L’UE et le Web 2.0 : quelles stratégies pour l’UE dans le web social ?

Alors que les réseaux sociaux, notamment par leurs logiques de dialogue et de recommandation ont su capter majoritairement l’attention des internautes, quels positionnements stratégiques dispose l’UE pour utiliser les différents canaux du web social afin de diffuser efficacement un message précis à une audience cible ?

Voici une transcription à l’échelle de l’UE de l’excellente présentation de Loic Haÿ délivrée fin septembre 2009 à Rennes dans le cadre des Rencontres Nationales communication et technologies nouvelles.

Une stratégie de présence en ligne : le cas de la campagne pour les élections européennes du PE

Finalité : « aller à la rencontre de ses publics en étendant sa présence en ligne sur les plateformes et services du web social » afin de retenir leur attention sur le message plutôt que leur visite sur le site.

Modalité : « prendre en compte les règles du jeu et les usages de ces nouveaux territoires numériques », c’est-à-dire participer à la vie social du web sans se contenter de simplement pousser son info.

Pour la première fois lors de la campagne de communication sur les élections européennes de juin 2009, l’UE – à travers le Parlement européen – investit pleinement les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Youtube, Flickr, MySpace). Un excellent bilan, fait par l’équipe web du PE, est consultable sur Vimeo.

Une stratégie de partenariat(s) : le cas de la chaîne EU-Tube de la Commission

Finalité : « choisir une plateforme sociale existante et conclure avec elle un partenariat afin qu’elle soit mise en avant comme le service « recommandé » ou « légitimé » » par l’UE.

Modalité : mettre en œuvre des échanges de lien voire des widgets (modules externes) intégrés sur le portail Europa. Depuis septembre 2007, la Commission européenne expérimente la démarche avec une chaîne dédiée sur YouTube : « EU Tube ». Deux ans après, c’est 245 vidéos en ligne, 39 000 commentaires et 10 500 abonnés (pour la version anglaise).

Une stratégie d’intégration : le cas des plateformes « Les Euronautes » et « Placedeurope » en France

Finalité : « intégrer la plate-forme sociale directement dans le site et dans le système d’information ». Puisque l’un des objectifs de toute communication sur l’Europe est de favoriser le dialogue entre l’UE et les Européens et entre Européens, la légitimité de l’UE à créer son propre outil conversationnel et participatif semble forte.

Modalité : concevoir un nouveau service social en se donnant les moyens de gérer et d’animer ce type de plateforme. Il s’agit d’une part de s’appuyer sur une gestion de l’identification et de l’authentification ouverte et interopérable et d’autre part sur une « une gestion intelligente et ouverte de l’identité des utilisateurs » avec une animation éditoriale pertinente.

Lors de la Présidence française de l’UE au 2nd semestre 2008, la France à lancer 2 plateformes communautaires participatives :

  • « Les Euronautes » (euronautes.eu), pour les 15-25 ans : offre une approche interactive permettant les échanges pour aider et informer les jeunes souhaitant vivre à fond leur citoyenneté européenne.
  • « Place d’Europe » (placedeurope.eu), pour les élus locaux : offre une valorisation des initiatives européennes en faveur des collectivités territoriales et se veut également collaboratif avec un partage d’expérience et de bonnes pratiques.

Une stratégie « fédérative et servicielle »

Finalité : faire converger le projet d’ouverture vers le web social et participatif et le projet d’administration électronique ou de démarches numériques pour les usagers en vue d’unifier les relations entre administrations communautaires et usagers européens.

Modalité : créer des comptes par usager et non plus des profils par membre de la communauté et développer des modules d’e-administration composés d’un bouquet de services d’e-conversation, et d’e-participation.

Au niveau national, MonServicePublic.fr montre la voie vers l’ère de la relation en temps réel et personnalisée sur le web.

Spécial 500e billet : alors, c’est quoi la communication européenne ?

Qu’il s’agisse de la communication de l’Union européenne émise par la Commission ou le Parlement européen par exemple ou de la communication sur l’Europe réalisée notamment par les États membres – au fil des 500 billets publiés – quelles sont les controverses de ce qu’il convient d’appeler la « communication européenne » ?

Faut-il que la communication européenne vise à rapprocher l’UE des citoyens ou à installer le dialogue entre les citoyens et l’UE et entre les citoyens européens ?

La fausse bonne idée consiste à vouloir rapprocher l’Union européenne des citoyens européens. Une telle démarche se rapporte à imaginer que la holding d’un groupe multinational touche directement ses clients. Communiquer sur l’Europe devient alors mission impossible à cause :

  • des barrières linguistique et culturelle et des obstacles structurels comme l’absence d’espace public européen (ni médias, ni canaux de communication) ;
  • le respect du principe de subsidiarité disqualifie l’UE pour une relation de proximité ;
  • la démocratie représentative nécessite une distance entre le peuple et les élus.

La bonne idée semble davantage se trouver dans un double mouvement visant pour reprendre la comparaison à faire en sorte que les clients consomment tous les jours les produits et services de la multinationale. Communiquer sur l’Europe revient alors à tenter de :

  • placer les citoyens au cœur des politiques publiques européennes en encourageant les citoyens à débattre de l’Union et en incitant les décideurs à prendre en compte cette participation dans les politiques européennes ;
  • placer l’Europe au cœur de la vie quotidienne des citoyens en favorisant l’implication des États membres, de la société civile et des médias dans une meilleure information et un meilleur dialogue sur les politiques européennes.

Faut-il que la communication européenne adopte une approche « corporate » visant à créer une « image de marque » autour des valeurs européennes ou une approche « marketing » tournée vers à les « preuves concrètes », les « bénéfices » du produit UE ?

D’aucuns proposent une véritable labellisation des prises de parole européennes via une « marque UE » aisément reconnaissable par les Européens – quelle que soit l’institution source – favorisant ainsi une unification des émetteurs et une harmonisation des messages.

Cette approche ferait reposer la marque sur un prolongement/renouvellement de la valeur fondamentale de l’UE : de la paix (en période de guerre froide) à la norme (en période de mondialisation).

Les messages de la « marque UE » s’articuleraient autour d’une explicitation des projets de l’UE sous l’angle de la régulation : climatique et environnementale pour protéger la planète du changement climatique ou ’économique et financière pour sauvegarder l’économie sociale de marché…

D’autres envisagent un marketing-mix qui ne consiste plus à communiquer sur les promesses de l’Europe (exemple : la monnaie unique apporte le plein emploi), mais à simplifier pour tendre vers l’unique selling proposition qui va marquer les esprits du plus grand nombre (exemple : 1 Conseil européen = 1 enjeu).

Cette approche ferait reposer le « produit Europe » sur les bénéfices concrets dans la vie quotidienne des Européens de la construction européenne.

L’Europe serait ainsi une valeur d’usage courante orientée autour de la protection, de la simplification des démarches, de l’harmonisation des normes de sécurité, de la défense des consommateurs, de la valorisation de la diversité culturelle…

Faut-il que la communication européenne s’inscrive dans une logique de court terme avec des prestations de services auprès des parties prenantes ou dans une logique de long terme et de formation civique, notamment auprès des jeunes ?

La priorité de la communication européenne doit-elle se concentrer hic et nunc sur des efforts au bénéfices des parties prenantes :

  • simplifier le travail des journalistes, au-delà des accrédités à Bruxelles avec des formations afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions communautaires et des sources aisément exploitables, fortement contextualisées…
  • simplifier le travail des acteurs décentralisés, notamment les élus locaux avec des outils d’analyse de l’opinion (Eurobaromètre flash rapide et thématisé) ou des outils pour comprendre l’UE et des messages pour qu’ils se valorisent en parlant de l’UE…

La priorité de la communication européenne doit-elle favoriser la mise en place d’un « cours d’éducation civique européenne », à destination des acteurs de l’Europe de demain.

  • c’est l’avis du Comité économique et social européen : « Comment concilier dimension nationale et dimension européenne dans la communication sur l’Europe » adopté le 10 juillet 2008, dont la rapporteur Béatrice Ouin « recommande au niveau européen, de mettre à disposition un socle commun de connaissances » rassemblant l’essentiel de l’histoire et des valeurs européennes pour former les jeunes.
  • c’est également la résolution « Dialogue actif avec les citoyens sur l’Europe » adoptée le 24 mars 2009 par le Parlement européen qui « relève qu’il est nécessaire de défendre un modèle actif d’éducation civique européenne qui donne aux jeunes la possibilité de s’investir directement dans la vie publique et de s’engager ».

Quelle articulation entre déficit démocratique de l’UE et communication européenne, selon Jacques Delors ?

Président de la Commission européenne de 1985 à 1995 et considéré comme l’un des « pères de l’Europe », Jacques Delors – interrogé à l’occasion de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne par Euractiv – précise l’articulation qu’il envisage entre déficit démocratique de l’UE et communication européenne….

La communication sur les avancées du traité de Lisbonne en matière parlementaire pour résoudre le déficit démocratique vécu de l’UE

Pour Jacques Delors, « avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il y a quand même deux points très positifs » :

  • d’une part, le Parlement européen aura plus de pouvoirs, ayant ainsi le dernier mot pour l’ensemble du budget ;
  • d’autre part, les Parlements nationaux pourront invoquer le problème de la subsidiarité.

Pour résoudre le déficit démocratique vécu par les acteurs-institutions de l’UE, les Parlements nationaux et le PE « vont devoir faire des efforts pour expliquer à l’opinion » ces avancées issues du traité de Lisbonne.

La communication en partenariat entre les Etats membres et l’Union pour résoudre le déficit démocratique perçu de l’UE

Pour Jacques Delors, « la grosse lacune en matière de communication réside dans le fait que les gouvernements nationaux n’expliquent pas ce qu’ils font en Europe. Souvent, ces derniers disent, « grâce à nous, j’ai obtenu une victoire ». Mais l’Europe est une famille. Les gens ont du bon sens et se disent « c’est extraordinaire cette famille qui se réunit et où en sortant un ou deux des frères disent “on a gagné sur l’Europe”. Tout cela est contre-productif. »

Pour résoudre le déficit démocratique perçu par les spectateurs-citoyens de l’UE, la stratégie de communication européenne en partenariat, initiée en 2008, va devoir poursuivre les efforts pour communiquer de concert sur des priorités communes.

La communication sur l’Europe (par les gouvernements nationaux) plutôt que la communication de l’UE (par les institutions communautaires)

Pour Jacques Delors, « on ne peut pas demander aux institutions européennes de communiquer comme un gouvernement national. L’agora naturelle est la nation, et les nations demeurent. L’obligation de faire comprendre l’Europe – et encore mieux si possible de la faire aimer – revient aux gouvernements nationaux et aux élus nationaux. »

Ainsi, au risque de paraître paradoxal, la réduction du déficit démocratique de l’UE semble passer par une communication relativement plus réduite de l’UE par rapport aux États membres qui doivent redoubler d’efforts pour communiquer plus sur leurs engagements européens.

Comment s’informer sur le traité de Lisbonne ?

Après près de dix ans consacrés à la réforme institutionnelle des institutions européennes :

  • lancement lors de la « Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Europe » en décembre 2001 convoquant la « Convention sur l’avenir de l’Europe » et débouchant sur le projet de « Constitution pour l’Europe », approuvé à l’unanimité en octobre 2004 ;
  • rebondissement lors des ratifications des États membres avec les rejets référendaires en France (29 mai 2005) et aux Pays-Bas (1er juin 2005) ;
  • achèvement, après la rédaction d’un mini « traité modificatif » en 2007, par le 2nd référendum de ratification en Irlande en octobre 2009 ;

le traité de Lisbonne, qui « n’a rien simplifié mais réforme réellement les institutions européennes », selon Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, est entrée en vigueur le 1er décembre 2009.

Comment s’informer sur le texte qui « rénove l’architecture des institutions, assouplit la prise de décision et renforce la représentation extérieure de l’Union » ?

En mode « débutant » : les synthèses des apports du traité de Lisbonne

Pour les plus pressés, voir « le traité en bref », il est possible d’appréhender, après résumé :

les 4 réformes essentielles :

  • la personnalité juridique de l’UE, permet de conclure un accord international dans tous ses domaines de compétence ;
  • la présidence stable au Conseil européen, crée la représentation extérieure de l’Union en matière d’affaires étrangères et de sécurité ;
  • les pouvoirs du haut représentant de la politique étrangère européenne, assure la conduite la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union ;
  • la simplification du processus de décision au Conseil de l’UE. (Pour aller plus loin sur les différents processus de décision : co-décision, majorité qualifiée, règle de la double majorité).

les 4 principales avancées :

  • la possibilité d’initiative citoyenne ;
  • le renforcement du rôle des Parlements nationaux, avec un meilleur respect du principe de subsidiarité ;
  • la clarification de la répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres. (Pour aller plus loin sur les différentes compétences exclusives, partagées ou de coordination) ;
  • la Charte des droits fondamentaux acquiert une force juridique contraignante pour une majorité des Etats membres.

En mode « confirmé » : la parole des experts sur l’avenir de l’Europe

Pour les plus intéressées, plusieurs interventions récentes de spécialistes ouvrent des perspectives, ainsi résumées :

Quelles pratiques ? : avec une tribune dans Le Figaro de Valéry Giscard d’Estaing se dresse 2 conceptions :

  • « La 1e conception est celle du projet des pères fondateurs, réactualisé par le traité constitutionnel : une Union d’États gérant en commun une branche fédérale » ;
  • « La 2e conception dérive de l’ancien projet de zone de libre-échange et vise à établir une grande zone de commerce libre et ouverte, coiffée sur le plan politique par des institutions de type confédéral ».

Quelles priorités ? : avec une interview à Touteleurope de Jean-Luc Sauron, Professeur et Président de l’Association des Juristes Européens se détaille 3 enjeux « qui attendent l’UE » : la maîtrise de l’énergie, l’éducation (l’économie de la connaissance) et la politique de voisinage.

Reste pour les plus courageux, les pages Europa dédiées au traité ainsi que le texte intégral.

Communication pour la parité au sein de l’UE : quels constats en matière de lobbying viral ?

Au-delà du lobbying « grasstop » pratiqué par environ 3 000 groupes d’intérêts / 15 000 lobbyistes à Bruxelles qui mènent « toute activité qui vise à influer sur l’élaboration des politiques et les processus décisionnels des institutions publiques » selon la définition du Livre vert sur la transparence rédigé par le Commissaire européen Siim Kallas en mai 2006, se développe un lobbying « grasstop » viral, une sorte d’e-influence dans les réseaux sociaux… A travers les actions web en faveur de la parité dans les nominations au sein des institutions communautaires, quels constats peut-on tirer en matière de lobbying viral ?

Constat n°1 du lobbying viral : occuper le terrain

Occuper le terrain auprès des internautes passifs avec la sensibilisation de l’opinion sur la problématique de la parité dans les nominations aux principaux postes communautaires, permet de prendre à défaut le manque de communication de l’UE et de prendre en défaut l’UE par rapport à ses propres valeurs.

Occuper le terrain auprès des militants actifs avec la formation d’un réseau de bloggeurs-twitteurs-animateurs de communautés à la fois influenceurs et révélateurs, détenteurs d’un potentiel en termes de capacité à capter l’attention et à drainer de l’audience.

Constat n°2 du lobbying viral : animer les conversations

Face aux nombreuses techniques de persuasion rationnelle inopérantes dans le web social, le constat semble d’influencer en s’appuyant sur des logiques de reconnaissance et d’imitation : cf. les recherches sur les « stratégies d’influence conduites sur internet par le lobby anti-nucléaire en France » de Natacha Romma et Eric Boutin, de l’Université du Sud Toulon.

Animer les conversations par l’« influence spontanée » :

  • permet de déclencher un résultat immédiat (de recommandation, de soutien) dans le sens de l’« influenceur » ;
  • repose sur un style d’argumentation très simpliste éloigné des arguments d’autorité et des discours experts.

Animer les conversations par la « preuve sociale » :

  • permet de faire accepter par les « influencés » comme vraie l’idée qui fait consensus ;
  • s’appuye sur la confiance dans la fiabilité de l’UGC, user generated content.

Stratégie n°3 du lobbying viral : multiplier les contacts

Afin de sensibiliser sur la problématique spécifique de la parité tout en se faisant connaître comme une base de données informationnelle sur les Commissaires femmes actuelles et les candidates aux postes de responsabilité dans l’UE, le constat semble de créer un site communautaire qui présente des critères d’impartialité et de légitimité (morale et technique) sur le sujet choisi. La mise en ligne du site « Gender balanced Commission » correspond ainsi à une stratégie ditee du « site pot de miel ».

Ainsi, entre une forte pratique de présence massive des internautes dans les réseaux sociaux et une faible proactivité des acteurs communautaires (institutionnels ou individuels) dans ces mêmes réseaux, le lobbying viral semble faire beaucoup de bruit, mais pour quel impact réel ?