de la zone euro, du budget, des politiques d’investissement et de croissance) et d’autre part, la démocratie (processus décisionnel plus efficace, plus grande transparence pour les citoyens, stimulant le débat public sur l’UE et amélioration des outils pour la démocratie directe).

La communication ne doit et ne peut pas être envisagée uniquement comme un input de la refonte du projet européen, même si :

D’une part, la participation des citoyens européens via des instruments démocratiques (tels que des référendums ou des consultations publiques) est indispensable. Encore plus, pour ce qui est du respect des résultats du processus démocratique ; au risque de produire un effet encore plus dévastateur ;

D’autre part, l’information des citoyens européens sur les mesures de l’UE pour contrer les effets des crises est également incontournable pour permettre un débat serein et éclairé. D’autant plus, que l’aveuglement idéologique sur la valeur ajoutée de la coopération européenne est un facteur déterminant dans la formation des opinions.

Nécessité pour l’UE d’envoyer un message cohérent à ses citoyens

Il s’agit d’être clair sur les objectifs concrets que l’Europe perçoit dans les années à venir et d’éviter toutes promesses vagues. Le livre blanc sur l’avenir de l’UE s’inscrit dans cette démarche en traçant des scénarios d’avenir précis.

La communication en flux est difficile, puisque l’attention est distraite et peu suivie. Il convient donc de « délivrer » une idée claire de l’UE. En outre, es réalisations européennes devraient être communiquées dans le cadre d’une vision à long terme par rapport à un objectif de court terme. Enfin, avoir des objectifs plus concrets permettrait de mieux travailler à créer une coalition de soutien plus large et un sens prospectif que les choses peuvent être améliorées.

Les résultats concrets de la législation et des politiques de l’UE devraient être mieux présentées dans les politiques de communication. À l’heure actuelle, une attention particulière dans la communication de l’Europe devrait s’articuler autour de la notion de protection, car c’est une attente forte, qui concerne les citoyens.

Nécessité d’une communication inter-institutionnelle de l’UE

La Commission, le Parlement européen et le Conseil fonctionnent sur la base d’une séparation claire des pouvoirs et des rôles, et ont donc des intérêts politiques différents dans la communication de leur « Europe ». Pour cette raison, les stratégies de communication ne peuvent pas être complètement harmonisées.

Néanmoins, les citoyens voient souvent les différentes institutions de l’UE comme étant les mêmes et se retrouvent confrontés à des messages différents, voire contradictoires. L’harmonisation ne peut être réalisée qu’en définissant plus clairement le rôle de chaque institution dans la communication de l’Europe et en identifiant les problèmes sur lesquels il existe une responsabilité partagée, comme le cadre principal des objectifs politiques de l’UE au cours d’une période législative donnée.

Nécessité de lancer une discussion sur l’identité et les valeurs européennes

Cette identité et ces valeurs doivent s’exprimer dans les messages et les arguments utilisés de manière uniforme et cohérente dans les futures activités de communication. Un bon équilibre devrait être atteint lors de la communication des composantes culturelles (symboles, valeurs et images collectives) et civiques de l’identité européenne.

À l’heure actuelle, l’attention de la communication est trop accordée à la composante civique. En outre, la communication doit souligner que l’identité n’est pas un phénomène uniforme ou exclusif. L’identité européenne n’est pas un remplacement de l’identité nationale (ce n’est pas un jeu à somme nulle), mais une dimension supplémentaire caractérisée par un sentiment d’attachement. L’identité européenne ne doit pas être assimilée en soi avec l’ensemble de l’UE ou uniquement avec l’UE. Elle peut également être une identité transnationale régionale et peut, en outre, aller au-delà de la somme des États membres existants en tant qu’entité continentale.

Nécessité pour les politiques de communication de mieux prendre en compte la grande diversité du public et les différents contextes nationaux

Afin de cibler autant que possible les différents groupes et contextes tout en respectant le besoin d’une posture objective et neutre, la qualité des messages des institutions de l’UE est clé.

D’autant plus que les sentiments anti-européens sont omniprésents. Les moyens habituels de communication (brochures institutionnelles, sites internet, discours politiques, etc.) ne peuvent suffire. Une compréhension du contexte sociale et sociologique suggère que la possibilité de contenir de tels sentiments devrait d’abord être explorée, avant d’entrer dans la planification de la communication.

Au total, l’impérieux contexte préempte de nombreux enjeux à prendre en compte avant toute action de communication européenne.

Spécificités et enjeux de la communication des partis politiques européens

Créés pour la plupart quelques années avant les premières élections européennes au suffrage universel en 1979, les partis politiques européens disposent, depuis 2007, de fondations ; et depuis 2015, de la personnalité juridique. Dans son mémoire « Communication de l’Union européenne et des partis politiques européens : spécificités et enjeux« , Matthias Manceaux analyse la communication des partis politiques européens…

Une communication hors-média orientée vers la scène interne à l’Europe

La communication des principaux partis politiques européens passe notamment par leurs fondations. Depuis 2007, les fondations participent aux débats sur la construction européenne via l’organisation de conférences ou la participation de conférenciers à travers l’Europe, de formations pour les élus ou encore via différentes organisations dépendantes de ces partis comme des organisations pour la jeunesse, pour les femmes ou pour les personnes âgées notamment.

Cependant, cette communication des partis politiques ne s’adresse pas directement aux citoyens européens mais à une minorité de personnes (responsables politiques, fonctionnaires européens…). Du fait même de la nature des partis politiques européens, de nombreux sujets sont absents des compétences données par les traités européens à ces partis (la fiscalité, l’éducation ou la politique sociale restent des compétences propres aux États membres).

Les sujets évoqués par cette communication hors média des partis européens ne concernent donc pas les citoyens européens mais uniquement des personnes proches ou faisant part du système politique de l’Union européenne.

Une communication média plus grand public

La communication média des partis politiques européens a, en revanche, la volonté de toucher directement les citoyens européens afin de les sensibiliser sur de nombreux sujets. Pour cela, le PPE, le PSE et l’ALDE (pour ne parler que des principaux) utilisent des services de presse, essentiellement depuis le Parlement européen.

Une communication hyper-active sur les réseaux sociaux

Les principaux partis politiques européens sont également très présents sur les réseaux sociaux.

La stratégie adoptée sur le web par les principaux partis politiques européens s’apparente fortement à celle adoptée par les institutions européennes, à la fois information et persuasion afin de prouver que les décisions prises vont dans le sens des attentes des citoyens européens.

De nombreux défauts et un véritable manque de coordination européenne

Le modèle de communication actuel des partis politiques européens est principalement dû à la structure institutionnelle de l’UE : le rôle des partis politiques européen étant assez moindre comparé aux prérogatives des partis nationaux.

La faiblesse des partis politiques européens dans la politique de communication de l’UE s’explique par plusieurs éléments :

  • La faiblesse des liens entre les électeurs européens et les partis politiques européens ;
  • L’absence de compétences chez les partis politiques européens dans des domaines touchant directement les citoyens européens ;
  • L’hétérogénéité des conceptions et des intérêts de leurs membres ;
  • La non personnification de l’offre politique pendant les élections européennes ;
  • Le caractère fonctionnel et la segmentation des compétences de l’UE.

Des solutions pour améliorer la communication des partis politiques européens

Leur capacité actuelle se limite à organiser réunions et congrès, ou encore échanger des informations. Au cours des dernières années, ils ont dû gérer l’intégration des partis des nouveaux États membres. Ils sont ainsi dans une logique plus institutionnelle que militante.

Leurs moyens humains et financiers sont encore extrêmement faibles. Les centres d’expertises se situent au niveau des groupes parlementaires apparentés, qui disposent de cinq à six fois plus de ressources.
En l’absence d’intégration militante avec les partis nationaux, leur représentativité citoyenne est contestable. Le statut de membre individuel, qui leur permettrait de développer un espace de délibération au niveau européen, est encore embryonnaire.

Il s’agit pour les partis européens d’être plus visibles, plus transparents, et plus démocratiques :

  • en organisant des primaires pour la désignation de leur candidat à la Présidence de la Commission ;
  • en développant le statut de membre individuel, y compris l’institution d’un droit de vote lors des congrès ;
  • en renforçant leurs moyens pour traiter des questions thématiques ;
  • en définissant les orientations politiques de leurs groupes respectifs au Parlement européen, et non l’inverse comme présentement ;
  • en capitalisant sur les capacités de leurs fondations politiques respectives ;
  • en développant une capacité opérationnelle pour des campagnes électorales pan-européennes afin de peser dans le débat politique européen.

Au total, la communication politique européenne est encore émergente et dispose encore d’une belle marge de progression.

Cartographie des civic tech européennes

À partir des travaux de Clément Mabi dans « Citoyen hackeur – Enjeux politiques des civic tech », tentons l’exercice de cartographier les initiatives de civic tech européennes, ces « outils numériques ayant pour ambition de transformer le fonctionnement de la démocratie, d’améliorer son efficacité et son organisation grâce à un renouvellement des formes d’engagement des citoyens »…

Cartographier les civic tech

Clément Mabi propose une cartographie des civic tech autour de 2 tensions :

1. « Le degré d’institutionnalisation de chaque civic tech et la proximité qu’elle entretient avec les pouvoirs publics :

  • d’un côté les projets inscrits dans une logique de contre-pouvoir, une sorte de lobby citoyen afin de peser sur les institutions de l’extérieur ;
  • de l’autre, les projets qui collaborent fortement avec les pouvoirs publics et tentent d’agir en tenant compte des contraintes institutionnelles. »

2. « La volonté de transformation sociale des projets, avec d’un côté ceux qui cherchent à approfondir la démocratie institutionnelle et de l’autre ceux qui souhaitent transformer son organisation et renouveler son fonctionnement. »

De ces tensions, 4 grandes familles de civic tech se dégagent pour renouveler, plus ou moins profondément, le fonctionnement de la démocratie :

cartographie_civic_tech_europeenne

Les « critiques externes »

Les initiatives qui relèvent de la contre-démocratie et qui cherchent à approfondir le fonctionnement de la démocratie représentative par un meilleur contrôle des représentants et une connaissance plus fine de son fonctionnement. On trouve ici les initiatives qui luttent pour améliorer la transparence de l’action publique et la circulation de l’information.

A l’échelle européenne :

European Integrity Watch surveille l’intégrité des décisions prises par l’UE afin de contribuer à accroître la transparence, l’intégrité et l’égalité d’accès aux décisions de l’UE et à surveiller les institutions de l’UE.

LobbyFacts donnent des indications sur le lobbying d’entreprise et d’intérêt public, les dépenses des organisations en lobbying et les rencontres avec la Commission et le Parlement européen.

FactcheckEU a été la première plateforme européenne de crowd-checking collaboratif de vérification par les faits sur l’Europe.

VoteWatch Europe rapporte des informations non partisanes sur les actions réelles des acteurs politiques européens : décisions prises dans les institutions de l’UE et développements dans les États membres.

Les critiques externes sont pour le moment les acteurs les plus anciens et les mieux installés sur la scène européenne.

Les « réformateurs externes »

Les « réformateurs externes » cherchent à approfondir le fonctionnement de la représentation en favorisant la collaboration entre citoyens et institutions. Cette dynamique inclusive peut prendre différentes formes, de la consultation des citoyens (sondages) à la co-construction de l’action publique en passant par de l’éducation civique.

A l’échelle européenne :

Search Europa, un moteur de recherche de documents européens, développé par l’European Journalism Centre afin de faciliter l’accès à l’information européenne pour les journalistes.

Citizen Initiative travaille exclusivement pour l’introduction et la mise en œuvre réussie de l’Initiative citoyenne européenne, le premier outil mondial de démocratie participative, transnationale et numérique.

Politix souhaite renforcer les interactions entre les décideurs et les citoyens via une plateforme conçue comme une « boucle de rétroaction » entre les politiciens et les citoyens.

Les réformateurs externes sont pour le moment la catégorie de civic tech la plus diverses en Europe.

Les « réformateurs critiques »

Les « réformateurs critiques » relèvent de la contre-démocratie et visent à transformer la démocratie institutionnelle. Le mode d’action repose sur la mobilisation de la société civile en vue de faire pression sur les gouvernants pour mettre des sujets à l’ordre du jour et tenter d’influer sur le cours de la décision.

A l’échelle européenne, WeMove vise à créer une communauté citoyenne européenne pour améliorer les décisions prises au niveau européen via des campagnes de mobilisation en ligne afin de mettre l’activisme de masse au profit de campagnes ciblées et de combler le fossé entre Bruxelles et les citoyens.

Les « hackeurs embarqués »

Les « hackeurs embarqués » rassemblent les acteurs qui cherchent à réformer en profondeur le système tout en s’y impliquant. Leur objectif est de hacker la démocratie au sens propre du terme, de participer à son fonctionnement pour le modifier de l’intérieur, en profitant de ses ressources.

Pour Clément Mabi, « les résultats de ces expérimentations sont modestes mais ouvrent d’intéressantes perspectives, notamment en invitant les citoyens à s’interroger de manière critique sur le contenu et le fonctionnement de la représentation démocratique ».

A l’échelle européenne, le projet The Good Lobby vise à organiser une forme de lobbying citoyen, en forgeant des partenariats non conventionnels entre des bénévoles experts (universitaires, avocats, professionnels des affaires publiques) pour partager leurs compétences et des ONG travaillant sur les questions sociales et politiques les plus importantes d’Europe afin de faire pression pour l’intérêt public.

Au total, l’écosystème des civic tech européennes est encore émergent mais en plein développement.