La réunification de l’Europe, avec les élargissements successifs traduit moins des retrouvailles que des reproches au point que « l’incommunicabilité des expériences », selon l’expression de Joanna Nowicki dans la revue Hermès consacrée aux incommunications européennes, provoque des malentendus majeurs entre les 3 Europes : l’occidentale, le centre-est et l’est. Comment faire face à nos incompréhensions mutuelles qui empêchent une véritable communication européenne commune ?
Un nouveau lien « chaud » à l’Europe pour régler la question de l’identité
Premier terrain miné en Europe, la question de l’identité qui oppose deux visions :
- A l’ouest, l’ambition du patriotisme constitutionnel, reposant sur la vertu du lien formel et rationnel a visé à construire une nouvelle identité européenne citoyenne au point de rendre l’identité nationale un sujet archaïque et tabou ;
- A l’est, l’idéologie internationaliste du communisme a conduit en réaction à associer l’identité nationale à la sauvegarde d’une communauté de valeurs traditionnelle.
Entre ces deux approches de l’identité européenne qui conduisent à une impasse, un compromis doit être trouvé pour créer un lien plus historique et culturel à l’Europe qui offre une continuité historique collective « sans trou de mémoire ou de page blanche ».
Un nouveau récit co-construit de l’histoire et un dialogue des idées pour résorber le rapport à la langue
Deuxième sujet complexe, le rapport à la langue, à sa force et son utilité, là encore sont différents en Europe :
- A l’ouest, la recherche de la vérité est de plus en plus associée à un discours moralisant et dogmatique ;
- A l’est, la liberté de pensée était la seule issue face à la propagande.
De part et d’autre, la langue est captée depuis longtemps par les idéologies et la manipulation des esprits, sans oublier le double danger contemporain du politique correct et des discours de la haine.
Afin de faire face aux langues artificielles, aux slogans politiques, à la « novlangue du monde actuel », l’Europe doit parvenir à un nouveau récit co-construit de l’Europe, pour l’Europe.
Une nouvelle éducation culturelle et intellectuelle croisée pour fonder une conscience européenne commune sur la réconciliation et le pardon
Troisième enjeu de l’incommunicabilité des expériences, sortir du dilemme actuel qui a réduit toute communication à une négociation sur des intérêts et non à un dialogue autour des valeurs entre les Européens.
Seule solution pour y parvenir, la voie de la réconciliation et du pardon pour briser à la fois l’indifférence à l’ouest et les frustrations à l’est. Cela se traduit par une narration croisée qui permette l’émergence d’une conscience européenne commune.
L’éducation pour transmettre intellectuellement l’Europe ainsi que la littérature et le cinéma, par exemple, pour des transferts culturels pourront briser l’imaginaire des frontières visibles et invisibles.
Ainsi se trace la voie d’une véritable communication européenne tout à la fois réconciliée, co-construite, collective, croisée et comparée.