Panorama des think tank au regard des financements européens

Afin de mieux appréhender la transparence des financements européens au sein de la sphère des think tanks européens, le registre de la transparence de l’UE permet de s’appuyer sur les déclarations d’intérêts pour mieux connaître les situations…

Catégories de think tanks selon leur dépendance ou indépendance aux financements européens

Première catégorie, quelques think tank se distinguent par un niveau de financement supérieur à leur budget annuel ou très important par rapport au budget global déclaré. On retrouve ainsi le Wilfried Martens Center for European Studies (dépendance à 128%) qui n’est autre que la fondation politique au niveau européen du Parti populaire européen comme l’on aurait pu retrouver la Foundation for European Progressive Studies qui ne se déclare pas encore. De même, The Lisbon Council (taux de dépendance à 103%), qui se présente comme « à but non lucratif, indépendant et politiquement neutre » peut légitimement être considéré comme un quasi think tank organique aux institutions européennes.

Deuxième catégorie, les think tank qui sont largement subventionnés par les financements de l’UE : Rand Europe à hauteur de 75%, Carnegie Europe à hauteur de 71%, deux antennes de think tank américain. Dans une moindre mesure, l’Institut Jacques Delors (54%) et Friends of Europe (50%) sont également largement couverts par les divers financements européens déclarés.

Troisième catégorie, les think tank partiellement financés par des subventions de l’UE, comme la Fondation Robert Schuman (27%) et le Centre for European Policy Studies (26%) ainsi que dans une moindre mesure International Crisis Group (9%) et European Policy Centre (7%), voir aussi The Brookings Institution (3%) ainsi que le Centre for European Reform (3%).

Quatrième catégorie, les think tank européens et internationaux qui publient sur le registre de la transparence de l’UE aucun financements européens pour l’année écoulée où l’on retrouve des think tank européens bien en vue comme le European Council on Foreign Relations, Bruegel ou l’Egmont Institute, ainsi que des think tanks allemands comme Bertelsmann Stiftung, The German Marshall Fund of the United States – The Transatlantic Foundation, Friedrich-Ebert-Stiftung et Konrad-Adenauer-Stiftung et enfin des think tank français comme l’Institut Français des Relations Internationales et l’Institut de relations internationales et stratégiques.

Catégories de think tanks selon leur présence sur Twitter

Considérant les think tanks principalement européens, le classement place par ordre décroissant en tête l’European Council on Foreign Relations avec plus de 91k abonnés suivis par Bruegel (68k), Carnegie Europe (56k), The Transatlantic Foundation (54k), Centre for European Policy Studies (53k), Friends of Europe (41k), European Policy Center (40k), Centre for European Reform (39k), Centre for European Studies (34k) et à la 10e place Notre Europe, l’Institut Jacques Delors (23k).

Se dégagent en haut, logiquement les grands think tank internationaux comme The Brookings Institution (437k) et International Crisis Group (206k) et en bas de tableau avec moins de 10k abonnés des think tank comme Egmont Institute, Rand Europe, The Lisbon Council, l’Institut Français des Relations Internationales et Bertelsmann Stiftung.

Y a-t-il des leçons à tirer de ces deux manières de lister les think tank ?

D’une part, les financements européens varient fortement jusqu’à 6 millions d’euros annuels, ciblant autant des think tank bruxellois qu’américains ou nationaux. D’autre part, les présences sur Twitter sont très disparates, même si les comptes spécialisés dans les affaires européennes recueillent forcément moins d’audience que les comptes globaux.

Comment renforcer la communication entre l’UE et les citoyens ?

La communication directe entre les institutions européennes à Bruxelles et les citoyens européens reste un défi car il y a conflit entre une conception rationnelle et technique de ce qu’est l’UE et une perception beaucoup plus émotionnelle des citoyens. Pour combler ce hiatus, l’UE doit nouer des liens avec les citoyens qui eux doivent interagir de manière proactive avec les institutions de l’UE, selon Víctor Villanueva Ferrer dans « Strengthening Communication Channels Between the EU and EU Citizens: An Audience-Centric Approach ». Plus facile à dire qu’à faire…

La Commission Juncker : un programme politique et une nouvelle stratégie de communication bidirectionnelle avec les publics

Juncker vise à créer des liens entre politique et communication avec ses dix priorités politiques. La Commission Juncker abandonne l’idée que la communication est une stratégie à part et procède à son intégration dans l’agenda politique.

Il semble que ce soit une bonne stratégie pour capter l’attention des publics : au lieu de se concentrer sur les aspects juridiques ou institutionnels de l’Union, l’UE considère les dix priorités comme les principaux sujets à communiquer. De cette façon, l’UE cesse de communiquer sur des sujets décisionnels perçus comme trop bureaucratiques et détachés de la vie quotidienne. Au lieu de cela, l’UE communique sur les dix priorités qui reflètent les priorités des citoyens de l’UE dans les enquêtes Eurobaromètre.

Face à la pression du Brexit, de Trump et des néonationalistes en Europe, le destin démocratique de l’Union est remis en question comme jamais auparavant, l’UE doit redoubler d’efforts pour gagner une légitimité renouvelée aux yeux de l’électorat européen, à « gagner les cœurs et les esprits » basé sur un « engagement émotionnel actif » qui ne repose ni sur des revendications populistes ni sur la propagande mais vise à construire une Europe centrée sur les citoyens.

Alors que l’approche unidimensionnelle des moyens de communication traditionnels, enrichis par les actions du Service du porte-parole auprès des journalistes, sont majoritairement utilisés par les personnes âgées de 55 ans et plus ; pour les moins de 40 ans, Internet étant leur principale source d’information, l’approche bidirectionnelle semble mieux fonctionner avec des outils de participation physique et électronique.

Les dialogues citoyens représentent le dispositif interactif permettant aux citoyens de s’exprimer. Ainsi, la Commission Juncker aura conduit 1 572 dialogues citoyens. D’autres outils de communication ont été considérés comme jouant un rôle de plus en plus important au niveau national comme les réseaux européens, les représentations dans les États membres et les centres d’information Europe Direct.

La Commission von der Leyen : une approche de la communication ascendante centrée sur les publics

Ursula Von der Leyen, première femme à occuper la présidence de la Commission européenne s’appuie sur son « agenda pour l’Europe » autour de six grandes ambitions : le Green Deal, une économie luttant pour l’équité sociale et la prospérité, une Europe adaptée à une ère numérique sûre et éthique, protéger le mode de vie et les valeurs européennes, une Europe plus forte dans le monde et un nouvel élan pour la démocratie européenne.

Selon le Plan stratégique 2020-2024 de la Direction Générale de la Communication, ces priorités sont au centre de l’attention de la DG COMM. Ursula von der Leyen vise à prolonger l’approche centrée sur les publics établie par Jean-Claude Juncker : « Je veux renforcer le lien entre les personnes et les institutions qui les servent, réduire l’écart entre les attentes et la réalité et communiquer sur ce que fait l’Europe » ; « Les Européens doivent avoir leur mot à dire sur la manière dont leur Union est gérée et sur ce qu’elle produit. C’est pourquoi je crois que nous avons besoin d’une conférence sur l’Europe ».

Même s’il est encore trop tôt pour voir les résultats des efforts de communication européenne ascendante, il semble que l’UE devrait continuer à ouvrir la voie à la pleine mise en œuvre de l’approche actuelle centrée sur les publics.

Afin de mieux tenir compte des opinions des citoyens de l’UE, l’approche ascendante de la communication européenne renforcée et améliorée permettrait non seulement de se conformer au principe de transparence et aux valeurs démocratiques de l’UE mais surtout de parvenir à la légitimation et à la responsabilité et la nature démocratique de l’Union.

Cabinets de lobbying : principaux enseignements du registre de la transparence de l’UE

Obligatoire pour toute organisation réalisant des actions de lobbying auprès des institutions européennes et en particulier auprès du Parlement européen et de la Commission européenne, l’inscription au registre de la transparence de l’Union européenne référence 80 « professional consultancies » en 2021…

Origines géographiques : la France en tête des cabinets de lobbying

Avec 17 cabinets de lobbying référencés en France, le pays prend la tête loin devant trois grands marchés traditionnels du lobbying avec 9 entreprises référencées en Belgique, en Allemagne et encore au Royaume-Uni. Viennent ensuite l’Espagne (8), l’Irlande (6) et l’Italie (5) sans oublier 3 cabinets issus des Etats-Unis et quelques autres États-membres.

Estimations des recettes annuelles totales générées attribuables aux activités couvertes par le registre de la transparence

Sur les 80 cabinets de lobbying, une minorité de 21 entreprises ne remplit pas les informations financières tandis que 18 déclarent moins de 10 000€ et 2 en revanche plus d’1M€, entre les deux extrêmes, une vingtaine sont sous les 100 000€ et une vingtaine entre 100 000€ et 1M€.

Quelques exemples de cabinets de lobbying et de leurs activités déclarées représentatifs dans les différents États-membres :

  • Utopia Lab (Italie) représentent plusieurs intérêts pour 310-700k€ : Facebook/Meta, Poste Italiane, Enel, Philip Morris, Expedia, AT&T… ;
  • Sovereign Strategy (Royaume-Uni) déclare 250-400k€ et 2clients Inuit et Bloomberg ;
  • Skill Set Technology & Strategy Services (Irlande) pour 100-300k€ avec comme principal client déclaré Huawei Technologies ;
  • Boundary Stone Partners (Etats-Unis) pour 100-300k€ avec comme principal client déclaré TerraPower dans l’énergie nucléaire ;
  • EHS Techniques (Espagne) déclare 1M-1,2M€ sans préciser la liste des clients ;
  • Conscience Consulting (Belgique) déclare 85-200k€ pour la « Coalition for Radical Decarbonisation of Materials sur le Green Deal européen et l’« International biocontrol manufacturers association » sur la directive « de la ferme à la table » ;
  • Mazagran (France) déclare 50- 200k€ et 2 clients Adevinta et Vivendi ;
  • Oettinger Consulting (Allemagne, le cabinet de l’ancien Commissaire européen) déclare pour 20-100k€ avec 3 entreprises allemandes clientes.

0,6% : part des cabinets de lobbying dans les organisations inscrites sur le registre de la transparence

Sur un total de 12 275 inscrits au registre de la transparence de l’UE, les cabinets de lobbying ne représentent plus que 0,6% de l’ensemble des organisations inscrites, ce qui montre bien la diversité des acteurs susceptibles de mener des actions de lobbying auprès des institutions européennes.

Au total, parmi les acteurs du lobbying – entre les entreprises directement (507) et les syndicats et associations professionnelles (353) sans oublier les groupes de réflexion et instituts de recherche (76) et quelques cabinets d’avocats (17) – les cabinets de lobbying (80) exercent une activité auprès des institutions européennes sans doute beaucoup plus réduite que présumée.

Europa Experience, un espace immersif dédié à l’Europe à Paris

Concept expérimenté à Bruxelles et d’autres capitales européennes, « Europa Experience », un lieu ouvert et gratuit autour d’activités ludiques et interactives pour embarquez dans une aventure européenne hors du commun…

1 500 m² pour inviter les visiteurs à faire l’expérience de l’Europe afin de mieux comprendre l’Union européenne, son fonctionnement et les personnalités qui la font vivre

Place de la Madeleine, à l’entrée, via un parcours multimédia, des installations immersives (écrans numériques et tables interactives) permettent de se familiariser aux trois principales institutions de l’Union européenne : le Parlement, la Commission et le Conseil mais aussi écouter des témoignages de « l’Europe du quotidien » à travers de courtes vidéos d’interviews.

Dans une salle adjacente, les visiteurs peuvent déambuler sur une carte d’Europe géante et découvrir, à travers de multiples stations multimédia et une salle en réalité augmentée, des projets financés par l’UE. A l’étage, un cinéma à 360° diffuse un film d’environ 10 minutes pour un panorama de la politique et de l’histoire européennes.

Pour les groupes, un jeu de rôle ludique et instructif permet aux participants de négocier une directive européenne. Chacun se met dans la peau d’un eurodéputé, doit former des alliances avec d’autres partis et communiquer avec les médias. Une activité particulièrement adaptée aux élèves du secondaire.

Entre 100 et 150 000 visiteurs sont attendus chaque année à Paris pour découvrir l’Union européenne d’une manière inédite.

Construire une infrastructure de participation citoyenne dans l’Union européenne

Bien que l’UE ait élargi sa boîte à outils participative au fil du temps, la participation des citoyens ressemble toujours à un patchwork d’instruments individuels sans influence visible et significative sur l’élaboration des politiques de l’UE. Toute démocratie qui fonctionne dépend d’une infrastructure institutionnelle qui fonctionne, l’UE doit évoluer vers une infrastructure de participation plus complète et plus cohérente, selon une vaste étude de la Fondation Bertelsmann…

Stratégie : la base d’une infrastructure de participation complète

Pour passer d’une mosaïque de participation à une infrastructure de participation, les institutions de l’UE et les États membres doivent élaborer et convenir d’une stratégie commune, d’une vision partagée et d’une compréhension partagée de la signification, de l’objectif et des avantages de l’infrastructure de participation de l’Union et d’une action coordonnée sur la manière dont améliorer et développer davantage la boîte à outils de participation de l’Union.

Les critères clés d’une bonne participation : visibilité, accessibilité, représentativité, capacité de délibération, transnationalité et impact sont les fondements essentiels d’une infrastructure de participation de l’UE et doivent tous être reflétés dans une stratégie globale de participation de l’UE.

Dans tous les cas, l’UE ne peut pas simplement copier n’importe quel système national : en tant que système politique unique, elle a besoin de sa propre approche pour impliquer les citoyens et leur donner une voix effective dans l’élaboration des politiques européennes grâce à une stratégie de participation sui generis.

Pleins feux : plus de visibilité pour la participation de l’UE

L’UE a besoin d’un effort de communication conjoint pour faire connaître l’infrastructure de participation au grand public : les citoyens de toute l’Europe doivent être mieux informés de leur capacité à s’impliquer dans l’élaboration des politiques de l’UE.

Ce n’est que lorsque les citoyens seront conscients des opportunités qui leur sont offertes et convaincus de leurs avantages qu’ils les utiliseront dans la pratique. Accroître la connaissance des instruments et leur visibilité nécessite une volonté politique et des ressources suffisantes pour promouvoir le système participatif de l’UE dans son ensemble.

Une stratégie de participation efficace nécessite une stratégie de communication efficace.

Orientation : une plateforme centrale pour la participation des citoyens de l’UE

Une infrastructure de participation de l’UE a besoin d’un hub central en ligne pour tous les instruments de participation afin de fournir des opportunités de mise en réseau, une communication efficace et une éducation civique sur la participation des citoyens de l’UE.

Une infrastructure de participation a besoin d’un point d’entrée central, y compris un site web convivial permettant aux citoyens d’explorer leurs possibilités de participation au niveau de l’UE, en s’appuyant sur les expériences existantes de l’UE, en particulier avec le portail Donnez votre avis, ainsi que la plate-forme numérique de la Conférence sur l’avenir de l’Europe et s’inspirer des bonnes pratiques des États membres.

Une plate-forme centrale au niveau de l’UE doit remplir quatre fonctions de base :

  1. Renforcement de la cohérence : la plate-forme pousse les institutions de l’UE à organiser tous les instruments de participation selon une logique centrale ;
  2. Mise en réseau : les citoyens doivent pouvoir interagir (de manière transnationale) entre eux et avec la plateforme dans n’importe quelle langue grâce à la traduction automatisée, partager leurs expériences avec les instruments et demander de l’aide pour être guidés vers un instrument pertinent ;
  3. Communication efficace : communiquer sur les opportunités de participation et les instruments ;
  4. Éducation civique : créer la possibilité de montrer le dynamisme et le fonctionnement de la démocratie européenne dans un format accessible, tout en transmettant des informations sur le fonctionnement de l’UE à un public plus large.

Aller de l’avant : potentiel numérique et nouveaux formats de participation

La participation citoyenne moderne a besoin de composantes numériques fortes. Les moyens numériques peuvent améliorer la visibilité et l’efficacité des instruments existants en les amenant à de nouveaux publics plus larges via les médias sociaux. Dans le même temps, l’utilisation accrue de nouveaux formats peut montrer la voie à suivre pour rendre la participation des citoyens à l’UE plus représentative, transnationale et délibérative. L’espace numérique ouvre de nouvelles possibilités pour accroître la visibilité et l’efficacité potentielle des instruments de participation existants.

Des opportunités de participation numérique nouvelles et en constante évolution avec des procédures interactives et délibératives permettent à davantage de citoyens qui n’ont jamais participé à la politique européenne de se connecter et de s’impliquer de manière intensive via l’apport de leur expertise personnelle ou rapidement pour partager leur opinion dans un processus de discussion et ainsi influencer l’élaboration des politiques de l’UE.

Créer une dynamique : changement culturel et volonté politique de Bruxelles et des États membres

Accroître et améliorer la participation citoyenne n’est plus seulement une note marginale à Bruxelles. Le débat sur la démocratie participative au niveau de l’UE s’est intensifié. Mais les institutions de l’UE et les États membres n’ont pas encore intégré la participation comme une caractéristique régulière de la démocratie de l’UE. Ils doivent surmonter leurs hésitations – voire leurs peurs – s’ils veulent que la démocratie européenne s’adapte aux besoins et aux évolutions du XXIe siècle.

La tendance est claire : la participation citoyenne n’est plus simplement utilisée à des fins de communication ; lorsqu’ils en ont l’occasion, les citoyens de l’UE montrent leur volonté et leur capacité à s’engager dans des processus qui façonnent l’élaboration des politiques de l’UE.

Pourtant, l’un des principaux problèmes tient au fait que l’UE et ses États membres n’ont toujours pas une compréhension commune de la nature, des potentiels et des différents formats de participation citoyenne. Personne ne peut s’attendre à ce que cela change du jour au lendemain. Mais pour renforcer les instruments de participation individuelle et l’infrastructure de participation, il faut plus de leadership politique dans les institutions de l’UE.

L’UE ne pourra maintenir et renforcer sa légitimité que si les citoyens ont le sentiment que leur voix compte. Plus de leadership et un engagement plus fort en faveur de la participation citoyenne sont nécessaires – non seulement à Bruxelles mais aussi dans les capitales nationales.

Quelles seront la forme et la structure futures de la démocratie européenne ?