La communication européenne n’est-elle pas surtout un enjeu de formation ?

La lecture de la résolution « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » adoptée hier en séance plénière par le Parlement européen révèle que pour les euro-députés, la communication européenne est aussi une enjeu de pédagogie après des publics clés de l’UE…

D’abord, la formation de tous les agents de l’UE, éventuels ambassadeurs de l’UE

Il s’agit d’une évidence, qui n’est pas inutile de rappeler : la communication de l’UE ne peut vraiment être efficace que si ses principaux agents sont correctement formés.

Aussi, la résolution « encourage la Commission et le Parlement à aller plus loin en matière de formation pour développer les compétences de communication de leurs agents, de manière à ce que ceux-ci soient en mesure de communiquer avec les médias et les citoyens ».

Cette préconisation – fort justement – ne se limite pas à la formation des professionnels de la communication de l’UE mais vise chaque fonctionnaire européen, éventuellement « ambassadeur de l’UE », comme le laissait entendre Viviane Reding – la Commissaire titulaire du portefeuille de la communication – dans son courrier en réponse à la lettre ouverte de la communauté des éditeurs et webmasters des sites de la Commission européenne.

Ensuite, la formation des journalistes traitant des affaires européennes, réels relais de l’information sur l’UE

Autre évidence qu’il convient de défendre : l’information sur l’UE ne peut vraiment être pertinente que si les journalistes sont préalablement formés afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions européennes.

Aussi, la résolution « encourage toute initiative de l’UE visant à mettre en place des programmes de formation sur les affaires européennes, spécialement destinées aux jeunes journalistes ».

Enfin, la formation des jeunes à l’originalité de la construction européenne, potentiels soutiens de l’avenir de l’UE

Dernière évidence, véritable serpent de mer de la communication sur l’Europe : l’éducation civique européenne (cf. le billet « Vers la création de cours d’éducation civique européenne dans toutes les écoles de l’UE ? »).

Déjà inscrite dans la résolution « Dialogue actif avec les citoyens sur l’Europe » adoptée le 24 mars 2009, le Parlement européen : « il est nécessaire de défendre un modèle actif d’éducation civique européenne qui donne aux jeunes la possibilité de s’investir directement dans la vie publique et de s’engager », la résolution « estime que l’implication entière de l’école est un élément essentiel de la communication de l’UE pour captiver et impliquer les jeunes ».

Ainsi, la leçon de la résolution du Parlement européen est salutaire : la communication européenne est une mission pédagogique qui doit s’inscrire dans la longue durée.

Adoption de la résolution du Parlement européen « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe »

Aujourd’hui, la résolution de Morten Løkkegaard « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » a été adoptée par le Parlement européen en séance plénière…

Une résolution timide quant à l’hybridation information-communication et décevante quant à l’usage des médias sociaux

Beaucoup plus timide que le texte initial (cf. page 6), puisque la suggestion de créer « une task-force basée à Bruxelles et composée de journalistes indépendants dépourvus de tout contrôle éditorial et recrutés en dehors des institutions européennes qui aurait pour tâche de couvrir quotidiennement les actualités ayant trait à l’Union et qui seraient publiées sur différentes plateformes et différents canaux en respectant les critères journalistiques » n’est pas retenue.

Assez décevante puisque le texte final estime que « si les réseaux sociaux se montrent relativement efficaces pour une diffusion rapide des informations, ils n’offrent pas toujours les garanties de sérieux que l’on peut en attendre et ne peuvent pas être considérés comme des médias professionnels ». Les euro-députés recommandent cependant « l’importance de l’élaboration d’un code de conduite pour les nouveaux médias », comme nous le suggérions en mai dernier : « Pour la rédaction d’une charte d’utilisation des réseaux sociaux à destination des communicants de l’UE ».

Au final, le communiqué égrène des propositions utiles pour que « les gouvernements, les partis, les écoles et les diffuseurs de radio et de télévision du service public contribuent davantage à mieux expliquer les affaires européennes aux citoyens ».

« Ce n’est pas le manque d’information qui constitue le problème mais la multitude d’informations sans véritable échelle de priorité »

Exercice d’autocritique remarquable, les euro-députés « constate(nt) que toutes les institutions ont lancé leurs propres plates-formes d’information, et que celles–ci ne parviennent cependant pas à intéresser un large public dans la mesure où elles manquent souvent de clarté, ne sont pas assez attrayantes ou compréhensibles, fréquemment en raison de l’emploi trop technique d’une langue que les personnes non familiarisées avec les questions européennes ne peuvent pas appréhender ».

Fort de ce constat et de la conviction que « trop d’information tue l’information » – quoique les euro-députés considèrent par ailleurs « que les citoyens sont clairement sous-informés sur les politiques et les questions relatives à l’UE, alors même qu’ils expriment leur volonté d’être davantage informés, comme l’ont démontré les résultats de nombreux sondages Eurobaromètre » – une proposition est lancée afin que « ces plates-formes devraient être coiffées par un portail pédagogique rendant plus lisible le fonctionnement de l’ensemble des institutions européennes ».

Ainsi, on ne peut que partager la volonté « qu’une communication efficace doit mettre en évidence l’incidence directe des décisions politiques prises au niveau européen sur la vie quotidienne des citoyens ». Et l’on ne peut que regretter le manque d’audace quant à l’engagement de l’UE dans les médias sociaux d’autant que les considérants introductifs constatent que « les citoyens ont le droit (…) d’exprimer leurs propres idées sur l’UE et d’être écoutés (…) ».

Comment la communication de l’UE peut-elle relever le défi de faciliter le dialogue avec les citoyens sans s’engager dans les médias sociaux ?

Et on faisait vraiment la révolution de la communication de l’UE ?

Afin de prendre au mot Viviane Reding – la Commissaire en charge de la communication – qui, selon Euractiv, prévoit une “révolution” de la communication de l’UE, que faudrait-il pour vraiment faire cette révolution ?

Donner une base légale à la stratégie de communication de l’UE

Actuellement, toute la politique de communication de l’UE repose sur un acte non normatif, puisqu’une simple déclaration politique selle l’accord stratégique entre les institutions de l’UE (signée le 22 octobre 2008 par Alejo Vidal-Quadras, vice-président du Parlement européen, Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État français, au nom du Conseil de l’Union européenne, et Margot Wallström, vice-présidente de la Commission européenne).

Dans le prolongement de cette démarche pragmatique de partenariat entre les institutions communautaires et avec les États membres, la Commission européenne devrait impulser la procédure d’adoption d’un acte normatif sur la communication de l’UE afin de pleinement fonder la légitimité de la stratégie de communication de l’UE.

Au-delà d’un choix annuel de priorités conjointes de communication et d’une coopération concrète entre les services de communication des institutions de l’UE et avec les États membres, les partenariats de communication pourraient être véritablement dotés de plans de communication avec des budgets propres.

Créer une agence européenne de la communication de l’UE

Actuellement, la politique de communication de l’UE repose quasi uniquement entre les mains de la DG COMM de la Commission européenne, au point de brouiller les limites entre la communication politique du Président de la Commission et de ses Commissaires et la communication publique de l’UE. Aussi, il conviendrait de créer une agence européenne de la communication de l’UE qui aurait la mission de piloter la communication de l’UE. Pour en savoir plus sur cette agence, lire : « Et si la révolution dans le discours sur l’Etat de l’Union de Barroso était l’annonce de la création d’une agence européenne de la communication de l’UE ? ».

Adopter un mix média adapté au web

Actuellement, la politique de communication de l’UE repose sur des stratégies média successives :

En s’inspirant d’un billet de Nicolas Bordas, président de l’agence TBWA Paris, qui prend acte de la fin d’une vision binaire des médias puisque les marques sont devenues elles-mêmes média, le nouveau média-mix de l’UE serait :

  • les médias que l’UE possède («owned media ») : les médias que l’UE possède, de loin les plus importants (site Internet, porte-parole, produits d’édition, réseaux…) car ils ne se contentent pas de communiquer un message, mais une expérience de marque.
  • les médias que l’UE achète (« bought media ») : les médias que l’UE achète (TV, Radio, Cinéma, Presse, Affichage, Internet lorsqu’il y a achat d’espace), indispensables mais coûteux et trop rarement utilisés.
  • les médias que l’UE se créée (« created media ») : les médias que l’UE se crée elle-même, de manière unique et spécifique (événementiel), peuvent d’ailleurs devenir ultérieurement des médias que l’on possède.
  • les médias que l’UE « gagne » (« earned media ») : les médias qui « passent par l’humain », qu’il s’agisse de journalistes, de leaders d’opinion, de prescripteurs ou de citoyens-ambassadeurs. Pour une marque, investir ce relais, c’est d’abord s’occuper de ses clients !

La véritable révolution aujourd’hui serait que le système de communication de l’UE ne craigne pas d’inclure son audience – les citoyens – comme partie centrale, non plus à l’extérieur de sa sphère mais à l’intérieur, à la place que chaque citoyen veut bien donner à l’UE, si elle se montre capable de dialoguer, de répondre aux critiques, d’informer, de répondre aux attentes/besoins…

Et si la révolution dans le discours sur l’Etat de l’Union de Barroso était l’annonce de la création d’une agence européenne de la communication de l’UE ?

Alors que José Manuel Barroso s’apprête à tenir son premier discours sur l’Etat de l’Union (l’une des innovations introduites par le plan d’action de Viviane Reding, la Commissaire en charge de la communication) la révolution revendiquée – que l’on peut craindre sans lendemain – serait vraiment au rendez-vous avec l’annonce de la création d’une agence européenne de la communication de l’UE. Pourquoi une telle agence ?

La volonté de « dépassionner un antagonisme d’ordre politique, voire idéologique »

En effet, la mission de communiquer sur l’Europe, que certaines considèrent « impossible », est marquée par de fortes divergences de vues entre les institutions communautaires et les États membres.

La création d’une agence pourrait conduire à « techniciser » le débat en fournissant des données objectives et incontestables sur la base d’indicateurs permettant de comparer le bien-fondé des différentes options politiques envisagées.

De surcroit, une agence constituerait un meilleur gage d’indépendance que les services de la Commission, du Conseil ou du Parlement, soumis à des pressions de diverses natures qui pourraient faire peser un soupçon sur l’impartialité de leurs travaux.

Une mission précise et des activités exclusivement communautaires aux plus-values évidentes

La mission de l’agence européenne de la communication publique consisterait à assurer la communication de l’Union européenne en lieu et place des différents services de communication des institutions communautaires.

Dans le cadre de cette mission, l’agence se verra confier les activités suivantes :

  • définir des orientations générales pour une communication coordonnée au sujet des questions européennes et établir une certaine cohérence de l’identité graphique des activités de communication de l’Union ;
  • mettre en œuvre les priorités annuelles de l’Union européenne dans le domaine de la communication en adoptant un programme de travail annuel et des plans d’action visant à donner une suite aux conclusions des évaluations ;
  • contribuer au développement d’une sphère publique européenne.

Au-delà de ces activités stratégiques, l’agence aura des activités plus opérationnelles, notamment :

  • appliquer les partenariats de gestion avec les États-membres permettant depuis la déclaration politique du 22 octobre 2008 d’améliorer la coordination des activités de communication relevant des priorités définies, sur la base de plans de communication conjoints
  • collecter, analyser, transmettre, mettre en réseau une information objective, fiable et facilement accessible ;
  • signer des contrats d’objectifs et de moyens assortis d’indicateurs de performance permettant de mesurer les moyens mobilisés, les travaux exécutés et les résultats obtenus.

Par ailleurs, l’agence se verra confier des missions complémentaires des initiatives de communication sur l’Europe engagées par les Etats membres :

  • d’une part, il s’agit de tâches de coordination ou d’échanges d’informations et de bonnes pratiques, qui, par leur nature même, sont plus faciles à conduire à un niveau supranational ;
  • d’autre part, la complémentarité pourrait résulter de la mise en commun de ressources des États membres. Une mutualisation de moyens, dont l’évolution pourrait être de confier progressivement l’activité à l’agence européenne.

Ainsi, la plus-value de cette agence européenne de la communication publique est avérée puisqu’il s’agit d’une mission spécifique d’harmonisation de la communication européenne dont on ne retrouve pas d’équivalent dans les politiques mises en œuvre au niveau national et qui résulte d’une application rigoureuse du principe de subsidiarité en confiant des compétences claires à l’UE.

Une pleine implication des États membres dans la gouvernance des agences européennes

Le degré d’implication des États membres se traduit par leur participation au conseil d’administration de l’agence. Il s’agirait de prévoir la représentation de chaque État membre dans leur conseil d’administration ainsi que de toutes les institutions exécutives communautaires, à commencer par la Commission, le Conseil et le Parlement.

Une mutualisation des moyens pour une plus grande réactivité et une plus grande souplesse de gestion

Suivant les recommandations du rapport d’information du Sénat, la mutualisation des moyens permettrait de réaliser des économies d’échelle.

La mutualisation des moyens pourrait porter sur les moyens généraux, tels que les ressources humaines, en particulier au niveau des fonctions support telles que l’assistance dans la procédure budgétaire et en matière d’appel d’offres ou de conseil juridique ou la traduction.

En outre, avec une stricte application des principes de discipline budgétaire et de bonne gestion financière et une parfaite maîtrise des effectifs s’appuyant sur une réelle prise en compte des résultats, le fonctionnement de l’agence se révèlerait particulièrement efficace.

Ainsi, la création d’une agence européenne de la communication de l’UE constituerait vraiment une avancée pour la communication de l’UE, dont on peut regretter que le 1er discours sur l’Etat de l’Union ne l’annonce pas.

Dernière vague Eurobaromètre : la Commission européenne vise-t-elle à manipuler les citoyens plus qu’à les informer ?

Loin des objectifs de connaissance des opinions publiques européennes – que poursuivent normalement les enquêtes Eurobaromètres semestrielles depuis 1973 – la dernière vague semble servir pour la Commission européenne à des fins d’instrumentalisation, voire de manipulation de l’opinion publique…

Les principaux résultats bruts

Commençons par la lecture brute des principaux résultats de la dernière enquête Eurobaromètre du printemps 2010 réalisée en plein cœur de la crise grecque en mai dernier :

Popularité « affective » de l’UE en crise :

  • soutien à l’adhésion à l’UE tombé à 49% (-4) : niveau le plus bas enregistré dans la dernière décennie ;
  • confiance dans l’UE diminuée à 42% (-6) : il y a maintenant plus d’Européens à ne pas faire confiance à l’UE (47%, +7) ;
  • éléments positifs de l’UE moins souvent cités : identification à la démocratie (19%; -7) ou à la paix (24%; -4), prospérité économique (14%; -4) et une voix forte dans le monde (22%; -3).

Légitimité « instrumentale » de l’Europe en progrès :

  • 86% pour que les États membres collaborent davantage pour prendre des mesures pour lutter contre la crise financière et économique ;
  • 75% pour le renforcement de la coordination des politiques économiques et politiques financières entre tous les États membres.

Ainsi, deux tendances s’imposent chez les Européens :

  • popularité de l’UE en crise même chez les plus traditionnellement euro-enthousiastes ;
  • gouvernance économique plus forte majoritairement favorable à l’échelle européenne.

La lecture politique du sondage

Dans le communiqué de presse du 26 août dernier au titre partial « Enquête Eurobaromètre de printemps: les citoyens de l’Union européenne sont favorables à une gouvernance économique européenne plus forte », Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, également chargée de la communication ose affirmer : « Le fait qu’une majorité significative se prononce en faveur d’un renforcement de la gouvernance économique européenne montre que, pour les citoyens, une partie décisive de la solution à la crise passe par l’Union européenne ».

Pour la Commission européenne, l’Eurobaromètre ne semble plus seulement un outil de connaissance de l’opinion publique européenne mais devient également un moyen d’influencer perception et conclusions que l’on a du sondage.

Même Euractiv, dans son style, conteste l’usage politique du sondage : « En dépit de la vision positive de Bruxelles, une analyse plus profonde du rapport révèle une crise de la confiance dans l’Union. »

Á refuser de dire le réel tel qu’il est, il finira par se venger.