Archives mensuelles : février 2012

Quelle est l’influence de l’UE dans votre vie quotidienne ?

La campagne de communication que lance la présidence danoise du Conseil de l’UE : « Instantanés de votre vie dans l’UE » se révèle intéressante tant par sa conception à front renversé que dans sa réalisation vraiment pluri-média…

Une conception à front renversé : le public, principal acteur de la campagne

Plutôt qu’une énième campagne de communication top-down avec des messages conçus par l’émetteur qui se projette dans la tête des citoyens européens pour extrapoler leurs opinions en vue de déterminer des messages destinés à un public passif, la démarche danoise propose un renversement d’expression.

Ce n’est plus le commanditaire de la campagne de communication qui s’exprime à destination d’un public en position de récepteur, c’est le public qui est invité à s’exprimer au travers d’instantanés illustrant l’influence de l’UE dans leur vie quotidienne.

Par ailleurs, la sollicitation du public – pour ne pas sombrer dans une cacophonie argumentative et linguistique à l’échelle de l’UE – se concentre sur un média universel, la photographie. Et le concours pour que le public choisisse la meilleure photo se compose de catégories (photo la plus artistique/créative/amusante…) totalement éloignées des controverses européennes traditionnelles.

Gageons qu’une telle conception devrait permettre de nouvelles formes d’expression extrêmement signifiantes, quoique non verbalisées. Les premières photos dans la galerie – qui aurait pu disposer d’un moteur de recherche basé sur des tags associés par les auteurs des photos – sont plutôt réussies.

Une réalisation vraiment pluri-média : le numérique, au cœur du dispositif

Lancé au Danemark à l’occasion de rencontres dans des lycées de Copenhague et de Aarhus, où un millier de jeunes ont débattu de diverses problématiques ayant l’UE en toile de fond, le concours photo est accessible en ligne sur un mini site dédié (snapshots.eu2012.dk), une page Facebook et des applications pour smartphones (iOS et Android) qui permettent à la fois de trouver des aides à l’inspiration et de participer à la compétition.

Pour assurer la promotion, une campagne de communication utilisant différents supports, tels que des publicités dans des magazines pour la jeunesse et des cartes postales distribuées dans les cafés, les cinémas, les bibliothèques, les ONG… est menée au Danemark.

Le lauréat dans chaque catégorie recevra une tablette numérique tactile et les différentes contributions seront exposées, sous la forme d’une grande mosaïque, dans les établissements scolaires et les bibliothèques du Danemark.

Avec « Instantanés de votre vie dans l’UE », le Danemark propose une campagne originale au regard de ce qui se pratique en matière de communication européenne pour sensibiliser les jeunes à la construction européenne.

Qu’est-ce qui s’annonce intéressant dans le séminaire « The Next Web and its Impact on Government Communication » ?

Dans le cadre des séminaires organisés de temps en temps par le Club de Venise, ce groupe de coopération interinstitutionnelle informelle en matière de communication européenne, « The Next Web and its Impact on Government Communication » aborde, le jeudi 16 février prochain au Conseil de l’UE, la communication gouvernementale et comment elle est affectée par le paysage numérique, en utilisant des exemples concrets et des études de cas. Qu’est-ce qui s’annonce intéressant ?

Sessions du matin : tendances numériques et impacts sur la communication publique

Au cours de la matinée, le discours d’ouverture de Reijo Kemppinen, le directeur général presse, communication et transparence au Secrétariat du Conseil sera à écouter avec attention tant en raison de son parcours personnel (ancien journaliste, ancien porte-parole de Romano Prodi, président de la Commission européenne) que de ses dernières interventions (discours de clôture à EuropCom et interview à Euractiv).

Par ailleurs, les débats modérés par le journaliste Damien Van Achter : « Développeur éditorial chez OWNI » devraient être instructifs pour ce qui concerne la communication européenne, avec notamment :

  • Zvonimir Frka-Petešić, le directeur de la campagne de communication de l’UE sur le référendum européen en Croatie ;
  • Karolina Wozniak, la coordinatrice media sociaux au Parlement européen qui prévoit une présentation sur les usages des médias sociaux lors des futures élections européennes en 2014.

Sessions de l’après-midi : comportements et attentes des e-citoyens et services publics en ligne

Les tables rondes prévues dans le programme l’après-midi se concentreront sur les services publics numériques :

  • gouvernement et réseaux sociaux : comment le web social favorise une culture interne de la collaboration et le partage d’information ;
  • service public de l’avenir : comment mieux interagir et servir les citoyens ? applications mobiles et tactiles, open-data, géolocalisation…

« The Next Web and its Impact on Government Communication » s’annonce comme un événement –piloté par Aurélie Valtat, responsable de la communication web au Conseil de l’UE – à ne pas manquer.

Porte-parole de la Commission européenne : plus de la moitié sur Twitter

Tandis que l’attention médiatique (cf. dépêche AFP : « Avec Twitter les commissaires européens goûtent au plaisir du parler vrai ») est portée sur la présence dorénavant majoritaire des Commissaires sur le réseau de micro-blogging avec l’inscription du 14e Commissaire européen Androulla Vassiliou @VassiliouEU, l’activité charnière des porte-parole de la Commission européenne, eux-mêmes très présents sur Twitter, ne doit pas être négligée dans la communication européenne…

Le service du porte-parole, une activité charnière dans la communication de la Commission européenne

Au sein de la Direction générale de la communication, le service du porte-parole représente environ 10% des effectifs de la DG COMM avec une centaine de fonctionnaires, dont 40 porte-parole, selon la liste établie au 1er février 2012. Ce service occupe une place importante, à plus d’un titre :

  • place stratégique dans la communication de la Commission européenne, puisqu’il s’agit des quasi seuls personnels habilités à s’exprimer au nom de l’institution ;
  • place transversale au sein de l’organigramme à l’interface avec les autres directions générales, puisqu’il s’agit des quasi seuls personnels informés de toutes les initiatives de l’institution ;
  • position cardinale auprès des relais d’opinion, tant auprès des médias traditionnels que dans les médias sociaux, puisqu’il s’agit des quasi seuls personnels centralisant les échanges avec les journalistes et les inscrits sur Twitter.

Les porte-parole sur Twitter, une présence balbutiante dans la communication de la Commission européenne

Avec au total, 22 comptes Twitter chez les porte-parole pour 4 665 Tweets et 15 686 Followers à ce jour, la présence des porte-parole sur Twitter est encore balbutiante :

  • le porte-parole le plus suivi : « ECspokesKoen » est très logiquement le chef du service du porte-parole de la Commission européenne ;
  • le porte-parole le plus actif : « ECspokesRyan » est assez logiquement le porte-parole de la Commissaire Neelie Kroes, responsable de l’agenda numérique et disposant d’un compte Twitter de plus de 35 000 Followers.

Comment améliorer la présence des porte-parole sur Twitter ?

Afin de pleinement déployer la présence de la Commission européenne sur Twitter, les porte-parole auraient intérêt à mieux se faire connaître des acteurs présents en ligne (institutionnels, journalistes, bloggeurs…) via la pratique du Following.

Par ailleurs, les porte-parole de la Commission européenne devraient également mieux se coordonner avec les équipes médias sociaux des Commissaires et des directions générale afin que les infos circulent davantage entre les comptes @EUCommissaireX/Y ; @DGtruc/bidule et @ECspokemachin/chose.

Enfin, les porte-parole de la Commission européenne auraient tout intérêt à développer des listes de comptes classées par thèmes, à inclure dans leur veille en ligne des sujets de conversation relatifs à leur politique publique européenne.

L’arrivée des porte-parole de la Commission européenne – concomitante à la présence des Commissaires –se généralise, il convient maintenant de mieux l’organiser.

Quelle est la plus grave erreur de la stratégie de communication de l’UE ?

Depuis la nomination de Margot Wallström, Vice-Présidente de la Commission européenne responsable de la stratégie de communication de l’UE en 2004, de nombreuses initiatives de communication ont été engagées. Pourtant, aucune n’est parvenue à changer le regard et les jugements des citoyens européens sur l’UE. Pourquoi ?

Il serait trop simple et inexact de considérer qu’il s’agit simplement d’une question de moyens humains, matériels ou financiers. La complexité des sujets, la diversité des publics, la multiplicité des médias, le multilinguisme sont autant d’excuses qui ne parviennent pas à expliquer totalement l’échec de la communication européenne.

Une communication dans le contrôle et quasi exclusivement menée sur des médias maîtrisés

Le point commun de pratiquement toutes les actions de communication menées par les institutions européennes repose sur la définition de messages et la réalisation d’outils de communication pour diffuser ces messages.

La campagne de communication type s’articule de manière quasi systématique autour d’événements ou d’anniversaires propres à la construction européenne et se déploie au travers du lancement d’un nouveau site Internet (cf. les 50 ans de la PAC), de l’organisation d’un événement à Bruxelles (cf. les 25 ans d’Erasmus) ou de la publication de nouveaux supports print. Ces derniers temps, la promotion via les canaux de communication maîtrisés par l’UE dans les médias sociaux sont également mobilisés.

Exceptionnellement, la campagne de communication type est accompagnée d’une démarche timide d’achat d’espaces publicitaires dans les médias traditionnels, le seul outil actuellement utilisés qui soit en mesure d’entrer en contact avec les citoyens.

Au final, les campagnes de communication de l’UE n’atteignent qu’un public très restreint, qui pour l’essentiel se limite aux « clientèles » de l’UE, qu’ils s’agissent de professionnels (par nécessité) ou d’amateurs (par conviction) de la chose publique européenne.

Une communication de l’UE solipsiste, éloignée de la réalité

Jamais, jusqu’à présent, l’approche pourtant condamnée dans les faits n’a été inversée. Les communicants de l’UE ne sont jamais partis de la réalité, en menant d’abord un audit des conversations et des lieux d’expression des citoyens sur les sujets européens pour ensuite se faire connaître et participer aux échanges, là où ils ont lieu.

À aucun moment, une réflexion de fond est menée sur les conditions de réception des messages européens et encore moins sur les conditions du dialogue.

La réalité, voilà finalement la zone d’ombre de la communication européenne. Autrement dit, la principale erreur de la communication de l’UE, c’est le « solipsisme », c’est-à-dire cette attitude générale, d’après laquelle, il n’y a pour l’UE d’autre réalité qu’elle-même.

Pour inverser le prisme de la communication européenne, l’approche viserait d’une part, à moins contrôler les interventions des « porte-parole » des institutions européennes pour que leurs propos soient plus authentiques, naturels, crédibles, empathiques… et d’autre part, à s’exprimer sur des médias qui ne sont pas uniquement maîtrisés par l’UE.

L’ego européen est finalement la seule chose qui existe réellement pour l’UE et le monde extérieur ainsi qu’autrui n’est qu’une abstraction, qu’une représentation. Tant que la communication européenne se cantonne à être conduite dans cette ignorance de la réalité, l’UE ne peut parvenir à entrer en contact avec les citoyens européens.