A quoi sert finalement la communication européenne ?

Le mouvement semble inversement proportionnel au cours de la dernière décennie écoulée entre la multiplication des actions de communication de l’UE et la dégradation du sentiment des Européens, de l’indifférence, à la défiance jusqu’au démantèlement avec le Brexit. Sans doute est-ce dû à la croyance que la communication – seule – aurait pu réconcilier l’UE et les citoyens ou que l’âge de l’accès numérique – seul – aurait pu se substituer à l’espace public européen. Il n’en est rien et même surtout, la communication, lorsqu’elle est inadaptée « ne peut que fragilisée davantage la démocratie européenne », selon Eric Dacheux dans « La communication publique de l’UE ne rapproche pas l’Europe des citoyens » in Incommunications européennes, Revue Hermès 77, 2017

Faiblesses et dangers de l’approche marketing « persuasive » de la communication européenne

D’une part, l’inefficacité de la communication européenne provient de l’aveuglement stratégique : « vouloir rapprocher l’Europe des citoyens est un objectif impossible à atteindre », sinon pour donner du grain à moudre à ceux – très nombreux – qui estiment que l’Europe technocratique se fait par les fonctionnaires et les élus, sans les citoyens.

D’autre part, l’inefficacité de la communication européenne vient également du marketing, « une méthode et des moyens inadaptés » : se contenter de rapporter la décision consensuelle finale sans mise en scène des positions et des conflits génère de la défiance.

En somme, pour Eric Dacheux, la communication persuasive est aussi dangereuse qu’inefficace :

  • Séductrice, en décourageant l’esprit critique avec des messages qui sont en quelque sorte le plus petit dénominateur commun entre Européens ;
  • Intrusive, en envahissant l’espace public (TV, ciné, radio, presse…) comme bruit de fond permanent ;
  • Simplificatrice, en ouvrant la voie au populisme et à la fabrication de boucs émissaires ;
  • Propagandiste, en devenant une technique professionnelle…

Quoique cette critique du « marketing » soit parfois excessive, il n’en demeure pas moins que la période d’une communication européenne de masse, top-down, uniforme sur la forme et univoque sur le fond (cf. la communication corporate de l’UE) est largement finie.

Pour une nouvelle approche délibérative de la communication européenne

En dépit de l’absence d’une espace public européen, quelques avancées sont relevées ces dernières années :

  • Des espaces sectoriels, dépendant des acteurs menant des débats sur des questions européennes
  • Des médias internationaux transeuropéens (CaféBabel, Euronews…)
  • Des ouvertures dans les espaces publics nationaux lors d’événements planétaires, de scrutins nationaux ou européens et via des rubriques « Europe », hélas bien à la peine lors de cette rentrée…

De même, sur les conditions de réalisation d’une Union européenne pleinement démocratique, selon Habermas, à chacun de relever au choix le verre à moitié vide, ou à moitié plein :

  • Besoin d’une constitution européenne, définitivement renvoyée aux calendes grecques
  • Besoin d’une culture politique commune, en voie de progression grâce aux élections européennes
  • Besoin d’un système de partis politiques transfrontières, actuellement discuté en sourdine autour d’une liste paneuropéenne avec le reliquat d’élus britanniques au Parlement européen ou de la nécessité de primaires paneuropéennes ouvertes pour choisir les « SpitzenKandidaten » du prochain scrutin ;
  • Besoin d’une société civile européenne, que le combat pour la transparence des institutions européennes par des ONG ou le lobbying citoyen via l’initiative citoyenne européenne incarnent à leur manière.

Au total, et ce message salvateur mérite d’être entendu : à l’heure actuelle toute politique de communication visant à réduire le fossé risque au contraire de le combler. La démarche de dialogue autour de l’avenir de l’UE (cf. les livres blancs) est explosive, selon la manière dont elle sera menée.

Et surtout, la communication n’est pas la solution clé, si l’on ne s’attaque pas très vite aux racines du mal européen, à savoir la méthode qui jusqu’à présent n’a pas suffisamment associée les citoyens aux discussions sur les solutions envisagées. A moins d’une semaine du discours sur l’Etat de l’Union, voilà le président Juncker averti.

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