Indubitablement, la transparence est une valeur démocratique qui s’est progressivement imposée dans les esprits et tout particulièrement avec le web social. Pour les individus, la chose est entendue, il s’agit de la disparition de la vie privée dans toutes les sphères du quotidien. Il en va de même pour les institutions publiques invitées à voir disparaître leur vieille posture de discrétion (lire le billet de Mathew Lowry relatif à la communication de l’UE : « Does more transparency make better comms? »). Pourtant, les choses ne sont pas si simples…
Garantir la transparence de l’information n’est pas la garantie d’une bonne communication basée sur la confiance
Qu’il s’agisse tant des individus que des institutions, la dynamique d’ouverture à l’autre – de pleine communication – consiste à établir et gérer des relations de confiance :
- pour les individus, le succès de la dite transparence induite par le web social ne repose pas vraiment sur le seul attrait de la mise à nu, mais bien plutôt sur l’émergence d’une « sphère extime » faite d’interactions sociales renouvelées, à la fois plus légères et plus authentiques ;
- pour les institutions, l’attrait de la transparence permise par le web social ne repose pas seulement sur le sensationnalisme des « leaks », qui suppose la détention d’un savoir ou de techniques que les citoyens n’ont pas seuls, mais bien plutôt sur le mouvement vers une plus grande association des citoyens à la décision publique.
Autrement dit, alors que l’information publique même plus abondante – ce qui laisse croire à la soi-disant transparence de l’information – demeure contrôlée et de nature descendante, l’aspiration à la vraie transparence repose sur l’échange dans la confiance et conduit à une co-production des informations échangées entre l’émetteur et le récepteur en vue d’une meilleure décision publique.
Assurer la co-production de la décision publique ne peut se faire qu’en assurant la cohérence de la communication publique
Si l’UE veut développer une relation de confiance avec les citoyens et assurer ainsi une co-production de la décision publique européenne – ce qui constituerait une véritable avancée démocratique – alors il faut assurer la cohérence de la communication européenne, au sens où l’entend Anthony Hamelle dans « 2012 : Netpolitique & Cohérence ».
La cohérence, une obligation nouvelle qui « ne s’attache pas nécessairement au résultat produit mais aux moyens déployés », c’est-à-dire à la manière de faire de la communication :
1. Besoin d’une cohérence dans l’immédiat pour permettre la discussion en temps réel avec les citoyens
Aujourd’hui, avec la pression du temps réel dans le web social qui fait que les médias et les citoyens exigent des informations « synchronisées », il n’est plus possible pour une institution publique de dissimuler des informations, sans risquer de rompre la relation de confiance.
Ainsi, « c’est à une forme de cohérence immédiate que les institutions publiques doivent s’astreindre, en épousant les contours de l’actualité en temps réel pour assumer ou réfuter (de manière argumentée) les représentations qu’elle construit ».
2. Besoin d’une cohérence dans la durée pour permettre le fact checking des citoyens
Aujourd’hui, avec les capacités de mémoire collective que permet le web, il n’est plus possible pour une institution publique de se contredire sans risquer de rompre la confiance que son discours peut construire.
Ainsi, c’est à une forme de cohérence dans la durée que les institutions publiques doivent se conformer pour éviter de décrédibiliser leur parole tandis que le « fact checking » – exercés notamment par des leaders d’opinion actifs sur des blogs et sur Twitter – se développent.
3. Besoin d’une cohérence dans les formats pour permettre l’open data
Aujourd’hui, « faciliter l’accès à des données publiques toujours plus nombreuses pour vérifier, analyser et croiser des « réalités » sociales, économiques ou politiques et de les juxtaposer aux affirmations et prétentions des institutions publiques » correspond à une avancée démocratique que l’UE ne peut se permettre d’échouer.
Ainsi, c’est à une forme de cohérence dans les formats que les institutions publiques sont tenues pour permettre l’« open data » l’exploitation et l’appropriation des données publiques par le plus grand nombre.
Ainsi, satisfaire la demande citoyenne d’établir et de nourrir une relation de confiance entre l’UE et les citoyens ne se fera pas par une communication plus transparente – illusoire sinon dangereuse, même à l’échelle des individus – mais par une communication plus cohérente – un signe de respect pour les parties prenantes, de meilleure gouvernance et de maturité démocratique.